Variété discrète ?

Bonjour,

J'étudie le mémoire de Riemann "Sur les hypothèses qui servent de fondement à la géométrie", dans lequel il introduit la notion de variété à plusieurs dimensions. Riemann fait référence plusieurs fois à la notion de variété discrète.
Je n'ai que des connaissances de base en géométrie différentielle, mais je n'ai jamais entendu parler que de variété continue...

Merci pour votre aide

Amicalement,
Johann

Réponses

  • Peut-être s'agit-il de variétés algébriques, même si j'en doute.
  • Bonjour,

    J'ai fait quelques recherches et donc une variété algébrique est l'ensemble des zeros $Z(I)$ d'un ensemble (pas forcément un idéal ?) $I \subset \mathbb{K}[X_1,...,X_n]$

    Question : toutes les variétés algébriques sont-elles discrètes ?

    Dans le cas où $I$ est un idéal et $\mathbb{K}[X_1,...,X_n]/I$ est un $\mathbb{K}$-espace vectoriel de dimension finie, on a que $Z(I)$ est fini. Ce serait donc dans ce cas un exemple de variété discrète.

    Malheureusement, je ne crois pas que Riemann désignait cet objet, mais plutôt quelque chose de plus général. C'est déja un premier pas, merci Koski pour ta suggestion.

    Amicalement,
    johann.
  • Bonjour,

    Si $S$ est un sous-ensemble de $K[X_1,\ldots,X_n]$ et si $I$ est l'idéal engendré par $S$, on a $Z(I)=Z(S)$. La variété est finie (discrete) si et seulement si l'espace vectoriel $K[X_1,\ldots,X_n]/I$ est de dimension finie sur $K$, et le cardinal de $Z(I)$ est alors au plus cette dimension. C'est égal à cette dimension lorsque l'idéal $I$ est radical, i.e égale à son radical $\sqrt I$.

    Amicalement
    Omar
  • Ne serait-il pas envisageable que l'expression variété discrète ait un tout autre sens pour Riemann que ce que l'on entend aujourd'hui par variété discrète. Une variété discrète (de dimension 0), ce n'est pas ultra-passionnant en géométrie différentielle...
  • Bonjour,

    Merci Omar pour ces précisions.

    remarque tu as tout as fait raison.

    D'ailleurs il serait peut-être judicieux de vous présenter au moins un extrait de son texte pour vous faire une idée, c'est même ce que j'aurais du faire dès mon premier post...
    Il n'y a quasiment aucun formalisme dans ce mémoire pourtant révolutionnaire, car il fut présenté dans une faculté de philosophie...

    Voici l'extrait en question (page 3) :

    « Les concepts de grandeur ne sont possibles que là où il existe un concept général qui permette différent modes de détermination. Suivant qu'il est, ou non, possible de passer de l'un de ses modes de détermination à un autre, d'une manière continue, ils forment une variété continue ou une variété discrète; chacun en particulier de ses modes de détermination s'appelle, dans le premier cas, un point, dans le second un élément de cette variété.
    Les concepts dont les modes de détermination forment une variété discrète sont si fréquents que, étant donnés des objets quelconques, il se trouve toujours, du moins dans les langues cultivées, un concept qui les comprend. […] Au contraire, les occasions qui peuvent faire naître les concepts dont les modes de détermination forment une variété continue sont si rares dans la vie ordinaire, que les lieux des objets sensibles et les couleurs sont à peu près les seuls concepts simples dont les modes de détermination forment une variété de plusieurs dimensions. C'est seulement dans les hautes mathématiques que les occasions pour la formation et le développement de ces concepts deviennent plus fréquentes »

    Pour ceux que ça pourrait intéresser, voiçi l'article complet :
  • Ah et bien en fait, finalement peut-être que c'est bien la même chose ! Il est en train de dire qu'il ne va pas s'y intéresser, justement, non ?
  • J'en doute, il dit simplement que les variétés discrètes sont plus courantes que les variétés continues "dans la vie quotidienne" et que le rapport s'inverse (relativement) lorsqu'on côtoie des mathématiques plus poussées...

    Lorsqu'il dit qu'elles (les variétés discrètes) sont si fréquentes, en admettant qu'il parle bien de variété algébrique (ce qui n'est pas évident) finie (de dimension 0), de quoi s'agit-il ? Un ensemble fini de solutions d'un système d'équations polynomiales de $\mathbb{K}[X_1,...,X_n]$ ? c'est tout ?
    Je comprends que cela ne soit pas passionnant d'un point de vue géométrie diff, mais quel rapport avec le quotidien ? "étant donnés des objets quelconques, il se trouve toujours, du moins dans les langues cultivées, un concept qui les comprend." Cela reste pas très clair pour moi...

