Bijection continue et localement compacte

Bonjour
Je me suis rendu compte hier d'une propriété à laquelle je n'avais jamais fait attention dans $\mathbb{R}$ (munie de sa topologie standard de l'ordre) : toute bijection continue de $\mathbb{R}$ dans lui-même ou l'une de ses parties* est un homéomorphisme (*: qui sera nécessairement un ouvert connexe, mais passons).

Bien sûr la démonstration paraît assez évidente quand on connaît certaines particularités de $\mathbb{R}$. Mais je me suis demandé si il n'y avait pas une propriété (ou peu de propriétés) "assez générale" notamment vérifiée par $\mathbb{R}$ et qui à elle seule pourrait avoir une conséquence encore plus forte, je voudrais avoir ça.

" Toute bijection continue de $X$ dans un autre espace est un homéomorphisme".

Il se trouve que cette propriété est notamment vérifiée par les compacts (qui sont "absolument fermés") et je me demande si la propriété recherchée ne peut pas être impliquée seulement par la locale compacité.

Donc trois questions.
- Toute bijection continue d'un espace localement compact vers un autre espace topologique est-elle nécessairement un homéomorphisme ?
- Si c'est vrai, puis-je le montrer par bidouillage autour des compactifiés d'Alexandrov ?
- Toujours si c'est vrai, peut-on trouver "beaucoup plus simple" que le passage par les compactifiés ?

Petite note : je sais que ce n'est pas très sympa de ma part, mais s'il vous paraissait évident que les réponses aux deux premières questions sont "oui" ne développez pas trop ces réponses, parce que, dans ce cas, j'aurais bien envie de faire l'exercice (j'aime bien essayer de montrer des trucs, mais je préfère ne pas prendre trop de risques et j'aime moins chercher des contre-exemple).
Merci d'avance.

Réponses

  • Salut,
    La réponse est non. En effet, $$\mathrm{id} : (X,\text{une certaine topologie} )\longrightarrow (X,\text{topologie grossière} )$$ est toujours une bijection continue. Mais ça n'est pas très passionnant comme exemple et on peut demander que l'espace d'arrivée soit séparé, ou connexe, ou métrique, etc (si on est très gourmand). Et on peut satisfaire cette gourmandise. Soit $L$ la lemniscate de la photo. Elle est homéomorphe à $\Bbb R$ muni de la topologie engendrée par les $]a,b[$ ($a,b$ finis [édit] avec $a,b>0$ ou $a,b<0$) et les $]-\infty,-n[\cup]-1/n,1/n[\cup]n,+\infty[$. Ainsi : $$(\Bbb R,\text{topologie usuelle} ) \overset{\mathrm{id} }\longrightarrow (\Bbb R,\text{nouvelle topologie} ) \overset{\cong }\longrightarrow L$$ est une bijection continue entre espaces métriques connexes localement compacts qui n'est pas un homéomorphisme.

    LemniscateB.png
  • J'ai écrit mon message un peu vite (c'était l'heure d'aller manger) et je n'ai pas pensé à deux choses :

    1/ Pour que la question soit bien posée, il faut au moins demander la séparation de l'espace d'arrivée car cette hypothèse est déjà présente dans le théorème "toute bijection continue d'un compact vers un séparé est un homéo". Je crois qu'on en avais déjà parlé il y a quelques mois Titi. Donc mon premier exemple avec la topologie grossière était hors sujet... mais je me suis rattrapé après.

    2/ Il y a plus simple que la lemniscate (même si ça fait assez chic d'en parler) : le cercle privé d'un point. Il est homéo à R muni de la topologie engendrée par les ]a,b[ (a,b finis) et les $]-\infty,-n[\cup]n,+\infty[$.

    Je crois qu'on a quand même "une bijection continue d'un groupe topologique localement compact séparable vers un groupe topologique localement compact est un homéo". Il faut que je vérifie, notamment s'il doit être abélien. Je mettrai du Latex décent plus tard, là je dois urgemment "partir" en cours.
  • Ah oui! Il manque de précision ce Titi... Je regrette amèrement de ne pas avoir précisé topologie séparée...
    :-D
    Bon ok, j'ai bien compris l'erreur de ton contre-exemple, je crois que tu voulais juste dire que les éléments supplémentaires de la bases de la topologie sont les $]a,+\infty[ \cup \{ 0 \}$ et les $]-\infty, a[ \cup \{ 0 \}$ (et évidemment avec ça, l'identité entre $\mathbb{R}$ munie de la topologie usuelle vers la nouvelle n'est pas continue, puisque les "nouveaux ouverts" n'ont pas des ouverts pour antécédent).

