Utilisation des ordinaux

Bonjour,

On sait que Cantor a imaginé les cardinaux pour étudier les ensembles d'unicité pour les séries trigonométriques, et en particulier étudier les dérivés itérés de fermés de $\mathbb R$. (l'ensemble dérivé de $P$ est l'ensemble de ses points d'accumulations) Avec le même genre d'idées, on montre le théorème de Cantor-Bendixson : tout fermé non dénombrable de $\mathbb R$ s'écrit comme union disjointe d'un ensemble dénombrable et d'un ensemble parfait (égal à son dérivé), ce qui prouve l'hypothèse du continu pour les fermés de $\mathbb R$ !

Baire s'est aussi servi des ordinaux pour montrer l'équivalence entre $f$ est limite simple de fonctions continues, et pour tout fermé $F$ de $\mathbb R$, $f$ restreinte à $F$ est continue en au moins un point.

Enfin, on peut par exemple décrire la hiérarchie de Borel pour la tribu borélienne grâce aux ordinaux dénombrables (essentiellement, tout borélien peut-être obtenu en itérant $\alpha$ fois les opérations de tribus à partir des ouverts, où $\alpha$ est un ordinal dénombrable), ce qui permet de montrer que la tribu de Borel a la puissance du continu.

Connaissez-vous d'autres utilisations des ordinaux dans les "maths de tous les jours" ?

Merci d'avance pour vos réponses.

Réponses

  • Je pense que pas mal d'utilisations du lemmes de Zorn pourraient être remplacés par une récurrence ordinale, mais que ça n'est pas fait pour une question de culture ou d'élégance.
  • Il y a un siècle, les algébristes allemands utilisaient volontiers une récurrence ordinale là où nous évoquons maintenant Zorn. Par exemple, Artin et Schreier pour montrer que tout corps réel se plonge dans un corps réel clos.
  • Il me semble que les invariants d'Ulm se décrivent à l'aide d'ordinaux, de même que la hauteur d'un groupe abélien. Ils permettent donc de la classification en théorie des groupes (théorèmes de Prüfer, théorème d'Ulm).
  • On peut également citer le théorème de Sierpinski-Mazurkiewicz caractérisant les espaces topologiques compacts dénombrables.
  • On peut aussi évoquer le théorème de Goodstein dont la démonstration repose sur l'utilisation des ordinaux.
    Mais, est-ce des maths de tous les jours (d'ailleurs qu'est ce que des maths de tous les jours) ?
  • Bonjour,

    > Connaissez-vous d'autres utilisations des ordinaux dans les "maths de tous les jours" ?
    - Oui, ça sert à numéroter les cardinaux, une fois qu'ils ont été élus papes :-)
  • Merci pour ces résultats. Je connaissais seulement la preuve du théorème de Goodstein. Y a-t-il d'autres applications à l'analyse réelle par exemple ? Et avez-vous des exemples de Zornage fait par récurrence transfinie ?
  • Chaque fois que tu es dans les conditions d'applications du lemme de Zorn tu peux le redémontrer dans ton cas particulier en utilisant une récurrence transfinie. Du coup tu peux artificiellement transformer tout Zornage en récurrence transfinie si je ne dis pas de bêtise.
  • Pourquoi "artificiellement" ? En quoi la récurrence ordinale est-elle plus artificielle que Zorn ? Il s'agit plutôt de modes et, je le répète, dans les débuts de l'"algèbre moderne" la mode était plutôt à la récurrence ordinale.
  • Je suis d'accord avec toi qu'il s'agit en gros de mode, d'ailleurs j'ai été le premier à le dire (sauf que je parlais de culture).
    Je dis que c'est artificiel parce que tu pars d'une démo qui utilise le lemme de Zorn et d'une démo d'icelui par récurrence transfinie et tu greffes l'une sur l'autre.
    Ceci dit dans l'autre sens aussi ce serait artificiel: ce qui est artificiel ce n'est pas l'usage de l'un plutôt que de l'autre, mais la transformation de preuve pour se ramener à une preuve qui utilise/ qui n'utilise pas les ordinaux.
  • L'ensemble vide et les nombres naturels ne sont pas assez bons pour vous à ce que je vois!

    Bon, pour ce qui est des ordinaux, ils peuvent apparaître dès que des bons ordres sont en jeu.

    Une occurrence naturelle et pas nécessairement intuitive des bons ordres se fait dans la théorie des corps valués, notamment en ce que les corps de séries de Hahn sont des corps valués universels sous certaines conditions.
  • Bonjour,

    les ordinaux sont très utiles, on ne peut même pas du tout s'en passer d'ailleurs, en théorie descriptive des ensembles. Ils mesurent la hauteur des arbres bien fondés (et peuvent servir d'ailleurs à mesurer des temps de calculs généralisés).

