Homologie, et homologie relative (pour cc)

(si je mettais "christophe" dans le titre, ça s'arrêtait à "christ", ça aurait fait bizarre :-D )
(bien sûr ce post est ouvert à toute personne qui est intéressée, mais je l'écris sur demande de Christophe, d'où le titre)

WARNING : c'est un post long.

Avant toute chose, on pourra consulter ce post , qui n'est certainement pas optimal, mais donne une première approximation de ce que l'homologie veut traduire, en tout cas en dimension 1.

L'une des raisons de sa non optimalité est qu'il a été écrit avec des coefficients réels ( a priori pour que ce soit compréhensible pour qui ne connait pas les modules; et seulement les espaces vectoriels), alors que l'une des raisons qui a lancé cette demande de Christophe est justement le passage à des coefficients qui ont de la torsion, e.g. $\mathbb F_2$ (ou universels : $\mathbb Z$).

L'idée est qu'on veut mesurer les "trous" d'un espace, et ce de manière linéaire (parce que la linéarité c'est facile). Le post en question explique déjà en partie ce qu'est un trou de dimension $1$: on peut mettre des bâtons autour qui forment un "cercle" (dans le post, ça correspond à la condition $dx = 0$, où $x$ est la somme formelle des bâtons), mais on ne peut pas remplir le trou : il n'y a pas d'analogue dans le cas des graphes, car ces derniers s'arrêtent en dimension $1$, mais ce qu'on va essayer de faire, c'est de faire en sorte que "on ne peut pas remplir le trou" se traduise par "$x$ n'est pas de la forme $dy$".

Prenons un exemple très simple pour comprendre ça : supposons qu'on a 3 bâtons, $e_1,e_0, e_2$ tels que $e_0$ suit $e_2$ et $e_1$ commence au même endroit que $e_2$ et finisse au même endroit que $e_0$ (faire un dessin : on devrait obtenir un triangle - la numérotation est un peu bizarre mais elle a un sens, je ne sais pas si je l'expliquerai)

Supposons que ce triangle puisse être rempli en un triangle plein dans mon espace (par exemple dans le plan). Alors ça me donne une application du triangle plein $\Delta^2$ (je le définirai plus tard) vers mon espace, et si je précompose par les différentes inclusions des bords, j'obtiens mes bâtons $e_0,e_1,e_2$.

Je rappelle que le "cycle" que mes bâtons décrivent suit d'abord $e_2$, puis $e_0$, puis $e_1$ en chemin inverse, donc il est représenté par $e_2+e_0-e_1$. Bah très bien, on va définir $d$(mon triangle plein) comme étant précisément $e_2+e_0-e_1$, du coup mon cycle $x$ vérifie $x=dy$ pour un certain $y$.

Inversement, s'il y a $y$ tel que $dy = x$, on peut imaginer qu'en un sens le cycle déterminé par $x$ est "remplissable".

Bon bah l'homologie prend cette idée au sérieux, la généralise aux dimensions supérieures, et permet de la liberté dans les coefficients.

Plus précisément : $|\Delta^n| = \{(e_0,...,e_n)\in \mathbb R^{n+1}\mid \forall i, e_i\geq 0 \land \sum_i e_i = 1\}$ est le $n$-simplexe standard. Faites des dessins pour $n=0,1,2,3$, c'est intéressant d'avoir une idée de leur tête.
(pourquoi on prend des simplexes donc des "triangles de grande dimension" ? Bonne question, difficile de répondre dans ce post; moi-même je ne suis pas sûr de toutes les raisons. A posteriori, on peut dire "ça marche très bien comme ça, et moins bien avec d'autres approches")

Un truc très cool à remarquer (facile à voir sur les dessins !) c'est que $|\Delta^{n+1}|$ se tient dans $|\Delta^n|$ de plusieurs manières, dont $n+1$ qui se distinguent : dès qu'on fixe $e_i =0$, on tombe sur un $n$-simplexe standard, la $i$-ème face. J'appelle $\partial_i: |\Delta^n|\to |\Delta^{n+1}$| l'application continue correspondante.

Soit ensuite $X$ un espace topologique. L'idée, pour accomplir notre programme plus haut, est de "sonder" $X$ via des simplexes. Moralement, ces simplexes devraient repérer les trous de $X$ (si je prends un $(n+1)$-simplexe, que je prends en fait que l'union de ses faces de dilension $n$, ça me donne une sorte de tétraèdre $(n+1)$-dimensionnel non plein, donc un truc $n$-dimensionnel - à nouveau ,regarder sur les dessins, particulièrement $n+1 = 2,3$)

Mais on veut linéariser tout ça, donc on pose $C_n(X) := $ le groupe abélien libre avec pour générateurs $\hom(|\Delta^n|,X)$ (chaque application continue $|\Delta^n|\to X$ est un générateur - on a tendance à les noter $\sigma$, donc si j'ai des $\sigma$ non définis qui traînent plus bas, ce sera ça).

Les éléments de $C_n(X)$ sont appelés "chaînes singulières de $X$", mais je risque de dire "chaîne" parce qu'ici il n'y aura pas d'autres chaînes.
On peut s'amuser un peu et varier les coefficients : si $A$ est un groupe abélien, $C_n(X;A) := C_n(X)\otimes A$

Finalement, on définit des différentielles : $d_{n+1} : C_{n+1}(X)\to C_n(X)$ (elles jouent le rôle de mon $d$ de plus haut). Ce sont par définition des morphismes de groupes abéliens, et donc je peux me permettre de les définir uniquement sur les générateurs $\sigma$, et alors $d_{n+1}\sigma := \sum_{i=0}^{n+1}(-1)^i (\sigma \circ \partial_i)$. En mots "on fait la somme alternée des faces de $\sigma$".
Vérifiez que pour $n+1 = 1$ on retrouve notre idée de cycle, et regardez ce qu'il se passe pour $n+1=2$

Le point essentiel est que $d^2= 0$ - c'est facile à montrer, ça repose en fait sur des identités que les $\partial_i$ vérifient entre elles; mots clé : "identités simpliciales" [ ou "simplicial identities" ] . Plus précisément, puisqu'on a des indices, $d_n\circ d_{n+1} = 0$ (mais j'écrirai souvent $d$). A remarquer que cela marche aussi pour $C_*(X;A)$

Une fois qu'on a ça, cela permet de définir l'homologie : $H_n(X)$ est le quotient de $\ker(d_n)$ par $\mathrm{im}(d_{n+1})$. Regardez un peu en dimension $0,1,2$ ce que ça représente (on pourra notamment se référer au blog de plus haut). On pourra aussi (avec un peu de profit, mais n'en espérez pas trop) consulter la discussion ici sur l'interprétation de $H_n(X)$ comme "trous" de l'espace.
On fait pareil pour $A$, ça définit $H_n(X;A)$.