    Je reste quand même globalement dans le flou (en plus, je suis bien embêté, parce que je n'y connais que dalle à la topologie algébrique, tu vas m'obliger à beaucoup travailler, là), mais merci beaucoup Calli!
  • En fait ce que le dessin (et le texte) de Calli révèlent (tu peux te rendre compte toi-même d'où vient la bijection continue entre $\mathbb R$ et cette lemniscate, ou encore plus simplement entre $\mathbb R_+$ et un cercle, c'est le même genre d'idées) c'est que le problème est "l'infini".

    Quand tu as des espaces compacts, ce problème de l'infini disparaît complètement, puisque dans un espace compact, il n'y a pas d'infini (pour l'instant j'utilise le mot "infini" dans un sens vague de "direction où on peut s'enfuir" )

    Pour des localement compacts, tu as quand même potentiellement des infinis (e.g. dans $\mathbb R$ tu en as deux), et dans l'exemple de Calli, tu vois que le problème est que ces infinis s'envoient sur du fini (pareil dans le cercle). En fait tu peux éviter ce genre de situations en imposant que l'infini soit envoyé à l'infini.

    Si tu as deux espaces $X,Y$ séparés, localement compacts, et $f:X\to Y$ une bijection continue propre, c'est-à-dire telle que $f^{-1}(K)$ soit compact pour tout compact $K$ de $Y$ (c'est ce qui traduit "l'infini est envoyé à l'infini") , alors c'est un homéomorphisme.

    Peut-être qu'on n'a même pas besoin de la compacité locale de $X$ ni de sa séparation, tiens. Mais en tout cas ça éclaircit un peu le problème qu'on peut voir avec le cercle et la lemniscate

    (je ne vois pas pourquoi tu parles de topologie algébrique cependant, ça n'a pas grand chose à voir avec ce qu'on raconte ici :-S )

    Calli : attention, le cercle privé d'un point est homéomorphe à $\mathbb R$ : c'est la projection stéréographique (il lui est même difféomorphe si je ne me trompe pas)
  • Re,

    Merci beaucoup pour vos interventions, mais je crois que je suis ultra-paumé avec le contre-exemple:

    On est bien d'accord pour dire que la topologie du lemniscate c'est celle que je lui trouve en la dessinant dans un espace euclidien? (du coup ce lemniscate a une topologie compacte, connexe ...)
    Et j'ai fait une grosse boulette en voulant reformuler de la topologie de Calli à coller à $\mathbb{R}$ pour l'homéomorphisme. À la réflexion, les éléments à ajouter à la topologie usuelle pour créer une base de la nouvelle topologie doivent être de ce type là : $]a, 0]\cup ]b,+\infty[$ ou $]-\infty,a[\cup [0,b[$ avec dans les deux cas $a<0<b$.
    Je ne suis pas sûr qu'on parle bien de celle-là, parce que même ainsi je coince.

    Si c'est bien ça: je ne pige pas en quoi "l'identité est continue", parce que dans la seconde topologie, j'ai $U= ]a,0]\cup ]b,+\infty[$ avec $a<0<b$ qui est ouvert au sens de la deuxième topologie et pas de la première (en fait, je suis persuadé que la seconde topologie doive être incluse dans la première pour parler de continuité de l'identité).

    Je suis désolé, mais je suis complètement coincé sur ce point et je n'arrive pas à comprendre les arguments tant que je fais ce blocage.

    PS:
    Maxtimax a écrit:
    (je ne vois pas pourquoi tu parles de topologie algébrique cependant, ça n'a pas grand chose à voir avec ce qu'on raconte ici confused smiley )
    Je l'avais bien dit que j'y connaissais que dalle en topologie algébrique, je ne sais même pas de quoi ça parle! :-D
  • Ah oui, j'ai écrit des bourdes. Je suis allé trop vite. :-X
    1/ Le cercle privé d'un point est bien homéomorphe à $\Bbb R$, merci Maxtimax. Donc je n'ai pas parlé de la lemniscate juste pour faire snob. Il y avait une bonne raison (i.e. ça ne marche pas avec l'exemple plus simple du cercle privé d'un point), c'est juste que je ne m'en souvenais pas.

    2/ J'ai mal présenté ma lemniscate, donc je vais tout recommencer. Désolé pour les confusions que j'ai créées.

    Définition : la lemniscate est $L = \{(x,y)\in\Bbb R^2 \mid (x^2+y^2)^2 + 2(y^2-x^2) =0 \}$.

