Questions sur intuitionnisme.

Bonjour à toutes et à tous.
J'ai lu et relu et encore relu les 16 premières pages du livre de Pierre Ageron: "Logique, ensembles, catégories" et je me pose de sérieuses questions.
1)page 4: l'auteur écrit: "En logique intuitionniste, affirmer non non P c'est en général affirmer quelque chose de plus faible que P. Du coup, il est prudent d'éviter les adjectifs "vrai" et "faux": plutôt que de dire "P est vraie", on dira "on a P"ou tout simplement "P"."
Je ne comprends pas cette subtilité. Et l'auteur ajoute "On peut considérer que cela revient à admettre l'existence de tierces valeurs de vérité, intermédiaires entre "vrai" et "faux". Mais comme on ne peut rien dire, individuellement de ces nouvelles valeurs de vérité, le mieux est de n'en pas parler du tout".
C'est quoi, des valeurs de vérité intermédiaires ???
2) au § 2.3, l'auteur glisse la phrase "et c'est d'ailleurs pour cela qu'il est contradictoire d'avoir à la fois P et non P." Mais c'est bien ça le tiers exclu, non ?
3) page 15 l'auteur expose que l'on a toujours la décidabilité de l'égalité (et de l'inégalité < ou>) pour les entiers naturels, en logique intuitionniste. Cela serait "la traduction mathématique d'une position philosophique, celle selon laquelle notre connaissance des entiers naturels se passe de tout intermédiaire." On dirait la grammaire de la langue française avec des règles et de nombreuses exceptions ! Et alors pourquoi ne pas admettre TE quand c'est véritablement intuitif, comme par exemple dire "soit x est nul, soit x n'est pas nul".
J'ai vraiment beaucoup de mal avec tout ça.
J'attends vos commentaires.
Merci.
Amicalement.
Jean-Louis.

Réponses

  • Je t'expliquerai d'un PC. Là je sors du film Papicha que je recommande.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Allez je tente une réponse : (à prendre avec des pincettes)
    On peut prouver en Logiqe Intuitionniste :
    pour tout P, P=>non(non(P)) et on n’a pas la réciproque.

    Ainsi je comprends que non(non(P)) est plus faible que P.

    « Tierce valeur » fait allusion au Tiers Exclu je pense.

    C’est tout pour moi. Je suis un stagiaire en logique qui vient de faire une seule semaine de cours ;-)
  • Bonjour Jean-Louis,
    Je peux te répondre partiellement sur le point 1).
    Comme P implique non non P est toujours vraie et que non non P implique P ne l'est pas en général, la propriété non non P est plus faible que P. Ça, c'est facile à comprendre.
    Quant aux valeurs de vérité intermédiaires, je pense qu'Ageron a sorti ça de son chapeau, genre comme un outil pédagogique pour expliquer qu'on n'a pas toujours soit P, soit non P.
    A ma connaissance la logique intuitionniste n'utilise pas de valeurs de vérité autres que 0 ou 1. Il existe des logiques à plusieurs valeurs de vérité, voire des logiques floues (à valeurs dans [0,1] ou dans une algèbre de Boole), mais ça n'a a priori rien à voir avec l'intuitionnisme.
    Pour le point 2), je pense que tu fais l'erreur d'appliquer sans précautions les lois de de Morgan.
    Dire que( P et non P) implique le faux peut aussi s'écrire non(P et non P).
    Or, justement (voir le haut de la page 6), la loi de de Morgan non(P et Q) implique (non P ou non Q) est la seule qui soit fausse, en général, en intuitionnisme.
    Et même si elle est vraie, tu en déduis que non (P et non P) implique non P ou non non P, mais tu n'es pas plus avancé : comme non non P n'implique pas forcément P, tu ne peux pas en déduire le tiers exclu.
    Pour le point 3) je ne sais pas. La seule chose que je peux te dire c'est que les intuitionnistes sont inflexibles sur le TE, même dans les cas triviaux. La meilleure des preuves en est (comme tu as pu le lire) qu'ils font la différence entre ensembles non vides et ensembles habités. Or, en théorie des ensembles être vide c'est bien la même chose qu'être nul, non ?
    En espérant avoir pu t'aider, Christophe confirmera ou infirmera.
    J'ai moi-même du mal avec ces trucs, parfois je pense avoir enfin compris, et puis à chaque fois que j'essaye de rédiger un truc proprement je me dis que je suis loin de tout maîtriser.
  • M'sieur je vous promets, Dom et moi on n'a pas copié. C'est juste qu'on a les mêmes méthodes de travail, lol
  • 1) La sémantique habituelle du calcul propositionnel classique se contente de 0 et de 1, autrement dit de "Faux" et "Vrai". Tu connais peut-être les tables de vérité ?
    La sémantique du calcul propositionnel intuitionniste utilise souvent l'algèbre des ouverts d'un espace topologique. Le "et" et le "ou" correspondent à l'intersection et à l'union, pas de souci. Mais le "non" correspond à l'intérieur du complémentaire, et donc "non non" à l'intérieur de l'adhérence. Le "faux" est le vide, le "vrai" l'espace tout entier.

    2) Non, ce n'est pas ça le tiers exclus. Le tiers exclus, c'est "P ou non P".
    Reprenons la sémantique topologique de l'intuitionnisme que je t'ai indiquée plus haut :
    "P et non P" s'interprète comme l'intersection d'un ouvert et de l'intérieur de son complémentaire, c'est toujours le vide.
    "P ou non P" s'interprète comme la réunion d'un ouvert et de l'intérieur de son complémentaire. C'est rarement l'espace tout entier (prends par exemple l'ouvert $]0,1[$ dans $\mathbb R$).

