Fonction génératrice

Bonjour,
j'ai consulté de nombreux ouvrages et documents sur internet mais je n'arrive pas à avoir la justification rigoureuse et détaillée qu'une fonction génératrice a un rayon de convergence $R \geq 1$.
Je pars de la définition suivante de fonction génératrice d'une variable aléatoire $X$ à valeurs dans $\mathbb{N}$ : $$

G_{X}(s)= \sum_{n\in \mathbb{N}} P(X=n)s^{n},\quad s \in [0 ; 1].

$$ Cette question semblant peut-être évidente, et je ne l'ai pas trouvée justifiée rigoureusement (dans les documents consultés).
N'étant pas très à l'aise avec les séries entières, quel(s) est/sont le(s) résultat(s) utilisé(s) ?
Si vous pouviez être très précis s'il vous plaît, même si cela vous paraît trivial ? J'ai un blocage épistémologique sur cette notion, et je n'arrive pas à avancer dans ma compréhension. Ce qui est décourageant.
Par avance, merci.

Réponses

  • Bonsoir,

    Parmi les nombreuses caractérisations du rayon de convergence $R$ d'une série entière $\displaystyle \sum _{n\geqslant 0} a_n z^n$, figure celle-ci:
    $$ \mathcal E:= \Big\{ \rho \in \R^+\mid \: \{|a_n |\rho ^n \mid n\in \N\}\:\text{ est borné}\Big\}.\quad\text{Alors}\:\:\boxed{R:=\sup \mathcal E.}$$
    $\forall n \in \N,\quad 0\leqslant \mathbb P[X=n] \leqslant 1,\:\:\quad 0\leqslant \mathbb P[X=n] 1 ^n \leqslant 1,\quad 1 \in \mathcal E,\:\:$ donc $R\geqslant 1.$

    Rappel:
    Soit$(a_n)_{n\in\N} \in \C^{\N}$. Alors il existe un unique $R\in\R\cup \{+\infty\}$, appelé "rayon de convergence de la série entière $\sum_{n\geqslant 0}a_nz^n" $, tel que:
    $\forall z \in \C:\qquad |z|<R \implies \sum_{n\geqslant 0} a_nz^n \: \text {converge},\quad |z|>R \implies \sum_{n\geqslant 0} a_nz^n \: \text {diverge}.$

    $R = \sup \mathcal E_1\:\:\text{où}\:\:\mathcal E_1= \Big\{ \rho \in \R^+\mid \: \{|a_n |\rho ^n \mid n\in \N\}\:\text{ est borné}\Big\}.$
    $R = \sup \mathcal E_2\:\:\text{où}\:\:\mathcal E_2= \Big\{ \rho \in \R^+\mid \: \displaystyle \lim _{n \to + \infty}a_n \rho ^n =0 \Big\}.$
    $R = \sup \mathcal E_3\:\:\text{où}\:\:\mathcal E_3= \Big\{ \rho \in \R^+\mid \: \displaystyle \sum _{n \geqslant 0}|a_n |\rho ^n \:\text{converge} \Big\}.$
    $R = \dfrac 1{\displaystyle \limsup_{n\to+ \infty}\sqrt[n]{|a_n|}}.$
  • @Administrateur : j'avais placé cette discussion car j'estimais que c'était un problème avant tout analytique, avec un contexte probabiliste.
    Ce n'est pas la compréhension du cadre probabiliste qui me bloque, mais celui des séries entières.

    @LOU16 : l'argument que je vois souvent mis en avant est celui-ci : $\sum_{n\in \mathbb{N}} P(X=n) = 1$ (car l'espace sur lequel on travaille est discret et que l'on a une mesure de probabilité).
    Pourquoi est-il suffisant pour conclure ?
  • Bah ça montre que la série entière converge en $1$. Comme le rayon de convergence est la borne supérieure des $R > 0$ tels que $\sum_{n \geq 0} \mathbb P(X=n) R^n$ on obtient le résultat.
  • Il faut commencer par donner une définition précise du rayon de convergence, sans quoi rien n'est possible.
    J' en ai choisi une très simple qui donne immédiatement la réponse à ta question, mais elle semble ne pas te plaire.

