On s'inspire ici du livre [4], en tâchant de donner une preuve plus détaillée.
Définition
On appelle simplexe de dimension l'enveloppe convexe de points
formant un repère affine.
On appelle face d'un simplexe l'enveloppe convexe d'un nombre fini
(quelconque) de ses points. Sa dimension est par définition le nombre de points de cette face moins . On appelle -face une face de dimension .
Lemme
Tout élément appartenant à un simplexe est décrit de manière
unique par ses coordonnées barycentriques dans le repère des sommets
de ce simplexe, si l'on impose que la somme des dites coordonnées est .
Chaque coordonnée est .
Démonstration:Voir la proposition-définition .
On se donne pour la suite un simplexe de
de sommets , , ... , .
Tout point de est donc repéré par ses coordonées barycentriques
, ... , , avec
, et
.
Définition
Soit
une permutation de .
On note
l'ensemble des points de tels que
Proposition
est l'union des
.
Pour tout
,
est un simplexe.
Les intérieurs des
sont disjoints.
Démonstration:
Le premier ne mérite pas notre attention.
Pour le second , c'est plus difficile, et nous allons donc détailler:
Un point est dans avec la permutation identité,
si ses coordonnées , ,..., vérifient
. En écrivant
on voit que est dans si
et seulement si il est dans l'enveloppe
convexe des points de coordonnées barycentriques
Je n'ai pas normalisé pour ne pas alourdir la notation, sinon
on obtient
Donc il s'agit bien d'un simplexe. Il est non vide
car les sommets définis ci-dessus forment bien un
repère affine et donc l'intérieur est
un voisinage de leur isobarycentre.
Il en va de même pour autre chose que l'identité;
est l'enveloppe convexe de points comportant respectivement
un et seulement des 0 ailleurs, deux et seulement
des 0 ailleurs, trois et seulement des 0 ailleurs,
et ainsi de suite,
chaque fois les étant conservés, et un nouveau étant
ajouté.
Le troisième est démontré dans le lemme qui suit.
Définition
On appelle triangulation d'un simplexe un ensemble
fini de simplexes tels que:
Si ,
L'intersection d'une face de et d'une face de
(pour ou ) est soit vide soit
une face de et une face de .
Lemme
L'ensemble des
pour
est une triangulation
de .
Démonstration:Il est bien clair que la réunion des
est bien égale à .
L'intersection des intérieurs de
et
avec
est incluse dans l'intérieur des intersections, et donc incluse dans un hyperplan; donc elle est vide.
Regardons ce qu'est une face de simplexe, par exemple le simplexe , avec la permutation identité.
Il s'agit du barycentre d'un nombre fini de sommets, de la forme
C'est à dire d'une somme pondérés de
On constate donc qu'une face est entièrement décrite par des
équations du type
,
avec opérateur ou .
Une intersection de faces va encore être du même type, car au plus elle
va remplacer des par des . D'où le résultat.
Lemme
Dans la triangulation de en les
où appartient à
,
les
ont un diamètre inférieur à
fois le diamètre de .
Démonstration:
le centre de gravité (ou isobarycentre) de appartient à tout simplexe
(car tous les sont égaux, égaux à
).
la distance de à un point de est inférieur ou égale aux distances aux sommets de , donc la distance d'un point de
à est toujours inférieure ou égale à
fois la longueur de la médiane.
le diamètre de
, qui est la longueur maximal d'un de ses côtés, est donc majoré par la longueur max des côtés sur la face opposée à , et par la longueur max des arêtes débouchant sur ... Dans tous les cas, cette longueur est majorée par celle d'une médiane de ou d'une face du simplexe (une face de dimension quelconque, éventuellement une arête).
Lemme
Pour tout on peut obtenir des triangulations de en simplexes de diamètre inférieurs à .
Démonstration:
On va utiliser par récurrence le lemme précédent. Les deux premiers de la définition d'une triangulation sont faciles à obtenir, le problème est de montrer qu'une partition de chaque élément d'une partition donne encore une partition vérifiant le troisième point, c'est à dire le fait que l'intersection de deux
faces de deux éléments distincts de la partition est soit vide soit égale à une face de chacun des deux éléments. Intuitivement, le problème est de voir que les faces se "recollent" bien.