Bon à partir de là on pourrait dire plein de choses et tout, il y a plein de théorèmes cool (dont la démonstration ne l'est pas tout le temps), je vais en énoncer certains dont j'aurai besoin.

A commencer par le fait que $C_*(X;A)$ est évidemment fonctoriel en $X$ et en $A$. Si vous n'aimez pas ce gros mot à chaque application continue $f:X\to Y$, on peut associer un morphisme de groupes $C_n(f) : C_n(X;A)\to C_n(Y;A)$ qui "commute aux différentielles": $d_n\circ C_n(f) = C_{n-1}(f)\circ d_n$ (faites un diagramme, c'est plus compréhensible - mais rappelez-vous de la cible de ce post :-D ), et qui vérifie les identités évidentes : $C_n(f\circ g) = C_n(f)\circ C_n(g)$, $C_n(id_X) = id_{C_n(X)}$. Il est défini sur les générateurs par $C_n(f)(\sigma \otimes a ) = (f\circ \sigma)\otimes a$.

Une fois que ceci est dit, je peux définir l'homologie relative : si $Y\subset X$ est un sous-espace, l'inclusion $i:Y\to X$ est continue, et donc on a un morphisme $C_*(Y;A)\to C_*(X;A)$ (qui est évidemment injectif), et je peux définir $C_*(X,Y;A)$ comme le quotient par ce morphisme. A noter que comme les différentielles sont compatibles, elles passent au quotient, et on peut les définir sur $C_*(X,Y;A)$, et donc on peut définir de la même manière $H_n(X,Y;A)$.

Comme d'hab, toutes ces constructions sont fonctorielles en la paire $(X,Y)$ et en $A$; où mes morphismes entre paires $(X,Y)\to (X',Y')$ seront les applications continues $f:X\to X'$ telles que $f(Y)\subset Y'$.

Attardons nous juste un peu sur ce truc relatif. $C_n(X,Y)$ (quand je ne mets pas de coefficients, c'est que $A=\mathbb Z$) est aussi abélien libre : ses générateurs sont les applications $\sigma : |\Delta^n|\to X$ qui ne se factorisent pas entièrement par $Y$. On peut donc le voir de deux manières : $C_n(X)$ mais où on décrète que si $\sigma$ se factorise par $Y$, alors elle devient nulle, ou le sous-groupe que je viens de mentionner.
Imaginez un instant les implications que ça a sur l'homologie : disons que je prends $\sigma : |\Delta^n|\to X$. En principe, $d(\sigma)$ est très rarement nul (imaginez une situation usuelle : ce ne sera pas nul)
Pour autant, si toutes les faces sont dans $Y$, $d(\sigma)$ atterrit dans $C_{n-1}(Y)$, et est donc nul dans $C_{n-1}(X,Y)$ ! Pour que $\sigma$ soit de la forme $d$(quelque chose)... c'est compliqué.
ça peut vous donner une idée de ce que $H_n(X,Y;A)$ contient comme information.

Une autre idée vient du théorème qui dit que pour toute paire $(X,Y)$ on a une "suite exacte longue" (naturelle en la paire) :

$\dots \to H_{n+2}(X,Y;A)\to H_{n+1}(Y;A)\to H_{n+1}(X;A)\to H_{n+1}(X,Y;A)\to H_n(Y;A)\to \dots$ (il y a un mini mensonge à cause de l'homologie réduite, considérez que $n>0$ ici pour que ce soit vrai)

(c'est-à-dire une suite de morphismes tels que chaque $3$ termes consécutifs donnent une suite exacte). Donc en fait chaque classe d'homologie $c\in H_{n+1}(X,Y;A)$ peut-être vue comme un "amalgame" d'une classe dans $Y$ de dimension $n$ (un "trou de dimension $n$ dans $Y$), et d'une dans $X$ de dimension $n+1$. On appelle le morphisme $H_{n+1}(X,Y;A)\to H_n(Y;A)$ le "boundary morphism" en anglais, j'imagine quelque chose comme "morphisme de bord" en français

Les deux autres théorèmes importants dont je veux parler sont :
1- L'invariance par homotopie : si $f,g : (X,Y)\to (X',Y')$ sont homotopes (et que l'homotopie vérifie $H(Y\times I)\subset Y'$), alors les applications induites en homologie sont égales : $H_n(f) = H_n(g)$ (en fait il y a un résultat plus fort, mais tenons-nous en à ça). En conséquence, par fonctorialité, si $(X,Y)$ est homotopiquement équivalent à $(X',Y')$, alors $H_n(X,Y;A)\cong H_n(X',Y';A)$. Avec $Y=\emptyset$ on a le même énoncé avec "si $X$ et $X'$ sont homotopiquement équivalents".

2- Le théorème d'excision : voir ici; il dit en gros que l'homologie relative est "locale" (sous de bonnes hypothèses) : si $\overline U \subset \mathrm{Int}(A)$, avec $U\subset A\subset X$ des sous-espaces, alors l'inclusion $i: (X\setminus U,A\setminus U) \to (X,A)$ induit un isomorphisme en homologie, i.e. $H_n(i) : H_n(X\setminus U,A\setminus U)\to H_n(X,A)$ est un isomorphisme.

De ce théorème on peut déduire la suite exacte de Mayer-Vietoris, qui est un outil calculatoire particulièrement puissant. Par exemple, avec ça vous pouvez dès maintenant calculer $H_k(S^n)$ pour tous $k,n$ - je le laisse en exercice (indication : procéder par récurrence en utilisant la décomposition en deux hémisphères).

Première application du théorème d'excision : calcul de l'homologie locale d'une variété, $H_k(M,M\setminus \{x\})$. Ce calcul indiquera en particulier comment penser à cette homologie locale, donc je repousse ça à après le calcul.

$M$ est une variété, donc on peut trouver une petite boule euclidienne $B$ contenant $x$. Je vais la prendre ouverte, disons. Alors, par le théorème d'excision, avec $U = M\setminus B$, $A= M\setminus \{x\}$ et $X= M$, on va avoir que l'inclusion $(B, B\setminus \{x\})\to (M, M\setminus\{x\})$ induit un isomorphisme en homologie.
C'est ça que j'entendais par "local" (ça, et Mayer-Vietoris): cette homologie relative ne dépend que d'un petit voisinage de $x$.

Maintenant, l'invariance par homotopie impose que $H_k(B,B\setminus\{x\}) \cong H_k(\mathbb R^n,\mathbb R^n\setminus\{0\})$. Donc si on veut interpréter $H_k(M,M\setminus\{x\})$, il nous faut simplement comprendre qu'il s'agit d'une version locale de $H_k(\mathbb R^n,\mathbb R^n\setminus\{0\})$. Il nous faut alors comprendre ce dernier.

