Une fonction continue un morphisme ?

Bonsoir,
je viens de lire un formidable article sur la théorie des catégories (Wikipedia),qui dit que dans le contexte des espaces topologiques, les fonctions continues, peuvent être considérées comme des "morphismes", étant complètement profane, le terme "morphisme" ne m'évoque que de l'algèbre.
cependant je crois comprendre quelque chose : a-t-on le fait que si $f: X \mapsto Y$ avec ($X$et$Y$des espaces topologiques )alors
$E/*$ est homéomorphe à $f(X)$ ou $*$ est la relation d’équivalence sur $X$ définie par : $\forall x,y \in X, x*y \Leftrightarrow f(x)=f(y)$
Alors on aurait une belle "traduction topologique" de ce que je connais en algèbre sous le nom du : Premier théorème d'isomorphisme.
Ce que je vient d'énoncer est correct ? et si non comment justifier le fait qu'on appelle des fonctions continues des "morphismes" ,quels rôles structurellement parlant (sûrement évident mais que je ne vois toujours pas ) jouent les fonctions continues ? càd ce qui est similaire à un morphisme en algèbre.

Merci d'avance pour toute aide :D

Réponses

  • Avant que l'on puisse dire si ce que tu écris est correct, il faudrait
    1°) Que tu précises ce qu'est $f$. Juste une application ? Une application continue ? Avec plus de propriétés ?
    2°) Que tu dises quelle topologie tu mets sur le quotient $E/*$.
    Bref, ta question est trop floue.

    Pour ce qui est de la catégorie des espaces topologiques et applications continues, tu peux voir une première approche ici. La page en anglais est plus complète.
  • Alors oui évidemment je m'excuse $f$ est continue et $E/* e$st munie de la topologie quotient.
    Pour l'article en anglais merci je file voir !
  • Regarde ce qui se passe si $X$ est muni de la topologie discrète, si $Y$ est $X$ muni de la topologie grossière et si $f$ est l'identité.
    Encore une imprécision dans ta question : qu'est-ce que $f(X)$, comme espace topologique ? Quelle topologie ?
  • Ottman : En théorie des catégories, les flèches sont souvent (quasiment tout le temps, je crois) appelées morphismes. Le rapport entre les applications continues et les morphismes de groupes, c'est que, que "truc" soit "application continue" ou "morphisme de groupes", l'identité est toujours un truc, et la composition de deux trucs est encore un truc. Cela marche aussi pour "application linéaire", "application différentiable", etc. Les personnes qui ont inventé la terminologie de la théorie des catégories ont choisi le mot "morphisme" pour désigner ce genre de trucs, mais les flèches de la théorie des catégories auraient très bien pu s'appeler "applications continues" !

    Le "théorème d'isomorphisme", quant à lui, est plutôt spécifique aux contextes algébriques, car, par exemple, dans plein d'autres contextes où les flèches sont de vraies applications, le fait d'être un morphisme bijectif n'implique pas que l'on est un isomorphisme, alors que ceci est vrai pour les groupes, les espaces vectoriels, les anneaux, les corps, par exemple.
  • Le "premier théorème d'isomorphisme" a lieu dans les catégories abéliennes. Pour ce qui est d'appeler "morphisme" les flèches dans toutes catégories ce n'est pas toujours judicieux : on ne voit pas vraiment quelle structure est préservée par une application continue (l'image d'un ouvert n'est pas forcément un ouvert par exemple). Mais bon, c'est la tradition.
  • Oh ! je suis très intriguée par "Le "premier théorème d'isomorphisme" a lieu dans les catégories abéliennes" je vais de ce pas chercher ! en fait à la base c'était une réflexion personnelle, je voyais une similarité indéniable entre les structures algébriques, les espaces topologiques et les espaces mesurables et je me demandais s'il n'y a pas un concept de "structure" qui généralise tout cela, j'ai ouïe dire que la théorie des catégories faisait exactement cela. Bon si le premier théorème d'isomorphisme n'est pas donc applicable à toute catégorie comme vous l'avez annoncé ,qu'il existe des cas "généraux" ou cela fonctionne indépendamment de l'algèbre me semble extrêmement satisfaisant ! bref je vais de ce pas chercher ce que veut dire : catégorie abélienne.
  • C'est un théorème bien connu (mais difficile) que toute catégorie abélienne est en fait essentiellement la catégorie des $R$-modules pour un certain anneau $R$. https://fr.wikipedia.org/wiki/Théorème_de_plongement_de_Mitchell
  • Je fais un premier paragraphe concernant le premier théorème d'isomorphisme :
    En fait il y a deux généralisations du premier théorème d'isomorphisme : l'une concerne les catégories abéliennes (où il est en fait "évident" par les axiomes qui sont imposés); mais qui est malheureusement (a posteriori) peu utile d'après le théorème rappelé par Poirot.
    La deuxième me semble plus utile, plus "profonde" et moins forcée. Il s'agit du premier théorème d'isomorphisme pour les algèbres universelles. Une algèbre de type $\tau$, où $\tau$ est une suite d'entiers (indexée disons par $I$) est un ensemble $A$ muni d'applications $f^A: A^n \to A$ pour chaque $f\in I$, avec $\tau_f = n$. Cela généralise les constructions algébriques connues (monoïdes, groupes, anneaux etc.). Dans ce contexte, on ne quotiente pas par des sous-algèbres, mais bien par des relations dites de congruence (une relation d'équivalence est une congruence ssi elle "respecte" les opérations). Alors, à chaque morphisme $f: A\to B$ ("morphisme" étant une application qui commute aux opérations, le type $\tau$ étant fixé) on peut associer une congruence $Ker f$ telle que $A/Ker f$ soit isomorphe à l'image de $f$, et telle qu'on ait en fait un théorème d'isomorphisme comme pour les catégories abéliennes, mais aussi les catégories des groupes, des anneaux, etc. (Qui ne sont pas des catégories abéliennes).