    Je dois donc connaître ta définition de $R$ pour que je sois capable de donner une justification qui te convienne à l'argument que tu indiques .
  • Merci @Poirot.
    Pourquoi R n'est pas égal à 1 (au lieu de R $\geq 1$), sachant que s est dans l'intervalle [0;1] ?
    Il y a quelque chose qui m'échappe. J'ai l'impression que cela n'a pas de sens de parler de cette série pour des valeurs de R (ou de s) > 1.
  • @LOU16 :

    justement c'est ce qui me pose problème. Je suis en train de travailler sur des cours de probabilités, et j'aborde la notion de fonction génératrice. Celle-ci ne me pose aucun problème de compréhension, et j'ai bien compris son utilité.
    Cependant, c'est cette intrusion des séries entières qui me pose problème. Il n'y a aucun rappel, le résultat est donné comme étant trivial. Et comme tu le soulignes très bien, il y a une apparemment plusieurs chemins à prendre.
    Et tu pointes bien la difficulté, je ne sais pas quelle définition est utilisée, et quelles sont les propriétés invoquées.
    En pièce jointe, voici ce qu'indique mon support de cours, sans autre indication (je fais cela pour le plaisir).105726
  • Il se peut très bien que la série converge pour des $s$ plus grands, mais ce n'est pas la question. Par exemple si $\mathbb P(X=0)=1$ et $\mathbb P(X=n)=0$ pour tout $n \geq 1$...
  • @Poirot : Merci. Pour l'exemple que tu donnes, la série est convergente pour toute valeur réelle de s.
    Je comprends que le rayon de convergence est infini pour la série que tu décris, si s est un réel quelconque.
    Cependant s est dans [0;1]. Si je ne me trompe pas, on a bien GX(s) = 1, pour s dans [0;1].

    Il y a vraiment quelque chose qui m'échappe.
  • Bonsoir,

    Cf. ceci.

    Cordialement,

    Thierry
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Pour $s=1$ on a $G_X(s)=1$, mais pour les autres valeurs ça n'a aucune raison d'être vrai ! ($G_X(s)=1$ pour tout $s \in [0, 1]$ vrai que si et seulement si $X$ est presque sûrement constante égale à $0$...)
  • Poirot, tu pourrais donner un exemple plus intéressant, comme une loi de Poisson. Tu me fais penser à ces professeurs qui donnent comme premiers exemples de sous-espace vectoriel l'espace entier et $\{0\}\ldots$
  • Soit ! Si on considère une variable aléatoire $X$ suivant la loi de Poisson de paramètre $\lambda$, c'est-à-dire telle que pour tout entier $k \geq 0$, $\mathbb P(X=k) = \frac{\lambda^k}{k!} e^{-\lambda}$, sa fonction génératrice est $$G_X : s \mapsto e^{-\lambda} \sum_{k=0}^{+\infty} \frac{(\lambda s)^k}{k!}$$ qui n'est autre que $s \mapsto e^{\lambda(s-1)}$ qui a un rayon de convergence infini.

    Rieveld m'a demandé en MP si on pouvait avoir un rayon de convergence $2$, on va faire mieux en montrant que l'on peut avoir n'importe quel rayon de convergence $R \geq 1$ : on considère une variable aléatoire $X$ telle que $\mathbb P(X=n) = \left(1 - \frac{1}{R}\right) \frac{1}{R^n}$ (vérifier que cela définit bien une variable aléatoire sur $\mathbb N$) et il est immédiat que le rayon de convergence de la série entière $\sum_n \left(\frac{s}{R}\right)^n$ est exactement $R$, série qui, à une constante près, est la série génératrice de $X$.
  • Merci beaucoup pour vos contributions !
    Cette loi de Poisson est en effet beaucoup plus parlante : dans le cours que je consulte, la définition me laissait penser qu'une fonction génératrice n'était définie que sur [0;1], alors que s peut être un réel quelconque ?

    Est-ce bien cela ?

    Quand je consulte cette définition ici (par exemple) : http://www.bibmath.net/dico/index.php?action=affiche&quoi=./f/fonctiongeneratrice.html, il n'est pas de restriction pour certaines valeurs de s.

    Quand vous regardez la définition que je vous aie mise au dessus en photo, il y a la restriction $s \in [0 ; 1]$.
  • Cette histoire de restriction a l'air de fortement te perturber alors qu'il n'y a aucune raison. La fonction génératrice d'une variable aléatoire dans $\mathbb N$ est définie au moins sur $[0, 1]$. En fait elle est toujours définie au moins sur $]-1, 1]$ mais on n'en fait pas tout un plat ! Il se peut qu'elle soit définie ailleurs, il se peut que non (pour des valeurs réelles de $s$ s'entend), ça dépendra de la situation.
  • Quand une variable aléatoire ne prend qu'un nombre fini de valeurs (lois uniforme, binomiale, hypergéométrique,...) la fonction génératrice est un polynôme, donc partout définie.
  • En effet, comme tu le dis @Poirot, cela me perturbe.
    Car pour moi, il n'était donc pas envisageable de pousser l'étude de la convergence de la série génératrice au-delà de R = 1.

    Mon raisonnement était le suivant : "si s est dans [0;1], alors le rayon de convergence R = 1".
    Cela n'avait pas de sens de regarder au-delà de R = 1.