Pour cela il suffit de voir que la triangulation faite selon le lemme précédent induit une triangulation de chacune des faces du dit simplexe - triangulation égale à celle qu'aurait donné le même lemme sur cette face. Cela se voit facilement en voyant qu'une face est une partie du simplexe où l'on annule une des composantes.
Définition [Numérotation standard d'un simplexe]
Etant donnée une triangulation d'un simplexe , on note
l'ensemble des sommets des éléments de cette triangulation.
On appelle numérotation standard d'une triangulation d'un simplexe
de sommets
une application de dans
telle que et si pour tout dans pour un
certain tel que est un sommet de la face de de dimension
minimale contenant .
NB: la caractérisation "pour tout dans pour un certain tel que est un sommet de la face de de dimension minimale contenant " inclue la condition , car une face peut très bien avoir une dimension 0.
On constate donc que dans une triangulation comme celles que l'on a construites plus haut, l'isobarycentre est autorisé à prendre n'importe quelle valeur puisque la seule face qui le contienne est lui-même.
Proposition
Une numérotation standard d'une triangulation du simplexe enveloppe convexe de
induit une numérotation standard de la triangulation induite sur le simplexe enveloppe convexe de
.
Démonstration:
Il est clair que tout sommet de la triangulation de a bien un numéro .
Soit sommet de la triangulation de appartenant à une face minimale de .
est forcément incluse dans .
est donc la même face que la face minimale de dans .
Donc la numérotation induite est bien standard.
Lemme [Lemme de Sperner]
Toute triangulation d'un simplexe de dimension munie d'une numérotation standard possède un élément numéroté .
Démonstration:
Soit notre simplexe, supposé muni d'une numérotation standard sur une triangulation de .
On note la propriété pour un simplexe de dimension d'avoir un sommet numéroté et un seul pour tout dans .
Soit l'ensemble des simplexes de ayant la propriété .
Soit l'ensemble des simplexes de qui ne sont pas dans mais dont un numéro et un seul est numéroté pour tout dans (attention ils ne vérifient donc pas la propriété ).
Soit l'ensemble des -faces de simplexes de inclus dans et vérifiant la propriété (rappelons qu'une face de simplexe est un simplexe).
Soit l'ensemble des -faces de simplexes de qui ne sont pas contenues dans et qui vérifient la propriété .
Chaque élément de contient une et une seule -face ayant la propriété .
Chaque élément de contient exactement deux faces ayant la propriété (facile, il y a exactement deux éléments numérotés pareil, donc on bâtit deux simplexes ayant la numérotation requise).
Un élément de est face d'un et d'un seul simplexe (car il est inclus dans ).
Un élément de est face d'exactement deux simplexes, car il n'est pas inclus dans , et car il n'est pas non plus sur une autre face puisqu'il ne contient pas de sommet numéroté .
(par simplicité dans la suite et pour alléger les notations je note le cardinal d'un ensemble )
On en déduit
en comptant le nombre de -faces ayant la propriété , avec leurs multiplicités (c'est à dire en comptant deux fois les faces communes à deux simplexes).
En comptant modulo , on en déduit que et on la même parité.
Il est clair que est "le" correspondant à .
Par récurrence sur la dimension, on en déduit donc que a toujours la même parité. Or dans le cas de la dimension , on constate facilement que ce nombre est impair; on a une alternance de 0 et , 0 en premier, à la fin, donc on a changé un nombre impair de fois de 0 à ou de à 0.
On en déduit donc le résultat tant attendu; ne peut être nul puisqu'impair...
Théorème [Théorème de Brouwer]
Soit une application continue d'un simplexe dans . Alors admet au moins un point fixe.
Démonstration:On suppose que n'a pas de point fixe.
