Risque de ruine.

Bonjour à tous.

Les joueurs de blackjack utilisent une formule mathématique qui leur permet d'évaluer le risque de ruine durant un jeu.

Il y a quatre paramètres, qui sont :
--> E : l'espérance.
--> B : la cagnotte ou bankroll.
--> SD : l'écart type ou standard déviation.
--> RoR : le risque de ruine.

RoR = Exp( -2 * B * E / SD^2 )

1) d'où provient cette formule ?
Est-ce issue d'une théorie mathématique et si oui, laquelle ?

2) A bien comprendre cette formule, je constate que le rapport E / SD^2 est une constante et ne dépend pas du nombre de coup.
Donc le risque dépendrait essentiellement du montant de la cagnotte.

Si vous pouvez m'en dire plus, je suis preneur.

Merci !
@+

Réponses

  • Petite question : quand on dit "l'espérance", parle-t-on du sabot plein ? Car il me semble que si des cartes sont sorties - à chaque coup - l'espérance peut se recalculer.
    Dis-je n'importe quoi ?
  • Je n'y connais rien au blackjack ni aux jeux en général, mais voici comment je traiterais le problème.

    On peut modéliser la perte cumulée au cours du temps par un processus $L_t = -v t + \sigma W_t$ où $v > 0$ est l'espérance du joueur, $\sigma^2$ est la variance et $(W_t)$ est un mouvement brownien standard. Le risque de ruine est alors la probabilité qu'il se trouve un instant $t$ auquel la perte cumulée $L_t$ dépasse la cagnotte de départ $B$, c'est à dire
    $$
    \mathrm{RoR} = P\left(\max_{t \geq 0} L_t \geq B\right) = P\left(\exists t \geq 0 : W_t = \frac{B}{\sigma} + \frac{v}{\sigma} t\right).
    $$
    On se ramène donc à calculer la probabilité qu'un mouvement brownien standard touche une droite $ax + b$ avec $a = \frac{v}{\sigma}$ et $b = \frac{B}{\sigma}$. Cette probabilité est $\exp(-2 ab)$, ce qui correspond exactement à ta formule.
  • Bonjour à tous.

    Merci pour vos participations !
    Juste une petite précision, je ne suis pas mathématicien, juste quelqu'un qui cherche à comprendre comme fonctionne ce risque de ruine.
    Dom a écrit:
    Petite question : quand on dit "l'espérance", parle-t-on du sabot plein ?

    Pour simplifier, je considère que l'espérance se calcule sur un sabot plein et non au niveau de la main.
    Dom a écrit:
    Car il me semble que si des cartes sont sorties - à chaque coup - l'espérance peut se recalculer.

    Oui, tu as tout à fait raison.
    Le jeu du blackjack (je parle du jeu pour un sabot donné) est un jeu sans remise.
    La loi qui régit cela se nomme loi hypergéométrique.

    Inversement la roulette est un jeu avec remise.
    La loi qui régit cela se nomme loi binomiale.

    Par simplification, on ne descent pas au niveau de la main, mais on reste au niveau du sabot.
    Chaque sabot étant indépendant du prochain, on considère que le passage d'un sabot à un autre est régit par la loi binomiale.
    Dom a écrit:
    Dis-je n'importe quoi ?

    Normalement, c'est toi le mathématicien, donc tu es plus à même de me corriger sur ces aspects que je ne maitrise pas du tout.
    Siméon a écrit:
    Je n'y connais rien au blackjack ni aux jeux en général, mais voici comment je traiterais le problème.

    Il n'est pas nécessaire de connaitre le blackjack pour parler de ce problème.
    Je crois (mais ne n'en suis pas sûr) que cela vient du monde de la finance, à l'origine.
    Je parle bien sûr de son application. Mais là, tu me donnes une autre origine.
    Siméon a écrit:
    est un mouvement brownien standard.

    Qu'est-ce qu'un mouvement brownien standard ? Du hasard pur, c'est cela ?
    Normalement, chaque sabot est indépendant des autres.

    Juste une question concernant l'espérance et l'écart type.
    Comment définies-tu ces deux notions dans le mouvement brownien standard ?
    Est-ce que cela a le même sens qu'au jeu de pile ou face ?