Pour ça, on utilise la suite exacte longue de la paire $(\mathbb R^n,\mathbb R^n\setminus \{0\})$ (en n'oubliant pas deux points importants : $\mathbb R^n$ est contractile, donc son homologie est celle du point, i.e. $0$ en degrés strictement positif - exercice facile - et $\mathbb R^n\setminus\{0\}$ se rétracte par déformation sur $S^{n-1}$, donc son homologie est la même que cette dernière, donnée plus haut en exercice)

Alors on voit que (sauf peut-être en $k$ ou $n=0$ mais ça ne m'intéresse pas - ce genre de problèmes se règle avec l'homologie réduite) le morphisme de bord $H_{k+1}(\mathbb R^n,\mathbb R^n\setminus \{0\};A)\to H_k(\mathbb R^n\setminus \{0\};A)$ est un isomorphisme.

Regardons particulièrement en $k+1 = n$ : alors $H_{n-1}(\mathbb R^n\setminus \{0\};A)\cong A$ (je viens de me rendre compte que j'avais parfois oublié des coefficients : tout est vrai jusqu'ici avec n'importe quels coefficients $A$) , et donc $H_n(\mathbb R^n,\mathbb R^n\setminus \{0\};A) \cong A$.
Prenons par exemple $A=\mathbb Z$, auquel cas un isomorphisme de $H_{n-1}(\mathbb R^n\setminus\{0\})$ avec $\mathbb Z$ revient à un choix d'orientation de la sphère $S^{n-1}$ (pour comprendre ça il faut revenir sur le calcul de $H_{n-1}(S^{n-1})$, et voir que si on inverse l'hémisphère nord et l'hémisphère sud, on gagne un $-1$ dans l'identification avec $\mathbb Z$).

Donc en fait, $H_n(M,M\setminus \{x\}) \cong \mathbb Z$, et le choix d'un isomorphisme revient à un choix d'une orientation d'une petite boule autour de $x$ (choisir le "sens" de la sphère revient à choisir une orientation de $\mathbb R^n$) . Pour mieux comprendre ça, un bon exercice est de montrer que si $f\in GL_n(\mathbb R)$, l'application induite sur $H_n(\mathbb R^n\setminus\{0\})$ est $\frac{\det(f)}{|\det(f)|}$
(important : pour prouver cet isomorphisme, on a choisi un homéomorphisme entre notre petite boule $B$ et $\mathbb R^n$ - si on choisit un autre homéomorphisme, l'isomorphisme qu'on obtient va dépendre de l'orientation de la "différence", d'où l'intérêt de cette dernière formule)

Donc finalement, le choix d'un isomorphisme à $\mathbb Z$ est une orientation de notre variété "localement en $x$". Donc ça fait sens de dire qu'une orientation de $M$ ce serait de tels choix d'isomorphismes "cohérents" en $x$, i.e. un tel choix continu. Pour ça il nous faut une topologie, ou au moins une notion de cohérence locale (puisque si on a un choix global qui est localement cohérent, alors il est globalement cohérent : la continuité c'est une affaire locale)

Si j'ai un point $x$ et une petite boule euclidienne $B$ et que je prends un ouvert (euclidien aussi, mais je suis pas sûr que ce soit utile) $V\subset B$ contenant $x$, on va avoir que l'inclusion $(M,M\setminus V)\to (M,M\setminus\{x\})$ induit un isomorphisme en homologie. Pour voir cela, il suffit d'appliquer la naturalité de la suite exacte longue d'une paire, le lemme des $5$, et le fait que l'inclusion $M\setminus V\to M\setminus\{x\}$ est une équivalence d'homotopie - je laisse les détails en exercice.

Remarquez que cet isomorphisme $H_n(M,M\setminus V)\to H_n(M,M\setminus\{x\})$ est, lui, canonique : il ne dépend de rien.

Ainsi pour un deuxième point $y\in V$, on a une comparaison canonique $H_n(M,M\setminus\{y\})\overset{\sim}\leftarrow H_n(M,M\setminus V)\overset{\sim}\to H_n(M,M\setminus\{x\})$.

Maintenant si j'ai choisi un isomorphisme à $\mathbb Z$ en $x$, $\mu_x$, et un isomorphisme à $\mathbb Z$ en $y$, $\mu_y$, je peux les comparer, via cette comparaison canonique, et demander "sont-ils compatibles ?". Cela ne dépendra pas du $V$, tant qu'il est assez petit, pour des raisons de fonctorialité.

Ainsi, si j'ai, pour tout $x\in M$, un isomorphisme $\mu_x : H_n(M,M\setminus\{x\}) \to \mathbb Z$, je peux dire que la famille $(\mu_x)_x$ est une orientation (globale) de $M$ si, quel que soit le $V$ assez petit et les $x,y\in V$, $\mu_x, \mu_y$ sont compatibles, au sens décrit précédemment.

Une orientation de $M$ est donc un choix, pour tout $x\in M$ d'une orientation des petites boules autour de $x$, et ce de manière cohérente.

Si on a des coefficients dans un anneau $R$ (pour définir l'homologie, on regarde juste le groupe abélien $(R,+)$ sous-jacent), on peut faire la même chose, et on peut parler de $R$-orientation; en particulier on peut faire ça avec $R=\mathbb F_2,\mathbb F_3, \mathbb Z$.

Théorème : pour tout $M$, $M$ est $\mathbb F_2$-orientable.
Preuve : $Aut(\mathbb F_2)$ est trivial, donc les isomorphismes $\mu_x$ sont nécessairement compatibles, quels qu'ils soient.

On voit ici que mes délires de "c'est parce que l'iso est canonique" cachent une réalité : c'est la non-canonicité de de l'iso $H_n(M,M\setminus\{x\})\cong \mathbb Z$ qui induit des problèmes d'orientabilité - si c'était canonique, tout serait compatible

Théorème : si $M$ est une variété différentiable, alors elle est $\mathbb Z$-orientable (si et seulement si elle est $\mathbb R$-orientable,) si et seulement si elle est orientable au sens usuel différentiel.

Pour ce second-là, il faut prendre au sérieux quelques remarques que j'ai déjà mentionnées, et aussi donner une interprétation "fibresque" de l'orientation : en fait, les $H_n(M,M\setminus\{x\}; R)^\times$ (je mets un $^\times$ pour indiquer que c'est "le sous-ensemble des générateurs en tant que $R$-module" - qui correspond, si on fixe un iso avec $R$, à l'ensemble des unités de $R$, c'est un léger abus de notation) peuvent s'assembler avec une topologie en un gros espace $o_R(M)$ muni d'une application continue $o_R(M)\to M$ qui en fait un revêtement. A noter : chaque fibre est $H_n(M,M\setminus\{x\}; R)^\times$ avec la topologie discrète. En particulier, pour $R=\mathbb R$, la topologie est discrète sur les fibres, ce n'est pas la topologie usuelle sur $\mathbb R^*$.