    3) Ben oui, en arithmétique intuitionniste on a "$n=p$ ou non $n=p$". Ça se démontre. Ça n'a rien d'exceptions arbitraires à la règle. Tu as cette impression à cause d'incompréhensions. Mais ça va s'arranger au fur et à mesure que tu rentreras dans le sujet, si bien sûr ça t'intéresse.
  • @GBZM : je comprends "un peu" ce que tu dis, mais le problème c'est que ni Dom ni moi ne connaissons l'interprétation de la LI en termes d'algèbre des ouverts d'un espace topologique… et ce n'est pas dans le livre de Pierre Ageron que nous risquons de trouver cette information.

    N'y aurait-il pas d'explications plus "ras de terre" que nous puissions comprendre tous les deux ?
  • (tu) Martial ;-)

    Édit : j’ai répondu sans voir le dernier message de Martial.

    Si, si c’est « un exercice pour traduire le langage ». Pardon si c’est mal dit.
    Il faut le faire. (Pas eu le temps d’approfondir...)
    Je comprends ça comme « rendre concret la logique avec la topologie ».

    Bon c’est peut-être trop vulgarisé, voire à côté de la plaque.


    Reprenons : il faudrait retrouver le lien (du forum) où tout l’exercice est bien posé.
  • Si on dit valeur de vérité, c'est qu'on parle de sémantique. Et la sémantique topologique est ce qu'on fait de plus terre à terre pour le calcul propositionnel intuitionniste.
    Franchement, qu'est-ce que ça a d'extraordinaire de voir que l'intérieur de l'adhérence d'un ouvert est souvent plus gros que cet ouvert ?
    Ce n'est pas la première fois que je parle de cette sémantique topologique, je le fais pratiquement à chaque fois que j'interviens à propos de l'intuitionnisme. Et ça n'a rien d'une marotte personnelle, c'est juste que c'est ultra-classique - quand on farfouille un peu dans le sujet.
  • Oui, Martial, on a le niveau pour ça je pense.
    Des connaissances L2 voire L1 doivent suffire.
  • Pardon mais je pose une question très naïve...puisque je n'y connais absolument rien, mais je suis curieux.
    C'est effrayant de découvrir qu'il "existe une logique" où P et non(non P) ne sont pas équivalents.
    Pour un néophyte, est-ce que quelqu'un peut m'expliquer quelle "logique" utilise-t-on dans les raisonnements mathématiques disons "classiques"?
    J'espère qu'on me comprendra, je ne suis pas capable de rendre la question plus claire...
    Autre question, qui est certainement une conséquence de la première, quand on parle d'une théorie, on parle aussi de sa consistance.
    Mais la consistance est liée à la logique...
    Pour moi la logique préexistait, et était indépendante de toute théorie...elle est naturelle, canonique...bref.
    Mais ce qui semble aussi étrange, c'est qu'on bâtit d'autres logiques (en utilisant des notions topologiques), mais la topologie elle-même se fonde sur "la logique"...

    Ce dont je suis sûr, c'est que je n'y comprends absolument rien. Au moins, la certitude rassure!
  • @GBZM : je vois très bien que l'intérieur de l'adhérence d'un ouvert est souvent plus gros que cet ouvert.
    $\R$ privé de $0$ en est un très bon exemple.
    Ce qui me pose plus de difficultés, c'est le lien avec la logique intuitionniste.
    Et je ne me serais pas permis, vu ton niveau et le mien, même secrètement dans le fond de mon cerveau, d'envisager un seul instant que ça puisse être une marotte personnelle chez toi.
    Mon seul problème est que, même si je ne suis pas nul en topologie, je le suis en intuitionnisme.
    Mais bon, ça doit se soigner, je suppose…

    @Poirot : merci pour le lien.

    @Amathoué : j'essaierai de te répondre demain, si personne ne l'a fait avant.
  • La logique fait partie des mathématiques, elle ne préexiste pas aux mathématiques. C'est une sujet d'étude qui comprend plusieurs branches, dont la théorie de la démonstration. On y étudie divers systèmes de déduction, ça serait trop triste si on n'avait que le système de déduction de la logique classique à se mettre sous la dent. On entend souvent parler sur ce forum de logique intuitionniste, de logique linéaire ...
    Il y a des sémantiques intéressantes pour ces systèmes de déduction non classiques (par exemple on entend aussi parler de topos sur ce forum), et les problèmes que se posent recoupent quelquefois des préoccupations d'informatique théorique.
  • Le message précédent s'adressait à Amathoué.

    Pour Martial : je ne comprends pas ce que veut dire "être nul en intuitionnisme". Restons au niveau du calcul des propositions.
    Il y a des règles de déduction concernant les connecteurs logiques, qui disent que "et" est une borne inférieure, "ou" une borne supérieure, que $a \leq (b\Rightarrow c)$ si et seulement si $(a$ et $b)\Rightarrow c$, que $\bot$ est plus petit que tout le monde et que non $a$ est $a\Rightarrow \bot$
    Et il y a une sémantique correcte et complète pour ces règles de déduction où les distributions de valeurs de vérité consistent à associer à chaque variable propositionnelle un ouvert d'un espace topologique et où l'interprétation des connecteurs logiques est celle que j'ai décrite plus haut (je n'ai juste pas dit que si la valeur de vérité de $a$ est $U$ et celle de $b$ est $V$, celle de $a\implies b$ est l'intérieur de la réunion du complémentaire de $U$ avec $V$ (le plus grand ouvert dont l'intersection avec $U$ est contenue dans $V$).
    Je ne vois pas en quoi ceci pourrait rester mystérieux pour toi.
  • Martial : merci!!!

