Riemann-Lebesgue et duaux topologiques

Bonjour,
je souhaite remettre à plat des résultats bien connus de l'analyse de Fourier à la sauce topologique.

Dans le cadre des séries de Fourier
En considérant un segment $I = [-\pi,\pi]$ et une fonction $e_k\colon t\mapsto \exp(\mathrm{i}kt)$, pour tout $t\in I$ et $k\in\mathbb{Z}$, je souhaite montrer que la suite $(e_k)_{k\in\mathbb{Z}}$ converge faiblement vers la fonction identiquement nulle $0$ dans $L^p(I)$ où $p$ est un nombre réel $1\leq p<+\infty$.

En d'autre terme, on veut montrer que $(\mathbf{f} \mid e_k) \to 0$ quand $|k|\to+\infty$ pour tout $\mathbf{f}\in(L^p(I))'$ et où $(\cdot \mid \cdot) $ désigne le crochet de dualité.

Nous avons l'identification $(L^p(I))'\simeq L^q(I)$ avec $\frac{1}{p} + \frac{1}{q} = 1$. Ainsi il existe une fonction $f\in L^q(I)$ telle que $(\mathbf{f} \mid e_k) = \int_{-\pi}^\pi f(t)e_k(t)\mathrm{d}t$. Et comme $I$ est borné nous avons l'inclusion $L^q(I) \subset L^1(I)$. Ce qui fait que nous pouvons alors appliquer le lemme de Riemann-Lebesgue qui dit précisément que cette intégrale tend vers $0$ quand $|k|$ tend vers l'infini.

Ainsi la suite de fonctions $(e_k)_k$ tend faiblement vers la fonction identiquement nulle dans $L^p$ avec $1\leq p<+\infty$


Est-ce correct ?


Dans le cas des transformées de Fourier
Maintenant, si on prend $I=\mathbb{R}$ on perd les inclusions des espaces $L^p$ (par exemple le sinus cardinal est dans $L^2$ mais pas dans $L^1$).

D'autre part les fonctions ne sont plus indexées par un entier $k$ mais par un réel $\nu$, je ne sais pas si ça implique quelque chose de particulier : $e_\nu\colon t\mapsto \exp(\mathrm{i}\nu t)$.

Mais ici ils disent quelques choses que je n'arrive pas à retrouver

Dans le cas où $q=1$ et $p=+\infty$, on veut montrer que $(\mathbf{f} \mid e_\nu) \to 0$ quand $|\nu|\to+\infty$ pour tout $\mathbf{f}\in(L^\infty(\mathbb{R}))'$.
S'il existe une fonction $f\in L^1(\mathbb{R})$ telle que $(\mathbf{f} \mid e_\nu) = \int_{-\infty}^{+\infty} f(t)\exp(\mathrm{i}\nu t)\mathrm{d}t$. Le lemme de Riemann-Lebesgue sert une nouvelle fois pour conclure.

Si j'ai compris ce que j'ai lu, le dual topologique de $L^\infty(\mathbb{R})$ contient strictement $L^1(\mathbb{R})$. Je me dis donc que rien ne garantit que je trouve une fonction $f$.

Ainsi, je ne peux pas dire que la "suite" de fonctions $(e_\nu)_\nu$ tend faiblement vers la fonction identiquement nulle dans $L^\infty$ car il me manque des cas.



Ai-je le droit d'inverser le raisonnement en considérant une suite de forme $\mathbf{e}_\nu\in (L^1(\mathbb{R}))'\simeq L^\infty(\mathbb{R})$ ce qui donnerait

$(\mathbf{e}_\nu \mid f) = \int_{-\infty}^{+\infty} \exp(\mathrm{i}\nu t) f(t)\mathrm{d}t$ pour tout fonction $f\in L^1(\mathbb{R})$ ?

J'ai peur qu'il y ait des histoires de réflexivité ou autre non ?

Un grand merci par avance pour vos lumières (en espérant que certains aient le courage de finir cette tartine.

