On se pose le problème suivant: connaissant les coordonnées d'un vecteur dans une base donnée d'un espace vectoriel de dimension finie, comment trouver ses coordonnées dans une autre base de cet espace vectoriel.
Définition Soient E un k-espace vectoriel de dimension finie n et soient e et e' deux bases de E. On appelle matrice de changement de base de la base e vers la base e' la matrice dont la ième colonne est formée des coordonnées du vecteur e' de la famille e' dans la base e. On notera cette matrice: M(e',e). Cette matrice s'appelle aussi matrice de passage de la base e à la base e'.
Proposition Soit E un k-espace vectoriel de dimension n. Soient e et e' deux bases de E. La matrice de changement de base de la base e à la base e' est inversible.
Démonstration M(e',e) est la représentation matricielle d'un endomorphisme de E qui envoie la base e sur la base e'. Par conséquent cet endomorphisme est un automorphisme et M(e',e) est inversible.
La proposition qui vient justifie le vocabulaire utilisé dans la définition.
Proposition Soit E un k-espace vectoriel de dimension n. Soient e et e' deux bases de E. Soit x un élément de e de vecteur coordonné X=(x,...,x) dans la base e et de vecteur coordonné X'=(x',...,x') dans la base e'. Alors si M(e',e) désigne la matrice de passage de la base e à la base e': X'=(M(e',e))X.
Démonstration On a: x=
=
. Notons M(e',e)=()
=M. Le vecteur e s'écrit donc: e'=
. Donc x=
. En identifiant cette dernière expression avec celle: x=
, on obtient
Soit (x,...,x)=M(x',...,x'). Ou encore (x',...,x')=M(x,...,x).
Corollaire Si E est un k-espace vectoriel de dimension finie, que e et e' sont deux bases de E alors M(e,e').M(e',e)=Id. Autrement dit, la matrice de passage de la base e à la base e' est inversible d'inverse la matrice de passage de la base e' à la base e.
Démonstration Soit x un vecteur de E, X le vecteur colonne représentant x dans la base e et X' celui le représentant dans la base e'. Alors X'=(M(e',e))X. Mais X=(M(e,e'))X'. Donc X=(M(e,e'))(M(e',e))X. Cela étant vrai pour tout X de k, on en déduit (M(e,e'))(M(e',e))=Id, soit encore M(e,e')M(e',e)=Id.
Théorème Formule de changement de base Soit f une application linéaire entre un espace vectoriel E de dimension m et un espace vectoriel F de dimension n. Soient v,v' des bases de E, w,w' des bases de F. Soient encore M(f,v,w) la matrice de f dans les bases v de E, w de F et M(f,v',w') la matrice de f dans les bases v' de E, w' de F. Alors M(f,v',w')=M(w',w)M(f,v,w)M(v',v).
Démonstration Soit x un vecteur de E, X=(x,...,x) le vecteur coordonné qui représente x dans la base v, X'=(x',...,x') le vecteur coordonné qui représente x dans la base w. Soit y le vecteur de F image de x par f. y peut être représenté par le vecteur coordonné Y=(y,...,y) dans la base w de F et par le vecteur Y'=X=(y',...,y') dans la base w'. La proposition précédente amène les relations: Y' = (M(w',w))Y et X' = (M(v',v))X. De plus Y = M(f,w,v)X et Y' = M(f,w',v')X'. En utilisant cette deuxième égalité et les deux premières, on obtient: M(w',w)Y = M(f,x',v')(M(v',v))X. Soit encore: M(w',w)M(f,w,v)X = M(f,x',v')(M(v',v))X. Cette égalité est vraie pour tout X dans k. Donc (M(w',w))M(f,w,v) = M(f,x',v')(M(v',v)). En multipliant à gauche pas M(v',v): (M(w',w))M(f,w,v)M(v',v) = M(f,w',v').
Définition Soient M et M' deux matrices éléments de (n,m). M et M' sont dites équivalentes si il existe deux matrices Pl(k) et Q de l(k) tels que M'=P.M.Q.
Définition Soient M et M' deux matrices éléments de (n). M et M' sont dites semblables si il existe une matrice P de l(k) tel que M'=P.M.Q.
Proposition Soient E et F deux k-espaces vectoriels de dimension respective m et n et soit g une application linéaire de E dans F de rang r. Alors on peut trouver une base e de E et f de F tel que la matrice de g dans ces base soit égale à la matrice donnée par:
où est la matrice unité de k.
Réciproquement si g possède une telle représentation matricielle dans des bases e de E et f de F alors g est de rang r.
Démonstration Commençons par le sens direct. E peut être décomposé en la somme directe Ker gE où E est un sous espace supplémentaire à Ker g isomorphe au sous espace Im g. De même F peut être décomposé en la somme F=FIm g où F est un sous espace de F supplémentaire à Im g. Soit donc e=(e,...,e) une base de E que l'on complète par n-r vecteurs e,...,e formant une base de Ker f pour former une base e=(e,...,e) de E . Comme g est de rang r, g envoie cette famille sur les vecteurs g(e),...,g(e) qui forment une base de Im f. Complétons cette base de Im f par des vecteurs f,...,f de F afin de former une base f de F. La matrice de F dans les bases e de E et f de F est exactement celle annoncée.
Pour la réciproque il suffit de remarquer que si g possède une telle représentation matricielle dans des bases e de E et f de F alors l'image de g est de dimension r et son rang est donc égal à r.
Corollaire Soient E et F deux k espaces vectoriels. Soient g et g' deux applications linéaires définies de E dans G. On a équivalence entre:
Le rang de g est égal au rang de g'.
Les matrices représentant g et g' dans des bases e de E et f de F' sont équivalentes.
Démonstration Supposons pour commencer que g et g' sont de rang égal. Désignons par r ce rang. D'après la proposition précédente, il existe des bases e,e' de E et des bases f,f' de F tels que M(g,e,f) et M(g',e',f') soient égales à la matrice mentionnée précédemment. Si on considère la matrice M(g',e,f) de g dans les bases e de E et f de F, utilisant la formule de changement de base, on a :(M(f',f))M(g',e,f)M(e',e) = M(g',e',f') = = M(g,e,f). On a alors bien établis l'existence d'une base e de E et d'une base f de F telles que les matrices de g et g' dans ces bases soient équivalentes.
Réciproquement, si il existe une base e de E et une base f de F telles que les matrices M(g,e,f) et M(g',e,f) soient équivalentes, alors il existe des matrices P,Q de l(k) tels que M(g,e,f)=P.M(g',e,f).Q