    GBZM: merci beaucoup pour ta réponse!! Bon je vais essayer de dire ce qui me bloque:

    On part d’un langage du premier ordre.
    Vient ensuite la structure qui permet d’associer une valeur de vérité à un énoncé de ce langage.
    Déjà j’ai un premier blocage ici, justement de nature « logique »(je ne sais même pas si j’emploie le bon terme!):
    Comment on définit cette valeur de vérité?
    Bon, ensuite je crois que vient la « théorie » à proprement parler, les axiomes quoi.
    Et c’est là qu’on va avoir besoin d’un « système de déduction » GBZM...il me semble...?
    Alors autre blocage chez moi:
    Ce système de déduction est issu de quelle « logique » exactement?(purée je suis perdu!!!)
    Pire: Tu cites la « théorie de la démonstration », mais comment est-elle construite, ou plus exactement « définie »...justement...?

    La suite ne me pose plus de problème(dans « l’ordre »: théorème, modèle,consistance(mais pour autant que je lève mes blocages précédents..), décidabilité.
    Encore merci GBZM,
  • @GBZM : merci, je vais essayer de réfléchir à tout ça, mais il va me falloir du temps.
    Juste une question : comment tu le définis, ton espace topologique ?
  • Martial : Je ne le définis pas, j'en prends un. Ce choix fait partie de la distribution de valeurs de vérité.

    Amathoue : tu connais la méthode des tables de vérité pour le calcul propositionnel classique ? On choisit des valeurs de vérité 0 ou 1 pour les variables propositionnelles, et on en déduit des valeurs de vérité pour pour toutes les propositions par les règles bien connues pour les connecteurs logiques.
    Pour la sémantique topologique du calcul propositionnel intuitionniste, on choisit un espace topologique, on choisit des valeurs de vérité qui sont des ouverts de cet espace pour les variables propositionnelles, et on en déduit des valeurs de vérité pour toutes les propositions, par les règles que j'ai rappelées pour les connecteurs logiques.

    Le système de déduction pour le calcul propositionnel intuitionniste (et aussi celui pour le calcul propositionnel classique) se formalise bien dans le calcul des séquents inventé pas Gentzen, un des "pères fondateurs" de la théorie de la démonstration (branche de la logique mathématique qui s'intéresse aux propriétés des démonstrations dand tel ou tel système de déduction).
  • Merci pour ta réponse et tes explications GBZM.
  • Merci à tous.
    GBZM, pour mon point 3, tu dis que la décidabilité de l'égalité dans N en logique intuitionnisme se démontre.Mais alors je trouve un peu trompeur le propos de P.Ageron qui laisse entendre que c'est "la traduction mathématique d'une pensée philosophique".
    Martial, eh beee c'est vrai que la différence entre ensemble non vide et ensemble habité, ça fait cogiter.
    Bonne journée à tous.
    Jean-Louis.
  • Je réponds d'abord à JL, ensuite à Amatoué.
    JL a écrit:
    page 4: l'auteur écrit: "En logique intuitionniste, affirmer non non P c'est en général affirmer quelque chose de plus faible que P. Du coup, il est prudent d'éviter les adjectifs "vrai" et "faux": plutôt que de dire "P est vraie", on dira "on a P"ou tout simplement "P"."
    Je ne comprends pas cette subtilité.

    Il n'y a aucune subtilité.

    1/ on le fait déjà à l'école (on dit "2+2=4", on ne dit pas "(2+2=4)=vrai")

    2/ Rien n'oblige a PREJUGER que la valeur de 2+2=4, et plus généralement d'une phrase soit obligatoirement dans l'ensemble à deux éléments $\{vrai; faux\}$. On PEUT le préjuger, ie le poser comme un axiome de la science, mais rien n'y oblige

    JL a écrit:
    Et l'auteur ajoute "On peut considérer que cela revient à admettre l'existence de tierces valeurs de vérité, intermédiaires entre "vrai" et "faux". Mais comme on ne peut rien dire, individuellement de ces nouvelles valeurs de vérité, le mieux est de n'en pas parler du tout".
    C'est quoi, des valeurs de vérité intermédiaires ???


    L'auteur fait ce qu'il peut. Il n'y a rien de subtil, et tu connais toi-même la réponse à ta question. Ce sont des valeurs qui ne sont pas dans $\{vrai; faux\}$
    JL a écrit:
    au § 2.3, l'auteur glisse la phrase "et c'est d'ailleurs pour cela qu'il est contradictoire d'avoir à la fois P et non P." Mais c'est bien ça le tiers exclu, non ?

    L'auteur aurait dû s'abstenir ici (une partie fausse et une partie qui n'a pas de sens). Non, le TE n'est pas ça.
    JL a écrit:
    l'auteur expose que l'on a toujours la décidabilité de l'égalité (et de l'inégalité < ou>) pour les entiers naturels, en logique intuitionniste. Cela serait "la traduction mathématique d'une position philosophique, celle selon laquelle notre connaissance des entiers naturels se passe de tout intermédiaire."


    Là encore JPA fait ce qu'il peut, et finalement embrouille le lecteur. C'est un FAIT (théorème) que l'égalité des entiers est décidable, et ça n'a rien à voir avec la suite. Il est maldroit et malheureux d'écrire "ce serait la traduction de".
    JL a écrit:
    Et alors pourquoi ne pas admettre TE quand c'est véritablement intuitif, comme par exemple dire "soit x est nul, soit x n'est pas nul".
    J'ai vraiment beaucoup de mal avec tout ça.

    "véritablement intuitif" est un terme affectif, et on ne garantit pas des maths avec de l'affectif. il y a des choses à regarder de près, puisque je peux t'objecter sans façon qu'avec $x$ défini par :

    $ [x:= $ if $P$ then $0$ else $1]$

    ton idée conduit à affirmer $(P$ ou $nonP)$
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • JL a écrit:
    GBZM, pour mon point 3, tu dis que la décidabilité de l'égalité dans N en logique intuitionnisme se démontre.Mais alors je trouve un peu trompeur le propos de P.Ageron qui laisse entendre que c'est "la traduction mathématique d'une pensée philosophique".