Cordialement,
Mister Da

Réponses

  • Pour le point 1), je crois que oui. Pour le point 2), ben, comme $t \mapsto e^{i\nu t}$ est dans $L^\infty$, elle définit la forme linéaire continue sur $L^1$ donnée par $f \mapsto \int^\infty_\infty e^{i\nu t}f(t) dt$. Est-il vrai que pour $\nu \to \infty$, cela tend vers $0$ ? Oui, c'est un énoncé cité plus haut dans l'article de wikipédia.
    Qu'est-ce qui te gêne dans tout ça ?
  • Bonjour,
    merci beaucoup pour ta réponse.
    En fait ce qui me dérange c'est quand ont on parle de convergence faible c'est la chose suivante.

    En considérant un espace $E$ et son dual topologique $E'$, on dit qu'une suite $(x_n)_n$ converge simplement vers un élément $x$ de $E$ quand $\lim_{n\to+\infty} (\varphi\mid x_n) = (\varphi\mid x)$ pour toute forme linéaire continue $\varphi\in E'$.

    Dans le second point de mon message, pour que ça tombe juste j'ai fait l'inverse en considérant une suite de formes linéaires continues $(\varphi_n)_n$ et j'ai considéré la limite $\lim_{n\to+\infty} (\varphi_n\mid x) = (\varphi\mid x)$ pour tout $x\in E$. Du coup je me demande si c'est encore une convergence faible.

    Alors pour retomber sur mes pattes, je suis tenté de voir $x$ comme un élément du bidual topologique mais comme $L^1$ et $L^\infty$ ne sont pas réflexifs j'ai l'impression d'être coincé.

    En fouillant, je me heurte sur des notions que j'ai du mal à maîtriser comme la topologie faible-*. En fait j'ai l'impression que ce que j'ai fait est ça mais je n'arrive pas à m'en convaincre.

    Mille mercis par avance pour vos lumières.
    Cordialement,
    Mister Da
  • Ah, ok, je vois !

    - dans le cas 1), tu as une suite $(e_k)_{k \in \mathbb{Z}}$ d'éléments de $L^\infty([-\pi,\pi])$, et, via l'application bien connue $L^\infty([-\pi,\pi]) \rightarrow L^1([-\pi,\pi])^*$, une suite de formes linéaires continues sur $L^1([-\pi,\pi])$ dont une version du lemme de Riemann-Lebesgue assure qu'elle converge $*$-faiblement vers $0$ ;
    - dans le cas 2), tu as une famille $(e_\nu)_{\nu \in \mathbb{R}}$ d'éléments de $L^\infty(\mathbb{R})$, et, via l'application bien connue $L^\infty(\mathbb{R}) \rightarrow L^1(\mathbb{R})^*$, une suite de formes linéaires continues sur $L^1(\mathbb{R})$ dont une version du lemme de Riemann-Lebesgue assure qu'elle converge $*$-faiblement vers $0$.

    C'est donc la même chose dans les deux cas.

    Mais, de plus, dans le cas 1), la suite $(e_k)_{k \in \mathbb{Z}}$ est dans tous les $L^p$ (ce qui n'est pas le cas dans le cas 2) !), et on peut se poser d'autres questions de convergences, quand $1<p <\infty$ : par exemple, est-ce que $(e_k)_k$ converge vers $0$ pour la topologie faible du Banach $L^p$ ? Est-ce que, via l'identification $L^p \leftrightarrow (L^q)^*$, elle converge $*$-faiblement dans le Banach $(L^q)^*$ ? Eh bien, le fait que les $L^p$ soient réflexifs, pour $1<p <\infty$, dit que les réponses à ces questions sont les mêmes !
  • Ah ! super ! Merci ! Que c'est joli. Je crois que je vois beaucoup plus clair maintenant. J'étais entré dans le problème par un cas très particulier et je ne m'en sortais plus.