    Amicalement,
    Johann
  • Je pense (à mon humble avis) que cela n'a rien à voir avec la géométrie algébrique. Il essaie d'expliquer que des grandeurs peuvent dépendre de plusieurs paramètres (différents modes de détermination) et que dans de nombreuses situations, cette dépendance est discrète. Tu prends l'exemple que tu veux... Il ajoute qu'il n'y a pas beaucoup d'exemples de la vie courante où cette dépendance est continue : l'espace (les lieux de objets sensibles), les couleurs (l'espace RGB), mais que si on fait des maths, ce n'est pas ça qui manque. Il faut voir aussi que c'est traduit de l'allemand, en plus d'être traduit du XIXème siècle...
  • Bonjour,

    je remonte le sujet pour une question subsidiaire sur la notion de variété.

    Je cherche à faire le lien entre variété différentiable et variété algébrique.
    Quel est-il, et quels sont les pièges à éviter ?

    Je cherche ce lien depuis que j'ai vu que les groupes de Lie compacts sont des variétés algébriques, l'exemple le plus classique étant $SL_n(\mathbb{K})$ (même si lui n'est même pas compact).
    Or on sait (ce n'est pas ainsi que mon cours aborde la notion de groupes de Lie et c'est pourquoi j'y voit un peu flou) qu'un groupe de Lie est un cas particulier de variété différentiable...

    Merci pour toute précision

    Amicalement,
    Johann
  • Bon,

    je risque de dire des grosses c..., mais je me lance :D

    Pour moi, on ne peut pas comparer ce qui n'est pas comparable.

    La notion de variété dépend de la topologie que l'on veut mettre dessus.
    Pour une variété différentiable, les cartes doivent être des applications différentiables.

    Pour une variété algébrique, la topologie que l'on utilise est la topologie la plus faible qui rende les applications polynomiales continues.
    C'est la topologie engendrée par les complémentaires des V(I).

    Je ne sais pas si j'ai été très clair et/ou très convaincant...
  • Salut,

    D'accord avec Greg pour la topologie. On peut aussi voir moins loin et juste les comparer ensemblistement.

    Une variété algébrique (appelons-les VA) est (en tous cas pour ce que j'en connais) toujours un sous-ensemble d'un espace affine ou projectif, donc il vaudrait mieux comparer avec la notion de sous-variété différentielle (appelons-les SVD) qu'avec celle de variété différentielle abstraite.

    Ce qui est sûr c'est qu'une SVD quelconque a peu de chances d'être une variété algébrique, tout comme une fonction différentiable quelconque est rarement polynomiale. Par exemple la transcendance de la fonction exponentielle doit garantir que la SVD $\{(x,e^x), \, x \in \R\}$ de $\R^2$ n'est pas une VA.

    Réciproquement, sur une VA il y a des points qui peuvent poser problème : la variété de $\R^2$ définie par l'équation $XY=0$, réunion de deux droites, n'est pas une SVD, à cause de l'origine, dont aucun voisinage n'est homéomorphe à un intervalle de $\R$. Ceci est lié au fait que le polynôme $XY$ est réductible. Dans le cas d'un polynôme irréductible, je pense que la VA associée est une SVD (mais j'ai un petit doute avec le cône associé à $X^2+Y^2-Z^2$). Quelqu'un pour confirmer ?
  • egoroff,

    Que penses -tu, plus simplement, d'une strophoïde droite d'équation $Y(X^2+Y^2) - a(X^2-Y^2) = 0$ ?
  • Salut gb,

    Je dirais que ce n'est clairement pas une sous-variété différentiable à cause du point double, et j'imagine que le polynôme concerné est irréductible (sinon tu ne poserais pas la question :) ) mais je ne saurais dire pourquoi ; je suis un peu terrorisé dès qu'il y a plusieurs indéterminées. Cela dit on comprend bien que la strophoïde ne peut pas être séparée en variété plus simples, donc j'y crois très fort.

    Si la preuve de l'irréductibilité n'est pas trop compliquée, c'est un meilleur contre-exemple que le cône.
  • Le polynôme $Y(X^2+Y^2) - a(X^2-Y^2)$ ne possède que des composantes homogènes de degré 2 et 3.
    Une factorisation ne peut se faire que sous la forme $(P_2 + P_1)Q_1$, où l'indice est le degré de la composante homogène.
    Donc $Q_1 = pX + qY$ doit diviser $Y(X^2+Y^2)$ et $a(X^2-Y^2)$, ce qui est difficilement possible si $a$ est non nul...
  • Merci gb. J'arrive à suivre ton raisonnement, mais j'aurais été incapable de penser à quelquechose d'aussi simple et élégant (je serais plutôt parti dans des calculs infernaux). Heureusement sur ma liste de choses à faire avant de mourir il est marqué "se remettre à l'algèbre" (juste entre "sauter à l'elastique" et "marcher sur des braises").

