Topos de Grothendieck et logique(s?)
Bonjour à tous,
Je regarde depuis quelques temps les travaux d'Olivia Caramello. Elle utilise les topos de Grothendieck comme ponts entre certains domaines mathématiques.
Je ne prétends absolument pas comprendre ses travaux dans le détail, je trouve le résultat intéressant.
J'en suis arrivé de me questionner sur cet objet assez mystérieux : le topos de Grothendieck que j'appellerai topos tout court dorénavant!
Mes questions :
- Le topos est il un vrai objet mathématique, ou plutôt une enveloppe permettant de définir d'autres objets concrets, et manipulables?
- Est il une généralisation de la notion d'espace uniquement, ou bien d'autres notions, comme par exemple les ensembles, et les logiques?? (peut être un autre type de topos que celui de G. ??)
- Si oui à la précédente question, existe-t-il des travaux utilisant les topoï pour généraliser la logique.
Merci par avance,
S.O.
Je regarde depuis quelques temps les travaux d'Olivia Caramello. Elle utilise les topos de Grothendieck comme ponts entre certains domaines mathématiques.
Je ne prétends absolument pas comprendre ses travaux dans le détail, je trouve le résultat intéressant.
J'en suis arrivé de me questionner sur cet objet assez mystérieux : le topos de Grothendieck que j'appellerai topos tout court dorénavant!
Mes questions :
- Le topos est il un vrai objet mathématique, ou plutôt une enveloppe permettant de définir d'autres objets concrets, et manipulables?
- Est il une généralisation de la notion d'espace uniquement, ou bien d'autres notions, comme par exemple les ensembles, et les logiques?? (peut être un autre type de topos que celui de G. ??)
- Si oui à la précédente question, existe-t-il des travaux utilisant les topoï pour généraliser la logique.
Merci par avance,
S.O.
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Réponses
Dans une catégorie cartésienne fermée, tu ajoutes des opérateurs $\times, \wedge , <\dots>$ et $Ap$ et demandes les choses que tu imagines.
1/ Une application canonique allant qui à chaque flèche de $(Y\times A)\to B$ associe une flèche de $Y\to (B^A)$ qui interagit correctement avec : la flèche $Ap(A,B)$ de $[(B^A)\times A] \to B$
2/ A tout couple $(f,g)$ de flèches respectivement de $X\to A; X\to B$, l'unique $<f,g>$ allant de $X$ vers $(A\times $
3/ Si tu veux un topos, tu demandes EN PLUS de ça, un opérateur $P$ (qui marche comme l'ensemble des parties), donc avec des applications canoniques qui envoient :
3.1/ une flèche de $A\to B$ vers une flèche $P(B)\to P(A)$
3.2/ une flèche de $A\to (P(B\times C))$ vers une flèche de $(A\times \to P(C)$
3.3/ une flèche canonique allant de $A\to P(B)$ vers $P(A\times $
qui fonctionnent comme tu l'imagines , etc,
La "découverte" a été que beaucoup de demandes sont redondantes et qu'il suffit de demander un très petit nombre de choses à une catégorie cartésienne fermée pour avoir toutes les autres et donc un topos. Par exemple, tu déduis l'existence de la notion de l'image directe sans la supposer, etc.
Je connais OC, mais pas ses travaux. Je sais qu'ils sont plébiscités par Alain Connes et Laurent Lafforgue. Par contre, je ne sais pas si la notion de topos (qui intervient évidemment, car il y en a beaucoup) reste vraiment prépondérante dans l'environnement où elle travaille.
"En soi", ce n'est qu'une manière de parler sans variables (par exemple, tu vas calculer $A\cap B$, etc, sans commencer tes phrases par "Soit x\in A\cap B$, blabla").
La flèche diagonale $f:=<id_A,id_A>$ qui va de $A$ dans $(A\times A)$ te renvoie le "signe $=_A$" (enfin un succédané), qui n'est que l'image directe de $f$. De là, tu obtiens "et", via $(x\ et\ y) := ((x,y) = (vrai,vrai))$, etc (le vrai est ajouté par convention comme étant une flèche de $1\to P(1)$). Tu as aussi l'implication, via:
(a implique b) := ((a et b) = a)
donc le "non" via:
(non a) := (a implique faux)
le $\forall^E x$, via :
$[\forall x\in E :R(x)] := ((x\mapsto (R(x))) = constante(vrai) )$
etc.
L'avantage que certains algébristes y voient c'est que dans le langage catégorique, deux objets isomorphes ont les mêmes propriétés intra-catégorie concernée. Par exemple, tu peux ne prendre comme objets que les ordinaux qui sont des cardinaux et les applications entre eux, au lieu de prendre tous les ensembles. C'est un topos (qui a l'avantage de n'avoir pas deux objets distincts qui soient isomorphes).