On peut montrer facilement qu'une orientation est la même chose qu'une section continue de ce revêtement (en particulier, $M$ est $R$-orientable si et seulement s'il est non-connexe) - cela découlerait quasi-immédiatement de la définition de la topologie, mais j'ai la flemme de l'écrire bien (je pourrais aussi dire "je laisse en exercice la définition de la topologie sur $\coprod_{x\in M}H_n(M,M\setminus\{x\};R)^\times$ avec cet objectif en tête", parce qu'en vrai ça se fait)

On peut ensuite facilement créer une application continue au-dessus de $M$, $\bigwedge^n T^*M\setminus\{0\}\to o_\mathbb Z(M)$, qui, sur les fibres, est précisément une équivalence d'homotopie $\bigwedge^n T_x^*M\setminus\{0\} \to \{\pm 1\}$, et donc l'existence d'une section d'un côté ou de l'autre sont équivalentes (et à scalaire près à gauche, on a une bijection entre les orientations)

(on peut montrer l'équivalence avec $\mathbb R$-orientabilité, mais j'ai la flemme; la preuve la plus directe utilise le théorème des coefficients universels, que je n'ai pas introduit)

Ainsi, le slogan que j'avais essayé d'expliquer, "l'orientabilité au sens différentiel se généralise en une notion de $R$-orientabilité, et qui se spécialise, pour $R=\mathbb F_2$, en une notion qui est triviale", est plutôt vrai.


Bon je suis allé (très) vite à certains endroits, mais c'est au moins un bon "outline" de ce que je voulais expliquer - et c'est déjà très long (normal, j'ai essayé de raconter un demi-cours de topologie algébrique en un post :-D )
Il y a sûrement plein de coquilles, j'ai écrit ça de mémoire, sans trop me relire - donc ayez de l'indulgence ;-) (mais dites-moi les coquilles qu'il y a, ça me permettra de les corriger)
Si vous (évidemment je m'adresse plus spécifiquement à Christophe) avez des questions, n'hésitez bien évidemment pas - comme je l'ai dit je suis allé vite et je n'ai pas tout dit du tout, donc il faudra compléter par endroits j'imagine.
Voilà voilà, si vous êtes arrivés là, bah... cool ?

Réponses

  • Bon bin, je viens de lire (d'une traite), c'est un sommaire complet de livre, tu devrais l'écrire.

    Je n'ai pas acquis grand chose à partir des histoires de quotients, mais certains mot-clé m'ont permis de raccorder un peu:

    1/ En gros, $H_n(X)$ est "mieux" que $\pi_n (X)$, mais sa résolution est plus basse, c'est ça?

    2/ Je dispose de la définition de wikipedia "d'orientation d'un espace topologique QUELCONQUE" que Calli a mise en lien dans l'autre fil, du coup,

    2.1/ La confirmes-tu?

    2.2/ Pour ce qui ME concerne (je ne serai pas ton seul lecteur), plus du tout besoin de parler de variétés (dont je me fiche éperdument et qui par Whitney sont des sous-espaces "simples" d'au moins un $\R^n$)

    3/ Du coup, je vais me concentrer sur la compréhension d'orientation d'un espace topologique quelconque et relire ton post plusieurs fois, mais donc en précisant ces attentes, ça te permettra de distinguer ce qui m'est accessible et de ce qui est moins important pour moi. Je pense qu'il faut manipuler pour se familiariser avec ça, or je ne raisonne que de tête, donc des passages au quotient de passages au quotient, j'ai un peu du mal. Pour moi, il n'y a pas de signe $=$ dans la vie de toute façon, donc je préfère raisonner par relations d'équivalence, ça évite de nommer les projections canoniques (dont j'ai une profonde horreur et qui ne sont dues qu'à l'axiome d'extensionalité, donc à un mystère insondable qu'on a commandé au père noel).De ce fait si tu as d'autres informations, tu peux me les décrire non quotientées.

    UN IMMENSE MERCI A TOI, je relirai pour préciser d'autres questions!!
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Dans l'ordre :

    1/ En un sens oui, mais cela dépend de ce que tu appelles "résolution". Il n'y a pas de manière de calculer $H_n$ à partir de $\pi_n$ stricto sensu; mais par exemple une application $f:X\to Y$ qui induit un isomorphisme sur tous les $\pi_n$ en induit un sur tous les $H_n$, et la réciproque est fausse, donc c'est un invariant plus fort.
    Mais effectivement, $H_n$ est infiniment plus simple à calculer que $\pi_n$, donc "mieux" en ce sens.

    2.1/ Je la "confirme" (elle est raisonnable et donne ce qu'on veut pour les variétés), mais je ne l'ai jamais vue utilisée pour autre chose que des variétés; je ne sais pas trop si elle a un intérêt en dehors de ce contexte.

    2.2/ Alors ok, mais la plupart des choses qu'on peut dire sur les orientations ne sont vraies que pour des variétés, à ma connaissance. En particulier, l'intérêt de cette notion pour des espaces qui n'en sont pas ....
    (d'ailleurs attention : "tout est $\mathbb F_2$-orientable" ne marche alors que pour des variétés)

    3/ ok j'essaierai de prendre ça en compte (pour moi, réfléchir sur des groupes sans quotient c'est compliqué :-D )
  • Un grand merci à toi, et oui ne t'inquiète pas, je suis bien conscient que cette définition a sa probable pertinence très resserrée autour des variétés (comme la notion de dimension l'est autour de rares espaces, incluant les usuels) mais c'est déjà FANTASTIQUE qu'on ait un truc qui ne dépende que de la topologie!!!!! et qui marche pour toutes les variétés.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Joli exposé Maxtimax.

    J'aurais pas mal de remarques à faire si tu me le permets, j'aime bien moi aussi causer de ce genre de choses. ^^

    Je trouve que définir l'homologie par l'homologie ordinaire est somme tout peu satisfaisant, même si en un sens c'est une "bonne" théorie.
    Mais globalement la définition "intuitive" de l'homologie c'est l'homologie simpliciale. Le problème de l'homologie simpliciale c'est qu'on peut rien prouver avec (je pense aux axiomes d'Eilenberg-Steenrod) mais elle donne une façon intuitive de voir ce qu'est l'homologie.
    C'est vrai aussi pour l'homologie cellulaire, même si elle nécessite déjà d'avoir une bonne notion de degré d'une application d'une sphère dans une sphere.

