Théorie de l'homotopie

Bonjour,
je vous souhaite une très bonne année à tous.
Je me suis remis à faire un peu de maths, toujours autour des catégories dérivées et de la théorie de l'homotopie.

Je lis que la théorie de l'homotopie se fait dans le cadre des catégories de modèles, qui sont grosso modo des catégories munies de trois types de morphismes, les équivalences faibles, les fibrations et les cofibrations.

Je voulais savoir si quelqu'un pouvait me dire quelles étaient les éventuelles relations avec ce que l'on appelle la théorie homotopique des types, d'un point de vue général, avant d'éventuellement approfondir si cela m'intéresse.

ignatus.

Réponses

  • Je pense que je trouverais tout ce dont j'ai besoin sur ce blog. Si j'ai une question plus précise, alors je pourrais venir la poser.

    ignatus.
  • Je pense que l'une des seules personnes capables de t'aiguiller un peu sur ce forum serait Maxtimax. :-D Tu peux essayer de lui envoyer un MP s'il ne voit pas ton message.
  • Je suis de l'avis que les catégories de modèles c'est un outil en théorie de l'homotopie, le vrai objet d'étude c'est les $(\infty,1)$-catégories (pas forcément le modèle à la Joyal-Lurie, mais une notion de ça), et là la réponse à ta question est plus claire.

    En effet, il y a deux choses : une intuition/heuristique, et un résultat formel.

    L'intuition/heuristique c'est que si tu fais une théorie des types comme HoTT, tu te retrouves avec des types qui ne sont plus forcément discret; par exemple si $x,y : A$ sont deux membres d'un type, $x=_A y$ est un nouveau type, ce n'est pas simplement un énoncé qui est vrai ou faux, c'est tout un nouvel objet; et maintenant si $p,q : x=_A y$ on peut aussi définir le type $p=q$ (j'enlève l'indice pour clarté, mais il devrait être là) qui, à nouveau, n'est pas un énoncé vrai ou faux, mais tout un objet.
    En continuant comme ça on se rend compte qu'un type $A$ devient un machin qui ressemble plus vraiment à un ensemble, mais plus à un $\infty$-groupoïde (ou un $\infty$-ensemble :-D ). Il y a des résultats précis à cet effet notamment par Brunerie mais je ne les connais pas. Maintenant, $\infty$-groupoïde, selon l'hypothèse homotopique de Grothendieck, c'est pareil qu'un type d'homotopie (un certain point de vue sur la notion d'espace), ainsi HoTT est plus un théorie des types d'homotopie qu'une théorie à rapprocher de celle des ensembles. Bien sûr, un ensemble définit un type d'homotopie "discret" ("statique" selon la nouvelle terminologie à la Scholze/Clausen mais ne rentrons pas dans ce débat) donc tu as une théorie des ensembles inscrite dans ta théorie des types.

    Le résultat formel est relativement récent, il est dû à Shulman (basé sur du travail d'autres gens bien sûr, mais c'est lui qui a mis le coup final), c'est que tout $\infty$-topos est un modèle de HoTT (notamment l'$\infty$-topos des $\infty$-groupoïdes, qui donne une manière de formaliser le paragraphe précédent). Un $\infty$-topos est un type particulier d'$\infty$-catégorie, au même titre qu'un topos est une catégorie avec certaines propriétés; du coup un $\infty$-topos c'est "un endroit où faire de l'homotopie" qui se comporte comme la théorie de l'homotopie originelle (celle des types d'homotopie/$\infty$-groupoïdes)
  • Je fais juste un petit commentaire sur la phrase de Maxtimax:
    Je suis de l'avis que les catégories de modèles c'est un outil en théorie de l'homotopie, le vrai objet d'étude c'est les $(\infty,1)$-catégories (pas forcément le modèle à la Joyal-Lurie, mais une notion de ça), et là la réponse à ta question est plus claire.

    J'annonce direct que je ne veux pas lui chercher des noises :-D. Et puis je suis un peu de son avis, mais je préfère être un poil plus nuancé quand il s'agit de d'annoncer ce qu'est le "vrai' objet d'étude (:P). Les théoriciens de l'homotopie ont quand même obtenu des résultats pendant pas mal de temps en se passant des $(\infty,1)$-catégorie, et je pense qu'ils n'étaient pas dépourvus de vrais d'objets d'étude.