Voilà, en espérant t'avoir informé pour que tu puisses t'orienter.
Les travaux qui les utilisent en logique ne "généralisent" pas la logique, puisque la logique des topoi est relativement "simple" et connue depuis longtemps : c'est une logique intuitionniste d'ordre supérieur (bornée). Mais ce que ça nous dit c'est qu'on peut utiliser les topoi comme "modèles" de maths intuitionnistes, et donx justifier grâce à eux que telle ou telle théorie intuitionniste est cohérente; ou encore faire des ponts entre des résultats prouvés intuitionnistement et ce qu'on peut en déduire classiquement.
Je donne deux exemples : un truc qui s'appelle la géométrie différentielle synthétique, qui est incohérente classiquement mais ne l'est pas si on enlève le tiers exclu, et il y a des topoi liés à la géométrie différentielle classique où elle s'interprète, et donc si tu prouves (sans tiers exclu) des résultats de géométrie différentielle synthétique, ils s'interprètent dans ces topoi, et disent des choses sur la "vraie" géométrie différentielle.
Un autre truc s'appelle la théorie synthétique de la calculabilité où tu prétends que toute fonction $\N \to \N$ est calculable et plein d'autres trucs de ce genre qui sont incohérents avec le tiers exclu, mais pas sans; qui s'interprètent dans des topoi liés à la "vraie" théorie de la calculabilité et donc à nouveau tout résultat intuitionniste que tu prouves dans cette théorie s'interprète dans ces topoi et te donne des "vrais" résultats de calculabilité. On peut retrouver des choses comme le théorème smn, les théorèmes de Gödel ainsi; et la preuve intuitionniste est beaucoup plus propre en général (la difficulté étant cachée dans la traduction via les topoi, mais on ne la fait qu'une fois !)
En fait (et c'est exactement ce qui a planté les physiciens en début de 20ième siècle et provoqué l'enfantement dans la douleur), pas seulement les topos, mais même les catégories cartésiennes*** sont inadaptées.
Après tout dépend de ce que tu veux en faire. L'algèbre étant des maths formelles très "faciles à archiver" (il n'y a pas trop de considérations epsilonesques peu soigneuses risquées dans les textes), ces outils sont relativement informatifs. Et on retombe sur les exemples donnés par max.
Mais dans la "vraie vie" et la vraie science, on se retrouve à se frotter avec des ressources qui sont borderline en termes de duplicabilité, et donc on ne peut plus se contenter d'un produit cartésien fait à la va-vite.
*** j'ai un peu la flemme, mais ça provient de l'existence de deux produits, dont aucun ne réalise tous les voeux qu'on attendrait de lui:
From $f: E\to A$ et $g: F\to B$ tu as $h: (x,y)\mapsto (f(x),g(y))$ dans $(E\times F)\to (A\times $
Mais partant de $h$, si tu veux retrouver "algébriquement" $(f,g)$ tu sembles devoir forcément passer par un opérateur de la nature de $Constante(x)\mapsto x$.
En plus de ça, la plupart des flèches de $(E\times F)\to (A\times $ n'ont aucune raison d'être de cette forme SANS POUR AUTANT devoir être traitées autrement (drame quantique).
Quand au choix $x\mapsto (f(x),g(x))$ (qui est la définition singeant l'usuel attendue en catégories dites cartésiennes), elle est carrément disqualifiée par le fait qu'elle duplique $x$.
Il ne semble pas y avoir "de bonne solution", qui conduirait à associer "correctement" (sans projection ou duplication), à un couple de flèches resp dans $E\to A$ et $F\to B$ une flèche "géniale" allant de "quelque chose" dans $A\times B$.
Créer une assymétrie (en rendant tout duplicable à gauche, mais en refusant cette duplication à droite) parait assez subjectif. Mais effectivement comme le dit max, ça plait à certaines spécialités.
Objectif rêvé impossible: aller de $[(E\times F)\to (A\times ] \cap Z$ dans $(E\to A)\times (F\to $, puis revenir dans $[(E\times F)\to (A\times ] \cap Z$ en composant deux flèches canoniques et où $Z$ est "juste un peu plus gros" que l'image directe injective de la flèche canonique allant de $(E\to A)\times (F\to $ dans $(E\times F)\to (A\times $.
Merci @Christophe C et @Maxtimax ! (tu)
Christophe : beaucoup de choses intéressantes dans tes messages, mais je vais avoir besoin d'un peu de temps pour digérer certains passages quand même.