    Je trouve que c'est aussi dans ce cadre là qu'on comprend bien pourquoi lune orientation est donnée localement en $x$ par un élément de $H_{x}^n(U, \mathbb{Z})$. Apres tout qu'est ce qu'une orientation sur le simplexe standard si ce n'est... une numérotation de ces sommets (ou la signature de la permutation qui part de la numérotation standard à la numérotation en question).

    Ensuite, il faut pas trop rester sur l'idée que les groupes d'homotopies sont méchants et les groupes de cohomologie sont gentils. En réalité les groupes de cohomologie calculent aussi des classes d'homotopies, tout comme les groupes d'homotopies, mais les groupes d'homotopies partent des sphères qui sont topologiquement (et un peu étonnamment) tres compliquées, alors que les groupes d'homologies des complexes d'Eilenberg-MacLane.
    En fait la partie stable de l'homotopie se comporte de façon tres similaire à l'homologie, c'est d'ailleurs pour cela qu'on peut dire beaucoup de choses dessus.
  • NoName : merci pour tes remarques;
    Dans l'ordre :
    Je suis d'accord que l'homologie simpliciale est plus intuitive (elle est en partie mentionnée dans le post que j'ai cité), et effectivement cela peut aider pour l'orientation locale. Mais comme je l'ai dit ce n'est qu'un post, je n'allais pas tout raconter ;-)

    Pour homologie vs homotopie : je suis d'accord, mais l'homotopie reste beaucoup plus compliquée que l'homologie, même si on peut voir le même schéma dans les deux.
    Je ne suis pas d'accord par contre que l'homotopie stable se comporte comme l'homologie : certes, les deux sont des théories homologiques (Eilenberg-Steenrod blabla), et certes, l'homotopie stable est plus simple à calculer que l'homotopie instable, mais la difficulté qu'on a tout de même à calculer l'homotopie stable indique une différence fondamentale avec l'homologie. En d'autres termes : les spectres, c'est bien plus compliqué que les complexes de chaînes (évidemment le lien entre $\pi_*^{st}$ et $H_*$ est le même qu'entre $\mathbb S$ et $H\mathbb Z$, et donc qu'entre $Sp$ et $\mathcal D(\mathbb Z)$).
    Bref - peut-être que conceptuellement les deux sont similaires, mais en termes de calcul, ça n'a juste rien à voir - donc je reste sur mon idée que l'homologie c'est plus simple à calculer que l'homotopie pour les espaces
    (tu me diras : l'homologie de $H\mathbb Z$ est plus compliquée à calculer que son homotopie :-D )
  • Oui, on peut bien voir les choses comme ça... j'ai plutot tendance à penser qu'on ne calcule que des classes d'homotopies ou des morphismes dans la catégorie homotopique des CW-complexes (ou effectivement des morphismes dans la catégorie homotopique stable i.e la catgéorie homotopique des spectres), simplement pour certains espaces comme $H\mathbb{Z}$ c'est tres simple pour d'autre comme $\mathbb{S}$ c'est tres difficile, pour d'autres encore comme $MU$ (ou les espaces de Thom en général) c'est entre les deux. Ca dépend plus de l'espace en fait.

    Edit: mais je voulais pas embrouiller le propos.
  • Bonjour,
    Merci pour ce long post Max :-). Je comprends un peu mieux $H_*(X,A)$ pour $A\subset X$, même si ça reste compliqué. Voici ce que j'ai compris intuitivement de $H_*(\mathbb R^n,\mathbb R^n\setminus\{0\})$ (attention, je me concentre sur des cas extrêmement gentils pour visualiser les choses et je ne justifie pas vraiment ce que je dis).

    $|\Delta^n|$ est inclus dans l'hyperplan affine $H = \{(t_0,\dots,t_n) \in\Bbb R^{n+1} \mid \sum t_i = 1\}$ de dimension $n$, donc on peut considérer qu'en fait $|\Delta^n| \subset \Bbb R^n$ en choisissant un isomorphisme $H\cong \Bbb R^n$ (non canonique). Et quitte à translater $|\Delta^n|$, $0\in \mathrm{Int}(|\Delta_n|)$. Alors ${\rm id} : |\Delta^n| \hookrightarrow \Bbb R^n$ est un générateur de $H_n(\mathbb R^n,\mathbb R^n\setminus\{0\})$. Et si $\varphi \in \mathrm{GL}(\Bbb R^n)$ renverse l'orientation, alors $\varphi\circ {\rm id}_{|\Delta^n| \hookrightarrow \Bbb R^n}$ est un autre générateur de $H_n(\mathbb R^n,\mathbb R^n\setminus\{0\})$, distinct du premier. Ce sont bien des éléments de $H_n(\mathbb R^n,\mathbb R^n\setminus\{0\})$ car leurs bords sont inclus dans $\mathbb R^n\setminus\{0\}$.
    Par exemple, pour $n=1$, ${\rm id}_{|\Delta^1| \hookrightarrow \Bbb R}$ peut être le chemin affine reliant $-1$ à $1$ et $\varphi\circ {\rm id}_{|\Delta^1| \hookrightarrow \Bbb R}$ le même chemin parcouru dans le sens contraire (ou inversement).

    Si on imagine la même chose en degré inférieur à $n$, ça donne par exemple un hypertétraèdre $|\Delta^k|$ ($k<n$) inclus dans un sev strict de $\Bbb R^n$ et dont l'intérieur relatif contient $0$. Mais cette fois, on obtient une image nulle dans $H_k(\mathbb R^n,\mathbb R^n\setminus\{0\})$. En effet, si on ajoute un point au dessus de notre $|\Delta^k| \subset \Bbb R^n$ et qu'on le relie à $|\Delta^k| $ par des arêtes, faces, hyperfaces... on construit un polytope homéomorphe à $|\Delta^{k+1}|$. Le bord de ce $|\Delta^{k+1}|$ est égal à notre $|\Delta^k| $ plus des faces incluses dans $\mathbb R^n\setminus\{0\}$. Donc le $|\Delta^k| $ est un bord modulo $C_k(A)$.

    Pour les degrés supérieurs à $n$, c'est plus dur de visualiser.

    Est-ce que je vois juste ?
  • Ah mais pas de souci NoName, je vous lis, je ne comprends rien, m'ais ça m'aide quand-même par élimination***.

    Et d'ailleurs j'en tire une remarque: je ne demande pas du tout, mais pas du tout de démonstration MAX. Donc, si ton idée c'est que "c'est plus dur de prouver avec l'homotopie", mais que pour ce que je demande le reste est pareil, n'hésite surtout pas à me le dire. Je veux juste comprendre et visualiser, pour les preuves, je verrai plus tard.