    Et tu as parfaitement raison. JPA n'a pas sauté assez de lignes, ni statuté assez son changement d'angle.

    La phrase $(n=0$ ou $n\neq 0)$ a une preuve par récurrence que tu es tout à fait capable de produire toi-même! Il n'y a même pas besoin de te corriger cet exercice. Et tu verras bien en le faisant qu'à aucun moment tu n'as recours à la partie non intuitionniste des axiomes logiques.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Réponse à Amatoué maintenant
    Ama a écrit:
    C'est effrayant de découvrir qu'il "existe une logique" où P et non(non P) ne sont pas équivalents.
    Pour un néophyte, est-ce que quelqu'un peut m'expliquer quelle "logique" utilise-t-on dans les raisonnements mathématiques disons "classiques"?

    On a les peurs qu'on peut, et c'est très bien d'être effrayé, car l'émotion est un très fort catalyseur de compréhension.

    Alors rassure-toi, on utilise la logique classique dans toute la science. Certaines personnes DECIDENT de s'attacher le bras et la main au moment de la tentation d'appliquer un axiome non intuitionniste, mais c'est tout. Voilà pour la sociologie du matheux et du physiciens.

    Pour le reste je vais faire un troisième post sur les logiques dans le contexte de vos émotions à JL et à toi qui devrait, je l'espère, régler la question. Je pense pouvoir me mettre à votre place, comprendre le choc de vos implicites contre les implicites opposés que vous tentez de capturer.
    Ama a écrit:
    Autre question, qui est certainement une conséquence de la première, quand on parle d'une théorie, on parle aussi de sa consistance.
    Mais la consistance est liée à la logique...

    Oui, mais ce n'est pas important ici. Ce n'est pas ça qui te pose problème.
    Ama a écrit:
    Mais ce qui semble aussi étrange, c'est qu'on bâtit d'autres logiques (en utilisant des notions topologiques), mais la topologie elle-même se fonde sur "la logique"...

    Effrayant + étrange: qu'est-ce que je t'envie!!!! :-D J'hésiterais presque à dénouer tout ça dans un troisième post car tu vas être très très déçu. Au fond, ce n'est pas que tu ne comprends pas, c'est que tu "n'acceptes pas" et les mots que tu choisis pour exprimer tes émotions le révèlent.

    JL comme toi, je vous propose d'attendre mon troisième post, ça peut prendre un peu de temps, car là je suis pressé, mais j'ai bien recensé les implicites, je crois, qui vous empêchent "d'accepter" (et non de comprendre) tout ça. Je vais prendre soin de ne pas redire les choses techniques avancées par GBZM mais de jouer un rôle complémentaire.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Merci Christophe. T'as raison il s'agit plutot d'accepter que de comprendre...
    Jean-Louis.
  • @Amathoué : Bon, Christophe a presque tout dit, et il aura tout dit quand il aura rédigé son 3ème post.
    Je n'ai donc plus rien à faire.
    Ce que je peux te conseiller (si tu as la disponibilité, bien sûr), c'est de commencer par lire le Cori-Lascar : "Logique mathématique" en 2 tomes. Tu n'es pas obligé de tout décortiquer, tu peux survoler certains passages, mais cela te permettra d'avoir une vue globale de la logique classique.
    Ensuite, s'il te reste un peu de souffle tu peux aborder le livre de Pierre Ageron dont parle Jean-Louis, ce qui te donnera un "aperçu" de la logique intuitionniste.

    @Christophe : il n'y a pas de "J" à Pierre Ageron.
    Pour la petite histoire, son vrai prénom est Pierre-Marc, mais tout le monde l'appelle Pierre.
    Oui, je sais, je chipote.
    Toujours pour la petite histoire, il est entré à l'ENS Cachan en 1984, donc on s'est ratés de peu puisque j'en suis sorti en 1983.
  • J'en viens aux addictions philosophiques de Jean Louis et Amathoué.

    1/ Toute votre perplexité part du fait qu'il préexiste des choses en vous, que je vais tenter de décrire, pour ensuite voir comment en sortir partiellement, et paramétrer.

    2/ A vrai dire, c'est vite dit: une phrase habite $\{vrai; faux\}$ (ou ne mérite pas de s'appeler "phrase sensée").

    3/ Mais remontons un peu plus en amont.

    4/ Les textes de science sont des suites de mots (séparés par des espaces). Parmi eux, on distingue une sorte de suite de mots, appelées "phrases" qui "se suffisent à elles-mêmes" dans la convention lecture-écriture d'un texte de science. Par exemple, on écrit $2+2=50$ pour affirmer que $2+2=50$, mais on n'écrira pas $3+ = 70-$.

    5/ Les preuves (j'utilise un théorème à moi, ça simplifiera drastiquement) sont des phrases $p$ telles qu'il existe $a,b$ vérifiant $p=(a\to b)$ et $p$ est une conjonction* d'axiomes et $a$ est un axiome. Le théorème prouvé par $p$ vue comme preuve est alors $b$. Evidemment en pratique on a inventé des usines à gaz racourcissantes, mais ici c'est hors-sujet, puisqu'on ne discute pas de pratique. J'utilise le terme "évidence" au besoin pour abréger "conjonction d'axiomes".

    6/ Jusque là pas de souci, mais une remarque. Tout ceci ne dit rien de ce qu'on appelle "un axiome".

