Modèle transitif dénombrable
Bonjour à tous,
Dans toute la suite, A et B étant 2 théories, je note A>B pour "A a une consistency strength strictement supérieure à celle de B", c'est-à-dire que Cons(A) entraîne Cons(B) mais Cons(B) n'entraîne pas Cons(A).
On sait que ZF + "Il existe un modèle transitif de ZF"
> ZF + "Il existe un modèle $\alpha$-standard de ZF pour un certain ordinal non dénombrable $\alpha$
> ZF + "Il existe un modèle $\omega$-standard de ZF
> …
> ZF + Cons(ZF) + Cons(ZF+Cons(ZF))
> ZF + Cons(ZF)
> ZF.
En toute logique, on pourrait donc penser que la théorie ZF + "Il existe un modèle transitif DENOMBRABLE de ZF" est encore au-dessus de tout cela en termes de consistency strength.
Or, je lis dans le lemme Page 442 du livre de Patrick Dehornoy l'énoncé suivant (je simplifie un tout petit peu mais sans altérer le sens du lemme) :
Soit $M$ un nouveau symbole de prédicat unaire.
Si ZF est consistante, alors la théorie
ZF + $ZF^{(M,\in)}$ + "$M$ est un ensemble transitif dénombrable" est elle aussi consistante. (Où $ZF^{(M,\in)}$ désigne l'ensemble des énoncés $\sigma^{(M,\in)}$ relativisés à $M$ pour $\sigma \in ZF$).
N'y a-t-il pas une contradiction avec ce qui précède ?
Je sais que ce n'est pas le cas, mais quelqu'un peut-il m'expliquer en quoi le lemme ne permet pas d'en conclure que Cons(ZF) entraîne Cons(ZF + Il existe un modèle transitif dénombrable de ZF) ?
Merci d'avance.
P.S. A noter qu'on trouve à peu près le même résultat (aux notations près) dans le livre de Krivine, Chap. 10, et dans celui de Nik Weaver : Forcing for mathematicians, Chap 7.
Dans toute la suite, A et B étant 2 théories, je note A>B pour "A a une consistency strength strictement supérieure à celle de B", c'est-à-dire que Cons(A) entraîne Cons(B) mais Cons(B) n'entraîne pas Cons(A).
On sait que ZF + "Il existe un modèle transitif de ZF"
> ZF + "Il existe un modèle $\alpha$-standard de ZF pour un certain ordinal non dénombrable $\alpha$
> ZF + "Il existe un modèle $\omega$-standard de ZF
> …
> ZF + Cons(ZF) + Cons(ZF+Cons(ZF))
> ZF + Cons(ZF)
> ZF.
En toute logique, on pourrait donc penser que la théorie ZF + "Il existe un modèle transitif DENOMBRABLE de ZF" est encore au-dessus de tout cela en termes de consistency strength.
Or, je lis dans le lemme Page 442 du livre de Patrick Dehornoy l'énoncé suivant (je simplifie un tout petit peu mais sans altérer le sens du lemme) :
Soit $M$ un nouveau symbole de prédicat unaire.
Si ZF est consistante, alors la théorie
ZF + $ZF^{(M,\in)}$ + "$M$ est un ensemble transitif dénombrable" est elle aussi consistante. (Où $ZF^{(M,\in)}$ désigne l'ensemble des énoncés $\sigma^{(M,\in)}$ relativisés à $M$ pour $\sigma \in ZF$).
N'y a-t-il pas une contradiction avec ce qui précède ?
Je sais que ce n'est pas le cas, mais quelqu'un peut-il m'expliquer en quoi le lemme ne permet pas d'en conclure que Cons(ZF) entraîne Cons(ZF + Il existe un modèle transitif dénombrable de ZF) ?
Merci d'avance.
P.S. A noter qu'on trouve à peu près le même résultat (aux notations près) dans le livre de Krivine, Chap. 10, et dans celui de Nik Weaver : Forcing for mathematicians, Chap 7.