    Il me semble qu'il y a toute une classe d'$(\infty,1)$-catégories (les $\infty$-catégories présentables) qui correspondent exactement à toute une classe de catégories de modèles (les catégories de modèles combinatoires) et il me semble que ces classes d'objets englobent tous les cas qui intéressent les homotopistes (espaces, (pré)-faisceaux simpliciaux, spectres...), et ces deux notions contiennent les mêmes informations sur un objet. En gros, dans ces cas, les catégories de modèles et les infinies-catégories sont deux manières de parler de la même chose, c'est donc un petit peu plus qu'un "simple outil". Chaque point de vue a ses avantages et ses inconvénients.

    Le point de vue $\infty$-catégorique a apporté beaucoup à la théorie de l'homotopie (là, Max sera bien meilleur que moi pour donner des exemples précis). Mais il faut aussi garder à l'esprit qu'à l'heure actuelle, si on veut faire des $\infty$-catégories un peu sérieusement (i.e regarder ce qu'il y a dans la théorie et ne pas la prendre comme boite noire), je ne crois pas qu'il soit possible de se passer des catégories de modèles: le modèle actuel le plus utilisé pour les $(\infty,1)$-catégories est le modèle quasi-catégorique de Joyal-Lurie, et pour en développer la théorie, les catégories de modèles sont un passage obligé.

    Pour la route: une discussion intéressante sur mathoverflow: https://mathoverflow.net/questions/78400/do-we-still-need-model-categories?rq=1
  • Chat-Maths: ton dernier paragraphe semble parfaitement justifier le mot "outil" ;-)

    Quant au premier, bien sûr on n'a pas utilisé de théorie des $\infty$-catégories jusqu'à récemment, ça ne veut pas dire que ce n'était pas ça, l'objet d'étude fondamental qui était étudié (au travers des catégories de modèles). Qu'en gros, les gens étudiaient l'$\infty$-catégorie sous-jacente, mais n'avaient pas les mots pour le dire, donc étudiaient la catégorie de modèles (et sa catégorie homotopique) comme approximation/présentation.
    Mais comme je l'ai dit dans mon premier message, c'est mon avis - pas une vérité universelle ou mathématique.

    (PS pour Chat-Maths toujours : si tu veux t'amuser, je te suggère de jeter un oeil au papier, et surtout à la conclusion, où la blague s'arrête, de Krause-Nikolaus "Group theory for homotopy theorists")

    (PPS: ce n'est pas tout à fait vrai que les homotopistes ne s'intéressent qu'au présentable, et c'est justement là que le nouveau langage est plus performant - on peut parler de choses petites ou pas bicomplètes, comme les spectres finis, et plein d'autres joyeusetés de ce genre, qui apparaissent vraiment en pratique; alors que dans le cas modèle il faudrait savoir son remplace, avant/après d'avoir fait ce qu'on voulait faire etc. bref c'est embêtant :-D )

    Mais ce serait évidemment ridicule de prétendre que les catégories de modèles, "c'est dépassé" ou quelque chose de ce genre.
  • J'ai parcouru Krause-Nikolaus et je me suis bien marré, merci du truc (:P). Ils ont une manière bien à eux de faire passer le message, et on peut difficilement trouver quelque chose à répondre à ça. Je suis quand même d'accord pour dire que les $(\infty,1)$-catégories sont essentiellement le truc qui était étudié "en douce" (jusqu'au prochain gros changement de paradigme où on se rendra compte qu'on étudiait en fait sans le dire <<insérer prochaine révolution mathématique>>). C'est simplement qu'on a peut-être un sens un peu différent de "outil"/"objet d'étude" (pour moi, je vous plus ça comme un "cas particulier" qu'un "outil", même si je concède volontier qu'on s'en sert beaucoup comme outil aussi).