    Penses-tu qu'il existe un résultat de "généricité" du style : une variété algébrique est une variété différentielle au voisinage de presque tous ses points ?
  • Bonjour,

    Merci pour vos réponses !

    Donc si je n'ai pas compris de travers, les deux notions n'ont de commun que d'être des espaces topologiques. C'est peu, en effet.

    Une variété différentiable est aussi une variété topologique, mais localement difféomorphe à $\R^n$ (cartes différentiables) ;

    Par contre une variété algébrique n'est en général pas une variété topologique puisque si c'est un ensemble de points d'un espace projectif ou affine munis de la topologie de Zariski,

    Alors cet espace n'est en général pas séparé, et,
    C'est sur ces deux questions que je serai curieux d'avoir votre avis :
    la topologie de Zariski est-elle à base dénombrable ? je sais juste qu'elle a beaucoup (merci Greg !) d'ouverts...
    et enfin, localement homéomorphe à $\R^n$ je dirais non (Sauf dans le cas d'un groupe de Lie de par leur structure différentiable), mais j'avoue ne pas être capable de justifier ceci non plus.

    Amicalement,
    Johann
  • J'oubliais : j'aurai aussi une autre question, importante pour mon étude.
    Un auteur (Luciano Boï pour les curieux) parle de façon très évasive du concept de variété discrète de Riemann, en le comparant à "une variété sur laquelle le groupe des automorphismes est discret".
    Déjà sur quel type de variété peut-on parler de groupe d'automorphisme (discret, j'avais oublié le mot au passage...), et ensuite quel en est le résultat ? je ne vois pas.

    Merci encore pour votre aide

    Amicalement,
    Johann
  • La topologie de Zariski a au contraire beaucoup d'ouverts.
    Par exemple, une base de voisinages de la topologie de Zariski sur l'espace affine $k^n$ est donnée par l'ensemble des $U_f=\{ (x_1,...,x_n)\in k^n \mid f(x_1,...,x_n)\neq 0 \}$, où $f\in k[X_1,\ldots,X_n]$ .

    De plus, je ne saisis pas ce que tu appelles une variété topologique. Pour moi, toute variété a une topologie.
  • Pour Egoroff, je ne sais pas ce que veut dire "différentiable" pour une variété algébrique. En revanche, on peut parler de points lisses (les points où l'espace tangent à la bonne dimension).

    Dans ce cas, les points lisses d'une variété algébrique irréductible forment un ouvert Zariski-dense.

    Pour Tiger fou, on peut parler d'automorphismes dès qu'on a une structure avec une notion de morphisme.

    Un morphisme entre variétés affines est une application polynomiale, et un autormorphisme est un morphisme bijectif dont la réciproque est un morphisme.

    Les hypersurfaces V(f), où f est une forme homogène non singulière de degré d>2 ont un groupe d'automorphisme qui est FINI, donc discret. Cela ne marche plus en degré 2 (le groupe d'automorphisme d'une forme quadratique est infini, comme chacun sait, si l'on se place sur un corps de base infini)
  • Pour la notion de variété topologique, il s'agit d'un espace topologique séparé et à base dénombrable, localement homéomorphe à $\R^n$, je suis assez sûr de moi sur ce coup (c'est pas courant :)).
    Je crois qu'on l'appelle aussi variété abstraite, peut-être le terme "topologique" est un peu inutile, puisque tu as raison on à toujours une topologie sur une variété.
    Quoi qu'il en soit, il me semble que c'est la notion la plus générale de variété, si je ne me trompe pas, à confirmer.

    Merci Greg pour les précisions sur la topologie de Zariski. J'ai corrigé l'erreur dans mon post.

    Amicalement,
    johann
  • Bonjour,

    Je récidive, j'ai (encore) dit une bêtise : la notion de variété "topologique" n'est pas en fait la plus générale.

    Premièrement, je suis tombé sur une définition qui ne parle pas de topologie sur \lien{, je ne sais pas ce qu'il faut en penser. De toute façon cette définition ne m'intéresse pas pour mon problème.