    Si je résume, dans les deux cas on parle de convergence faible-* dans $(L^1)'$ puis, dans le cas n°1, on a un alignement de planètes avec les inclusions des espaces $L^p$ ($1<p<\infty$), les identifications $(L^p)'\simeq L^q$ avec $q$ conjugué de $p$ et enfin la réflexivité qui fait "qu'accidentellement" les topologies faible-* et faible sont les mêmes c'est ça ?

    Les fameuses applications bien connues $L^\infty\to(L^1)'$ portent-elles un nom ? Tu les introduits car en toute rigueur le dual topologique de $L^1$ n'est pas $L^\infty$ sauf dans certains cas particuliers quand la mesure est sigma-finie (je ne fais que répéter car j'ai beau avoir lu la définition je suis très loin d'avoir compris et d'en avoir saisi la saveur) ?

    Encore un grand merci pour ton aide.
    Cordialement,
    Mister Da
  • Mister Da, tu définis l'opérateur $T:L^{\infty}\to (L^1)'$ par $\langle Tu,f\rangle=\int_\Omega uf.$ Georges n'identifie pas le dual de $L^\infty.$

    Par contre es-tu sûr pour le caractère sigma-finie ? Il me semble que c'est faux avec le mesure de Lebesgue sur un ouvert de $\Bbb{R}^n.$

    En espérant ne pas voir dit de grosses conneries.
  • Bonjour,

    merci pour la précision.

    Pour le caractère sigma-finie, je suis certain de n'être sûr de rien. Je n'ai fait qu'ânonner ce que j'ai cru comprendre de ce que j'ai lu mais je suis bien incompétent dans le domaine (je découvre en pagaille toutes ces notions).
    J'ai trouvé des informations sur la stack, sur wiki et sur le wiki allemand (je ne parle pas la langue mais ça se devine un peu)

    Cordialement,
    Mister Da
  • Je lis "semifinite measure" dont je n'ai pas lu la définition :p.
  • Oui, l'application "bien connue", c'est $f \mapsto (g\mapsto \int fg)$. Le fait que ça envoie $L^p$ dans $(L^q)^*$ et le fait que cette application soit continue de norme au plus $1$ pour les normes habituelles découle de Hölder (et ça marche pour tout $p$ !). J'avais le souvenir que pour $p \in ]1,\infty[$ c'était une isométrie, dans le cas de $\mu$ gentilles.

    Appelons cette application bien connue $p \to p^*$. Pour rigoler un peu, regardons la transposée de cette application, qui est donc $(p\to p^*)^* : ((L^{p^*})^*)^* \rightarrow (L^p)^*$. Composons-la avec $J_p : L^{p^*} \rightarrow ((L^{p^*})^*)^*$. A-t-on : $(p\to p^*)^* \circ J_p = p^* \to p$ ? Normalement ça devrait être bon, je vais essayer tout à l'heure :p

    En parcourant tes liens, je vois avec stupeur que quand ça va de $L^\infty$ vers $(L^1)^*$, c'est pas forcément une isométrie. J'espère que pour nos cas à nous, il n'y a pas de problème, mais je pense que dans le cas contraire, on me l'aurait dit et je m'en serais souvenu...

    PS : Dans tout ce que j'écris, $q$ est le conjugué de $p$, hein !

    Et semifinite est défini .
  • Bonjour,
    merci pour vos réponse et désolé pour ma lenteur. Visiblement je suis encore plus largué que prévu.

    Dans les liens que j'ai mis, on lit avant tout "sigma-finie", avant d'arriver au "semi-infinie" non ?. Dans wiki on lit "Si la mesure est $\sigma$-finie, le dual de $L^1$ est $L^\infty$" et la première phrase de la "stack" est "The dual space to the Banach space $L^1(\mu)$ for a sigma-finite measure $\mu$ is $L^\infty(\mu)$, given by the correspondence [...]"

    Bref "sima-finie" est suffisant mais pas nécessaire.
    Je vais continuer de digérer calmement cette histoire.

    Merci beaucoup pour vos lumières.
    Cordialement,
    Mister Da
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.