Séparabilité de la topologie étroite

Bonjour,

Je suis devenu une buse en topologie et j'essaye de m'y remettre. Je bloque sur un point dans une preuve. Pour $E$ un espace topologique, on note $\Pr(E)$ l'espace des probabilités sur $E$ muni de la topologie étroite.

Lemme (admis). Soit $E$ polonais et soit $\mu\in\Pr(E)$. Les ensembles $$\bigl\{\nu \in \Pr(E) \mid \nu(F_i)<\mu(F_i)+\epsilon_i, 1\leq i\leq k\bigr\}, \quad k \geq 1, \epsilon_i>0, F_i \subset E \text{ fermé}$$ forment une base locale en $\mu$ pour la topologie étroite.

Proposition. Si $E$ est polonais, $\Pr(E)$ est séparable.

Début de la preuve.
Soit $$H = \bigl\{\nu \in \Pr(E) \mid \nu(F_i)<\mu(F_i)+\epsilon_i, 1\leq i\leq k\bigr\}$$ comme dans le lemme précédent. Les $F_i$ engendrent une partition finie $\mathcal{P}$. Pour tout $B_j \in \mathcal{P}$ non vide, on prend un point $b(j) \in B_j$. La probabilité $\sum\mu(B_j)\delta_{b(j)}$ est dans $H$. Donc les probabilités de support fini sont denses dans $\Pr(E)$.

Je ne comprends pas ce "donc". Pourriez-vous me l'expliquer ?

Réponses

  • Bonjour,
    Chaque voisinage de $\mu$ (ici $H$) contient une mesure de proba à support fini (ici $\sum\mu(B_j)\delta_{b(j)}$). Donc $\mu$ est dans l'adhérence de l'ensemble des mesures de proba à support fini. Ainsi les mesures de proba à support fini sont denses dans $\mathrm{Pr}(E)$ par définition de la densité. Est-ce plus clair ?
  • Ah oui je crois que je comprends. La définition de la densité ça aide :-D

    J'ai aussi un problème de compréhension de l'étape suivante :
    Donc l'ensemble dénombrable des probabilités de support fini et contenu dans un sous-ensemble dense de $E$ et qui ont une masse rationnelle en chaque point du support, est dense dans $\Pr(E)$.

    Je comprends la dénombrabilité, mais pas la densité.
  • Soit $D$ une partie dénombrable dense de $E$. On veut montrer que les $\sum b_i \delta_{y_i}$, avec $y_i\in D$ et $b_i\in \Bbb Q$, sont denses dans $\mathrm{Pr}(E)$.
    Soit $\mu=\sum a_i \delta_{x_i}$ (somme finie) une mesure de proba à support fini. Soit $V$ un voisinage de $\mu$. Il faut montrer que $V$ contient une mesure du type $\sum b_i \delta_{y_i}$ avec $y_i\in D$ et $b_i\in \Bbb Q$. Or $V$ contient un ouvert élémentaire $\{ \nu\in \mathrm{Pr}(E)\mid\forall k\in[\![1,n]\!], | \int_ E f_k\,{\rm d}\nu - \int_ E f_k\,{\rm d}\mu |<\varepsilon \}$. Pour conclure c'est une question de continuité des $f_k$.
  • Est-ce bon ainsi ? Si oui je trouve que l'auteur du livre exagère avec son petit "donc" pour résumer tout ça.

    Soit $\mu = \sum_{j=1}^J p_j \delta_{x_j}$ une probabilité de support fini.
    Soit $$ \mathcal{W}(\mu) =
    \Bigl\{\nu \mid \bigl|\nu(f_i)-\mu(f_i)\bigl| < \epsilon_i, i = 1,\ldots,k\Bigr\}
    $$ un voisinage de $\mu$, avec $\epsilon_i>0$ et $f_i \in C_b(E)$.
    Notons que $\mu(f_i) = \sum_{j=1}^J p_j f_i(x_j)$.

    Soit $(y_n)$ une suite dense dans $E$.
    Soient $K = \max\bigl\{\Vert f_i \Vert\bigr\}$ et $\epsilon = \min\{\epsilon_i\}$.
    Soient $q_j \in \mathbb{Q}\cap [0,1]$ tels que $\sum q_j = 1$ et $|q_j - p_j| < \frac{\epsilon}{2JK}$.
    Soit $y_{n(j)}$ tel que $\bigl|f_i(y_{n(j)}) - f_i(x_j)\bigr| < \frac{\epsilon}{2}$.

    On pose $$\nu = \sum_{j=1}^J q_j \delta_{y_{n(j)}}.
    $$ On a $$\nu(f_i) = \sum_{j=1}^J q_j f_i(y_{n(j)}),
    $$ donc $$\bigl|\nu(f_i)-\mu(f_i)\bigr| \leq
    \sum_{j=1}^J \bigl|q_j f_i(y_{n(j)}) - p_j f_i(x_j)\bigr|.
    $$ Majorons chaque terme: $$\begin{align}
    & \bigl|q_j f_i(y_{n(j)}) - p_j f_i(x_j)\bigr| \\ & \quad \leq
    \bigl|q_j f_i(y_{n(j)}) - p_j f_i(y_{n(j)})\bigr| +
    \bigl|p_j f_i(y_{n(j)}) - p_j f_i(x_j)\bigr| \\ & \quad \leq
    |q_j - p_j| \Vert f_i \Vert + p_j \bigl|f_i(y_{n(j)}) - f_i(x_j)\bigr| \\
    & \quad < \frac{\epsilon}{2J} + p_j \frac{\epsilon}{2}.
    \end{align}
    $$ En sommant, on obtient $$\bigl|\nu(f_i)-\mu(f_i)\bigr| < \epsilon.$$
  • Oui, c'est bon. (Tu n'as pas dit que le "$\bigl|f_i(y_{n(j)}) - f_i(x_j)\bigr| < \frac{\epsilon}{2}$" était pour tout $j$, mais je l'ai compris plus tard dans la preuve.)