    Par exemple si des conjectures sont faites sur les $\pi_n$ des sphères, mais juste "pas prouvées", je m'en fiche, n'hésite pas à me dire quelles sont-elles.


    *[small]** j'ai récemment mis un petit exo à Martial dans un fil sur le fait que à la conditionnement de pouvoir "regarder l'environnement", tout est dénombrable. Autrement dit même en ne comprenant pas, si on dispose d'un temps arbitrairement long, mais fini et qu'on a le droit de faire des tirages au sort, en gros, on peut identifier intégralement tout objet (avec des mots) et pas juste un nombre dénombrable. Alors du coup, je lis, et les articulations rentrent dans mes neurones même si je ne comprends rien.[/small]
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  • Calli : oui ça a l'air juste !
    En fait plus précisément, si $\varphi$ renverse l'orientation, tu passes de $1$ à $-1$ ou de $-1$ à $1$ (puisque $\mathbb Z$ n'a manifestement que 2 générateurs), c'est ce que je disais à propos de $\frac{\det(f)}{|\det(f)|}$.

    Christophe : non non pour l'orientation c'est vraiment $H_n$ qu'on regarde, donc c'est pas que c'est "plus dur avec $\pi_n$".
    A ma connaissance il n'y a pas de conjectures sur les $\pi_n$ des sphères, on est toujours surpris par leur comportement - on a des méthodes de calcul qui permettent d'avancer petit pas par petit pas.
    Après il y a des gens qui sont expert.e.s dans ce genre de calcul et qui ont peut-être une vision plus grande et donc des conjectures, mais je ne les connais pas, et de ce que j'en ai compris, il n'y en a pas vraiment de faciles à énoncer.
    Mais on sait dire des choses (dans sa thèse, Serre a notamment beaucoup fait avancer cette étude : on sait quels sont les $\pi_k(S^n)$ infinis, on sait quand apparaît la $p$-torsion, et plein de petits résultats comme ça - mais rien de structure générale au-delà de "ils sont tous finis ou presque, et ceux qui sont infinis sont finiment engendrés)
  • Max a écrit:
    "ils sont tous finis ou presque

    Il y aurait quelques dimensions par ci par là où ils pourraient être infinis? (Dans ce cas, j'imagine que ce serait un segment initial de $\N$.
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  • Ils sont infinis dans précisément deux situations :
    1- $\pi_n(S^n) \cong \mathbb Z$;
    2-$\pi_{4n-1}(S^{2n})$ (donc pour les sphères paires), où c'est $\mathbb Z \oplus$ de la torsion.
    Tout le reste est fini (sachant que $\pi_k(S^n) = 0$ pour $k<n$)
  • Pour l'homologie relative, pour comprendre ce qu'on veut mesurer (et par exemple pourquoi il est totalement naturel d'introduire le connectant), il est utile de regarder ce qu'il se passe dans le cas des CW-complexes.
    Le point fondamental est que si $j: A\to X$ est un cofibration alors $p_*: H_\bullet(X,A)\to H_\bullet(X/A)$ est un isomorphisme.
    Peut importe ce qu'est un cofibration, mais l'important c'est que si $A$ est un sous complexe d'un CW-complexe, $X$ alors l'inclusion de $A$ dans $X$ en est une.
    Et donc $H_\bullet(X,A)$ calcule vraiment l'homologie du quotient (pour l'inclusion d'un sous complexe). Si l'on déplie la définition de l'homologie relative, on voit bien que c'est raisonnable d'ailleurs, on "néglige" les chaînes à valeur dans $A$.
    Une chaine $A$-fermée, c'est une chaîne, dont le bord est inclus dans $A$, une chaîne $A$-exacte, c'est un chaîne qui est exacte à une chaîne de $A$ pres.

    Evidemment du coup, si l'on a une chaine relative de $C_n(X,A)$ dire qu'elle est fermée, veut dire qu'elle a un bord pas nul mais dans $A$, donc on a un opérateur $\partial: Z_n(X,A)\to C_{n-1}(A)$ qui prend une chaine relative et en associe le bord, qui est bien sur fermé "pour de vrai" (puisque $\partial^2=0$) comme chaine dans $A$ et donc donne un élément de $Z_{n-1}(A)$. Evidemment il faut verifier que ceci ne dépend pas des choix faits et ca ne dépend des choix fait qu'a une chaîne exacte de $A$ près, autrement dit on a un élément bien défini dans $H_{n-1}(A)$.
    C'est ça le connectant, et il est ensuite facile de voir qu'il donne une suite exacte longue.

    Ensuite évidemment, on se rend compte que tout ca n'est qu'algébrique et que si l'on a une suite exacte de complexes $0\to A_\bullet\to B_\bullet\to C_\bullet\to 0$ totalement générale on peut toujours faire la même chose, et c'est le lemme du serpent (enfin le lemme du serpent est l'argument clé).

    Au passage les géomètres notent plus volontiers $H_{X\setminus A}^n(X)$ que $H^n(X, A)$ et appellent ça la cohomologie à support dans $X\setminus A$ au lieu de la cohomologie de $X$ relativement à $A$, c'est bien sur une question de gout, mais je trouve ce vocable et notation plus parlant, notamment pour des questions d'excisions d'ailleurs (on se donne bien que virer un truc qui est "dans les profondeurs de A", i.e d'adhérence incluse dans l'intérieur de A ne va pas changer les choses à support dans $X\setminus A$).
  • NoName : bonnes remarques, je n'étais pas au courant des conventions des géomètres, mais effectivement c'est plus parlant comme ça pour l'excision !
    Une petite note cependant : le point de vue $X/A$ est important quand on parle de CW-complexes et tout, mais par contre ce n'est pas le bon pour l'homologie locale : $H_n(\mathbb R^n,\mathbb R^n\setminus\{x\})$ est loin d'être $H_n(\mathbb R^n/(\mathbb R^n\setminus\{x\})$ (c'est juste l'espace de Sierpinski ça, donc contractile) - évidemment à homotopie près on le remplace par une cofibration et tout marche bien mais je le mentionne quand même (j'avais été perturbé au tout début justement parce que je pensais à $X/A$)

    Tiens, est-ce que par le plus grand des hasards, en remplaçant $\mathbb R^n\setminus\{x\} \to \mathbb R^n$ par une cofibration, et en interprétant l'homologie locale par celle du quotient on aurait pas un autre point de vue intéressant ? Boarf à vue de nez pas l'impression
  • Oui, tu as raison pour l'homologie locale bien sur, ca n'est pas celle du quotient.
    Je ne sais pas trop pour ta question.
  • :-D j'essaie de "suivre" (musicalement parlant en tout cas pour l'instant).