    L'exemple de la loi de Poisson est plus éclairant.
  • Rietveld a écrit:
    "si s est dans [0;1], alors le rayon de convergence R = 1"

    Justement, ce n'est pas un raisonnement. Si j'étudie la fonction sinus sur $[0, \pi]$, ça ne veut pas dire qu'elle n'est pas définie ailleurs !
  • Bonjour,

    A la suite de ceci, clairement, par définition de $R$,\[0\leqslant{}R<1\Rightarrow1\not\in\mathcal{E}\]de sorte que, par contraposition,\[1\in\mathcal{E}\Rightarrow{}R\geqslant1\qquad(\star)\]Or,\[G_{\text{X}}(1)=\sum_{n\in\N}\mathbb{P}\left\{\text{X}=n\right\}=1\]ce qui nous donne que $1\in\mathcal{E}$, et donc que $R\geqslant1$ par la même occasion, compte-tenu de $(\star)$. En toute généralité, l'on ne peut rien dire de plus sur $R$.

    Cordialement,

    Thierry
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Merci beaucoup @Thierry.
    C'était le raisonnement que j'avais réussi à faire et à exposer à LOU16 par MP (enfin, je l'ai exprimé de manière moins rigoureuse), mais c'était l'idée que dès qu'on trouve un s0 pour lequel la série GX(s) converge alors on a deux informations :

    * pour toutes les valeurs de s $\leq$ s0, la série GX(s) converge aussi.
    * le rayon de convergence R de la série est supérieur ou égal à ce s0.

    Si je suis dans le vrai, j'ai une remarque qui me vient immédiatement à l'esprit : est-ce donc vraiment utile d'utiliser des critères tels que D'Alembert ou Cauchy (c'est la première chose qu'on apprend à des étudiants, avant de travailler sur le sens des définitions), alors qu'il suffirait :
    1) d'intuiter la valeur R du rayon de convergence, et de montrer que la série converge pour cette valeur R (je suis d'accord, ce n'est pas toujours facile, mais dans les exercices proposés il y a beaucoup de choses qui reviennent, nous sommes pas dans un cadre de cherche mais un cadre pédagogique).
    2) montrer que la série ne converge pas pour des valeurs supérieures à R (en montrant que le terme général de la série entière ne converge pas par exemple).

    Je dis bien que ce n'est pas toujours applicable ou facilement utilisable, mais pourquoi ne serait-ce pas la méthode numéro 1 à enseigner ?
    Au lieu de proposer un D'Alembert automatique et sécurisant où l'on perd le sens de ce qu'est un rayon de convergence, car il fournit celui-ci directement (sauf cas particulier) ?
  • Pour ta question, c'est une mauvaise idée puisque la série peut diverger en $R$ ! Exemple : la série entière $\sum_n nx^n$ a un rayon de convergence $1$, mais tu ne vas pas t'amuser à montrer que la série $\sum_n n$ converge... Et puis pour "intuiter" le rayon de convergence on utilise généralement un d'Alembert à la louche.
  • @Poirot : Je veux dire que sur l'exemple que j'ai traité dans ce fil, les règles habituellement proposées pour exhiber un rayon de convergence ne fonctionnent pas (ou du moins, elles ne sont pas évidentes à mettre en pratique).
    Je me demande s'il ne vaut mieux pas, pour déterminer un rayon de convergence, travailler sur le sens, plutôt que la méthode ?

    Avec la notion de fonction génératrice, je pense avoir trouver une entrée qui me permet de mieux cerner ce qu'est une série entière.

    PS : J'ai bien conscience que l'on n'a pas trouvé de rayon de convergence ici, mais on a obtenu des informations intéressantes sur ce rayon de convergence.
  • Le mieux serait peut-être que Rietveld calcule la fonction génératrice de quelques lois usuelles, afin de se rendre compte des différentes situations possibles. Il peut trouver ces fonctions génératrices avec Wikipédia.
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • J'ai fait les calculs classiques pour les fonctions génératrices de variables aléatoires suivant une loi de Bernoulli, binomiale et de Poisson. La loi de Bernoulli et la loi binomiale affichent une belle stabilité dès lors que l'on s'intéresse à ce que devient la génératrice d'une somme de variables aléatoires discrètes indépendantes.
    Les calculs ne posent pas de problèmes.
    On peut malheureusement réaliser des calculs corrects sans mettre du sens à ce que l'on fait.

    C'est pour cela que j'avais plutôt placé cette discussion dans la rubrique Analyse, c'est plus l'emploi des séries entières que je pointais, plutôt que le contexte probabiliste.
  • Salut,
    LOU16 a écrit:
    Parmi les nombreuses caractérisations du rayon de convergence R d'une série entière...

    J'ai pas encore compris cette caractérisation. Je prends $\rho = 1$ et $a_n = 1\,\forall\, n$ alors $\sum_{n\geq 0} 1 = \infty$.

    Une explication s'il vous plait.

    Cordialement.
  • Ah ok, j'ai vu.
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.