    7/ Et bien c'est très simple: "axiome" ça ne veut rien dire. Ou plus précisément, ça veut dire "hypothèse pérenne". N'importe qu'elle phrase (qui est une implication) est une preuve, puisque partant d'elle il est facile de recenser ses axiomes et sa conclusion. Pour la plupart des phrases $a\to b$, la liste d'axiomes est $a;a\to b$. Mais il peut arriver que non, et ça a fait exister les maths. Par exemple la phrase $(a\to (b\to c)) \to c$ vue comme une preuve démontre $c$ à partir des axiomes $a;b$; et $a\to (b\to c)$

    8/ Autrement dit, l'idée de théorie (ie d'ensemble d'axiomes) n'est ABSOLUMENT PAS CONTRAINT par ce que je viens de raconter de 3 à 7.

    9/ Ca s'appelle "la description syntaxique de la science".

    10/ La description sémantique de la science est la suivante:

    11/ On a des phrases, formant un ensemble, disons $P$. Maintenant je ne parle plus de suites de signes mais de valeurs. Toutes les suites de signes désigneront leur valeur.

    12/ Cet ensemble de phrases sera supposé ordonné par un ordore partiel que je note $\leq$. Il contient aussi une phrase, notée $1$. Il est pertinent de traduire un français $x\leq y$ par $<<y$ est un cas particulier de $x>>$

    13/ Il est aussi doté d'une opération binaire, notée $\to$ qui est décroissante à gauche et croissant à droite. En outre $(1\to y) = y$ pour toute phrase $y$.

    14/ L'ordre est généralement supposé complet (c'est l'ajout d'un platonisme partiel), ce qui permet d'avoir le quantificateur $\forall$ de manière totalement décomplexée: $\forall x\in G: R_x$ est juste une abréviation de $inf(\{p\mid \exists u\in G: p=R_u\})$

    15/ Et bien tout ça , ça n'a jamais obligé $P$ à avoir le cardinal $2$.

    16/ On peut ajouter des contraintes. On peut demander qu'il existe une application $\neg$ de $P\to P$ qui est involutive et décroissante.

    17/ Et bien tout ça n'empêche toujours en rien $P$ de NE PAS AVOIR LE CARDINAL 2

    18/ on peut ajouter des tas d'autres contraintes, mais il faut aller très loin pour forcer $P$ à avoir le cardinal $2$ (je vous conseille d'assayer).

    19/ Comment fait-on des maths?

    20/ Et bien c'est très simple: une fois qu'on a $(P, \leq, \to, 1, \neg)$ et une structure (je prends la signature relation ternaire) $(A,R)$ où $R$ est une application de $A^3$ dans $P$, tous les énoncés clos ont une valeur dans $P$, tous les énoncés à une var libre ont une valeur tacitement (en mettant $[x\mapsto] $ devant) dans $P^A$, tous les énoncés à deux var libres (ordonnées alphabétiquement par exemple) ont une valeur dans $P^{(A^2)}$, etc. Rien de plus trivial.

    21/ Ces énoncés sont fabriqués à partir de $R$, $\to$ et $\forall$.

    22/ Les $P$-théorèmes sont les éléments $\geq 1$, et si on fait un retour au syntaxique, ce sont les epxressions dont on peut prouver (classiquement) qu'elles sont $\geq 1$.

    23/ Bref, en conclusion, calculer des valeurs de phrases, ce n'est pas calculer dans $\{vrai; faux\}$.

    24/ D'où viennent du coup, les logiques qui émergent de ça?

    25/ Et bien déjà, on n'est jamais descendu en dessus de ne pas admettre que $\forall x,y,z: (x\to (y\to z))=(y\to (x\to z))$ qui exprime la commutativité du "et" qui est défini par $(a\ et\ b) := \forall x\in P: ((a\to (b\to x)) \to x)$. Cela provient du fait que les scientifiques, à la recherche de certitudes absolues et formelles, ne considèrent pas comme intéressant de faire la différence entre les deux suites suivantes:

    25.1/ si a alors si b alors c
    25.2/ si (a et b) alors c

    26/ Ensuite, on considère une auto-réflexion que personne ne peut contester sous la forme :

    $$ \forall x,y: ([x\leq y]\iff [1\leq (x\to y)]) $$

    C'est là le point qui fait qu'on "est en logique" et pas seulement en maths (maths = branche de la logique = logique appliquée à des choses concrètes). On a une opération qui vient "refléter" un ordre. Le $\iff$ est juste une abréviation du bon vieux "si et seulement si" de vos habitudes, ce n'est pas une opération de $P$.

    27/ Du coup, $1$ a tendance à mériter de s'appeler "le vrai" et $0:=\neg(1)$ s'appelle "le faux". Mais ayant admis tout ça, on est encore très loin d'avoir "peu de $P$", et très loin de pouvoir dire que tous les $P$ ainsi ont le cardinal $2$.

    28/ Toutes les qualités que je viens d'ajouter ne donnent même pas à $1$ le "grand privilège" d'être le plus grand élément de $P$. Autrement dit, même avec ces contraintes, il existe des phrases dont le vrai n'est pas un cas particulier

    29/ Exercice: $1$ est le max de $P$ si et seulement si $\forall x,y: x\leq (y\to x)$. Et bien ça (le fait que $1$ soitl e max de $P$, on peut l'appeler l'axiome des poubelles gratuites. En logique formelle propositionnelle des débuts d'étude de logique, c'est l'axiome écrit sous la forme : A=>(B=>A). Pourquoi ce nom poétique. Et bien parce qu'il dit qu'on peut jeter des hypothèses.

    30/ Et là encore on n'a pas grand-chose. Par exemple, en dehors de la complétude de l'ordre, la structure:

    30.1/ $P:=\R$
    30.2/ $(a\to b) := (b-a)$
    30.3/ ordre usuel
    30.4/ $\neq := (x\mapsto (-x))$

    est une PARFAITEMENT BELLE structure de phrase, dont les théorèmes sont juste les nombres négatifs ou nuls (autrement dit, ceux qu'on peut acheter avec un porte-monnaie vide)

    31/ Le truc qui fait tout exploser est tout bête et très platonicien. C'est l'axiome (qu'il ne faut SURTOUT pas ajouter) suivant: $\forall x: (x\ et\ x)=x$

    32/ Si vous ajoutez cet axiome, vous n'avez plus rien (enfin vous avez la logique classique, complète pour la représentation "une phrase doit être dans $\{vrai; faux\}$", c'est à dire une algèbre de Boole dont les quotients intègres sont $\{vrai; faux\}$ et son environnement platonico-affectif)

    33/ La logique intuitionniste. Pourquoi passe-t-elle à la trape?

    34/ Et bien elle ne passe pas à la trappe. Elle émerge juste de deux façons fondamentalement différentes.

    34.1/ Ou bien on la découvre "accidentellement", on la subit et on l'étudie (plans non arguésiens)
    34.2/ Ou bien on la "voit" bien avant qu'elle ne se manifeste (géométrie projective correcte).

    35/ Quand $P$ a les propriétés ci-dessus, on peut ajouter comme hypothèse qu'il existe une application $\Rightarrow$ allant de $P^2$ dans $P$ qui est telle que $\forall x,y: (x\Rightarrow y) = ((x^\infty)\to y)$. Ca c'est l'approche 34.2.

    36/ L'approche (peu pertinente et plus difficile) consiste à renoncer à la présence de $\neg$ et à supposer "d'emblée" (ça écrasera presque tout, donc nous rendra aveugles partiellement) que $\forall x: (x\ et\ x)=x$. C'est l'approche 34.1.

    37/ Dans cette approche, on se retrouve avec une situation assymétrique "idiote" car on a écrasé les raisons (qui maintenant semblent arbitraires) qui vont provoquer l'assymétrie. On "subit" l'assymétrie. Comme le corpus des matheux fonctionne à coups de crédits, de problèmes ouverts, de résolutions en 150 pages de problèmes difficiles, il est naturel que ce soit cette voie "dangereuse et arbitraire" qui ait été choisie. Car "peu naturelle", elle génère des maths difficiles (c'est tout le mouvement catégories-topos-Grothendieck-degré 0 d'incertitude, donc algèbre)

    38/ Dans cette approche, le $P$ obtenu s'appelle "une algèbre de Heyting".

    39/ J'en reviens au tout début.

    40/ Si vous y regardez de très près, il n'est pas vrai du tout qu'une phrase mathématique a une valeur dans $2:=\{vrai; faux\}$. Donc VOUS NE DEVRIEZ PAS VOUS ETONNER que les valeurs de vérité (ce sont les éléments de $P$ ou du $P$ choisi pour faire des maths) ne soient pas toutes dans cette ensemble. En effet, une phrase de maths courante est une application de $E\to 2$ où $E$ est l'ensemble des modèles de la théorie choisie pour faire des maths. C'est bien une algèbre de Boole, mais elle n'est pas du tout intègre. Car vous ne précisez que rarement dans quel modèle vous êtes (en fait, même vous ne le précisez jamais).

    41/ Vous avez DONC TORT de parler trop vite en disant "dans $\{vrai; faux\}$". C'est un parfait abus de langage avachi. Ce que VOUS VOULEZ REELLEMENT EXPRIMER est qu'une fois quotienté par un idéal premier, on se retrouve dans $F_2$. Ce n'est pas du tout pareil. Et bien, ce que je viens de vous dire, c'est que quand on n'est pas dans un anneau de Boole, les quotients par des idéaux premiers ne sont pas forcément $F_2$, ET POURTANT quasiment toutes les règles de déduction y sont valables et on peut faire des maths. Et selon telle ou telle règle qui manque on donne tel ou tel nom à la logique.

    42/ La réponse à votre perplexité est donnée de 1 à 21 et le reste précise techniquement la situation.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • @Amathoué. Oui, tu as raison la logique préexiste aux maths, mais pas dans un sens temporel. Elle légifère les maths, et toutes les autres science. Si tu veux un rebus, la logique est aux maths ce que les maths sont à la physique.

    En termes cliniques dans les textes de science, cela signifie que:

    Les axiomes logiques changent tous les 100000 ans
    Ceux des maths tous les 1000ans
    Ceux de la physique tous les 30ans.

    Ca ne va pas plus loin que ça.

    Une définition plus profonde d'axiome logique est "axiome dont on sait qu'on pourrait s'en passer en en écrivant 10^50 fois plus long". C'est une découverte de la logique elle-même que ses axiomes ont le devoir d'être ce qu'on appelle "réalisable", ce qui n'est pas le cas des autres axiomes de la science.

    Si tu veux en savoir plus, demande, mais en attendant l'important à retenir c'est que texte scientifique => texte où tout ce qui est admis se voit***, point à la ligne. C'est à niveau là que tu différencieras la partie logique immuable (qui va générer des abréviations et des passe-droit) des axiomes non pérennes qui varie d'une spécialité à l'autre.

    *** même un "A donc A" génèrera un A=>A dans le recenseur d'axiomes et on a prouvé que c'est important (ie découverte qui est venue à peu près en même temps que la CCH et que le fait que le "et" dont je parle ci-dessus n'a rien d'inoffensif). Tout se paie: on ne peut par exemple par prouver que $4\in \N$ en moins de 4 étapes (sans abuser)?
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  • Merci beaucoup Christophe pour cette explication (détaillée)edit : je t’ai remercié avant d’avoir tout lu bien sûr, eh bien j’attends ton post suivant avec impatience!!!
    Merci également à toi Martial pour les références!!
  • Merci Christophe pour toutes ces explications. J'en ai pour un moment à méditer tout ça.
    Bonne soirée.
    Jean-Louis.

    P.S.: Christophe, question subsidiaire, qui n'a sans doute pas de sens puisque je sors du domaine mathématique, mais ça m'intrigue: est-ce qu'un intuitionniste quand il discute avec son copain supporter du PSG peut dire " cette année soit le PSG sera champion d'Europe soit il ne sera pas champion d'Europe." . En fait c'est ça qui me gène le plus, ce passage d'une évidence absolue dans le langage courant à une nécessité de la démontrer...alors qu'on admet bien les quatre premiers axiomes d'Euclide sans autre forme de procès et ls ne sont ni plus ni moins évidents.
  • Merci beaucoup Christophe.
    J’ai fait une première lecture mais j’ai besoin de relire plusieurs fois.
    La fin de la définition de la « description sémantique de la science » m’aide déjà à y voir un peu plus clair.
    Tu réponds clairement à l’un de mes blocages: les valeurs de vérité sont définies par récurrence sur les énoncés: c’est ton point 20.
    Quant au cardinal de $P$ (dont la conclusion sémantique apparaît au point 17), je dois encore relire pour l’accepter.
    J’aime beaucoup 40 et 41, il y a comme un air familier dans ces explications :-).
    Encore merci pour t’être donné la peine de nous avoir aidé(enfin je parle pour moi).
    Je reviens vers toi prochainement.
  • Je vais tenter de vous donner un mode d'emploi.

    1/ N"hésitez pas à me poser des questions, car, vue la vitesse à laquelle j'ai tapé, il peut y avoir des fautes de frappe.

    2/ J'ai exprès fait des coupes, en vue de juste vous décrire "la descente" de la notion de "suites de signes qui est une phrase scientifique" (ou pas d'ailleurs) vers "sa valeur".

    3/ Dans la plupart des maths, cette descente est assez simple. Mais en logique (qui englobe en amont les maths), il y a un "vide originelle" générateur de solidité qui interdit la ficilité du sujet. Par exemple, :

    3.1/ $F_2$ a bien une structure d'anneau et il y a bien une opération "moins" involutive, mais pas de bol, c'est le xor (ou le $\iff$ dans la version duale).

    3.2/ Les algèbres de Boole banales ont bien deux opérations distributives l'une par rapport à l'autre dans les deux sens, mais pas de bol, pas d'opération "moins" qui soit morphique, ni d'opération qui commute au "non": Si ça avait lieu, on aurait:

    $$ non(a*non(a)) = non(a)*(non(non(a))) = non(a) * a = a*non(a)$$

    et entrerait en conflit avec la commutativité

    3.3/ Ca a conduit (à tort je pense) à ne pas généraliser la magie du déterminant aux algèbres de Boole et même les plus grands matheux français (j'ai eu un témoignage) à ne pas du tout savoir par coeur que $\iff$ est associative.

    3.4/ Les preuves de sciences sont très simples:

    3.4.1/ pour toute phrase $P$ , $P$ est un théorème classique ssi il existe une évidence classique $E$ telle que $E\to P$ est une évidence classique

    3.4.2/ pour toute phrase $P$ , $P$ est un théorème intuitionniste ssi il existe une évidence intuitioniste $E$ telle que $E\to P$ est une évidence intuitionniste

    3.4.3/ Une évidence est une conjonction d'axiomes, c'est à dire un énoncé de la forme :
    si (si A1 alors si A2 alors si A3 .... alors si An alors B) alors B

    où les Ai sont des axiomes. Et quand on met un adjectif après "évidence", ça précise juste quels axiomes on s'autorise.

    Pour intuitionniste (par paresse, je prends un court, mais artificiel):

    $A\to (B\to A)$ ; $(A\to (B\to C))\to ((A\to B)\to (A\to C))$

    Classique: on ajoute (par exemple) $((A\to B)\to B)\to ((B\to A)\to A)$ qui exprime "(A ou B) implique (B ou A)" aux yeux du peuple donc est peu contesté (mais suffit à donner TE et RPA).

    Ces travaux précoces (début du siècle), montrent le mépris (ou la méprise) pour la hiérarchie des certitudes absolues.

    Les "bons" axiomes de la logique intuitionniste étant au nombre de 5:

    1/ $(A\to B)\to ((C\to A)\to (C\to B))$
    2/ $(A\to B)\to ((B\to C)\to (A\to C))$
    3/ $(A\to (A\to B))\to (A\to B)$
    4/ $A\to (B\to A)$
    5/ $A\to ((A\to B)\to B)$

    Le siècle a avancé, si tu prends un tableur et écrit 30 fois dans un colonne NombreAléatoire(20;50), tu vas remplir ta colonne de nombres différents. Tu fais ensuite "trier" et tu t'aperçois que rien n'a été trié. Pourquoi? Parce que tu n'as pas d'abord copié-collé PAR VALEURS les nombres proposés.

    La circulation des garanties scientifiques ne peut pas se permettre de supposer impunément $A\to (A+A)$ avec un $+$, qui voudrait dire "et" de manière avachie.

    Alors "qu'on sait" que permuter des hypothèses est une opération blanche, car on permute "dans notre tête" et non dans les faits.

    Il est donc vraiment important de comprendre que la logique intuitionniste est un accident (heureux car il a peut-être motivé Grothendieck and co à résoudre des problèmes difficiles (mais hélas difficiles à énoncer... et il n'en ira jamais autrement je pense par nature de cette technique bancale)) mais reste un accident nous ayant projeté dans un terrtoire complexe, dont il reste à prouver que cette complexité nous est bien utile.