Maxtimax : C'est très clair, et merci pour les exemples que je ne connaissais pas...je vais regarder cela...
Je me permets de préciser ce que j'entends par "généralisation de la logique" :
Le tiers exclu ne me pose pas de problème pour faire des maths. Je considère la mathématique comme un langage qui énonce des théorèmes. Ainsi, comme tout langage, on peut faire des phrases plus ou moins sensés, plus ou moins utiles, de jolies poèmes, ou des vers comme : "le geai gélatineux geignait dans le jasmin". Bref, aucun axiome, aucun théorème ou "paradoxe" ne me posent problème...
Les problèmes surviennent lorsque je passe au réel, en particuliers, je m'interroge de plus en plus sur le sujet dit "d'intelligence artificielle". Et je n'arrive pas à me convaincre qu'on devrait parler d'IA dès lors qu'on se base sur une logique avec le tiers-exclu, et je ne pense même pas qu'on puisse simuler un jour une IA (i.e. passer avec succès le test de Turing) avec des technologies reposant sur une architecture des ordinateurs de Von Neumann.
Ainsi, je cherche des pistes de réflexions pour aller plus loin, d'où l'idée de "généraliser la logique" où la logique classique et intuitionniste seraient des cas particuliers.
Je pense maintenant que mon problème est mal formulé ...
Je précise ma motivation :
Je considère un ordinateur de Von Neumann comme la convergence de 2 automates ( un mécanique, comme la Pascaline, et l'autre logique, comme machine de Turing).
Je ne crois pas qu'il soit possible de simuler le fonctionnement d'un cerveau humain ainsi.
Peut-on améliorer l'architecture des ordinateurs ? Question ouverte, mais il vient naturellement à l'idée :
- substituer l'automate mécanique, en automate biologique/bio-mécanique,
- substituer la machine de Turing, par un automate logique plus "fort" (en tout cas, sans tiers exclu).
=> Évidement, je ne sais pas comment faire, j'ai bien conscience d'enfoncer une porte ouverte du style : pour régler les problèmes de transports, il suffit d'inventer la téléportation à la "Star Trek".
Cordialement,
S.O.
Tu peux retrouver $(f,g)$ à partir de $(x,y)\mapsto (f(x),g(y))$. Dans probablement beaucoup de catégories cartésiennes aussi, mais à un prix excessif:
$$y\mapsto (x\mapsto AbscisseDe (f(x),g(y)))$$
est constante de valeur
$$x\mapsto f(x)$$
Tu as une identification "classique" entre "ne pas dépendre de" et "être constante", qui ne marche pas "in the real world".
Dans une catégorie cartésienne, tu as bien la flèche composée
$$ (E\times F) \to (A\times \to A $$
mais il te manque la flèche $E\to (E\times F)$ qui donnerait
$$ f = [ E\to (E\times F) \to_h (A\times \to A ] $$
dès lors que $h$ aurait été la flèche canonique obtenue à partir des flèches $f,g$ de
$$(E\to A); (F\to $$
Le drame quantique va plus loin en implémentant carrément cette "problématique syntaxique" dans le réel, à savoir en interdisant des flèches existant bel et bien concrètement de $(E\times F)\to (A\times $ d'y accessibles de quelque manière que ce soit, alors même que les appareils $E\to A$ et $F\to B$ sont totalement séparés
Mais j'en ai souvent parlé sur le forum, ce sont les 3 "et": $inf, produit, inter$:
- Un élément de $A\cap B$ est une preuve à la fois de $A$ et de $B$
- Un élément de $A\otimes B$ est un couple formé d'une preuve de $A$ et d'une preuve de $B$ que tu peux casser cmme une tablette de chocolat et utiliser séparément.
- Un élément de $inf(A,B) := (A\oplus :=A\times B$ est une garantie qui te donne à ton choix $A$ comme $B$, mais rien n'en fait une preuve dans $A\cap B$.
En plus de ça, tu as une sorte de "cynique indiscernabilité" qui fait qu'on raconte généralement qu'on a deux "et" (je passe sur les gens qui n'en veulent qu'un, c'est un genre de chic de musée), car on peut soit regarder $(inf, +)$, soit regarder $(\oplus,\otimes)$ comme des modélisations syntaxiques du même problème. Je ne crois absolument pas à ce tabou: on peut concevoir de choisir entre A et B et demander un élément dans le choix fait, ça ne va pas remplir l'intersection vide de deux ensembles:
il y a avoir un élément dans $A\cap B$
avoir droit à un élément du $X$ choisi comme on veut avec $X\in \{A;B\}$
avoir droit à DEUX élements, l'un dans $A$ et l'autre dans $B$.
Je crois profondément que ce sont 3 choses différentes.