    P.S. : j'ai déposé un premier message concernant le calcul de l'écart type que je ne maitrise pas bien.
    Attention, je ne parle pas du calcul de base, que je sais faire, mais de son application.
    En fait, il s'agit d'introduire un facteur multiplicatif en cas de gain. Peux-tu m'aider à ce sujet ?

    Merci !
    @+
  • Cher Artemus,

    Il semble que tu nous confondes Dom et moi. Je ne répondrai que sur les points qui concernent mon message.

    La formule du risque de ruine donnée ici correspond en fait à une situation de jeu très générale (mais approximative) : le jeu est constitué d'une suite de manches indépendantes les unes des autres où le joueur joue (et donc gagne ou perd) toujours selon la même loi.

    À chaque manche, le joueur touche un gain (positif ou négatif) aléatoire. L'opposé du gain de la $n$ème manche constitue une perte $X_n$ (positive ou négative) et j'appelle perte cumulée à la $i$ème manche la somme $S_n = X_1 + X_2 + \dots + X_n$.

    Les mathématiciens disent que la suite $(S_1,S_2,S_3,\dots)$ constitue une marche au hasard.

    On suppose que le joueur est compétent, de sorte que son espérance de gain à une manche est un nombre $v$ positif. Son espérance de perte est alors $E(X_1)= -v$.

    On suppose que le jeu est vraiment aléatoire. Il y a alors une variance $\mathrm{Var}\,(X_1) = \sigma^2 > 0$ sur le gain ou la perte à chaque manche. L'écart type $\sigma$ s'interprête comme une mesure de la dispersion attendue par rapport à la moyenne.

    Même si le joueur est compétent, la présence du hasard fait qu'il peut arriver à un moment du jeu que sa perte cumulée dépasse sa cagnotte de départ $B$, c'est à dire qu'il existe un $n$ tel que $S_n \geq B$. C'est la ruine.

    En fait, cette situation est trop générale pour qu'on puisse calculer la probabilité d'atteindre la ruine en fonction de $B,v,\sigma^2$. On va donc procéder à plusieurs approximations :

    1) On suppose que la perte $X_n$ se compose d'une partie déterministe $-v$ et d'une fluctuation purement aléatoire de loi normale d'espérance $0$ et de variance $\sigma^2$.

    2) On considère un temps continu (ce qui permet de faire de l'analyse). À l'instant $t$, la perte du joueur se composera donc d'une partie déterministe $-v t$ et d'une fluctuation cumulée purement aléatoire $\sigma W_t$ de loi normale centrée, issue de toutes les manches aux instants $s \leq t$. Comme la variance d'une somme de variables indépendantes est la somme des variances, on demande que la variance de $\sigma W_t$ soit $\sigma^2 t$. Les physiciens et les mathématiciens ont construit une telle fonction aléatoire $t \mapsto W_t$ qui apparaît naturellement comme limite du modèle précédent, c'est le mouvement brownien standard. Par opposition, on dit que le processus de perte $t \mapsto -vt + \sigma W_t$ est un mouvement brownien de dérive $-v$ et de variance $\sigma^2$.

    Si ça intéresse quelqu'un, je pourrai montrer en quelques lignes comment obtenir de façon non rigoureuse la jolie formule
    $$
    \exp\left(-\frac{2vB}{\sigma^2}\right)
    $$
    pour le risque de ruine dans ce contexte. On peut bien sûr le faire rigoureusement et même calculer la probabilité de ruine avant un instant donné (on décide à l'avance d'un nombre de coup à jouer).
    Artemus24 a écrit:
    P.S. : j'ai déposé un premier message concernant le calcul de l'écart type que je ne maitrise pas bien.
    Attention, je ne parle pas du calcul de base, que je sais faire, mais de son application.
    En fait, il s'agit d'introduire un facteur multiplicatif en cas de gain. Peux-tu m'aider à ce sujet ?
    Où ce message se trouve-t-il ?
  • Salut à tous.

    Siméon, ton logo est-il en rapport avec le célèbre mathématicien Siméon Denis Poisson ?
    Siméon a écrit:
    Il semble que tu nous confondes Dom et moi. Je ne répondrai que sur les points qui concernent mon message.