    En coordonnées polaires $(r,\theta)$ les points de $L$ sont caractérisés par $r=\sqrt{\cos(2\theta)}$ ($\theta \in [-\frac\pi4,\frac\pi4]\cup[\frac{3\pi}4,\frac{5\pi}4]$). Donc on peut paramétrer les deux boucles de $L$, l'une par l'intervalle $[-\frac\pi4,\frac\pi4]$, l'autre par $[\frac{3\pi}4,\frac{5\pi}4]$. Quitte à arranger notre paramétrisation, on peut transformer ça en une paramétrisation sur un unique intervalle ouvert $I$ qu'on parcourt dans le sens de l'image. On peut supposer $I$ ouvert (c'est pas grave si on oublie ses extrémités car elles sont envoyées sur l'origine du plan par laquelle on est déjà passé) et même que $I = \Bbb R$. Donc j'ai construit $f: \Bbb R \to L$ qui est
    • bijective : ça se voit sur le dessin et ça peut se justifier avec la procédure de construction de $f$
    • continue : parce qu'on était partie de "$r=\sqrt{\cos(2\theta)}$" et qu'on a fait un recollement continu, mais pas de déchirement.
    Maintenant, $L$ n'est pas homéomorphe à $\Bbb R$ puisque qu'il est fermé (lieu d'annulation d'une fonction continue) borné, donc compact tandis que $\Bbb R$ n'est pas compact. On voit que sur le dessin, on a "pris" $\pm \infty$ et on les a "collés" en l'origine (cf. ce que disait Maxtimax).101274
  • Salut,
    J'ai finalement un peu tenté de raisonner comme si la propriété que je recherche était vraie.
    Et, je crois que tout le raisonnement fonctionne à condition qu'une propriété particulière soit vraie.
    J'imite donc un début de raisonnement pour poser la question autrement:

    Soit $X$ un espace localement compact, $Y$ un espace séparé, $f$ une application continue de $X$ dans $Y$.
    Soit $x\in X$, $C$ un voisinage compact de $x$. Je sais que $f(C)$ est une partie compacte de $Y$ qui contient $f(x)$, ça c'est bien, mais...
    La grande question est : $f(C)$ est-il un voisinage de $f(x)$?

    Je n'en sais absolument rien et je n'arrive plus à avancer.

    Edit Je crois que je rédige mes messages aux mêmes heures que Calli, je vois son message après coup, je vais en prendre connaissance immédiatement :-D.
  • Calli : il y a tout de même un exemple plus simple ;-) qui est celui de $\mathbb R_+$ avec le cercle (c'est grosso modo le même phénomène qu'avec ta lemniscate, sauf que la tienne va des deux côtés du coup : les deux manières de tendre vers l'infini dans $\mathbb R$)

    Titi : Pour comprendre pourquoi l'identité est continue, moi j'ai eu la flemme d'étudier la topologie définie sur $\mathbb R$ pour que ça marche : j'ai juste remarqué que l'application de $\mathbb R$ vers la lemniscate qui la paramétrise est "évidemment" continue, et bijective, donc qu'il existe une topologie qui la rend un homéomorphisme, qui est incluse dans l'usuelle.

    Plus précisément : soit $f: (X,T)\to (Y,S)$ une application continue bijective. Alors il existe $T'\subset T$ telle que $f:(X,T')\to (Y,S)$ est un homéomorphisme.
    (et la preuve usuelle de ça décrit explicitement $T'$)

    Pour ta dernière question (que tu as postée en même temps que mon message ), la réponse est non en général: l'exemple de la lemniscate ou du cercle avec $\mathbb R_+$ te donnent des situations où ça se voit (pour trouver le bon $x$, essaie de voir en quel $x$ dans la lemniscate est-ce que l'application réciproque n'est pas continue)
  • Maxtimax : Oui, bon :-D:-D. Je crois que je suis un peu obnubilé par ma lemniscate et j'en rate les exemples plus simples. J'en avais eu besoin une fois dans un exo et ça m'est resté en mémoire. Et un très récent fil a ravivé ce souvenir.

    Titi : Finalement, mon contre-exemple n'a plus besoin de ma topologie chelou et Max a donné des exemples plus simples. Mais j'en reparle un chouilla pour ne pas te laisser dans le flou. Soient $f:\Bbb R\to L$ notre bijection continue et $\mathcal{T} = \{f^{-1}(U) \mid U \text{ ouvert de }L\}$. Alors $\mathcal{T} $ est une topologie sur $\Bbb R$ engendrée par les $]a,b[$ tels que $a<b<0$ ou $0<a<b$ et les $]-\infty,-n[\cup]-1/n,1/n[\cup]n,+\infty[$ (ce sont les images réciproques d'une famille qui engendre la topologie de $L$). Et $\mathcal T$ est incluse dans la topologie usuelle de $\Bbb R$. On a donc $$(\Bbb R,\text{topologie usuelle} ) \overset{\mathrm{id} }\longrightarrow (\Bbb R,\mathcal{T} ) \overset{\cong }\longrightarrow L$$ et $\mathcal{T}$ est strictement plus petite que la topologie de $\Bbb R$ (elle ne contient pas $]-1,1[$), donc on n'a pas d'homéomorphisme.
  • Calli a écrit:
    Je crois qu'on a quand même "une bijection continue d'un groupe topologique localement compact séparable vers un groupe topologique localement compact est un homéo".