    Digression mise de côté, une application continue $f: X\to Y$ est "réellement un morphisme" en tant que si tu regardes $f^{-1} : \mathcal{P}(Y) \to \mathcal{P}(X)$ l'application "image réciproque", alors celle-ci respecte la topologie, i.e. elle envoie un ouvert sur un ouvert (au même titre que, typiquement, un morphisme de monoïdes envoie le neutre sur le neutre).

    En considérant $Top$ non pas comme une catégorie concrète sur $Set$ (par le foncteur d'oubli usuel) mais comme la duale de $Top^{op}$, cette dernière étant concrète sur $Set$ via le foncteur d'oubli $\mathcal{P}(f: X\to Y) = f^{-1} : \mathcal{P}(Y) \to \mathcal{P}(X)$ ; alors on voit mieux en quoi les applications continues sont des "morphismes", en quoi ils préservent une structure.
    Pour comprendre ce que ça veut dire, tu peux jeter un oeil au formalisme des catégories concrètes (qui permet de donner un peu plus de sens aux groupes topologiques etc.)

    En faisant une deuxième légère digression, la situation perd toute équivoque si on se restreint aux espaces compacts (compact Hausdorff pour les anglophones). En effet la catégorie $CompHaus$ de ces espaces est concrètement isomorphe à la catégorie des algèbres de $Set$ sur la monade ultrafiltres $\beta$ (qui à un ensemble $X$ associe l'ensemble de ses ultrafiltres). Dans ce cas, une application continue entre deux espaces topologiques est précisément une application qui préserve l'action de ladite monade: c'est une application qui préserve une structure, "donc" un morphisme (sachant que la notion d'algèbres sur une monade est souvent vue comme la généralisation naturelle de la notion de "structure algébrique")
  • @Poirot : Je suis content de connaître l'existence de ce théorème, merci !

    @Maxtimax :
    Maxtimax a écrit:
    tu peux jeter un oeil au formalisme des catégories concrètes (qui permet de donner un peu plus de sens aux groupes topologiques etc.)

    Tu peux détailler ? Une "catégorie concrète", c'est pas juste un mot un peu sophistiqué pour dire que les objets de la catégorie sont des ensembles particuliers, et les flèches sont des applications particulières ? Christophe avait dit une fois que, par Yoneda (je crois), toutes les catégories étaient isomorphes (ou équivalentes ?) à une catégorie concrète... En tout cas, qu'est-ce que ça a à voir avec les groupes topologiques ?

    Dans ton paragraphe final, je crois que tu voulais dire "compact Hausdorff", parce que "$T_2$ Hausdorff" c'est une répétition. Et comment s'appelle ce théorème ? Ca sera pour moi l'occasion d'essayer de lire la définition de "monade" !
  • @GeorgesAbitbol : Si on se donne une catégorie de base $A$, une catégorie concrète sur $A$ c'est la donnée d'une catégorie $C$ et d'un foncteur fidèle $U: C\to A$, ce foncteur représente en fait le foncteur d'oubli (typiquement c'est le cas pour les catégories usuelles: $Grp, Ring$ etc., avec $A=Set$). En ce sens (tu pourras essayer de réfléchir à pourquoi c'est le caractère fidèle du foncteur qui est important) la catégorie $C$ peut alors être vue comme une catégorie "dont les objets sont des objets de $A$ avec une structure en plus", et "dont les morphismes sont des morphismes de $A$ qui respectent cette structure". C'est en effet un mot sophistiqué pour pas grand chose, mais ça permet de parler et de généraliser des idées.

    En fait, ce n'est pas vrai. Déjà le lemme de Yoneda nécessite que la catégorie soit localement petite, ce qui n'est pas tout le temps le cas (même si ça l'est très souvent); mais en plus il ne suffit pas. Typiquement la catégorie $hTop$ des espaces topologiques et des classes d'homotopie (une flèche $f: X\to Y$ est une classe d'équivalence de fonctions continues $X\to Y$ pour la relation "être homotope à") n'est pas concrète: elle n'admet pas de foncteur fidèle vers $Set$ (foncteur qui tiendrait lieu de "foncteur d'oubli"). En fait le lemme de Yoneda donne un foncteur fidèle vers une catégorie de la forme $Set^{C^{op}}$ qui, lorsque $C$ n'est que localement petite, n'est pas, elle, localement petite, de sorte qu'elle n'a pas de foncteur fidèle vers $Set$, et donc on ne peut pas s'en sortir ainsi.

    A contrario, si $C$ est une petite catégorie, $Set^{C^{op}}$ est localement petite, et a un foncteur fidèle vers $Set$ qui consiste à prendre le produit. (voir https://amathew.wordpress.com/2012/01/26/homotopy-is-not-concrete/ pour plus de détails sur $hTop$, et sur ce que je viens de dire).

    Ce que ça a à voir avec les groupes topologiques est la chose suivante: un groupe topologique est en fait un groupe-objet dans la catégorie des espaces topologiques, ou un espace-topologique dans la catégorie des groupes. Ainsi, la catégorie des groupes topologiques peut être vue d('au moins)e trois manières différentes comme une catégorie concrète : via ses trois foncteurs d'oublis, l'un vers $Top$, l'autre vers $Grp$, et finalement le troisième vers $Set$. Ce sont trois points de vue différents qui amènent des éclairages différents car par exemple ces foncteurs ont différents adjoints et respectent différentes constructions (dans le cas des groupes topologiques, on apprend peu de choses, même si ça reste intéressant; c'est surtout enrichissant dans la théorie générale des catégories concrètes)

    Oui en effet je voulais dire compact Hausdorff, merci, je corrige ça !
    Je ne sais pas si ce théorème a un nom, essentiellement, étant donné une monade $T$ sur une catégorie $C$, tu peux lui associer différentes catégories $D$ telles que $T$ soit induite par une adjonction $C\to D$ (je ne sais pas faire le symbole pour l'adjonction sur LaTeX); l'une d'elles est la catégorie d'Eilenberg-Moore (on parle alors d'algèbres d'Eilenberg-Moore), qui correspond à l'intuition qu'on peut se faire des algèbres sur une monade. Il s'avère que dans les cas particuliers usuels ("algébriques"), cette catégorie est (concrètement, c'est-à-dire d'une manière qui respecte le foncteur d'oubli) isomorphe à la catégorie qu'on étudie (typiquement, $Grp$), dans ce cas-là (il me semble qu') on dit que la catégorie en question est monadique (ou peut-être que c'est l'adjonction qui est monadique ?).

    Alors, l'adjonction $Set \to CompHaus$ est monadique (dans un sens, le foncteur $\beta$ "compactification de Stone-Cech", ou encore "ensemble des ultrafiltres"; dans l'autre foncteur d'oubli $U$, on a $\beta \dashv U$); $CompHaus$ est concrètement isomorphe à la catégorie des algèbres d'Eilenberg-Moore sur de la monade induite $U\circ \beta$, en générale notée juste $\beta$ sur $Set$.
    Ce théorème repose simplement sur le fait que dans les espaces compacts (entendre compact Hausdorff), tout est déterminé par la convergence des ultrafiltres, en particulier une application est $C^0$ si et seulement si elle respecte cette convergence.
  • Sauf erreur, en topologie algébrique:

    Si on a deux espaces topologiques E et F connexes par arcs, on peut considérer le groupe fondamental de chacun de ces deux espaces (le groupe fondamental d'un espace topologique connexe par arc est un ensemble de classes d'équivalence de "lacets" muni de l'opération de composition des lacets)
    Toute application continue de E dans F induit un unique (homo)morphisme de groupes entre le groupe fondamental de E et le groupe fondamental de F.

    PS:
    Un lacet $\gamma$ d'un espace topologique $E$ est une application continue de $[0,1]$ dans $E$ qui vérifie $\gamma(0)=\gamma(1)$
  • @Maxtimax : Merci pour ces détails. Christophe avait l'air de dire que considérer des catégories dont la collection des objets n'était pas un ensemble, c'était de la triche. Si on se fixe un ensemble $E$, et qu'on considère la catégorie dont les objets sont les espaces topologiques dont l'espace sous-jacent est un élément de $E$, et qu'on prend pour flèches les classes d'homotopie, alors cette catégorie est petite. On perd vraiment quelque chose, même si on prend un $E$ très, très grand ?
  • @GeorgesAbitbol : Oui, c'est ce qu'il disait, et il n'a pas tort en un sens. Une question se pose chez beaucoup de catégoriciens : comment fonder rigoureusement les catégories, pour pouvoir dire des choses comme "la catégorie des groupes" ?

    Il y a plusieurs réponses à ce sujet; mais toutes ces réponses (celles que je connais du moins) impliquent qu'il faut tout de même faire une distinction de taille, entre petite, localement petite, et rien du tout (mais le sens de ces mots change entre les réponses !)

    Il me semble que Mike Schulman avait écrit un article à ce sujet (le voici : https://arxiv.org/abs/0810.1279) où il détaille différentes approches et donne un aperçu de leur consistency-strength (en anglais).

    Une astuce qui apparaît souvent est de choisir un $E$ très grand (typiquement un $V_\kappa$ pour $\kappa$ inaccessible, mais il s'avère qu'on peut prendre des $V_\lambda$ pour $\lambda$ beaucoup moins grand), et dans ce cas on distingue les petits ensembles (éléments de $E$) des gros ensembles (sous-ensembles de $E$), et on peut tenir le même raisonnement que les catégoriciens font chaque jour.

    Du coup dans l'exemple que tu donnes avec $hTop$, si je note $C_E$ la catégorie $C$ "relativisée à $E$ " (ça n'a pas beaucoup de sens mais dans un exemple concret comme celui-ci on n'a pas à se poser la question), $hTop_E$ est petite "dans l'absolu" (si ça a un sens), mais pas petite par rapport à $E$ (si $E$ a de bonnes propriétés); et en particulier comme $Set_E$ est essentiellement $E$, on n'aura pas de foncteur fidèle $hTop_E \to Set_E$ (si $E$ vérifie toutes les propriétés qui permettent de faire le raisonnement de l'article envoyé, ce qui sera le cas si par exemple $E$ est un $V_\kappa$, ou de manière beaucoup moins forte si $E$ est un modèle transitif de ZFC). Du coup la question de taille disparait "dans l'absolu" mais reste bien présente quand on la relativise à $E$ (d'ailleurs l'article susmentionné montre bien qu'il y a des questions de taille importantes)

    Je te donne deux exemples "classiques" où la distinction "petite/localement petite" a une importance :

    Une petite catégorie $C$ qui est complète et co-complète est en réalité un préordre : entre $A,B$ il y a au plus une flèche.

    Une petite catégorie abélienne est équivalente à une catégorie de $R$-modules pour un $R$ bien choisi.

    Si on remplace "petite" par "localement petite" dans ces deux théorèmes, ils deviennent faux (si $M$ est un modèle transitif de ZFC et qu'on considère des catégories dans $M$, $Set_M$ est complète et cocomplète, mais n'est pas un préordre par exemple)
  • Eh ben, merci beaucoup pour tous ces renseignements ! Tu me donnes la réponse à plein de questions que j'avais jamais osé poser, et d'autres que je ne m'étais pas posées du tout :p !
  • De rien ^^
    J'espère ne pas avoir trop hijacké le post de Ottman; si ça l'a dérangé je m'en excuse infiniment (mais c'était parti d'une bonne intention: donner un aperçu catégorique de pourquoi les applications continues sont en un sens de réels "morphismes", i.e. applications qui préservent une certaine structure)
  • C'est d'ailleurs le point de vue qui donne comme généralisation la pointless topology. C'est le point de vue « logique/algébrique » sur la topologie (les morphimses sont dans le sens renversé). L'autre point de vue « géométrique » (morphimses dans le sens habituel) donne comme généralisation les espaces de convergence.
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