3-1) Soit un espace vectoriel (réel). Un produit
scalaire est une application de dans , notée
, qui vérifie
(16)
On dit aussi que
est une forme bilinéaire
symétrique positive. Elle est dite strictement positive si au lieu de
(i) on a
(17)
Lorsque on a (), on dit que l'espace muni du produit scalaire
est un espace pré-hilbertien.
Lemme a) Si
est un produit scalaire,
l'application
vérifie (ii) et
(iii) de (), et on a l'inégalité de Schwarz:
.
b) Si de plus on a (), l'application
est une norme.
() implique que pour tout
:
Le membre de droite est un trinôme du second degré qui est toujours
positif, donc son discriminant
est
négatif ou nul: on en déduit l'inégalité de Schwarz. En particulier si
on obtient
de sorte que vérifie l'inégalité triangulaire.
L'homogénéité de est évidente, ainsi que la condition (i) de
() lorsqu'on a ().
Définition Un espace de Hilbert est un espace vectoriel muni
d'un produit scalaire vérifiant (), et qui muni de la norme
associée comme ci-dessus est un espace complet.
Exemple: L'espace muni du produit scalaire usuel (qui au
couple
associe
), est un espace de Hilbert. La norme associée
est la norme euclidienne usuelle.
3-2) Nous en venons maintenant à un théorème très important:
Théorème L'espace
est un espace de Hilbert
pour le produit scalaire
(18)
et la norme associée est la norme . En outre, on a
l'inégalité de Cauchy-Schwarz:
(19)
Comme
, on voit en premier lieu que si
alors , de sorte que la formule () a un sens. Il est
immédiat (à cause de la linéarité et de la positivité de
l'intégrale) que
vérifie (), et aussi que
. On a donc (), grâce à ().
On a vu au théorème que
est complet, donc c'est
un espace de Hilbert. Enfin () n'est autre que l'inégalité de
Schwarz appliquée aux fonctions et , pour le produit scalaire
ci-dessus (c'est aussi un cas particulier de l'inégalité de Hölder).
Lorsque
on dit aussi que converge vers en
moyenne quadratique.
Corollaire a) Si
et
, on a
.
b) Si est une mesure finie, on a
et l'injection
canonique de dans est continue, et on a
(20)
a) On a
, donc
en utilisant (). On déduit alors
des
hypothèses.
b) On a déjà vu l'inclusion
(lemme ), et la
continuité de l'injection canonique découle de (), qui
elle-même résulte de () appliquée à et à .
3-3) Géométrie des espaces de Hilbert. Dans ce sous-paragraphe,
on considère un espace de Hilbert , muni du produit scalaire
et de la norme associée . Nous allons donner
quelques éléments sur la ``géométrie'' de : il faut bien-sûr
penser à l'exemple fondamental d'espace de Hilbert
donné après
la définition :
les principales propriétés de la géométrie euclidienne se transposent
aux espaces de Hilbert sans modification.
Un élément de sera appelé souvent un ``vecteur''. Rappelons que
(sous-entendu: dans ) si
; rappelons aussi (cf.
après ()) que si on a
, c'est à dire
que l'application
de dans est continue. Plus
généralement l'application
de
dans est aussi continue: si et , on a
(cela se démontre exactement comme la
partie (a) du corollaire ).
Commençons par la notion d'orthogonalité:
Définition Deux vecteurs et de sont dits orthogonaux si
(on écrit aussi ). Si
est une partie de on appelle orthogonal de , et on note
, l'ensemble des vecteurs qui sont orthogonaux à tous
les vecteurs de . Deux parties et de sont dites orthogonales si
(
).
Le résultat suivant est très intuitif en dimension finie (faire, par
exemple, un dessin dans le cas de la dimension ).
