Axiome de choix et règle de l'Hôpital

Bonjour

J'aimerais m'assurer si la preuve de la règle de l'Hôpital nécessite ou non l'axiome de choix. Je suis tombé sur cette discussion où les avis sont divergents https://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Règle_de_L'Hôpital

Cette question à un lien avec Un QCM sur le théorème de Rolle

[Michel Rolle (1652-1719) a droit au respect de son patronyme. AD]
@ AD Merci je corrige (Mon correcteur automatique a disjoncté)
Le 😄 Farceur


Réponses

  • Il est certain que l'axiome du choix dépendant suffit. Ensuite pour plus de précisions (peut-on descendre à dénombrable, à aucun axiome du choix ?) il faudrait se plonger dans la preuve plus profondément que je n'en ai pour le moment le courage
  • Quelques remarques.
    0.1°) d'abord laisse tomber la lecture de cette page wiki, elle raconte n'importe quoi.
    0.2°)Soient $f,g:[a,b]\to \R$ dérivable. On suppose que $g'(a)\neq 0$.
    Alors
    0.3°) Il existe un voisinage $V$ de $a$ tel que pour tout $y\in V\setminus \{a\}$, $g(y)\neq g(a)$ (car $g(t)-g(a)=(t-a)[g'(a)+\varepsilon(t)]$ où $t\mapsto \varepsilon(t)$ est une fonction tendant vers $0$ en $a$, il suffit de prendre un $V$ tel que $|\varepsilon (s)|<\frac{1}{2}|g'(a)|$ pour tout $s\in V$.
    0.4°) On peut donc supposer quitte à prendre un nouveau $b$ proche de $a$, que $g(x)\neq g(a)$ pour tous $x\in\, ]a,b]$.
    On a $$\frac{f(x)-f(a)}{g(x)-g(a)}\xrightarrow[~x\to a, x>a~]{} \frac{f'(a)}{g'(a)}$$
    C'est un simple quotient de limites (!!!), puisque par définition de la dérivée, $\displaystyle{\frac{f(x)-f(a)}{x-a} \xrightarrow[~x\to a, x>a~]{} f'(a)}$ et $\displaystyle{\frac{g(x)-g(a)}{x-a} \xrightarrow[~x\to a, x>a~]{}g'(a)}$

    1°) On peut montrer sans aucun axiome du choix, les résultats suivants:
    1.1°) Tout segment est compact (au sens des recouvrements à la Borel Lebesgue: Si $(V_i)_{i \in I}$ est un recouvrement ouvert de $[a,b]$, considérer le sup $s$ de l'ensemble des $x\in [a,b]$ tels que $[a,s]$ est contenu dans un sous-recouvrement fini de cette famille, montrer que $s$ appartient audit ensemble et conclure en montrant que $s=b$ par l'absurde).

    1.2°) L'image d'un compact par une fonction continue est continu (application directe des définitions).

    1.3°) Tout compact $K$ de $\R$ est fermé et borné (borné parce que $(]{-}n,n[)_{n\in \N}$ est un recouvrement ouvert, fermé car par séparation, si $x$ n'est pas dans $K$, soit $T$ l'ensemble des couples $(U,V)$ où $U,V$ sont des ouverts de $\R$ disjoints tels que $x\in V$. Soit $p(U,V):=U$. Alors $\left( p(X)\right)_{X\in T}$ est un recouvrement ouvert de $K$ dont on peut extraire un sous-recouvrement fini, on peut en conclure que $x$ est dans l'intérieur du complémentaire de $K$ qui donc est ouvert).

    Par suite un compact non vide de $\R$ possède toujours une borne sup et une borne inf qui sont en fait des maximums et minimums.
    Il vient immédiatement:
    1.4°) Toute fonction continue d'un segment de $\R$ dans $\R$ est bornée et atteint ses bornes, sans axiome du choix.