    Et merci pour les exemples où le cas présentable sert aussi. (:P)

    (PS: j'ai eu le temps de regarder la vidéo de Riehl qui parle de Riehl-Shulman et c'était intéressant, merci pour la recommandation ! J'en profite pour demander: si tu connais un peu son travail avec Verity j'aurais bien quelques questions dessus à l'occasion).
  • Chat-Maths : Oui Krause-Nikolaus le message est clair :-D
    mais de toute façon, tu as raison de nuancer mes propos, la nuance c'est toujours bien ;-)
    Pour ton PS, je connais pas beaucoup Riehl-Verity, j'avais jeté un rapide coup d'oeil il y a quelques mois mais j'ai jamais approfondi. C'est un truc que je voudrais regarder plus en détails un jour (même si au fond de moi l'approche ne me satisfait pas totalement, et je suis beaucoup plus enthousiaste pour l'approche Riehl-Shulman). Si tu as des questions je pourrai quand même essayer mais si c'est technique je ne pourrai certainement rien te dire.
  • Ben c'est un poil technique (:P) Je me suis aussi intéressé de loin à ça sans approfondir (il y a trois ou quatre heures de vidéos de Riehl qui explique les bases du trucs et je m'en suis plus ou moins arrêté là).
    Il faudrait que je prenne le temps de parcourir un peu plus https://math.jhu.edu/~eriehl/elements.pdf pour savoir où ça en est, mais grosso modo je me demande s'il y a une version de la fibration discrète universelle développée dans ce cadre. Mais après une relecture en quadri-diagonale je n'ai pas l'impression (ça vaudrait quand même le coup que je lise un peu plus en détail là section 5.6 au cas où il y aurait des infos là dessus mais le temps me fait un peu défaut en ce moment).

    Edit: En fait, demander l'existence d'une fibration discrète universelle semble un peu beaucoup pour leur axiomatique, moralement il faudrait que les "objets discrets" d'un $\infty$-cosmos $\mathcal{K}$ forment un objet de $\mathcal{K}$, et vu que je n'ai pas l'impression qu'un tel objet soit considéré dans https://math.jhu.edu/~eriehl/elements.pdf je me dit que c'est peut-être tout simplement faux (:P)
  • Merci à Poirot pour le coup de main ;-)

    Sinon, Maxtimax semble adopter le même point de vue de que John Baez dans cette présentation donnée plusieurs fois.

    Apparemment, le grand problème serait donc une fois de plus de comprendre ce que sont les infini-catégories. Ce qui est intéressant, c'est de voir que ce genre de catégories apparaît pratiquement et n'est pas une pure spéculation.

    J'ai partiellement regardé la discussion que Chat-Maths a gentiment transmise : j'en suis resté à l'analogie avec les systèmes de coordonnées qui m'a frappé.

    Il pourrait être intéressant d'avoir une idée de pourquoi Maxtimax préfère l'approche Riehl-Shulman à Riehl-Verity, mais je crois que j'ai déjà suffisamment outrepassé mon niveau...

    Merci en tout cas pour vos interventions.

    ignatus.
  • Oh ma préférence est très simple : Riehl-Verity définissent des trucs en fixant néanmoins auparavant un modèle des $(\infty,1)$-catégories (en l'occurrence le modèle des quasicatégories, mais en principe ça ne devrait rien changer), alors que Riehl-Shulman c'est une théorie synthétique, qui ne dépend en principe d'aucun modèle - c'est plus joli, et plus satisfaisant à tous points de vue.

    S'iels parviennent à tout refaire dans ce contexte, ce sera un très beau cadeau de Noël :-D
  • D'accord Maxtimax.

    En consultant la page web de Riehl, j'ai vu qu'elle parlait de théorie synthétique à propos de sa collaboration avec Verity. Elle dit explicitement qu'il s'agit de donner une formalisation qui n'utilise pas de modèles, comme l'aurait fait apparemment Lurie.
    Mais je te fais confiance, et je préfère en rester là, car c'est très loin de ce que je peux comprendre. Si un jour je suis amené à me familiariser avec les infini-catégories, alors peut-être que là cela aura plus de sens...

    ignatus.
  • Oui le but est en quelque sorte de comparer différents modèles, mais la comparaison utilise un modèle en background.
    Donc c'est "trans-modèle" mais certainement pas model-independent ni synthétique (c'est presque synthétique mais non)
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