Proposition a) L'orthogonal de toute partie de
est un sous-espace vectoriel fermé de , et est donc lui-même un
espace de Hilbert (fermé signifie que la limite d'une suite
quelconque de vecteurs de appartient aussi à ).
b) (Théorème de projection) Si est une partie convexe fermée de
(cf. avant le lemme
pour la définition de la convexité), et si , il existe
un vecteur et un seul, noté de et appelé projection
orthogonale de sur , qui minimise l'application
sur . On a si .
a) Pour tous
et
on a
et
si : par suite et sont dans , qui
est donc un espace vectoriel. Si et
et
on a
: donc appartient
à , qui est donc fermé. Enfin la restriction du produit
scalaire à est encore un produit scalaire, et si
est une suite de Cauchy dans , c'est aussi une
suite de Cauchy dans , donc elle converge vers une limite qui
appartient à d'après ce qui précède: cela prouve que
est aussi un espace de Hilbert.
b) Soit
. Il existe une suite
dans
telle que
. Montrons que cette suite est de Cauchy. En
effet, il est facile de voir à partir de () et de
que
. Donc
Par ailleurs la convexité de implique
, donc
, et il vient
Comme
on en déduit que
lorsque
et tendent vers : la suite est donc de Cauchy, de sorte
qu'elle converge vers une limite qui vérifie
, et qui appartient à puisque est fermé.
Il reste à montrer l'unicité de . Si vérifie également
, posons et
. On a
pour
tout , donc d'après ce qui précède la suite est une suite de
Cauchy, qui converge; comme elle admet les deux points limite et
, il faut donc que . Enfin si , il est clair que
minimise
sur .
Proposition Soit un sous-espace vectoriel fermé de .
a) est l'unique vecteur de tel que
.
b) est une application linéaire continue, contractant la norme (i.e.
). Son image est et son noyau est , et on
l'appelle l'opérateur projection (orthogonale) sur .
c) Tout vecteur de se décompose de manière unique en une somme
avec et
, et on a et
(donc les sous-espaces et sont
supplémentaires dans ).
d) On a
.
a) Soit . Pour tout et tout
on a
, donc
pour tout
, ce qui n'est possible que si
:
cela montre que
. Si vérifie aussi
, le vecteur est à la fois dans et dans ;
étant orthogonal à lui-même, il est nul (par ()).
b) Le fait que soit une application linéaire découle
immédiatement de la caractérisation (a). Il est clair que l'image de
par est contenue dans , et comme si , elle est
exactement . D'après (a) on a si et seulement si
, donc cet ensemble est le noyau de . Enfin, toujurs
d'après (a), on a avec et , de sorte que
et
: ainsi, est
une contraction, et est donc en particulier continue.
c) On a vu ci-dessus que avec et
. Comme
est aussi un sous-espace vectoriel fermé, et comme et
que tout vecteur de est orthogonal à (propriété
évidente), la caractérisation (a) pour
implique que
. Si est une autre décomposition
avec et
, par différence est dans
, et on a déjà vu que cela implique : on a donc
achevé de prouver (c).
(d) On a déjà vu que
, et l'inclusion inverse
découle de (c).
Soit une partie de . L'espace vectoriel engendré par , et
noté , est le plus petit espace vectoriel contenant (il existe,
car d'une part
, d'autre part une intersection quelconque
d'espaces vectoriels est un espace vectoriel). Noter que, de manière
évidente, est ausi l'ensemble des combinaisons linéaires finies de
vecteurs de .
La fermeture de (i.e. l'ensemble des limites des suites convergentes de
vecteurs de ) est encore clairement un espace vectoriel, appelé
l'espace vectoriel fermé engendré par. Enfin, on dit que est total dans si l'espace vectoriel fermé engendré par
égale .
Corollaire Une partie de est totale si et seulement si
.
Soit l'espace vectoriel fermé engendré par . Il est évident
que
. Si
, alors est aussi
orthogonal à tous les éléments de (utiliser ()-(iii));
si alors il existe des
avec , et comme
pour tout on a aussi
et
par suite
: on a donc
. Comme
équivaut à
par (c) de la proposition , on a le
résultat.
Le second sujet important est celui de la dualité. Rappelons que si
est un espace vetoriel normé, son dual est l'ensemble
des applications linéaires
telles que
pour tout , pour une certaine constante (cette dernière
propriété est en fait équivalente à la continuité de ). Il est
clair que est un espace vectoriel, qu'on munit d'une norme
définie ainsi:
(21)
Lorsque est un espace de Banach, on peut montrer qu'il en est
de même de
.
Théorème Soit un espace de Hilbert. On peut identifier le
dual
avec , en associant
à tout l'application linéaire définie par
.