    2°) Par suite Le théorème de Rolle est prouvable sans axiome du choix et la preuve est la même.
    3°) le théorème des accroissements finis est prouvable sans axiome du choix, et la preuve est la même.

    4°) On se place dans les conditions de 0.4°) On peut généraliser le théorème des accroissements finis de la manière suivante: pour tous $x\in\, ]a,b]$, il existe $c\in\, ]a,x[$ tel que $\displaystyle{\frac{f'(c)}{g'(c)}}=\frac{f(x)-f(a)}{g(x)-g(a)}$. Il suffit d'appliquer le théorème de Rolle à la fonction $\Phi_x: t \mapsto [f(t)-f(a)][g(x)-g(a)]-[g(t)-g(a)][f(x)-f(a)]$.

    5°) Si dans 4°) on suppose en plus que $f'$ et $g'$ sont continues en $a$, on peut faire un passage à la limite via l'égalité précédente. On retrouve une forme plus classique de la règle de l'Hôpital.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • @Foys : attention tu as des coquilles dans ton 0.4
  • Vu!
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • @Foys: j'aurais dû être plus précis pour éviter d'avoir à réécrire :-D tu as aussi écrit le taux d'accroissement de $g'$ au lieu d'écrire celui de $g$
  • Un jour (quand?) je vais enfin écrire un message sans coquille.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Merci Foys pour ces précisions :-)
    Le 😄 Farceur


  • @Foys

    Il me reste un petit souci, tu as démontré d'une manière qui ne laisse aucun doute que le c dans le théorème de Rolle existe sans l'axiome de choix, mais dans le QCM, on demande si le c est constructible. Normalement, l'existence n’implique pas d'une manière certaine la construction. Dans wiki, ils parlent d'une construction par la méthode de dichotomie , est ce suffisant?
    Le 😄 Farceur


  • @gebrane : "constructible" ne veut pas dire grand-chose dans ce contexte. Pour ce qui est de la dichotomie, elle te permettrait d'obtenir autant de décimales de $c$ que tu veux, du moment que tu es suffisamment patient.
  • Bonsoir à tous.
    Dans certaines preuves (par exemple du ''théorème de la limite de la dérivée'') on applique l'égalité des accroissements finis entre un $a$ fixe et un $x$ variable. Il en résulte l'existence d'un ''$c_x$'' tel que etc... Peut-on parler de la ''fonction'' $x\mapsto c_x$ ? Si oui a-t-on besoin de l' (d'un) axiome du choix ? Merci.
  • Bonsoir,

    @gebrane: je plussoie ce que dit Poirot. Effectivement, on peut prouver Rolle par dichotomie (il y a un article de Daniel Perrin pour Capétiens qui le fait sauf erreur) mais que veut dire constructive? Dans une situation concrète, on a seulement une suite finie et une valeur approximative.

    @dedekind93. on a besoin de l'axiome du choix pour faire ce que tu dis car en fait,
    l'axiome du choix est équivalent à l'énoncé suivant:
    (*) Pour tous ensembles $X,Y$ et toute partie $R\subseteq X\times Y$, si pour tout $a\in X$, il existe $b\in Y$ tel que $(a,b)\in R$, alors il existe une application $f:X\to Y$ telle que pour tout $c\in X$, $\left (c,f(c) \right )\in R$.

    Le sens AC=>(*) se montre en considérant une fonction de choix $\varphi: \mathcal P (Y) \backslash \{\emptyset\}$ (i.e. une fonction telle que pour tout $A\in \mathcal P(Y)$ non vide, $\varphi(A)\in A$) et en posant $f(t):= \varphi \left( \{z \in Y\mid (t,z)\in R\}\right)$. Réciproquement, $E$ est un ensemble, on peut appliquer (*) au cas particulier où $X:=\mathcal P(E) \backslash \{\emptyset \}$ , $Y:=E$ et $R:=\{(a,b)\in X\times Y \mid b \in a\}$; la fonction obtenue est alors une fonction de choix.
    $\Box$


