Le programme ne précise pas si la définition de l'intégrale
de Riemann doit figurer dans le cours. Certains collègues commencent
ce cours directement avec la définition de la primitive d'une fonction,
et
Ainsi, le théorème fondamental
de l'analyse, qui établit le lien entre l'intégration et la dérivation,
devient trivial.
A mon avis, ce cours est quand même l'occasion ou jamais de définir
l'intégrale de Riemann. Même si on passe sur les
détails, on peut donner les trois définitions de ce premier chapitre
et évoquer l'interprétation géométrique qui est très liée à la
définition des sommes de Darboux.
Définition Une subdivision d'ordre d'un intervalle est une
partie finie
telle que
On notera l'ensemble des subdivisions de .
Exemple [subdivision équidistante]
Lorsque
avec
, on parle de
la subdivision équidistante d'ordre de ; on la note
parfois .
Le nombre est le pas (uniforme) de cette subdivision.
Définition La somme de Darboux inférieure resp. supérieure de
relativement à une subdivision sont définies par
resp.
où
est la longueur du sous-intervalle
.
Les sommes de Darboux sont des réels bien définis ssi la fonction
est bornée,
.
Sauf mention du contraire, dans tout ce qui suit, les fonctions
considérées seront toujours bornées sur l'intervalle en question, sans
que celà soit nécessairement dit explicitement.
Remarque Etudier l'interprétation géométrique des sommes de Darboux comme
aire des rectangles de base
, encadrant l'épigraphe de
de en-dessous resp. au-dessus.
Exercice Montrer qu'en ajoutant un point (entre et ) à ,
la somme de Darboux inférieure (resp. supérieure) croît (resp. décroît).
En déduire qu'on a
et
Utiliser le résultat précédent et la subdivision pour montrer que
Solution.
Remarque Lorsque
pour
, on dit que
est plus fine que . (C'est une relation
d'ordre partiel sur .)
Définition La fonction est Riemann-intégrable sur ssi
les deux nombres
coïncident ; ce nombre est alors appellé l'intégrale de Riemann de
sur (ou de à ), et noté
.
L'ensemble des fonctions Riemann-intégrables sur est noté
.
Remarque L'existence de et est évidente: il suffit
de constater que les ensembles
et
sont non-vides (prendre
) et majorés resp. minorés d'après l'exercice précédent.
On peut aussi montrer que et sont atteints lorsque
le pas de la subdivision,
tend vers zéro.
La taille de ce pas induit
la structure d'une base de filtre sur ,
permettant de considérer la limite de et en .
Remarque Revenir sur l'interprétation géométrique de et ,
en considérant la limite de subdivisions de plus en plus fines.
Remarque
La ``variable d'intégration'' dans
est une ``variable muette'', elle peut être remplacée par
n'importe quelle autre variable (qui n'intervient pas déjà ailleurs dans
la même formule).
Donnons encore une propsition d'ordre plutôt technique, avant
d'énoncer une condition d'intégrabilité suffisante dans tous les cas
que nous allons rencontrer.
Proposition (Critère d'intégrabilité de Riemann.) Une fonction est
Riemann-intégrable sur ssi pour tout il existe une
subdivision
telle que
.
Démonstration Par déf. de et ,
et
. Avec
, il vient que
.
Donc si
, on a la subdivision
souhaitée. Réciproquement, si une telle subdivision existe
pour tout , alors et coïncident évidemment.
Théorème Toute fonction monotone ou continue sur un intervalle
est Riemann-intégrable.
Démonstration Si est monotone, le et est atteint au bord de chaque
sous-intervalle .
On a donc
. Il suffit donc
de choisir le pas de la subdivision assez petit,
,
pour que ceci soit inférieur à un donné, d'où l'intégrabilité
d'après le critère de Riemann.
Pour une fonction continue, la démonstration est admise dans le cadre de
ce cours.
A titre indicatif:
est à remplacer par
, où
sont les points de l'intervalle fermé et borné en lesquels la
fonction continue atteint son maximum et minimum.
On utilise maintenant le fait qu'une fonction continue sur
y est uniformément continue, pour donné il existe
(indépendant du point ) tel que
.
Donc, pour , on a
. Ceci devient
aussi petit que voulu, car on peut prendre des subdivisions équidistantes
pour lesquelles
, il suffit donc de prendre
assez petit.
Pour montrer qu'une fonction continue est uniformément continue sur un
intervalle borné , on peut utiliser que l'ensemble des boules
ouvertes telles que
, est un recouvrement ouvert de , dont on peut
extraire un recouvrement fini d'après le théorème de Heine-Borel. Le
minimum de ces correspond au de l'uniforme continuité (au
pire pour au lieu de ).
(Pour une démonstration du théorème de Heine-Borel, voir ailleurs...)
Corollaire
De même, une fonction (bornée!) continue sauf en un nombre fini de points,
ou monotone sur chaque sous-intervalle d'une partition finie de ,
est Riemann-intégrable.
(On peut en effet utiliser l'additivité des sommes de Darboux,
pour
qui entraîne celle de et de même pour .)
Remarque [fonction de Dirichlet]
La fonction de Dirichlet,
n'est pas Riemann-intégrable, car on a
En effet, sur chaque
il existe un point
irrationnel, donc , mais aussi un point rationnel,
d'où . Ainsi et est somme des
longeurs des sous-intervalles et donc égale à .
Remarque Le pas uniforme des subdivisions équidistantes
simplifie beaucoup l'expression des sommes de Darboux (exercice!).
On peut montrer que pour
, on a
Les sommes de Darboux ne sont pas très utiles pour le calcul effectif
d'une intégrale, par exemple à l'aide d'un ordinateur, car il est en
général assez difficile de trouver les inf et sup sur les
sous-intervalles. On considère plutôt
ou
Plus généralement:
Définition Si
vérifie
, on appelle une
subdivision pointée et
la somme de Riemann associée à la subdivision pointée .
Si on pose de plus
, on a
c'est de là que vient la notation
.
Théorème Si
, alors les sommes de Riemann
tendent vers
, independamment du choix des ,
lorsque la subdivision devient de plus en plus fine.
Démonstration Par définition, il est évident que
.
Soit
et tel que
. Alors on a
aussi
, quel que soit le choix des ,
et a fortiori pour tout
. D'où le résultat.
Si est continue, atteint son minimum et maximum sur chaque
en un certain
et
.
On obtient donc les sommes de Darboux comme cas particulier des sommes
de Riemann, en associant à chaque des points
tels que
.
En particulier, lorsque la fonction est monotone, par exemple
croissante, sur un sous-intervalle , alors
et
. Les sommes de Riemann et données en
début de ce paragraphe coïncident donc avec les sommes de Darboux
inférieure et supérieure pour une fonction croissante.