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Réponses
Remarque que la preuve de ce truc là est facile : c'est essentiellement la preuve naïve de la consistance de ZFC qu'on tente juste après avoir vu le schéma de réflexion : "ZFC est finiment consistante puisque par réflexion, pour toute partie finie $\Sigma$ il y a un $\alpha$ dans lequel $\Sigma$ se reflète, donc $V_\alpha \models \Sigma$; donc par compacité, ZFC est consistante"
Evidemment cette preuve ne marche pas (vois-tu pourquoi ?)
En fait la grosse différence entre ZF + ZF$^{(M,\in)} + "M$ est transitif dénombrable" et ZF+ "ZF a un modèle transitif dénombrable" est que dans la première, ZF est en dehors des guillemets, et pas dans la deuxième. En effet, il faut se rappeler que l'énoncé "ZF a un modèle transitif dénombrable" que j'écris dans la deuxième est une abréviation pour un énoncé immonde écrit dans le langage $\{\in\}$ qui "code" essentiellement ZF, seulement voilà : a priori tu as des entiers non standards, et donc ce ZF là est potentiellement "plus gros" que le vrai ZF (tu auras plus d'axiomes de remplacement en fait).
C'est la même idée que celle qui te dit que ZF+ non cons(ZF) n'est pas incohérente, alors même qu'elle contient une preuve que ZF est incohérente !
En gros la première est une théorie qui contient pour chaque axiome de ZF la phrase $\varphi^M$, tandis que la deuxième est une théorie qui contient la phrase "$\forall \varphi \in ZF, M\models \varphi$".
Et si j'ai bien compris c'est pareil dans le lemme.
Donc on a bien Cons(ZF+il existe un modèle transitif dénombrable de ZF) > Cons(ZF), mais on a le droit, sans introduire de nouvelle contradiction, de "faire comme si", par exemple pour les constructions d'extensions génériques.
J'ai bon ?
Donc ton inégalité stricte de cohérence est correcte, mais le truc à droite est franchement différent de rajouter un symbole et d'asserter à la main les axiomes de ZF pour ce symbole.
Je pense que le point principal est quand même la différence entre ZF et le ZF "codé à l'intérieur de ZF". Si tu veux, la différence entre ZF et $ZF$. C'est qu'il y a possiblement des trucs en plus dans $ZF$
En particulier j'ai du mal à distinguer le niveau ZFC du niveau méta.
Quand tu fais ta fausse preuve de Cons(ZFC), tu utilises le schéma de réflexion, qui est un schéma de théorèmes de ZFC (donc là tu es au niveau ZFC), mais quand tu en déduis la conclusion par compacité tu "prouves" l'existence d'un modèle de ZF, donc tu es au niveau méta.
Je me trompe ?
Moi je le vois comme ça : quand tu raisonnes sur les $V_\alpha$, ou bien t'es en dehors de $V$, auquel cas bah tu as déjà $V$ donc tu as déjà supposé cons(ZF); ou bien tu es dans $V$, auquel cas tu ne vois pas le schéma de théorèmes, juste chacune de ces instances : en particulier tu ne peux pas dire ZF est finiment cohérente (si tu dis "soit $\Sigma$ une partie finie de ZF" en étant dans $V$, tu ne peux pas a priori lui appliquer le schéma de théorèmes de réflexion, peut être que la taille de $\Sigma$ est un entier non standard, ou que certaines des formules qu'elle contient sont codées par des entiers non standards).
C'est toujours l'éternelle question de savoir si on se place dans $V$ ou à l'extérieur de $V$.
Mais, comme tu le dis très bien, ça revient au même...
Bon ici dans le cas de ZF$^{(M,\in)}$ c'est similaire : mettre ZF$^{(M,\in)}$ dans la théorie c'est asserter "de l'extérieur" que $M$ est un modèle de ZF (après on lui rajoute "ce qu'on veut" : transitif, dénombrable), alors que mettre "il existe un modèle de ZF" c'est dire qu'il existe quelqu'un dont on dit de l'intérieur que c'est un modèle de ZF.