Soit , pour , l'ensemble des
tels que
(intuitivement "éloigne" du sommet - attention, pas au sens de la distance, mais au sens du poids barycentrique du sommet ; les points les plus "loin" étant les points de la face opposée, le point le plus proche étant le sommet lui-même).
. En effet, soit
.
- Supposons
pour tout .
-
- donc
pour tout
- alors on a admettant un point fixe en .
- c'est une contradiction, donc il existe tel que
.
appartient à (évident; ne peut qu'"éloigner" un point de lui-même, puisque n'a pas de point fixe)
n'appartient pas à si (non moins évident; est déjà "loin" autant que possible de , puisqu'il appartient à la face opposée)
Si appartient à la face de engendrée par les pour pour un certain sous-ensemble de ,
alors n'appartient pas aux si
(toujours évident - si
appartient à la face engendrée par les pour , il appartient à la face opposée à pour tout
, et ne peut donc en être
éloigné).
Soit une triangulation de , ayant pour ensemble de sommets l'ensemble . Soit l'application qui à associe avec
; on cherche à montrer qu'il s'agit d'une numérotation standard.
est bien définie, puisque l'on a montré que les recouvraient .
le fait que a déjà été prouvé (
,
quand ).
soit , et une face minimale de contenant . Il faut montrer que est le numéro d'un sommet de .
si , le résultat est clair.
si appartient à une face stricte de , alors n'appartient pas aux pour ne désignant pas un numéro de sommet de (prouvé un peu plus haut); donc est forcément le numéro d'un sommet de .
est donc bien une numérotation.
On a montré qu'on pouvait construire des triangulations aussi fines que l'on voulait, au sens où chaque simplexe de la triangulation pouvait être imposé de diamètre inférieur à . On se donne une telle triangulation, avec la numérotation correspondante, donnée par les questions précédentes.
D'après le lemme de Sperner, il existe un élément de la triangulation
qui a la propriété évoquée plus tôt, c'est à dire qu'il comporte un sommet
numéroté pour tout dans .
On peut considérer alors la suite de sommets numérotés 0 dans des simplexes ayant la propriété de la triangulation .
Puisque l'on est dans un compact métrique, on peut en extraire une sous-suite convergente, par le théorème de Bolzano-Weierstrass (voir théorème ). Soit la limite.
est aussi la limite des suites de sommets numérotés dans des simplexes ayant la propriété , pour , car le diamètre des simplexes tend vers 0.
Par continuité de ,
pour tout .
Or
, donc
pour tout .
On en déduit alors que . D'où la contradiction...
Corollaire [Brouwer]
Toute application continue d'une boule unité fermée de
dans elle-même
comporte un point fixe.
Démonstration:
En fait il suffit de montrer que la boule unité fermée est homéomorphe à un
simplexe. Cela est fait dans la proposition .
Corollaire [Champ rentrant dans la sphère]
Soit un champ de vecteur continu de la boule unité fermée de
dans
. Si pour tout ,
est négatif strictement 1.5, alors s'annule au moins en un point de la boule unité.
Démonstration:
On note la sphère unité fermée, et la couronne constituée par la boule unité fermée privée de la boule ouverte de rayon .
On considère pour tout l'application
de
(la boule unité fermée) dans
qui à associe
.
est continu.
étant continue sur un compact
, on peut lui trouver un majorant à
. Notons ce maximum.
étant continue sur un compact , elle y atteint son maximum, qui est négatif. Notons ce maximum; on a .
En tout point de , on peut centrer une boule ouverte de rayon sur laquelle est inférieur à . La sphère est recouverte par les boules centrées en de rayon ; on peut donc extraire de ce recouvrement un recouvrement fini. Les boules de rayon recouvrent elle aussi , et elles recouvrent aussi une couronne pour un assez petit.
Sur , on a donc inférieur à .
.
Donc
Sur , on a alors
Pour suffisamment petit, on a donc
Pour suffisamment petit et
on a aussi
(puisque est borné).
On déduit de tout cela que
pour assez petit est une application de la boule unité fermée dans la boule unité fermée. Par le résultat , on en déduit donc que
admet un point fixe, et que donc s'annule quelque part.