Égalité dans hTop et groupes fondamentaux

Bonjour,
Existe-t-il deux espaces topologiques $X$ et $Y$ connexes par arcs et homotopiquement équivalents qui ont des groupes fondamentaux non isomorphes ? Cela impliquerait qu'aucuns des espaces pointés $(X,x)$ et $(Y,y)$ ne sont isomorphes dans $\rm hTop_*$.
Merci

Réponses

  • Ça remonte à loin pour moi donc potentiellement grosse bêtise : les équivalences d'homotopie n'induisent-elles pas des isomorphismes entre les groupes fondamentaux ?
  • Ce que tu dis est juste Poirot.

    En fait, le point subtil est dans l'autre sens : il y a des espaces dont tous les groupes fondamentaux sont isomorphes (édit avec isomorphisme induit par une même application au niveau des espaces, on dit qu'ils sont faiblement homotopiquement équivalents), mais qui ne sont pas fortement homotopiquement équivalents homotopiquement, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'équivalence d'homotopie entre eux.

    Si je ne dis pas de bêtise (Max pourrait confirmer, il me semble que c'est plus son domaine), les contre-exemples sont toujours assez moches : quand les deux espaces sont des CW complexes, toute équivalence faible d'homotopie est en fait une équivalence forte (théorème de Whitehead).
  • Poirot : Oui si les homotopies (entre les identités de $X$ ou $Y$ et les composées des deux applications $X\to Y$ et $Y\to X$) préservent des points bases, mais ce n'est a priori pas forcément le cas. Il me semble.
    $\pi_1$ est un foncteur de $\rm hTop_*$ vers $\rm Grp$. Mais là je demande que $X$ et $Y$ soient isomorphes dans une autre catégorie : $\rm hTop$. Ça implique peut-être des complications.
  • Calli : la question n'est pas immédiate effectivement, mais c'est vrai. En fait c'est beaucoup plus simple à voir en utilisant le groupoïde fondamental que le groupe fondamental (si on en reste au groupe fondamental, on est forcé de jongler entre différents points bases, ça se fait, mais c'est pénible).

    Voilà une manière de faire :
    1- Soit $G_0,G_1$ deux groupoïdes connexes et $F: G_0\to G_1$ une équivalence de catégories. Alors pour tout $x\in G_0$, $F$ induit un isomorphisme $Aut(x)\to Aut(F(x))$ (c'est là qu'on relègue tout le boulot sur les points bases)

    2- Soit $X,Y$ deux espaces topologiques, et $H : X\times I \to Y$ une homotopie entre $f,g : X\to Y$. Alors $H$ induit une transformation naturelle $\Pi_1(X)\to \Pi_1(Y)$ entre les deux foncteurs induits par $f,g$ respectivement.

    Les deux lemmes, séparément, sont assez évidents. Le deuxième implique en particulier que si $X$ et $Y$ sont homotopiquement équivalents (pas pointés !) alors il y a une équivalence $\Pi_1(X) \to \Pi_1(Y)$, et donc via le premier lemme on a ce qu'on veut.

    Donc c'est encore plus fort : $\pi_1(X,x)\to \pi_1(Y,f(x))$ est un isomorphisme, même si a priori l'inverse de $f$ à homotopie près n'est pas pointé, et même si les homotopies ne respectent pas le point base.

    Si tu n'aimes pas les groupoïdes, tu peux réexprimer tout ça en termes de groupes, mais il y a des changements de point base qui sont pas évidents à gérer (c'est comme ça que je l'avais appris quand j'étais à ta place, j'avais pas aimé :-D )


    Ce que dit Poirot est vrai, mais il y a quand même une subtilité dans la question de Calli (qui est essentiellement "comment prouver l'énoncé de Poirot ?") : une preuve naïve de la propriété requiert à la fois que l'équivalence d'homotopie, sa réciproque et les homotopies utilisées soient pointées, ce qui n'est souvent pas le cas (c'est ce que Calli a essayé d'exprimer en distinguant $hTop$ et $hTop_*$)

    (Comme dit Chat-maths, mais c'est plus subtil, la réciproque n'est pas vraie en général, elle l'est si on demande qu'on ait une flèche qui induise un iso sur tous les $\pi_n$, et que nos deux espaces ait le type d'homotopie d'un CW-complexe)
  • Merci beaucoup !
    Ça va, j'aime bien les groupoïdes. Ce avec quoi j'ai plus de mal, c'est les foncteurs de foncteurs de ... de foncteurs. :-D
  • Idée un peu bêbête, mais on ne peut pas "simplement" rajouter un point base, par exemple en collant un segment $[0,1]$ à $X$ et un segment $[0, 1]$ à $Y$, (en collant le long d'un seul point bien sur, pour ne pas engendrer de boucles) en étendant les fonctions $f$ et $g$ qui réalisent l'équivalence d'homotopie de sorte que les points "sommets" de ces pointes se correspondent?
    On utilise le segment rajouté pour parcourir tous les chemins qu'ils faut pour que ce soit bien continu, avec $f$ et $g$ inchangés sur $X$ et $Y$, ensuite on fait nos homotopies vers les identités, sur $X$ et $Y$, on a les identité, reste à gérer les deux segments rajoutés (quitte à faire les homotopies précédentes deux fois plus vite, pour ensuite travailler uniquement sur les segments et "à X et Y fixés"), mais puisque $[0,1]$ est contractile, on devrait pouvoir sans trop de mal ramener le tout à l'identité. Vu qu'on a simplement rajouté des pointes contractiles, on a pas touché aux groupes fondamentaux.