    Je suis aussi étonné par ce "donc" assez rapide. Il y a peut-être une justification plus rapide avec ce qui précède dans le livre (je n'en sais rien...).
  • Merci. J'ai prouvé le lemme, sans l'hypothèse $E$ polonais.

    Lemme. Soient $\mu\in\Pr(E)$, $f \in C_b(E)$ et $\epsilon > 0$. Il existe un entier $k \geq 1$, des nombres $\epsilon_1 > 0, \ldots, \epsilon_k > 0$ et des fermés $F_1 \subset E, \ldots, F_k \in E$ tels que l'ensemble $$
    \Bigl\{\nu \mid \bigl|\nu(f)-\mu(f)\bigl| < \epsilon\Bigr\}
    $$ contient l'ensemble $$
    \bigl\{\nu \in \Pr(E) \mid
    \nu(F_i)<\mu(F_i)+\epsilon_i, 1\leq i\leq k\bigr\}.$$

    Preuve. En utilisant une transformation linéaire, $$
    \Bigl\{\nu \mid \bigl|\nu(f)-\mu(f)\bigl| < \epsilon\Bigr\}
    $$ peut aussi s'écrire $$
    \Bigl\{\nu \mid \bigl|\nu(g)-\mu(g)\bigl| < \epsilon'\Bigr\}
    $$ où $g \in C_b(E)$ est telle que $0 < g(x) < 1$ pour tout $x\in E$. On prend un entier $k > \frac{2}{\epsilon'}$ et les fermés $F_i = \bigl\{x \in E \mid g(x) \geq \frac{i-1}{k}\bigr\}$ et $F_{k+1} = \varnothing$.

    Soient les intervalles $J_i = \bigl[\frac{i-1}{k}, \frac{i}{k} \bigr[$. On a $$
    \sum_{i=1}^k \frac{i-1}{k}P\bigl(g^{-1}(J_i)\bigr) \leq P(g) \leq
    \sum_{i=1}^k \frac{i}{k}P\bigl(g^{-1}(J_i)\bigr).
    $$ La somme à droite est $$
    \sum_{i=1}^k \frac{i}{k}\bigl(P(F_i) - P(F_{i+1})\bigr)
    = \frac{1}{k} + \frac{1}{k}\sum_{i=2}^kP(F_i)
    $$ et la somme à gauche est $\frac{1}{k}\sum_{i=2}^kP(F_i)$. On a donc $\nu(g) < \frac{\epsilon'}{2} + \frac{1}{k}\sum_{i=2}^k\nu(F_i)$ et $\frac{1}{k}\sum_{i=2}^k\mu(F_i) \leq \mu(g)$. Ainsi, si $\nu(F_i)<\mu(F_i)+\epsilon_i$, on a $$
    \nu(g) < \frac{\epsilon'}{2} + \mu(g) + \frac{1}{k}\sum_{i=2}^k\epsilon_i
    $$ et donc $\nu(g) < \mu(g) + \epsilon'$ si on prend $\epsilon_i = \frac{\epsilon'}{2}$. En appliquant le même raisonnement avec $1-g$ au lieu de $g$, on obtient finalement $\bigl|\nu(g)-\mu(g)\bigl| < \epsilon'$. $\square$

    Je ne sais pas pourquoi Borkar prend des $\epsilon_i$ au lieu d'un $\epsilon$. Est-ce que ça change quelque chose ?
  • Ok.
    Non, ça ne change rien de prendre des $\epsilon_i$. Tout ensemble du type $\bigl\{\nu \mid \nu(F_i)<\mu(F_i)+\epsilon_i, 1\leq i\leq k\bigr\}$ contient un ensemble du type $\bigl\{\nu \mid \nu(F'_i)<\mu(F'_i)+\epsilon, 1\leq i\leq k'\bigr\}$ et inversement.
    Pour prouver le lemme du premier message, il faut encore montrer que $\bigl\{\nu\mid \nu(F_i)<\mu(F_i)+\epsilon_i, 1\leq i\leq k\bigr\}$ est un voisinage de $\mu$. C'est peut-être là que l'hypothèse polonaise intervient (je ne sais pas, je ne connais pas les preuves à l'avance).
  • Ah oui pardon j'ai changé le lemme. Celui-ci suffit pour démontrer la proposition "$E$ séparable $\implies$ $\Pr(E)$ séparable". Ainsi il n'y a pas besoin de $E$ métrique pour prouver cette proposition. La "réciproque" de ce lemme nécessite l'hypothèse $E$ métrique.

    Peut-être que les $\epsilon_i$ permettent d'éviter du bricolage dans certaines preuves. Je suis en train de tout redémontrer, je verrai, mais pour l'instant ils m'agacent.
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