    Mes excuses Siméon, je viens de corriger l'attribution des noms des messages.
    Siméon a écrit:
    Où ce message se trouve-t-il ?

    C'est ce lien : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?12,1104827
    Siméon a écrit:
    Si ça intéresse quelqu'un, je pourrai montrer en quelques lignes comment obtenir de façon non rigoureuse la jolie formule

    Comme tu le proposes, je veux bien que tu fournisses ces quelques lignes supplémentaires.

    J'ai quelques questions à te soumettre, enfin si tu le veux bien :

    1) comment se nomme le domaine mathématique qui traite ce sujet ?
    Processus stochastique, martinguale, programmation dynamique ?

    2) l'espérance du joueur est positive.
    Donc comment peut-il y avoir risque de ruine ?

    A partir d'un certain nombre de coups, ce risque disparait totalement.

    3) je pensais que le risque ce calculait à partir de la loi normale. Soit la courbe en cloche :

    315d9a9.png

    Pour trois fois sigma (l'écart type), de part et d'autre de la moyenne, on trouve un succès de l'ordre de 99,6%.
    Soit un risque de 100% - 99,6% = 0,4%.

    En quoi le risque de ruine est différent de cette façon de faire ?

    4) Prenons la loi binomiale pour exemple.
    Soit P la probabilité du gain et Q la probabilité de la perte. Et N le nombre de coups.

    Je déduis :
    --> l'espérance mathématique : N * (P - Q)
    et
    --> la variance : N * P * Q

    Si je fais le rapport comme dans la formule, je trouve :
    --> [ N * (P - Q) ] / [ N * P * Q ]
    --> 1/Q - 1/P

    Autrement dit le rapport espérance mathématique sur variance ne dépend plus du nombre de coups, mais uniquement des probabilités de gain et de perte.
    Me suis trompé dans cette interprétation ?

    @+
  • Voici les lignes promises.

    Calcul « à la physicienne » du risque de ruine $r(b)$ avec une cagnotte de $b \geq 0$.
    Fixons $b > 0$ et considérons un intervalle de temps infinitésimal $[0,\delta t]$. En négligeant la probabilité d'une ruine dans l'intervalle de temps $[0,\delta t]$, la ruine ne peut arriver qu'après l'instant $\delta t$. Or à ce moment le joueur a déjà accumulé un gain $ v\,\delta t - \sigma W_{\delta t}$ qu'on peut ajouter à sa cagnotte ! La probabilité $r(b)$ est donc égale (au premier ordre) à l'espérance de $r(b + v\delta t - \sigma W_{\delta t})$. Or, la formule de Taylor donne
    $$
    r(b + v\delta t - \sigma W_{\delta t}) \approx r(b) + r'(b) (\delta t - \sigma W_{\delta t}) + \frac{1}{2}r''(b) (v\delta t - \sigma W_{\delta t})^2.
    $$
    Puisque $E[W_{\delta t}] = 0$ et $E[W_{\delta t}^2] = \delta t$, on en tire l'approximation $r(b) \approx r(b) + (r'(b) v + \frac{1}{2}r''(b) \sigma^2) \times \delta t$. On est donc conduit à l'équation différentielle
    $$r''(b) + \dfrac{2v}{\sigma^2} r'(b) = 0$$ qui s'intègre facilement en $r(b) = C_1 \exp\left(-\dfrac{2vb}{\sigma^2}\right) + C_2$. Le cas d'une cagnotte nulle $b \to 0$ et le cas d'une cagnotte infinie $b \to +\infty$ montrent que les constantes d'intégrations valent respectivement $C_1 = 1$ et $C_2 = 0$.

    Remarque : pour rendre ceci rigoureux, il faudra se tourner du côté du calcul stochastique qui est une branche de la théorie des probabiltiés.
    Artemus a écrit:
    Siméon, ton logo est-il en rapport avec le célèbre mathématicien Siméon Denis Poisson ?

    En effet, c'est son portrait officiel à l'Académie des sciences !
    Artemus a écrit:
    2) l'espérance du joueur est positive.
    Donc comment peut-il y avoir risque de ruine ?

    A partir d'un certain nombre de coups, ce risque disparait totalement.