    Je pense que par contre, ce serait très ennuyeux à écrire proprement, et je ne suis pas 100% sûr que ça marche (notamment la partie ou on "fait ce qu'il faut avec des chemins" sur les segments pour étendre en des fonctions continues, il y a peut-être un détail que je manque ici et qui fait planter le truc).
  • Je n'ai pas trop compris Chat-maths. Si tu colles juste un segment à un endroit, comment prolonger continûment les homotopies (éventuellement non pointées) ?
    Dans la même idée, prendre les cônes $(X \times[0,1])/ (X\times\{1\})$ et idem pour $Y$ marche peut-être. Edit : non.
  • Chat-maths : je ne suis pas sûr de voir comment tu étends les homotopies à tes nouveaux espaces :-S imagine que ton homotopie $id \to fg$ (sur $X$ disons) bouge le point base de $X$ : par exemple $H(x,t) = y\neq x$ pour un certain $t$. $H(-,t)$ envoie où les $\epsilon$ très petits (donc ceux qui sont proches de $x$) du bâton que tu as ajouté ? Elle doit les envoyer très proches de $y$, donc pour $\epsilon $ assez petit, en dehors du bâton, et dans $X$. Donc ton homotopie sur $X\vee [0,1]$ doit envoyer des points non nuls de $[0,1]$ dans $X$ : ça me paraît pas évident à écrire

    Calli : le cône c'est une mauvaise idée en principe puisqu'il est contractile (mais tu t'en es rendu compte dans ton edit visiblement)
  • Oui, c'est pour ça que j'ai rayé.
  • Oui, c'est pour ça que j'ai dit que mon idée est un peu bébète. Je suis arrivé à la même conclusion que la nouvelle homotopie ne peut pas laisser les bâtons fixés, et va éventuellement faire des détours dans $X$, et que ça risque d'être pénible à écrire. Je me suis dit qu'il devait y avoir moyen de s'en sortir en utilisant que le segment rajouté est contractile, et que peu importe ce qu'il lui arrive par l'homotopie, on pourra toujours le "re"-contracter après-coup, mais ce n'est ni rigoureux, ni sûr.

    Je vais simplement ne pas l'écrire et me dire que la solution avec les groupoïdes est meilleure (et puis les catégories, c'est cool :-D)
  • D'ailleurs @Maxtimax, tu as une référence sympathique qui parle de topo algébrique avec des groupoïdes (et pas juste des groupes fondamentaux comme la plupart des références)?
  • Chat-maths : tu as ce document, qui traite uniquement du théorème de Van Kampen (mais donne un aperçu de ce qu'on peut gagner avec les groupoïdes; notamment le calcul de $\pi_1(S^1)$ par Van Kampen, ce qui n'est pas possible avec des groupes)

    Mais sinon en référence plus complète, tu as Topology and groupoids de Ronnie Brown, qui est en libre accès sur son site. Il est très bien, à ceci près qu'il est écrit dans un style un peu idiosyncratique (notamment son usage un poil dérangeant de $+$ pour la concaténation des chemins qui me fait bizarre...)

    Vu que tu t'y connais déjà au moins un peu, les premiers chapitres (de topologie générale en gros) ne t'intéresseront pas; le chapitre 4 peut-être (ça parle de CW-complexes); puis après les chapitres 6 à 11 traitent de groupoïdes et de groupoïdes fondamentaux. L'idée que Brown essaie de développer dans ce livre est que "les groupoïdes sont un modèles algébrique parfait de la topologie des $1$-types". En gros (c'est un peu tautologique dit comme ça mais bon avec un peu de réflexion pas tant que ça) toute l'information homotopique que tu peux tirer d'un espace en n'observant que ce qui arrive vers lui en dimension $1$ (en gros en étudiant son $1$-type) est équivalemment trouvée dans son $\Pi_1$.

    C'est un peu tautologique, parce que ça dit "l'information que contient le $\Pi_1$ est parfaitement modélisée par le $\Pi_1$" - mais en vrai c'est une baby-version de l'hypothèse de Grothendieck donc c'est déjà pas mal.

    En particulier, un aspect que j'aime bien dans ce livre (je ne l'ai pas lu en entier, et la partie dont je vais parler, je ne l'ai pas lue :-D mais je sais ce qu'elle fait, et je l'ai fait de mon côté - dans un document commencé et rapidement abandonné sur les groupoïdes - et j'aime bien) est qu'il traite à part la notion de revêtement de groupoïdes (et prouve à ce niveau-là tous les théorèmes d'existence, d'unicité etc.) et l'applique ensuite aux espaces - la présentation usuelle le fait directement sur les espaces, alors que justement toute l'information du $1$-type (en particulier la catégorie des revêtements) est contenue dans le $\Pi_1$, donc on peut le faire côté groupoïdes et c'est légèrement plus agréable.
  • Merci pour ces documents ! (:D
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