Courbe paramétrée et homotopie

Bonjour
Une courbe paramétrée est un couple $(F,I)$ où $F$ est une fonction continue d’un intervalle $I$ dans $\R^2$(ou autre dimension peu importe). On ne veut pas distinguer les courbes $(F,I)$ et $(G,J)$ lorsqu’on passe de $F$ à $G$ par un difféomorphisme d’une certaine classe, alors on quotiente par la relation $F\sim G \leftrightarrow \exists \varphi F=G \circ \varphi$ ($\varphi$ désignant un tel difféomorphisme).
Ok.
Mais j’ai l’impression que c’est un cas particulier d’homotopie, non?
D’ailleurs, pourquoi ne pas définir le groupe fondamental avec cette idée?
Plus précisément, un lacet est une courbe paramétrée où $I=[0,1]$ et où on remplace l’espace topologique $\R^2$ par un e.t quelconque $X$. Déjà, ça me perturbe car on «spécialise » quelque chose (la source) et on généralise autre chose(l’arrivée).
Bref. Pourquoi alors ne pas se dire de ne pas distinguer deux lacets à une fonction continue près:
$(\gamma, [0,1])\sim (\gamma’, [0,1]) \leftrightarrow \exists f, \gamma=\gamma’ \circ f$ ou $\gamma\circ f=\gamma’$ où cette fois $f$ ne désigne qu’une fonction continue de $[0,1]$ dans $X$.
Ce n’est pas équivalent à:
$\gamma \sim \gamma’$ si et seulement si il existe une application continue $f$ de $[0,1]\times [0,1]$ dans $X$ telle que
$f(0,t)=f(1,t)$ pour tout $t \in [0,1]$. On dirait que c’est moins exigeant et qu’on a ici une déformation continue dans AU MOINS un sens de $\gamma$ vers $\gamma’$ et que c’est une continuité « point par point ».
Bref, j’ai les idées confuses...
Autre problème, dans la définition habituelle(la deuxième), je lis que deux puissances d’un lacet d’un groupe fondamental non trivial ne sont pas homotopes....je ne vois pas pourquoi. Merci beaucoup.

Réponses

  • Pour ta première question : non, en général. Enfin, ça dépend ce que tu entends par "homotopie" ici. Par exemple si tu veux dire homotopie sans plus de précisions, alors oui, mais pour des raisons idiotes : $\R^2$ est contractile, donc deux courbes sont toujours homotopes.

    Si par exemple $I$ est fermé et que tu cherches à regarder les homotopies qui fixent ses extrêmités, alors non : par exemple si $\varphi$ renverse l'ordre de ton intervalle, et que $F(0)\neq F(1)$, aucune chance !

    Du coup on peut se demander : quid de si on demande à $\varphi$ de préserver l'orientation ? Alors ta question devient sensiblement plus intéressante, tu demandes (en gros) si un difféomorphisme de $I$ qui préserve l'orientation est homotope à l'identité, en fixant les extrêmités. La réponse est "oui, évidemment, il suffit de faire une homotopie linéaire" ($H(x,t) = t\varphi(x) + (1-t)x$)
    La question de savoir s'il est relié à l'identité par des difféomorphismes est plus subtile.

    Pour ta définition plus générale, tu voulais certainement dire $f:[0,1]\to [0,1]$, et pas $[0,1]\to X$, non ? On va avoir le même genre de problème que ceux que j'ai énoncés plus haut, et si tu les résouds de la même manière, alors, pour la même raison, ta relation sera un cas particulier de la relation d'homotopie

    Pour ta dernière question, peut-être pourrais-tu indiquer pourquoi tu penses que deux puissances devraient être homotopes ? Prends par exemple pour $X=S^1$, le trajet standard, $t\mapsto \exp(2i\pi t)$ et son carré. L'un fait un tour, tout ce qu'il y a de plus normal. L'autre fait deux tours : comment veux-tu que ce soit homotope sans bouger les extrêmités ?