    Deuxièmement, il existe des variétés algébriques qui ne sont pas des variétés topologiques (même si elles sont munies d'une topologie !), je l'ai déjà dit plus haut et egoroff en a d'ailleurs donné un exemple, $XY=0$ dans $\R^2$. En fait il suffit qu'elles possèdent ne serait-ce qu'un seul point singulier.

    Troisièmement, toujours afin de cerner cette notion très bizarre de variété discrète :
    Mieux que la topologie de Zariski, on peut munir un ensemble de la topologie discrète, il est ainsi séparé et à base dénombrable (si lui-même est dénombrable). En revanche, il ne craint pas d'être homéomorphe à $\R^n$, même localement puisqu'il est totalement discontinu. Ce n'est donc pas une variété topologique, mais je pense que c'est un bon candidat, s'il répond à la question suivante :

    Est-ce une variété sur laquelle le groupe des automorphismes est discret ?
    Je patauge avec le concept de groupe d'automorphismes discret, en fait c'est le terme discret qui me gène : est-il juste fini, ou agit-il de façon discrète ? je ne sait d'ailleurs pas trop ce qu'est une action discrète... Le groupe d'isotropie est discret ? Son espace des orbites ?

    Pffff j'ai du boulot, va falloir que je me trouve des bon bouquins sur le sujet (balancez si vous avez des références ! (:P))

    Et n'hésitez pas à me taper sur les doigts, en général je le mérite !

    Amicalement,
    Johann

    [Activation du lien. AD]
  • Bon, j'ai fait mes devoirs :

    Soit $(E,\tau)$ un espace topologique.
    Soit $G=Aut_{Topo}(E)$, le groupe des automorphismes (donc des homéomorphismes) de $E$
    Je suppose que $G \circlearrowleft E$ est une action discrète
    $\Longleftrightarrow \forall x \in E, \ Orb(x)$ est discret dans $E$
    $\Longleftrightarrow \forall x \in E,\ \forall A \subset Orb(x), \ A \in \tau$
    Soit $U \subset E$. Alors $U=\bigsqcup Orb(x_i)$ avec $x_i \in U$ un représentant de chaque classe.
    On a $\forall x_i \in U,\ Orb(x_i) \in \tau$
    Donc $\bigsqcup Orb(x_i)=U \in \tau$
    Ainsi puisque $\forall U \subset E,\ U \in \tau$, alors $\tau=\mathcal{P}(E)$ càd $E$ est muni de la topologie discrète.

    Donc un espace topologique sur lequel le groupe des automorphismes agit de façon discrète est précisément un ensemble discret. C'est un peu général pour appeler cela une variété... On a beau avoir la séparation et une base dénombrable (si l'ensemble est dénombrable) on est encore loin d'une variété topologique.

    Finalement il ne me reste plus qu'a regarder le cas d'un groupe d'automorphisme discret (pas son action).

    Quand à la définition de Wikipedia que j'ai mentionnée plus haut en fait elle n'est plus si inintéressante, mais je n'ai pas les outils pour la comprendre...
    Quelqu'un pour m'expliquer en quoi consiste le théorème de Birkhoff sur les "classes équationnelles" ?

    Merci
    Amicalement,
    Johann
  • Bonjour,

    Oublions la définition de Wikipedia, je voudrai juste montrer que si le groupe d'automorphismes d'un espace topologique est discret alors cet espace est aussi muni de la topologie discrète. Je n'y arrive pas... Est-ce faux ?

    Merci à vous
    Amicalement,
    Johann

    PS : ce n'est plus vraiment de la géométrie maintenant, d'où peut-être le monologue... devrai-je poser ma question sur le forum de topologie ?

    [Je te transfère dans la rubrique Topologie. AD]
  • Bonjour,

    Je vais clore ce monologue (merci pour le transfert AD même si je n'ai pas eu plus de réponses ici).

    Pour ce qui est de la notion de variété discrète, il faut apparemment chercher du côté des revêtements (toute fibration à fibre discrète en fait), j'aurai le temps de les étudier plus tard j'ai de toutes façons assez de matière sur d'autres questions pour conclure mon mémoire sans elles.

    Et pour la notion "générale" de variété en fin de compte on ne peut pas formaliser (pour l'instant ?) concrètement le concept de variété, qui repose en fait sur le principe suivant : étudier la forme locale d'un objet pour en déduire sa forme globale par "recollements". C'est très vague, mais c'est le concept de variété abstraite tel que Riemann l'introduit dans son mémoire (ce qui signifie qu'on a pas fait mieux depuis !?).

    Amicalement,
    Johann

    PS : merci quand même pour les suggestions en début de post (Koski, Omar, remarque, GreginGre, egoroff, gb...)
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