    Le truc exact c'est :
    Soient $X,Y$ des groupes topologiques abéliens. On les suppose tous deux localement compacts et on suppose $X$ est séparable. Soit $f:X\to Y$ un isomorphisme continu. Alors $f$ est un homéomorphisme.

    On peut peut-être améliorer les hypothèses, mais ça reste ultra spécifique, donc ç'a peu d'intérêt pour notre discussion (je donne quand même l'énoncé exact pour ne pas rester dans le vague).
  • Re,
    Merci à vous deux, mais là, je suis en blocage complet. Je n'ai pas une pratique suffisante pour avoir une idée assez précise de ce qu'on désigne par "recollement", et si c'est ce que je crois, comment on fait pour en définir sans ajout d'éléments à la topologie...
    Je tente d'y revenir à froid demain, avec moins d'a priori.

    Merci encore.
  • Ce recollement là ?
    Calli a écrit:
    continue : parce qu'on était partie de "$r=\sqrt{\cos(2\theta)}$" et qu'on a fait un recollement continu, mais pas de déchirement.

    C'est informel. C'était pour dire qu'on avait deux paramétrisations sur deux intervalles (une pour chaque boucle) qui commençait toutes deux en l'origine. Donc on les "fusionnent" pour donner une paramétrisation continue qui parcourt toute la lemniscate.
    Mais ne te préoccupe pas trop des détails. Le plus important c'est de voir sur le dessin qu'on peut paramétrer de manière continue et bijection. Et tu peux même abandonner la lemniscate pour regarder le [édit] $\Bbb R_+$ proposé par Maxtimax qui est plus simple.
  • Ah oui...(:D C'est vrai que c'est beaucoup mieux de se concenter sur le cercle de Maxtimax, ce coup-là, c'est clair qu'on n'a pas besoin d'ajouter des ouverts à la topologie usuelle de $\mathbb{R}^+$ pour rendre continue l'application de $\mathbb{R}^+$ vers le cercle...
    Bon ben, maintenant c'est clair, ma propriété était fausse et j'étais aveuglé par l'idée (fausse) que l'antécédent d'un ouvert relativement compact par une bijection continue était nécessairement relativement compact.
    Je bloque toujours sur le coup du lemniscate, mais maintenant, ça n'a plus d'importance et je peux l'oublier ou vivre avec (enfin... je crois :)o ).
    Edit: Tout va bien, je suis resté sur un mauvais truc, mais en fait, j'ai juste mal vu, une base des voisinages de $f(0)$ sont juste les images des $]-\infty,a[\cup ]b,c[ \cup]d,+\infty[$ (avec $ b<0<c$).

    Merci beaucoup!
  • Je n'ai pas tout lu, mais
    " Toute bijection continue de X dans un autre espace (séparé) est un homéomorphisme"

    Quand $X$ est comme ça, ou bien il est compact, ou bien tu as des recouvrements sans sous-recouvrement fini, tel que qu'il existe des points de ton espace vérifiant qu'aucune adhérence de leur voisinage n'est recouvrable par un nombre fini du recouvrement. Euuu, compte-tenu de tes gouts, j'imagine que ce n'est pas le genre d'espace que tu veux étudier :-D

    Tu peux donc retenir: "les espaces que moi, pseudoté, Titi le curieux, j'aimerais croiser, sont tous compacts". Je te le laisse en exercice avec une indication. Prends un ultrafiltre qui ne converge pas, nomme-le $W$, prends n'importe quel point $a$, et considère l'ensemble des $U$ de $X$ qui sont à la fois des ouverts pour la topologie de $X$ et qui ou bien ne contiennent pa s$a$ comme élément ou bien appartiennent à $W$.

    C'est une topologie pour laquelle l'identité (topologie de départ mise au départ, nouvelle mise à l'arrivée) est continue, donc elle n'est pas séparée et tu conclus.

    Avec $\R$ ce qu'il y a de spécial surtout (et $\R$ n'a bien sûr pas cette propriété), c'est que sa topologie usuelle est minimale à être séparée. Mais c'est dû à la caractérisation des connexes. Je crois que ça marche encore pour $\R^n$ (qu'une bijection continue a sa réciproque continue), mais n'en suis pas sûr et poste un peu "précipitamment" présentement pour m'en assurer.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • C'est effectivement vrai pour $\R^n$ et ses parties, son petit nom c'est l'invariance du domaine (bon, c'est plus général, mais voilà)
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