Si l'application définie ci-dessus est linéaire
continue et vérifie
d'après l'inégalité de
Schwarz. Comme
, ()) implique
. Remarquer aussi que si
, le
vecteur est orthogonal à tout , donc orthogonal en
particulier à lui-même, de sorte que .
Il reste à montrer qu'inversement, si
il existe un tel
que
. Si , répond à la question. Supposons donc
que . Le noyau de est un sous-espace vectoriel de ,
fermé à cause de la continuité de , et n'est pas
réduit à (sinon on aurait d'après le corollaire ,
donc ). Soit alors
, , de sorte que
. Posons
.
Pour tout on pose
. On a
,
donc , donc
et
est donc nul: par suite
.
Le troisième sujet important est celui des bases orthonormales. Commençons par une définition:
Définition Un système orthonormal est une famille
de vecteurs de l'espace de Hilbert qui vérifie
si et
. Une base
orthonormale est un système orthonormal total dans .
D'après le corollaire , un système orthonormal
est une base si et seulement si
(22)
Attention: une base orthonormale n'est pas une base ``algébrique'', au sens
où tout vecteur serait une combinaison linéaire finie de vecteurs de la
base, sauf bien-sûr si est de dimension finie.
Soit
un système orthonormal fini, et l'espace
vectoriel fermé qu'il engendre. contient évidemment l'ensemble des
combinaisons linéaires finies
(
) et,
comme ce dernier ensemble est à l'évidence fermé il est en fait égal
à . Noter que si
et
, alors
Ainsi, peut être identifié à l'espace muni de la norme
euclidienne, par la correspondance
.
Cela se généralise:
Proposition Soit
un système orthonormal
dénombrable, et l'espace vectoriel fermé engendré par ce
système.
a) est isomorphe, en tant qu'espace de Hilbert, à l'espace des
suites réelles
telles que
. Plus
précisément si est dans , la série
converge dans et définit un vecteur de ; l'application
est linéaire bijective de dans et préserve le
produit scalaire (donc la norme, donc elle est continue ainsi que son
inverse):
(23)
b) Si et
, alors
appartient à et on a
, et en particulier
(24)
avec égalité si et seulement si .
Commençons par un lemme, qui a un intérêt propre:
Lemme Si
est une suite de vecteurs
deux-à-deux orthogonaux, la série converge dans si et
seulement si
, et on a alors
(25)
Soit
et
. Si on a
puisque
si . La suite converge
dans si et seulement si elle est de Cauchy, donc d'après ce qui
précède si et seulement si la suite est de
Cauchy dans , donc si et seulement si
. Enfin
sous ces conditions, on note la limite de la suite ; exactement
comme ci-dessus on a
, et en passant à la limite on obtient
().
Preuve de la proposition . a) Soit
.
Comme
, le lemme entraine que la série
converge, et on note sa somme. Il est clair que , et que
est linéaire. () implique
(on note et
la norme et le produit
scalaire de ). On a
, et une relation
analogue entre et
: donc l'application
linéaire
, qui préserve la norme, préserve aussi le
produit scalaire, et on a (). Enfin, l'image de est un
espace vectoriel contenant les et contenu dans ; si et
, alors est une suite de Cauchy dans , donc les inverses
forment une suite de Cauchy dans , convergeant donc vers
une limite , et évidemment : ainsi est fermé, donc
et est bijective de dans .
b) Soit et . Il existe
avec
et
. Si
, on a
si , et comme on en déduit
que
pour tout . Pour terminer il suffit de
remarquer que
(``théorème de Pythagore''),
donc
, avec égalité si et seulement si , donc si et
seulement si .
Revenons pour terminer à l'espace
. On peut énoncer le
théorème dans ce cadre, ce qui donne:
Théorème L'espace est son propre dual, ce qui revient à
dire qu'à toute application linéaire continue de dans
on peut associer une fonction telle que
pour toute .
On a aussi le théorème suivant, que nous énonçons sans
démonstration:
Théorème Si une mesure -finie sur
, l'espace admet une base orthonormale
dénombrable.
Un exemple de base orthonormale: Supposons que soit muni
de la tribu borélienne
et de la mesure de Lebesgue . La suite de
fonctions ci-dessous constitue une base orthonormale de , appelée la
base de Haar: