Complétude / fermeture

Bonjour,

J'étais en train de réviser un peu les duaux algébrique et topologique et je suis tombé sur ce résultat bien connu :

Soit $E$ un $\mathbb{K}$-espace vectoriel normé. Une forme linéaire $u\colon E \to \mathbb{K}$ est continue si et seulement si son noyau est fermé.

Quand on regarde la démonstration, on construit une suite d'éléments du noyau de $u$ qui converge vers une limite qui n'appartient pas au noyau.

Du coup je me demande pourquoi parlons nous de fermeture plutôt que de complétude ?

J'ai cherché des équivalences en vain sur internet, pourriez-vous m'éclairer sur ce point ?

Je vous remercie par avance pour vos lumières.

Cordialement,
Mister Da

Réponses

  • Pourquoi parlerait-on de complétude ?
  • Bonjour,
    je me dis cela car quand je vois une suite d'éléments d'un ensemble qui converge vers un élément qui n'appartient pas à cet ensemble je pense aux suites de Cauchy qui seront toutes convergentes ssi l'ensemble est complet, et dans la preuve j'ai l'impression que c'est ça qui est utilisé quand je regarde la solution de l'exercice 1-2 de cette page.

    Me fourvoyé-je ?
    Cordialement,
    Mister Da
  • Tu te fourvoies, il s'agit bien de la fermeture ! Dans un espace métrique, les fermés sont caractérisés par le fait que toute suite à valeurs dedans qui converge, converge dedans, i.e. $F$ est fermé ssi $\forall u \in F^{\mathbb{N}}, u_n \to x \implies x \in F$.

    La complétude est une autre notion, qui parle de suites qui convergent ou pas. Un espace (ou un sous-ensemble d'un espace plus gros) n'est pas complet s'il existe une suite de Cauchy qui ne converge pas; il est complet si toute suite de Cauchy converge.

    Il y a tout de même un lien entre les deux, à savoir qu'un espace métrique est complet si et seulement si il est fermé dans tous les espaces métriques dans lesquels il se plonge isométriquement (un sens est très facile; l'autre requiert un peu plus de travail et passe par l'existence d'une complétion; en tout cas il me semble)

    En tout cas, ici il est bien question de fermeture !
  • Bonjour,

    merci beaucoup pour la réponse, ça commence à être plus claire. J'ai pris un peu de temps pour répondre car je voulais relire calmement les définitions avant de te faire perdre ton temps. Pour être certain d'avoir bien compris je tente un résumé dans lequel j'ai des petites questions (surtout entre "métrique" et "topologique" pour savoir à quel niveau se situe la définition)


    Fermeture
    Une partie $F$ d'un espace métrique $E$ est fermée si et seulement si pour toute suite $(x_n)_n$ d'éléments de $F$ qui converge vers un élément de $x\in E$, alors $x\in F$.

    C'est ça que j'avais mal compris, on ne s'intéresse qu'aux suites convergentes dans $E$ alors que dans mon esprit j'avais en tête des suites de Cauchy (le mot "métrique" m'a foutu dedans en fait). D'ailleurs j'ai une petite question dès ici. Pourquoi avons-nous besoin d'un espace métrique ? Que se passe-t-il si je remplace métrique par topologique (en fait je ne vois pas où on a besoin de distance vu que la convergence peut être définie à partir d'une topologie) ?

    Complétude
    Un espace métrique dans lequel toute suite de Cauchy converge est dit complet

    Ici, je comprends qu'on ait besoin d'une distance pour pouvoir parler de suite de Cauchy.

    Compacité
    On peut utiliser la définition qui dit qu'on peut extraire un sous-recouvrement fini de tout recouvrement par des ouverts, mais pour parler de suite explicitement je vais prendre comme proposition/définition :

    Une partie $F$ d'un espace métrique $E$ est compacte si et seulement si toute suite $(x_n)_n$ d'éléments de $F$ admet une sous-suite convergente dans $F$.

    Une nouvelle fois peut-on ici remplacer "métrique" par "topologique" ? (C'est juste pour savoir à quel niveau on est).

    Mille merci d'avance pour tes lumières.
    Cordialement,
    Mister Da
  • La notion de partie fermée se caractérise facilement dans le cas des espaces métriques : ce sont les parties dont on ne peut "pas sortir" en passant à la limite. La caractérisation en question n'est pas valable en toute généralité dans les espaces topologiques. Dans un espace topologique, un fermé est par définition le complémentaire d'un ouvert.

    Pour la compacité, même problème, la caractérisation que tu donnes n'est pas vraie en toute généralité dans les espaces topologiques.
  • Fermeture:cette définition est la bonne pour les espaces métriques, mais pas pour les espaces topologiques. En effet on peut définir la notion de suite convergente dans un espace topologique quelconque, et les suites à valeurs dans un fermé qui convergent convergent dans ce fermé; mais cela ne caractérise pas les fermés dans un espace topologique quelconque, même dans un espace suffisamment séparé.

    Compacité : Dans un espace métrique, les deux définitions sont équivalentes (Borel-Lebesgue: de tout recouvrement ouvert on peut extraire un sous-recouvrement fini; Bolzano-Weierstrass: de toute suite on peut extraire une sous-suite convergente); mais dans un espace topologique quelconque, elles ne le sont pas; et en fait on n'a aucune des deux implications: Bolzano-Weierstrass n'implique pas Borel-Lebesgue, et Borel-Lebesgue n'implique pas Bolzano-Weierstrass (contrairement à ce qu'on pourrait penser)

    A des axiomes de séparation près (selon qu'on est francophone ou anglophone), compact est défini par la propriété de Borel-Lebesgue; un espace topologique qui vérifie celle de Bolzano-Weierstrass est dit séquentiellement compact.

    Essentiellement, ce qu'on peut retenir c'est que dans un espace métrique, les suites "suffisent pour tout caractériser" (je n'ai pas d'énoncé précis, mais c'est ce qu'on voit en pratique); alors que dans un espace topologique en général, c'est faux
  • Bonjour,

    merci à vous deux ! Le verrou que j'avais dans la tête vient de sauter.

    En fait je n'étais pas très subtile dans mon raisonnement, comme les notions de "fermé" est de "convergence" sont topologiques je n'avais pas réalisé que la caractérisation puisse n'être vraie que dans un niveau au dessus (métrique). J'imagine que c'est par qu'il existe des topologies qui ne sont pas issues d'une métrique. Du coup, j'imagine que si je remplace par "espace topologique métrisable" ça doit le faire mais autant dire espace métrique finalement non ?

    Merci beaucoup.

    C'est possible que je revienne ici pour affuter encore quelques notions mais grâce à vous je viens de comprendre plein de choses !

    Cordialement,
    Mister Da
  • Espace topologique métrisable marche, et même si à première vue, "autant dire métrique" a l'air convaincant, ce n'est pas le cas : quand on regarde un espace métrique, sa distance nous intéresse. Ce n'est pas le cas quand on regarde un espace métrisable, ou seul le fait que ce soit métrisable nous intéresse
  • Merci pour la précision, il faut vraiment que j'apprenne à peser chaque mot plusieurs fois avant de les utiliser.

    Je souhaiterais ajouter une dernière notion dans mon catalogue / aide mémoire, toujours en utilisant des caractérisations par les suites (vu mon niveau mathématique vu ce que je fais ça me suffit amplement) :

    Densité
    Une partie $F$ d'un espace métrique $E$ est dense (dans $E$) si et seulement si tout élément de $E$ est limite d'une suite d'éléments de $F$.

    Pour faire un lien avec la première notion, j'ajoute que $E$ est la fermeture de $F$ (ce qui doit être probablement la définition "topologique" de la densité j'imagine).

    Est-ce bon ?

    Et si j'ai compris Wiki, si je remplace "métrique" par "topologique" il faut que j'enlève le "seulement si".

    Une nouvelle fois merci par avance pour votre aide. J'ai la sensation d'avoir plus progressé en 5 messages qu'en lisant plusieurs livres.

    Cordialement,
    Mister Da
  • Effectivement, dans un espace métrique, c'est correct (il me semble que même dans ce cas par contre, on parle plus d'adhérence que de fermeture, contrairement aux anglophones qui parlent de closure).