    C'est d'ailleurs une des raisons qui font qu'il faut se méfier de l'idée de fonction comme "un procédé". Une fonction de $X$ dans $Y$, c'est un graphe (précisément, une partie $u$ de $X\times Y$ telle que pour tout $p\in X$, il existe un unique $q\in Y$ tel que $(p,q)\in u$, étant convenu qu'alors la notation $u(p)$ désigne ce $q$). Le point de vue "procédé" ne permet pas de vraiment sentir ce théorème. L'idée de "prendre avec ses mains" $x$ pour "assigner" le "$c_x$ tel que(...)" est généreuse mais induit en erreur.

    L'axiome du choix ne dit pas (contrairement à son nom trompeur) qu'on peut "choisir" des choses, mais qu'en maths il y a beaucoup de fonctions (en fait toutes celles qui remplissent un certain cahier des charges commode existent).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Pour se rendre compte du gouffre béant qui existe entre constructif (en tout cas compris comme "algorithmiquement faisable") et "sans recours à l'axiome du choix", considérer l'application qui (étant donné une énumération des programmes informatiques $n\mapsto \Phi_n$), l'application qui à $n$ associe $1$ si $\Phi_n$ s'arrête et $0$ sinon. Cette fonction est définie dans ZF (on pourrait même l'étudier dans PA) et pourtant on ne peut pas du tout calculer toutes ses valeurs d'après le théorème de l'arrêt.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • @dedekind93
    http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,1667584,1667756#msg-1667756

    Alors après , s'il est vrai que pour passer de "quel que soit (...) il existe (...)" à "il existe une fonction telle que (...)", l'axiome du choix est nécessaire, en revanche on est pas obligé de recourir à de telles fonctions pour montrer des théorèmes. Dans les situations qui nous intéressent ici, il y a d'autres manières de faire. Par exemple considérons l'énoncé suivant (qui se montre sans axiome du choix):

    Soit $\ell \in \overline{\R}$. Soient $a,b\in \R$, $f:\in C^0[a,b],\R$ une fonction dérivable sur $]a,b[$ et telle que $f'(x)$ tend vers $\ell$ lorsque $x$ tend vers $a$ ($x>a$). Alors $\displaystyle{\frac{f(x)-f(a)}{x-a} \underset{x\to a, x > a} {\longrightarrow} \ell}$.

    Soit $V$ un ouvert(*) de $\overline{\R}$ contenant $\ell$. Soit $\delta>0$ tel que pour tout $x\in ]a,a+\delta[$, $f'(x)\in V$ (définition de limite). Alors pour tout $t\in ]a,a+\delta[$, il existe (accroissements finis)$c\in ]a,t[$ tel que $\dfrac{f(t)-f(a)}{t-a} =f'(c)$ ce qui entraîne automatiquement $\dfrac{f(t)-f(a)}{t-a} \in V$. Ceci étant vrai pour tout $t\in ]a,a+\delta[$, on a la convergence voulue.
    $\Box$


    La phrase rituelle "considérons la fonction $x\mapsto c_x$" est superflue (c'est plus une solution de facilité rédactionnelle qu'autre chose, mais du coup elle se paie: l'AC devient nécessaire là où il ne l'était pas).

    [size=x-small](*)On le rédige comme ça pour éviter la distinction de cas $\ell\in \{+\infty,-\infty\}$ et $\ell\in \R$. Rédaction à adapter en fonction du public.[/size]
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Merci Foys infiniment

    Pour le terme "constructible" est a rapproché de l'exemple suivant. Regardons ces deux assertions

    1) Il existe une fonction $f :\, [0,1]\to [0,1]$ qui vérifie $f[a,b]=[0,1]$ pour tout $0\leq a<b\leq 1$
    2) On peut construire une fonction $f :\, [0,1]\to [0,1]$ qui vérifie $f[a,b]=[0,1]$ pour tout $0\leq a<b\leq 1$