    Je répercute ici une question de l'autre fil.

    Au lieu de dire que $f$ est homotope à $g$, c'est dire qu'il existe une application $h$ telle que $\forall x: h(0,x)=f(x)$ et $h(1,x)=g(x)$, j'agrandis un peu la relation en disant qu'on peut passer "d'un coup" de $$f'$ à $g'$ à condition qu'elles aient la même image directe.

    Y a-t-il une étude de cette "homotopie étendue"? (Réponse pas attendue immédiatement évidemment).
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  • Pas que je sache. L'image ne contient que très peu d'information, et la plupart du temps ne dit quasi-rien.

    En fait, pour des lacets $S^1\to X$, avec ta relation (homotopie + transfert par image), tout est équivalent (je prends un lacet $\gamma$, je le compose avec son lacet opposé, ça me donne un truc qui a la même image que le lacet initial, mais qui est homotope au lacet trivial); pareil pour $S^n$. Tu tues tous les groupes d'homotopie.
    Il doit y avoir des choses non équivalentes si on met un autre domaine, mais pas évident de le prouver (et pas sûr de la pertinence)
  • Ah mais oui, ça entraine des "coups de ciseaux" dit comme ça.

    Ce qui me gêne dans l'homotopie, c'est que je trouve que c'est une mauvaise définition de ce que l'on cherche à capter. Les exemples affluent où on n'aura pas d'homotopie (continuité du début à la fin impossible), mais des "bons" films de "sortie de prison".

    Je vais chercher une définition adaptée à ma demande.
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  • Maxtimax a écrit:
    Calli : oui ça a l'air juste ! En fait plus précisément, si $\varphi$ renverse l'orientation, tu passes de $1$ à $-1$ ou de $-1$ à $1$ (puisque $\mathbb Z$ n'a manifestement que 2 générateurs), c'est ce que je disais à propos de $\frac{\det(f)}{|\det(f)|}$.

    Cool. Merci.
  • Vos discours multiples m'ont bien aidé à avancer et la phrase magique de NoName "toute variété est triangulable" m'a permis de comprendre que je n'ai "qu'à" me poser des questions autour des simplexes, que NoName m'a expliqué dans l'autre fil. Ca me semble à ma portée (dans ma définition saugrenue de la cc-orientation, j'ai moi-même tenu à mettre l'injectivité (les points qui bougent ont des identités, ils ne sont pas indiscernables, je suis donc mieux placé depuis ça pour comprendre que toute la sève de la problématique des simplexes ce que si on a nommé différemment les sommets, on a deux simplexes différents.C'est marrant parce que c'est clair pour ... l'orientation "habituelle" justement expliquée en L1, mais le lien avec les notions d'homologie ne m'était jamais venu).
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  • Dans ma cc-définition, j'avais pris des uplets finis. Et me rendant compte que dans un espace topologique quelconque dire que tel groupe de sommets triche et doit être disqualifié "parce qu'il est plat" (dans un espace vectoriel c'est par nature le truc qu'on peut dire facilement, ils ont fait pour ça), ça m'a saoulé et j'ai posté le truc avec carrément un ouvert entier (pensant que de toute façon l'être humain n'a que des photos de gens qui se déforment pour dire que des droitiers sont devenus gauchers, alors je me suis dit "faut pas pousser")

    Mais je crois avoir bien compris les enjeux de faire "avec du fini" et de l'intrinsèque et de puiser dans le jus des formes alternées.
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  • Une questoin à laquelle il semble qu'il soit possible de répondre sans trop avoir acquis "le fond" des techniques.

    En topologie algébrique, quelles opérations mettez-vous qui permettent de fabriquer à partir d'espaces, de nouveaux espaces tout en "suivant" les signatures homologiques et homotopiques? Je crois que vous avez des histoires de produits, de sommes, bon, c'est un peu normal, en avez-vous "une liste" en somme?
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  • Il y en a un certain nombre; elles rentrent plus ou moins toutes dans ce qu'on appelles les limites ou colimites homotopiques.

    Je donne un exemple pour comprendre l'idée : disons qu'on a une application $f:X\to Y$, et qu'on veut "rendre $X$ égal à un point dans $Y$" (tuer $X$ dans $Y$, quotienter $Y$ par $X$,...).
    La méthode "naïve" consiste à littéralement quotienter et prendre la topologie quotient. Sauf que souvent ça ne donne pas un truc qui se comporte bien, donc ce qu'on fait c'est qu'on "rajoute une homotopie entre $f$ et une application constante" (on remplace l'égalité par des chemins)
    Concrètement : $X\times [0,1] \sqcup Y$ modulo $X\times \{0\} $ réduit à un point, et $(x,1) \sim f(x)$ (on appelle ça le "mapping cone" : si tu fais un dessin tu as un cone qui a pour tranche $X$, et qui arrive tout en haut à $Y$)

    ça c'est le cas "colimite" (on somme, on quotiente etc. - sauf qu'à la place de déréter $x=y$ on met un chemin entre $x$ et $y$; et en fait plus, on met des homotopies entre homotopies quand il faut etc.)

    Le cas limite c'est dans l'autre sens : disons que tu as deux applications $f,g :X\to Y$ et que tu cherches à résoudre l'équation "$f(x) = g(x)$". Naïvement, tu as envie de prendre simplement $\{x\in X\mid f(x) = g(x)\}$ muni de la topologie de sous-espace. Mais là pareil, souvent ça donne pas les bonnes choses, donc on remplace $=$ par un chemin : $\{(x,\gamma) \in X\times Y^{[0,1]} \mid \gamma$ est un chemin continu de $f(x)$ vers $g(x)\}$.

    Par exemple on fait ça pour les fibres homotopiques ("image réciproque homotopique" - si tu as retenu ce que veut dire fibre ;-) ).
    ça c'est le cas "limite" : on prend des produits, des sous-espaces etc., sauf qu'à la place de demander $x=y$, on rajoute aux données un chemin $x\to y$.

    Les exemples abondent, par exemple pour prendre les points fixes homotopiques d'une action de groupe, ou les orbites homotopiques, etc. , les fibres, quotients homotopiques, etc. etc. etc.

    On a souvent divers moyen de calculer nos invariants en fonction des invariants des constituants; mais ça peut être plus ou moins sophistiqué (parfois des suites exactes longues, donc pas très sophistiqué, parfois des suites spectrales, qui peuvent être un bon gros bordel)
  • Merci, mais en fait, MAIS C EST TRES BIEN QD MEME, je posais la question dans un autre sens, le plus formel qui soit, à savoir "programmer ça" dans un logiciel: les espaces topologiques y auraient des petits noms à isomorphismes près, et des codes rigolo signalant leur groupe, leur ceci, leur cela.