    Dans un espace topologique, il faut en effet enlever le "seulement si" (même si, en remplaçant "suite" par "suite généralisée", ou encore "filtre", tu aurais raison dans un espace topologique quelconque ;-) )
  • Une autre caractérisation des parties denses dans un espace topologique est qu'il s'agit d'une partie qui rencontre (a une intersection non vide avec) tous les ouverts non vide.
  • @Maxtimax Super, merci pour la précision. Sur le cours du site (ici) visiblement ils utilisent effectivement plus volontiers le mot "adhérence" (bien que fermeture soit aussi introduit en guise de synonyme).
    Concernant la seconde partie de ton message, je suis ravi d'apprendre que j'aurais eu raison, mais ça risque de me prendre un bail avant de comprendre pourquoi !

    @Poirot, merci pour cette alternative. En fait j'ai l'impression de mieux appréhender les caractérisations par les suites, quitte à être dans un espace métrique (et non juste topologique) pour cela. Mais comme je luzerne essentiellement dans des espaces de Hilbert ou de Banach je suis largement dans les clous. J'approfondis ces notions juste pour me coucher moins ignorant le soir.

    Merci une nouvelle fois pour vos précieuses lumières, c'est super sympa.

    Cordialement,
    Mister Da
  • re bonjour,
    je suis conscient d'abuser de votre gentillesse mais j'ose. J'ai une autre question topologique mais un peu plus philosophique (je dis "philosophique" car ça fait mieux que "floue" ou "bancale").

    Constat
    Si on considère un ensemble $E$ que l'on munit de la topologie grossière alors toute suite de $E$ converge (elle converge même vers tout point de $E$).

    Si on considère un ensemble $E$ et un espace topologique $F$. En munissant $E$ de la topologie discrète alors toute application $E\to F$ sera continue.

    Méditation
    Du coup j'ai tendance à me dire que moins la topologie est fine plus il sera facile pour une suite de converger et j'ai tendance à faire le même raisonnement en me disant que plus la topologie sera fine plus il sera facile pour une application d'être continue. Est-ce cette vision naïve est complètement fausse*, où y a-t-il quand même un fond de vérité ?

    Si ce n'est pas trop débile, j'ai tendance à me dire du coup que sur un espace vectoriel topologique, la topologie faible est une sorte de compromis qui vise à trouver la topologie la moins fine possible qui préserve la continuité des formes linéaires continues (bref qui préserve le dual topologique, la topologie initiale des formes linéaires continues) pour pouvoir avoir un maximum de suites qui convergent.

    Je me pose cette question car en physique on parle de solutions forte et faible d'un problème et je n'ai encore jamais cherché à creuser cette notion plus que ça.

    Merci pour votre aide.
    Cordialement,
    Mister Da

    *je sais qu'elle n'est pas bonne car en prenant $\mathbb{R}$ comme espace de départ et comme application l'indicatrice des nombres strictement positifs qui n'est donc pas continue avec la topologie usuelle de $\mathbb{R}$ le deviendra si je prends la topologie $\{\emptyset,\ ]{-}\infty,0],\ ]0,+\infty[,\ ]{-}\infty,+\infty[\}$ qui est beaucoup moins fine... mais bon je me console en me disant qu'elle le deviendra également en prenant la topologie discrète.
  • Ce sont de très bonnes réflexions, et en un sens tu as raison. La topologie faible est là pour avoir la topologie la plus économique dans le sens où on veut rendre continue certaines applications, donc pour ça il vaut mieux qu'il y ait suffisamment d'ouverts, mais dans ce cas on prend les ouverts dont on a besoin et pas d'autres.
  • Comme le dit Poirot ce sont de bonnes réflexions. C'est la même idée qu'en théorie de la mesure, où plus la tribu sur $X$ est grossiére, plus il y aura d'applications mesurables vers $X$, et plus elle est fine, plus il y aura d'applications mesurables partant de $X$.
  • Bonjour,

    il faut garder à l'esprit que, « moins il y a d'ouverts plus il y a de compacts ».

    C'est l'idée directrice de la topologie faible : mettre ce qu'il faut d'ouverts pour assurer la continuité là où l'on en a besoin, mais conserver le maximum de compacts pour faciliter les minorations/majorations.
  • Merci pour vos remarques, j'avais peur d'avoir dit une énormité.

    À la lumière de vos réponses j'ai fait un bond spectaculaire en topologie ! Merci beaucoup. Je vais laisser décanter un peu tout ça maintenant.

    Cordialement,
    Mister Da
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