    Attention il y a une subtilité. Pour un grand nombre de coups il est vrai que le gain tend presque sûrement vers $+\infty$ si on fait abstraction de la cagnotte. C'est un corollaire de la loi des grands nombres. Cependant, il y a tout de même un moment où la perte cumulée est maximale. Si ce maximum est plus grand que la cagnotte, c'est la ruine !
    Artemus a écrit:
    3) je pensais que le risque ce calculait à partir de la loi normale. Soit la courbe en cloche :
    En quoi le risque de ruine est différent de cette façon de faire ?

    J'espère que ce qui précède a clarifié cette question.
    Artemus a écrit:
    4) Prenons la loi binomiale pour exemple.
    Soit P la probabilité du gain et Q la probabilité de la perte. Et N le nombre de coups.
    [...]
    Autrement dit le rapport espérance mathématique sur variance ne dépend plus du nombre de coups, mais uniquement des probabilités de gain et de perte.
    Me suis trompé dans cette interprétation ?

    Tu as calculé l'espérance et la variance du nombre de "victoires" dans une manche, pas celle du gain. Tant que tu ne prends pas en compte les mises et la cagnotte, on ne peut pas parler de risque de ruine. Par ailleurs, ce risque est calculé en considérant qu'on ne s'arrête jamais de miser et de jouer tant qu'on n'est pas ruiné, ce qui explique pourquoi elle ne dépend pas du nombre de manches.
  • Salut Siméon.

    Merci pour toutes ces explications que je vais devoir digérer.

    1) La branche des mathématiques qui traite le mouvement brownien standard se nomme la stochastique, qui elle-même est une branche des probabilités. C'est bien cela ?

    2) le fait d'introduire dans la formule un exponentiel est-ce que cela a une quelconque relation avec la loi normale ou la loi de poisson ?
    Simeon a écrit:
    Tu as calculé l'espérance et la variance du nombre de "victoires" dans une manche, pas celle du gain.

    3) Justement, c'est la raison de mon autre message car je ne sais pas passer de l'écart type en nombre de "victoires" à l'écart type en gain de mise.

    Peux-tu me donner un exemple de calcul de l'espérance et de l'écart type dans ce contexte ? Merci.

    4) que se passe-t-il si l'on joue de la même façon mais en équipe.
    Admettons que l'équipe soit composée de quatre joueurs.
    Chacun ayant le même capital dans la cagnotte, la même espérance et le même écart type.
    Le joueur seul mise le même montant, soit M en euros.

    Chaque joueur à donc le même RoR.

    Pour le jeu en équipe, j'utilise deux lois :
    --> E(Z) = E(X1) + E(X2) + E(X3) + E(X4).
    --> V(Z) = V(X1) + V(X2) + V(X3) + V(X4).

    Où X1, X2, X3 et X4 désigne des variables aléatoires indépendantes.
    Chaque joueur joue sur des tables différentes et de ce fait, chaque variable aléatoire est indépendante.

    Je remplace ces X1, X2, X3 et X4 par X.
    J'introduis N qui est le nombre de membres dans l'équipe, d'où :

    --> E(Z) = N * E(X).
    --> V(Z) = N * V(X).

    De plus j'introduis le facteur multiplicatif A du montant en euros avec lequel le joueur mise.
    Ce qui donne :
    --> A * E(X) = E(A * X)
    --> A^2 * V(X) = V(A * X)

    Le montant de la cagnotte est aussi multiplié par N pour le jeu en équipe.

    Si je réintroduis cela dans la formule, je trouve :

    --> Exp (-2 * [ N * B ] * [ N * A * E(X) ] / [ N * A^2 * V(X) ] )
    Après simplification, cela donne :
    --> Exp (-2 * [ N * B ] * E(X) / [ A * V(X) ] )
    Soit :
    --> Exp (-2 * (N / A) * B * E(X) / V(X) )

    Interprétation de ce résultat :
    Si N = A alors le jeu en équipe est équivalent en terme de risque de ruine au jeu d'un seul individu.

    Autrement dit, le joueur dans l'équipe multiplie sa mise par le nombre de membre dans son équipe.
    C'est une technique de jeu qui permet d'augmenter ses mises sans avoir plus de risque.

    D'où ma question : est-ce vrai ?

    @+
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