CCH et "réalisations logiques"

A la suite d'une demande reçue par MP, j'ouvre un fil pour donner quelques précisions sur les analogies que j'insère parfois dans mes réponses, comme au lien suivant: (à mettre à l'édit)

1.0) Une spécialité de recherche récente (elle a moins de 30ans) est la correspondance de Curry-Howard: elle dit que toute preuve (de science) est un programme (au sens informatique du terme), et moi, personnellement, j'ajoute que tout programme est une preuve (c'est moins souvent signalé à cause des boucles, mais je peux le prouver).

1.1) Ces choses sont développées dans les cours de lambda-calcul (mais ça va beaucoup plus loin évidemment, le LC n'est qu'une "implémentation concrète" du phénomène qui est robuste et ne concerne d'ailleurs pas que "les programmes informatiques", mais tous les trucs de la vie. Les preuves donnent des stratégies automatisables et réciproquement. On peut consulter la page internet de JEAN LOUIS KRIVINE (je préciserai dans les posts ultérieurs sur quels documents cliquer)

2.0) Soit $E$ un ensemble, muni d'un ordre (préférablement complet, mais ce n'est pas une obligation) et d'une application que je note $\to $ qui va de $E^2$ dans $E$, avec un élément neutre à gauche que je note $1$, ie il vérifie $\forall x: (1\to x)=x$. On suppose en outre que $\to$ est croissante à droite et décroissante à gauche et qu'elle est pseudo-commutative, ie $a\to (b\to c)=b\to (a\to c)$ pour tous $a,b,c$. Dernière chose supposée: $a\leq b$ ssi $1\leq (a\to b)$. Théorème: tous les théorèmes de la logique linéaire sont $\geq 1$, tous les éléments jetables sont $\leq 1$ (un élément $x$ est jetable quand $\forall y: y\leq (x\to y)$). Il y a 4 conditions dans la définition, mais elles sont toutes très naturelles, et on peut à bon droit considérer ce genre de structure comme une implémentation de ce qu'on entend par "valeurs de phrases". On y prouve que la borne inférieure des $[a\to (b\to x)]\to x$ quand $x$ parcourt $E$, quand on la note $a\otimes b$, qu'elle est adjointe à $\to$ en ce sens que $\forall a,b,c: [(a\to (b\to c))=((a\otimes b)\to c)]$

2.1) A noter que les théorèmes des autres logiques s'obtiennent aussi très facilement, puisque ce ne sont que les conséquences des axiomes desdites logiques. Par exemple la borne inférieure $LI$ des $x\to (x\otimes x)$ et des $x\to (y\to x)$ quand $x,y$ parcourent $E$ définit la logique intuitionniste (les théorèmes de la logique intuitionniste sont les éléments$\geq LI$, etc

3.0) Un peu d'habitude est on s'aperçoit vite qu'on trouve ce genre de structure partout dans les maths. L'ordre est souvent l'inclusion et la recherche "d'éléments canoniques" équivaut très exactement à la recherche de preuves d'énoncés. Par exemple, si vous écrivez une expression avec des lettres et le signe "=>", il revient très exactement au même d'en cherche une preuve (en logique linéaire) de l'expression vue comme forme propositionnelle ou plutôt de s'imaginer que les lettres désignent des espaces vectoriels et que A=>B désigne $L(A,B)$, et qu'on cherche un vecteur non nul appartenant à l'expression.

3.1) Un autre exemple est celui des anneaux, pour lesquels j'ai publié une classification sur HAL. Les valeurs sont les idéaux et si $J,K$ sont des idéaux, l'idéal J implique K est l'idéal $\{x\in A\mid \forall y\in J: xy\in K\}$. J'ai même appelé "logique annelée" l'ensemble des expressions dont la valeur est l'anneau tout entier quelque soit les valeurs qu'on a attribué aux lettres et quel que soit l'anneau commutatif. Et, par exemple, la logique annelée est strictement comprise entre la logique affine et la logique classique, mais elle est incomparable avec la logique intuitionniste car elle contient un théorème non prouvable en logique intuitionniste qui est Buveur=>TiersExclus. ***

3.2) On a aussi les théorèmes suivants: la logique annelée des anneaux de Von Neumann (tout élément est multiple de son carré) est exactement celle des anneaux qui réalisent la logique intuitionniste et pour ce qui est de la logique classique, un anneau la réalise ssi il est un produit fini de corps.

A suivre, à la faveur des questions techniques et autres. Une manière propre de fonder toutes les maths avec 4 signes et proprement, sans variable, est donnée par la logique dite combinatoire, qui peut servir de mot-clé (c'est un équivalent du lambda-calcul sans utiliser de variables). Je rappelle que le lambda-calcul consiste juste à remplacer ensemble par fonction (ça ne change rien) et à se placer dans la théorie des ensembles originelle (celle qui a provoqué la crise des fondements parce qu'elle est contradictoire), à savoir que toute collection est un ensemble (en LC, toute fonction "intuitive" est une fonction "brute de pomme").