Tu as un sens aigu de la pédagogie, chose rarissime en ce bas monde.
Je ne peux pas dire que maintenant je domine la question à donf, mais disons que ça commence à devenir moins obscur.
A noter que ces questions délicates sont rarement évoquées dans les ouvrages spécialisés.
A un moment donné tu as dit : "soit on est en dehors de $V$, blablabla, soit on est dans $V$, blablabla" (pour raccourcir).
C'est ça l'objet de ma question : à ton avis, quand on fait de la settheory "sérieuse", vaut-il mieux se placer dans ou à l'extérieur de $V$ ?
Perso je pense que chaque politique a ses avantages et ses inconvénients :
1) Si tu es à l'extérieur de $V$ tu "domines la situation" de très haut, donc tu peux jongler comme tu veux avec les modèles de ZFC, les sous-modèles, les extensions génériques etc. Mais tu ne vis que dans un univers "naïf", donc tu n'est pas sûr, de chez toi, de pouvoir utiliser les axiomes de ZFC, puisque les ensembles que tu manipules sont intuitils.
2) Si tu es dans $V$, tu es sûr de la consistance de ZFC et tu peux manipuler tous les théorèmes de ZFC comme ça te chante. Mais comment fais-tu pour "sortir" de $V$ ? (Typiquement : pour construire des extensions génériques de $V$ ?)
En clair : où va ta préférence ?
1) Si tu es en dehors de $V$, tu disposes chez toi du "vrai" ensemble $\N$. Si de plus tu supposes manu militari la consistance de ZFC, tu as un modèle, que tu appelles $V$, mais tu n'as aucun moyen de contrôle sur la standardicité ou la non-standardicité de $V$.
2) Si tu es dans $V$, tu peux toujours décréter, toujours manu militari, que ton $V$ est standard, c'est-à-dire que ton $\omega$ à toi est le vrai $\N$. Après, tu peux toujours discuter des autres modèles, et te poser la question de savoir s'ils sont standard ou non (il s'agit alors, en quelque sorte, d'une espèce de standardicité relative).
Mais le risque que tu prends dans ce cas-là c'est de tomber un jour sur un habitant d'un sur-univers, qui va te dire : "mon pote, t'est complètement à côté de la plaque, tu ne vois donc pas que l'entier schtroumf dont tu me parles comme d'un entier standard contient en fait une infinité d'éléments ?"
Qu'est-ce qu'y faut faire, alors ?
Construire des extensions génériques de $V$ en étant dans $V$, il me semble que ça se fait mais uniquement "moralement" : dans les faits, les théorèmes qu'on a sont syntaxiques, mais codent effectivement une extension $V[G]$ (en gros un.e mathématicien.ne externe nous voyant avec nos objets syntaxiques dirait "ah oui, on parle d'une extension $V[G]$", mais évidemment nous de l'intérieur ces mots nous sont interdits)
Quant à ma préférence personnelle, moi j'ai fait peu de forcing, donc je suis rarement amené à utiliser $2$. Ces derniers temps j'ai plus une casquette de catégoricien, donc je m'autorise 2-3 cardinaux inaccessibles et je regarde les $V_\kappa$ associés comme "univers des petita ensembles" (et donc comme "univers effectif", sauf quand je dois regarder des catégories de foncteurs)
Cela fait bien longtemps que je me demande ce que sont les "vrais entiers".
Je me souviens d'une réflexion de Christophe, qui date d'il y a 8 ou 9 années. Il expliquait à quelqu'un pourquoi ZFC (ou une autre théorie) est incapable d'expliquer ce qu'est $\N$, et terminait ainsi :
"Kronecker disait que Dieu nous a donné les entiers et que l'homme a fait le reste. Eh ben dis don, ça commençait mal !"
LOL