    (ou alors tu sais comment passer d'un élastique enroulé deux fois autour d'un tube à un élastique enroulé une seule fois sans le couper et sans l'enlever du tube, auquel cas je veux bien voir :-D )
  • Merci Maxtimax. Je ne vais pas lire la première partie mais l’étudier(donc feuille et crayon).
    Pour la fin, eh bien pour moi un lacet est idempotent puisque les points sont immatériels je ne fais pas la comparaison avec un élastique enroulé deux fois. Pour moi, si je fais deux tours, je « repasse » simplement sur le lacet et les lacets sont « confondus », donc a fortiori homotopes, non?
  • Comment ça "les points sont immatériels" ? Ils ne le sont pas, ils paramétrisent la courbe ! Un lacet, ce n'est pas son image (sinon on ne s'embêterait pas avec des lacets, justement).

    Du coup, si l'analogie avec l'élastique ne te va pas, je te propose comme exercice de trouver une homotopie (qui préserve $0$ et $1$) entre $t\mapsto \exp(2i\pi t)$ et $t\mapsto \exp(4i\pi t)$. Attention, c'est un exercice très très très dur :-D
  • Il faut manifestement que j’étudie la première partie de ta première réponse parce que je ne saisis pas la nuance entre des classes de courbes paramétrées modulo un difféomorphisme(en ce sens $t\mapsto exp(2i\pi t)$ et $t\mapsto exp(4i\pi t)$ sont « homotopes » en ce qu’ils différent du difféomorphisme $t\mapsto 2t$) et les homotopies. Je dis immatériel dans ce sens. Les images sont les mêmes.
    Bon, quand tu dis « un lacet, ce n’est pas son image », je suis encore plus perturbé. L’image est une spécialisation en ce sens qu’elle est une représentation du lacet. Mais le but de la théorie est de regarder ce qui se passe pour l’image, d’en tirer des propriétés invariantes, pour quelque part « caractériser » le lacet lui-même. C’est pour cela que je me focalise sur l’image.
    Et comment avoir l’intuition de ce qu’il se passe, si je ne regarde pas l’image?
  • $t\mapsto 2t$ n'est pas un difféomorphisme de $[0,1]$ :-S

    Non, le "but" de la théorie n'est pas de regarder l'image. D'ailleurs ça ne marche dans aucun sens : deux lacets peuvent avoir la même image et ne pas être homotopes, et deux lacets peuvent être homotopes sans avoir la même image.

    L'intuition, je t'en ai donné une plus haut : on peut imaginer des lacets comme des petits élastiques, et on cloue leurs extrêmités, et on s'autorise tout ce qu'on veut sur l'élastique sans le casser; on peut le décaler, l'allonger, le raccourcir etc.

    EDIT: d'ailleurs on a discuté récemment avec Christophe à ce sujet, et je lui ai expliqué à ce moment pourquoi on ne peut pas avoir à la fois les homotopies usuelles et une identification par image; si on fait ça tout s'effondre et tous les lacets sont triviaux.
  • Merci Maxtimax, je vais étudier ça. Pour le difféomorphisme oui c’est vrai :-o
  • Un petit détail formel, plutôt que de définir une homotopie comme une application continue $H$ de $[0,1]^2$ dans $X$ qui envoie $(0,x)$ sur $\gamma(x)$ et $(1,x)$ sur $\gamma’(x)$ pour tout $x\in X$, n’est-ce pas formellement plus simple de dire que c’est une application continue $H$ de $[0,1]$ dans $\{ \gamma : [0,1] \to X \mid \gamma \text{ est continue } \}$ telle que
    $H(0)=\gamma$ et $H(1)=\gamma’$, c’est plus léger et plus visuel non?
  • Et du coup une homotopie est aussi un lacet :-D avec pour e.t d’arrivée l’ensemble des lacets de $X$... et on pourrait s’intéresser au groupe fondamental $\pi(\{ \text{ensemble des lacets }\})$ en mettant une bonne topologie...non ?
  • Il faut aussi prendre en compte les extrêmités, mais oui on peut faire ça, les deux points de vue sont intéressants selon la situation. L'espace des lacets $I\to X$ basés en $x_0$ est souvent noté $\Omega (X,x_0)$ ou $\Omega X$ si $x_0$ est clair.

    On a en fait des isomorphismes $\pi_i(\Omega X) \cong \pi_{i+1}(X)$ pour tout $i\geq 0$ (notamment $0$)
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