*** Buveur := $\forall R\exists x\forall y: [Rx\to Ry]$ et TiersExclus:= $\forall X: non(non(X))\to X$ où $non(X)$ abrège $\forall Y:[X\to Y]$
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Réponses

  • Il peut être utile de s'initier à COQ (après avoir écrit une preuve, on peut afficher le programme informatique correspondant. Pour des preuves d'énoncés très simples comme $\forall p,q,r:Prop, (p\to q \to r) \to (p \to q) \to p\to r$ le résultat est assez édiifiant. NB: dans coq la logique est d'ordre supérieur).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • J'ai déjà survolé ce genre de chose dans un cours de logique de J.-Y. Girard, mais je crois qu'il se servait d'espaces de Banach, une raison à ça ? Tu aurais des références assez complètes qui adoptent ce point de vue ? (et pas juste un cours de $\lambda$-calcul ?)
  • @Poirot, dans le genre exalté, Girard est bien pire que moi, et bien plus subjectif (et complique souvent les choses inutilement). Fais-moi confiance. Comme je ne suis pas une comère :-D :-D je ne raconterai pas ce qu'un autre grand savant a dit de lui dans un couloir à propos du besoin qu'il éprouve de mêler l'analyse fonctionnelle à ça pour faire joli, mais ses oreilles ont dû sacrément siffler.

    On ne peut pas tout aborder "d'un coup" en 5mn, je pense sincèrement qu'il faut en passer par avoir une petite "appréciation" du lambda-calcul. Il y a des "difficultés indicibles" qui ne sont pas très grandes mais pour lesquelles on ne peut pas demander de l'aide, car ça remonte vraiment "en amont" de la pratique du langage (par exemple, le fait que des occurrences libres d'une même variable n'ont plus vraiment la même valeur parfois, ce qui en maths n'arrive pas. On peut l'éviter au prix d'une forte complication de l'exposé alors qu'une "expérience personnelle" suffit souvent à s'immerger très bien dans ce monde.

    Et non, il n'y a aucune raison d'y mettre des Banach :-D ni même de la topologie d'evt à vrai dire. Tous ces machins sur le facteur hyperfini et tout ça, n'auront pas berné que toi, ne t'inquiéte pas. Pour faire simple: initialement, JYG espérait "élucider" un peu le mystère quantique. Je considère (contrairement à lui-même d'ailleurs) qu'il n'a pas si totalement échoué que ça avec "sa logique linéaire". Lui n'en est pas satisfait (non pas de la logique linéaire, mais sa propension à expliquer le mystère quantique), tout simplement parce qu'il en demande trop. Du coup, il sort des trucs et des machins énigmatiques pour faire saliver, mais il n'y a rien derrière. Il faut s'en tenir à ce qu'il a réellement prouvé annoncé et publié sous forme de théorèmes de maths. Par exemple, toute la fin de son livre "point aveugle" tourne à vide, ça n'est pas opérant (ça ne contient rien de "reproductible ou significatif").

    Pour élucider la MQ, il faut d'abord commencer par en étudier les mécanismes fondateurs et ça prend du temps, on ne peut pas s'improviser quanticien juste par accès logique. JYG n'a pas voulu "prendre le temps" de ce parcours lent, donc il "parle trop vite".
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  • Christophe, par rapport à ton premier post grâce à l'ensemble des formules propositionnelled bien quotienté, j'imagine qu'on a une réciproque au théorème que tu cites : si un terme dans le langage $\to, 1$, avec des variables est toujourd évalué $\geq 1$, alors c'est un théorème intuitionniste ?
    Et si je me souviens bien (corrige moi sinon) tu disais que la sémantique des ev était complète pour la logique linéaire ?
  • Pas intuitionniste mais linéaire. Et oui, j'ai même créé cette définition pour ça (j'avais appelé ça "présentation à des matheux non logiciens" car c'est de la bonne vieille définition sémantique)
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  • cc a écrit:
    dans le genre exalté, Girard est bien pire que moi, et bien plus subjectif (et complique souvent les choses inutilement).

    Oui, j'ai lu son premier Point Aveugle et je n'ai aucun mal à te croire :-D
  • @CC oui pardon linéaire je regardais en même temps tes paragraphes 2.0 et 2.1. Et pour la complétude par rapport aux evs ?
  • @max: je pense que c'est complet (les ev) pour les signes => et tenseur. Peut-être pas au second ordre par contre, je n'ai jamais vraiment creusé, on peut probablement rajouter inf et sup (qui se disent respectivement "avec" et "oplus" en logique linéaire, mais il faudrait y regarder de près et en détails précisément (quantification sur le corps, etc). Il faut se méfier parce que les ev ont une sérieuse tendance à confondre une opération et son dual si on ne surveille pas de manière très précise ce qu'on entend par "autorisé" (un fil récent par exemple, en déclarant canonique la réciproque d'une application canonique a construit des flèches que même la logique classique ne prouve pas).
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