Nous nous proposons de démontrer dans ce paragraphe le résultat
fondamental selon lequel deux mesures admettant la même transformée de Fourier sont égales,
ainsi que quelques corollaires qui seront énoncés plus loin.
Nous allons commencer par un certain nombre de résultats auxiliaires.
D'abord, soit la fonction
(7)
Lemme La fonction est la densité d'une probabilité
sur , et sa transformée de Fourier est
.
a) La fonction est positive, et borélienne puisque continue. Pour
montrer que c'est la densité d'une probabilité il suffit donc de prouver
que
vaut . D'après la proposition 4- on a
Passons en coordonnées polaires: si
et
, à tout point
on associe
un point et un seul
de de sorte que
et
. est clairement un
-difféomorphisme de dans , dont le jacobien vaut
. Donc en appliquant le théorème 4- avec
, et et la fonction
, et en remarquant que
, on obtient (puisque l'ensemble
est de
-mesure nulle):
(la dernière égalité vient du théorème de Fubini, la fonction
qu'on intègre étant mesurable et positive). En faisant le changement de
variable
on voit que
, de sorte que
: donc .
b) On a
, avec
. La fonction
est clairement dérivable,
de dérivée
. Par ailleurs on a
, et la fonction
est
Lebesgue-intégrable: on peut donc
appliquer le théorème de dérivation sous le signe intégral
(proposition 3-), d'après lequel est dérivable, de
dérivée donnée par
En faisant une intégration par parties avec
(dont une
primitive est
) et
(dont la dérivée en est
), on obtient
La solution générale de l'équation différentielle à variables
séparables
étant
, et comme on a
d'après (a), on voit que nécessairement
.
Ensuite, pour tout on considère la fonction
(8)
(donc ). Il est facile par un changement de variable de vérifier
que
est encore la densité d'une probabilité sur , et
d'après () sa transformée de Fourier est
(9)
Enfin pour on définit la fonction suivante sur , en
utilisant la notation
:
(10)
D'après la proposition 4- et () sa transformée de Fourier est
(11)
Lemme Soit une mesure finie sur
. On a:
a)
.
b) Pour toute fonction continue bornée sur , l'intégrale
est la limite de
lorsque
.
a) Remarquons que
par () et (). Donc d'après 4-() et
() et le théorème de Fubini, il vient
d'où le résultat.
b) Soit
. On a la suite
d'égalités:
Posons alors
, et soit une
constante telle que
pour tout . On a
, et d'après 4-() et le fait que est
d'intégrale par rapport à la mesure de Lebesgue, on a
également, de sorte que
. Comme est
continue, on a
quand
. On peut alors appliquer
une première fois le théorème de Lebesgue pour obtenir que
converge quend
vers
. En appliquant une
seconde fois le même théorème, on obtient que
, et le résultat est prouvé.
Nous arrivons maintenant au théorème fondamental d'injectivité de
la transformée de Fourier:
Théorème a) La transformée de Fourier caractérise la mesure finie
(i.e. deux mesures finies ayant même transformée de Fourier sont égales).
b) La transformée de Fourier caractérise la fonction complexe Lebesgue-intégrable
à un ensemble
-négligeable près (i.e. deux fonctions
intégrables ayant même transformée de Fourier sont égales
-presque partout).
a) Il suffit d'appliquer le lemme : si on connait , on
connait aussi
d'après le lemme -(a), donc aussi
pour toute fonction continue bornée d'après le lemme
-(b): il reste à montrer que si et sont deux mesures
finies telles que
pour toute fonction continue
bornée , on a . Pour tout rectangle
il est facile de construire une suite
de
fonctions continues telles que
et que
.
D'après le théorème de Lebesgue on a
,
et de même pour . Par suite
pour tout rectangle comme
ci-dessus, et on sait que cela entraine .
b) Si on remplace par une fonction positive Lebesgue-intégrable ,
le lemme précédent reste encore valide (puisque cela revient à prendre
pour la mesure
). Par linéarité on remarque alors que
le lemme reste aussi valide pour remplacé par une fonction complexe
intégrable .
Deux fonctions complexes et , Lebesgue-intégrable, ayant même transformée de Fourier
vérifient donc
pour tout rectangle
, par le même argument que ci-dessus: le lemme
5--(b) (appliqué séparément pour les parties réelles et
imaginaires de et ) permet alors de conclure.
On peut être plus précis: en combinant les deux assertions du lemme
on voit que si est une fonction continue bornée, on a:
(12)
ce qui est une formule d'inversion des transformées de Fourier
des mesures finies. Pour les fonctions, on peut faire mieux:
Théorème a) Si est une mesure finie dont la transformée de Fourier
est Lebesgue-intégrable, elle admet une densité continue
et bornée par rapport à la mesure de Lebesgue, donnée par la
formule
(13)
b) Si est une fonction complexe Lebesgue-intégrable, dont la transformée de Fourier
est
également Lebesgue-intégrable, on a
(14)
Vu le théorème (b), dans (b) ci-dessus on ne peut pas faire mieux
que l'égalité
-p.p.; d'ailleurs, le membre de droite de ()
est continu borné, ce qui n'est pas nécessairement le cas de .
a) Soit définie par (). L'intégrand du membre de droite
est continu en et majoré en module par la fonction intégrable
, donc est bornée, et continue grâce à la proposition
3-. Par ailleurs, si est continue à support compact dans
, on peut échanger limite et intégrales dans le membre de
droite de () (théorème de Lebesgue). On obtient alors
pour toute fonction continue à support compact.
Soit maintenant
la classe des rectangles
avec
. Cette classe est stable par intersection, contient
une suite
croissant vers , et engendre la tribu
. De plus si
il est facile de construire des fonctions ,
, continues à support compact, telles que et
. On déduit alors de
et du théorème
de Lebesgue que
.
Le lemme 5--(b) appliqué aux fonctions 0 et partie
imaginaire de (qui vérifie
pour tout
d'après ce qui précède) implique
-p.p., et la
continuité de (donc de ) entraine qu'en fait , de sorte que
est à valeurs réelles.
Soit alors les mesures
et
, qui
vérifient
et
pour
. On a donc en
fait
pour tout
, et le théorème
4- implique
. Si alors
est
-négligeable, il vient
, donc : par
suite est absolument continue par rapport à
, et d'après le
théorème de Radon-Nikodym il existe une fonction positive
Lebesgue-intégrable, telle que
. Si
les
fonctions et sont Lebesgue-intégrables et vérifient
pour tout
, donc le lemme 5--(b) entraine
-p.p. pour tout . On a donc aussi
-p.p., ce qui achève la démonstration de (a).
b) Lorsque le résultat découle de (a) appliqué à la mesure
(puisqu'alors
, et que si est
une densité de par rapport à
on a
-p.p. d'après
le lemme 5-). On passe au cas général en prenant les parties
positives et négatives des parties réelle et imaginaire de .