    Justement, il a en a été récemment un peu question ici: http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?3,1562040,1562040#msg-1562040

    Prenons la théorie de Ramsey par exemple, par théorie j'entends spécialité qui regroupe un peu toutes les recherches de gros ensembles homogènes. Histoire d'être précis, et de fixer les idées, je prends un exemple d'énoncés, qui est un théorème de Ramsey.

    Pour toute coloration en vert/rouge des parties finies de $\N$, il existe un ensemble infini $A$ inclus dans $\N$ tel que ou bien toutes les parties finies de $A$ sont rouges, ou bien pour toute partie infinie $B$ de $A$, il y a un segment initial de $B$ qui est vert.

    Ce type de questionnement consiste, et c'est très général, à chercher une branche dans un arbre. Par exemple ici, on va chercher une partie infinie entièrement rouge (ses parties finies), et bien commencer à la construire consiste à étudier les suites finies strictement croissantes dont tous les ensembles finis de termes sont rouges. La non-existence d'une partie rouge homogène se traduit par le fait que l'arbre est bien fondé, donc par le fait qu'on associer un ordinal $\phi(u)$ à chaque suite finie de l'arbre de sorte que chaque fois que $v$ prolonge $u$, $\phi(v)<\phi(u)$. La hauteur de l'arbre est $\phi(e)$ où $e$ est la suite vide.

    Comment fait-on, en général, pour s'apercevoir qu'il y aura toujours une branche infinie. Et bien par exemple, dans l'exemple de l'énoncé classique de Ramsey, on peut dire "soit la plus petite hauteur possible d'un arbre attestant d'un contre-exemple à Ramsey classique". Le simple fait de dire permet de voir qu'on a déjà quasiment démontrer le théorème (on voit bien qu'une telle plus petite hauteur ne peut pas exister à cause du fait que l'arbre local qui vient après les premières suites qu'on essaie est encore un Ramsey-problème, avec, contradiction, une hauteur par définition, plus petite).

    Dans ce domaine, la plupart des constructions s'obtiennent de cette façon, et on peut dire sans exagérer que les ordinaux y sont le principal, voir l'unique ingrédient.

    Bonne journée,

    Talal
  • Les ordinaux servent aussi à construire des contre-exemples/objets inhabituels. Je pense par exemple à la longue droite ou à la mesure de Dieudonné.

    Pas vraiment math "de tous les jours" mais les ordinaux sont utilisés pour définir ce que sont les cardinaux.
  • @mojojo : en effet, ils donnent un gros nombre de topologies $T_0$ mais pas $T_1$ par exemple
  • @mojojo : en effet oui, ça fournit des espaces topologiques pas trop complexes et pourtant assez paradoxaux !
  • Les tables de Laver donnent lieu à des énoncés élémentaires dont les preuves semblent faire appel aux ordinaux. Voir par exemple cet exposé sous la direction de Patrick Dehornoy ou des textes de ce dernier.

    Sinon, les nombres surréels de Conway incluent des ordinaux transfinis et ont été inventés pour les jeux combinatoires (de type jeu de Nim).
  • Le théorème de l'hydre est-il identique aux suites de Goodstein ?
  • Non, pas vraiment, dans un cas, on a un énoncé arithmétique dans l'autre on a fondamentalement un jeu (même si on peut le dégénérer pour faire de l'arithmétique) dont l'expressivité réelle n'est pas que ce qu'on en dit ou peut en dire soit fort, mais surtout que c'est riche et ne s'exprime pas dans l'arithmétique.

    A noter que l'arithmétique se réduit à un jeu extrêmement simple tout entière, c'est à dire que la vérité arithmétique est définissable (en fait même Turing-réductible) à la simple connaissance de l'ensemble des réponses "qui gagne qui perd" à des instances de ce jeu. Cela provient du fait que les énoncés avec des $\forall, \exists$ décrivent un jeu et que, en arithmétique les coups étant des entiers, on peut les mimer par des appuis sur une seule et même touche (le joueur 1 attend le joueur 2 qui tape sur sa touche autant de fois qu'il veut jusqu'à ce qu'il décide d'arrêter pour passer son tour au joueur 1).

    L'hydre n'est qu'une mise en forme esthétique de ça, mais on peut l'exprimer de plein de façon différentes. Par contre Goodstein, est un énoncé arithmétique indécidable pur et dur (de même nature que Syracuse).

    cordialement, Talal
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