    Et des opérations provoquant des mécanismes de tables (comme la table de multiplication).

    APRES QUOI, les gens pourraient "en assembler" quelque uns pour voir,par exemple, tiens s'ils obtiennent $S_n$.

    A propos du mystère des sphères dont on ne trouve pas le groupe d'homotopie, n'y a-t-il pas (ah bah non, je réalise que les groupes finis ont été classé) possibilité que ce soit comme $\pi$ vis à vis de $\Q$? (Bon j'ai fini ma question mais y ai répondu)
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  • C'est un peu plus compliqué quedes tables puisque le calcul des invariants des constructions en termes des éléments de base n'est pas simplement "j'applique une fonction $f$ de $n$ variables aux invariants des constituants" malheureusement - c'est plus proche d'une équation à résoudre si tu veux
    (Avec comme paramètres les invariants des constituants)

    Mais il y a déjà des sites qui répertorient des espaces et leurs invariants

    Pour la fin, tu dis "les groupes finis ont été classifiés" mais c'est pire que ça : les groupes d'homotopie des sphères sont tous abéliens ! Et les groipes finis abéliens sont eux, vraiment classifiés
    (Les groipes finis bah il y a quand même des sacrés problèmes d'extension à partir des groupes simples, et puis la classification des groupes simples... disons que son statut de théorème laisse à désirer)
  • Ah, oui t'as raison, les groupes abéliens finis sont "facilement" classifiés (quoiqu'il y a quand-même le "mystère" de les présenter plus finement sans l'angle des invariants de similitude vu comme $\Z$-modules, c'est à dire $a_1$ divise $a_2$ divise ...etc vue qui les rend peut-être plus variés.

    Autre chose: je pense que j'ai compris, on pourrait dire que vous "convolez (au sens purement pratique pour adoucir les angles et discontinuités)", ie si $X\subset Y$, vous "faites diminuer $X$ doucement jusqu'à tenter de le rendre point, etc, etc". Du coup je réalise la proximité entre $X/Y$ et $x\setminus$ (ils ont un point bien précis de différence), et je ne comprenais pas vos $\\$ et vos $/$, me demandant si c'étaient des erreurs de frappe :-D

    HS: je pense que les textes mathématiques auraient besoin d'une réunion de paix à l'ONU des sciences :-D
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Bonjour,

    je fais remonter ce fil, sans l'avoir vraiment lu (mais je compte le faire), car tout en connaissant la définition de groupes d'homologie, je ne me sens pas vraiment capable d'en calculer. Je voulais donc savoir si quelqu'un connaitrait des références qui fourmillent d'exemples de calculs.

    Merci,
    ignatus.
  • Pour les calculs tu as essentiellement 3 outils au début (après tu peux augmenter les outils avec le temps):

    - L'invariance par homotopie,
    -La suite exacte de Mayer-Vietoris,
    - La suite exacte d'une paire

    Les deux premiers points suggèrent qu'il faut une certaine compréhension de la géométrie de tes espaces. Déjà avec rien que ces trucs-là, tu devrais pouvoir calculer l'homologie d'une sphère de dimension quelconque (indication : par récurrence).
    Tu devrais aussi pouvoir calculer l'homologie d'une union disjointe, ou d'un bouquet.
    Ensuite, exercice un peu plus dur peut-être, d'un tore.
    Un exercice instructif : l'homologie d'une suspension.

    Un outil fondamental vient aussi assez rapidement : l'homologie cellulaire ou simpliciale. Cela te permet de calculer quasiment toute l'homologie des petits espaces que tu veux; tu pourras faire par exemple l'espace projectif (réel ou complexe) d'une dimension quelconque, la bouteille de Klein, tout plein de machins de ce genre.

    Différents outils plus avancés s'ajoutent ensuite:
    -Le théorème d'Hurewicz (ses applications sont relativement élémentaires, il mérite sa place plus haut peut-être),
    - La structure d'anneau sur la cohomologie,
    -Le théorème de Künneth,
    -La dualité de Poincaré (on est déjà sur des applications plus rudes),
    - La suite spectrale de Serre (là aussi, c'est plus rude, mais bien pratique),
    -Les opérations cohomologiques (pareil)

    Tout ça se trouve dans Hatcher, qui a plein plein d'exercices à ce sujet, notamment plein de calculs - si tu cherches des exemples, cherche là bas
  • Qu'est-ce qu'une suspension ?
  • La suspension (non réduite) d'un espace $X$ c'est $X\times [0,1]$ où tu écrases $X\times\{0\}$ et $X\times \{1\}$ (chacun séparément, pour $S^1$ par exemple tu obtiens une toupie, pas une toupie aux sommets recollés)
  • @Maxtimax : je viens de lire une bonne moitié de ton premier long poste. J'y ai trouvé deux fautes de frappe, l'une dans la définition de l'opérateur "face i", l'autre dans la définition de l'opérateur "bord d'ordre n + 1 d'une chaîne". C'est juste ?

    ignatus.
  • ignatus : pas sûr de ce que tu appelles l'opérateur "face i".
    Pour la définition du bord, non je crois pas - tu pourrais peut-être détailler ?
  • Ah oui, "c'est que $|\Delta^{n+1}|$ se tient dans $|\Delta^n|$ de plusieurs manières" est une grosse bêtise, il faut évidemment inverser $n$ et $n+1$ ici
  • @Maxtimax : merci pour les références. Je connais le Hatcher de nom.
    Sinon, pour la définition de l'opérateur, j'ai l'impression que tu as inversé l'ordre du n-simplexe et de l'opérateur "face i".
    L'opérateur "face i" agit comme une dérivée partielle sur la chaîne, qui est une somme algébrique de n-simplexes.

    ignatus.
  • Attention, j'ai défini $\partial_i$ comme l'injection de la $i$ème face $|\Delta^n|\to |\Delta^{n+1}|$, donc $\sigma\circ \partial_i$ représente bien la $i$ème face du simplexe $\sigma$.

    Effectivement, on pourrait définir $\partial_i^*\sigma := \sigma\circ \partial_i$ mais ça ne changerait rien (enfin pour cette définition, c'est parfois utile)
  • @Maxtimax : J'ai commencé à lire la suite. Ce que j'appelle bord est ce que tu appelles différentielle.

    ignatus.
  • Ah, je viens de lire ton message. Je n'avais pas compris la signification de ton opérateur "face i". Je n'avais pas compris que c'était une inclusion. Il me semblait qu'il s'agissait de retirer le n-simplexe i du (n+1)-simplexe. Autant pour moi !!

    ignatus.
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