    Il y a bien une grande différence, voir pour plus de détails le fichier-joint
    Le 😄 Farceur


  • J'ajoute aussi cet exemple sur le terme constructible ou non
    intervenant @l a écrit:
    On prend une infinite de paires de chaussures et une infinite de paires de chaussettes identiques. On demande d'abord de choisir systematiquement une chaussure parmi chaque paire, et ensuite une chaussette parmi chaque paire.
    Pour les chaussures, pas de probleme: il suffit par exemple, de prendre toujours le pied gauche.
    Par contre, pour les chaussettes, on est bien embete... Sur un nombre fini de paires de chaussettes, ca va, on s'en tire (on choisit au hasard une chaussette) mais pour une infinite....
    Eh, bien, l'Axiome du Choix affirme qu'il existe une fonction de choix (cette fonction n'est pas humainement constructible, c'est un pur objet abstrait, mais qui rend bien des services)

    Ainsi quand on a un enonce de la forme

    Quelque soit x Il existe un unique y bla, bla, bla....

    on a une fonction qui apparait directement, sans recours a l'Axiome du Choix (cas des chaussures)

    Par contre, si on a juste un enonce de la forme

    Quelque soit x Il existe y bla, bla, bla

    on a besoin de l'Axiome du choix pour obtenir une fonction qui relie y a x (cas des chaussettes)
    Le 😄 Farceur


  • Une remarque, @dedekind93
    La fonction $x \mapsto c_x$ est mal définie car il peut exister plusieurs $c_x$ qui conviennent.
    Aussi, une fois un choix fait, cette fonction peut être très chaotique, par exemple, même pas continue.
    Sauf erreur.
  • Merci bien Foys pour toutes ces explications très claires. Mais alors pour dire que l'ensemble des fonctions réelles d'une variable réelle est non vide....l'axiome du choix est nécessaire? ! Désolé si cette question est simplissime mais ma culture sur le sujet est...mince!
  • @dedekind93 : que penser de $x\mapsto x$ ?

    Terence Tao décrivait (similairement à ce que Foys appelle "facilité rédactionnelle") l'axiome du choix comme un "time and labour saving device" en analyse. Il facilite la rédaction de beaucoup de propriétés mais on peut souvent s'en passer (en tout cas de sa forme générale. Pour faire 100% de l'analyse on a quand même parfois besoin de l'axiome du choix dépendant)
  • Je pense qu'effectivement la notation $x \mapsto c_x$ est surtout un confort rédactionnel.

    Souvent lorsqu'on écrit $\forall x, \exists c_x$, c'est simplement pour se rappeler que le $c$ dépend du $x$. Dans une longue preuve d'analyse avec des dizaines de lettres, on aime bien se rappeler de qui dépend quoi. Je ne considère pas vraiment utiliser l'axiome du choix en écrivant cela, c'est plutôt un pense-bête.
  • Merci Foys, gebrane, Dom, Cyrano et Maxtimax pour vos lumières!
  • J'ajoute juste une petite suggestion de modif à une phrase de foys, qui pourrait éventuellement troubler les lecteurs novices:
    foys a écrit:
    l'axiome du choix est nécessaire, en revanche on est pas obligé de recourir à de telles fonctions pour montrer des théorèmes

    A comprendre comme disant:
    l'axiome du choix est nécessaire, en revanche on est pas obligé de recourir à de telles fonctions pour montrer certains théorèmes particuliers

    Parfois les jeunes étudiants lisent en diagonale et sortir de contexte une info. Par exemple, ils pourraient penser que cette phrase annonce que AC est redondant.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Bonsoir,

    par-rapport à la discussion wikipédia susmentionnée: non on ne double pas le "de" pour un nom à particule! Ah! étrange grammaire de la noblesse...

    F.D.
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.