    Il faut bien comprendre que c'est surtout l'approche de l'infini qui donnait à la logique intuitionniste une publicité totalement superlative avec la question de savoir si les preuves de $\exists n\in \N: R(n)$ étaient bien convaincantes quand faites en logique classique, à coups d'obtention de contradiction obtenue from l'hypothèse $\forall n: non(R(n))$

    L'apport de l’intuitionnisme au fini est moins clair. Et il y a des bizarreries peu satisfaisantes, comme le fait que le caractère bien ordonné de $2$ n'y est pas prouvable pour "des mauvaises raisons" (les mêmes qui font que la topologie grossière est une topologie par exemple, mais qui énervent les profs qui ont oublié de préciser qu'on veut une top séparée dans l'exercice demandant un contre-exemple à ceci cela).

    Je te décris les deux approches de la bancalité évoquée:

    Syntaxiquement (je ne sais pas si c'est dans le doc de GBZM, mais je préciserai si ça n'y est pas), les règles de raisonnement sont exactement les mêmes en logique intuitionniste et en logique classique. EXACTEMENT!!!

    La SEULE différence c'est que tu as le droit de dupliquer autant que tu veux le "donné" mais pas le "produit". En termes de séquents, tu n'as pas le droit à plusieurs phrases à droite de $\vdash$ dans les raisonnements. Cela conduit à "ne pas pouvoir revenir en arrière dans un jeu, tout en prétendant que les phrases sont duplicables et donc des ressources photocopiables.

    Sémantiquement , (je te rappelle qu'une phrase intuitionniste est un ouvert d'un espace topologique fixé une fois pour toute par le contexte), les ouverts ne sont pas des fermés. Tu vois d'ailleurs apparaitre la différence entre le fini et l'infini. La logique générée par les espaces séparées est plus forte que l'intuitionniste et dit les mêmes choses à propos des préoccupations finies des hommes en quelque sorte, cela provenant bêtement du fait que les espaces séparés et fini sont discrets. Lorsqu'il a prouvé l'indépendance de HC, Cohen a dû écraser ce problème, c'est à dire créer un curseur qui dès lors qu'il se pose (tel un drone) en dehors d'un ouvert, il est immédiatement expulsé en dehors de son adhérence (les ouverts intérieurs de leur adhérence forment une algèbre de Boole).

    Ayant des préoccupations différentes Grothendieck (et peut-être d'autres) se sont dépêchés au contraire de flirter avec les points se trouvant dans $adh(U)\setminus U$ et ont eu l'impression de se balader au bord de la mer du monde platonicien.

    Le fait est que le problème de "comprendre le monde" n'est pas là de toute façon. Le vrai problème est d'avoir un majorant de tous les $x$ tels que $(x\ et \ a) \leq b $ et le monde est fait de telle sorte qu'on n'en a tout simplement pas. Alors on s'amuse à en fabriquer mathématiquement, et c'est tout.
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  • Pour te donner un idée de "à quel point" l'intuitionisme a du mal avec le TE, tu prends un espace topologique connexe (il en existe des pelletés :-D ) .

    Dès lors que tu as "A ou B" qui est un théorème, il n'est pas possible que "non(A et B)" en soit un, sauf à considérer que pour cet espace, l'une des deux parmi A,B soit déjà un théorème. Idem avec $\exists$.

    Ce truc a fait totalement décoller les gens qui l'ont perçu uniquement syntaxiquement au début du siècle, et ça a généré des passions (et donc des découvertes).

    Mais il est souvent perçu à tort en oubliant qu'on parle de théorème sans hypothèse, hélas. Le fait que

    $$ (A\ ou\ B) \to (A\ ou\ B) $$

    ne permet pas de déduire que $(A\ ou\ B) \to A$ est prouvable ou que $(A\ ou\ B) \to B$ l'est. En bref, vive l'émotion qui fait visiter les jungles.
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  • Quand j'aurai "enfin" compris le paradigme topos (j'attends des réponses de max, GBZM,mais ils ne me doivent rien), je pourrai te présenter une vision globale des différences entre les 3 démarches:

    Forcing
    Réalisabilité
    Toposisme

    Pour l'heure je n'en "capte en profondeur" que 2 sur les 3

    Ce sont ces différences qui à mon sens éclaireront le mieux les choses.
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  • A propos de Cohen, je feuillette l'édition de 2009 de "Set Theory and the Continuum Hypothesis".
    Au bas de la page 113 on trouve une définition qui commence comme ça :
    A "labeling" is a mapping defined in ZF, which assigns to each ordinal $0<\alpha<\alpha_{0}$ a set $S_{\alpha}$, the "label space", etc.

    Comment, dans ce contexte, traduire "labeling" et "label" ?
    Les mots "étiquetage" et "étiquette" me paraissent fortement inadéquats.
  • C'edt une "famille" un peu particulière. "Séquence" ça n'irait?
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  • @Christophe : Mouais, pourquoi pas ?
    Faut qu'j'voye.

    Sinon, tu penses que l'ouvrage de Cohen peut être un bon plan pour essayer de bien comprendre le forcing ?
  • J'ai remis ton gros message dans ce fil Christophe, mais du coup il y a un peu d'anachronisme.
  • Comme je suis vraiment une tanche en intuitionnisme je vais poser une question qui renferme tout (comme disait ma grand-mère) : où est-ce qu'on peut trouver, dans la littérature, un ouvrage qui explique ces choses-là de façon compréhensible pour un néophyte ?
    Je veux dire : PA nous explique bien comment se passer du TE, du RPA ou de la règle de contraposition, mais quand même, par rapport à la citation de Jean-Louis au sujet de la page 15 : "postuler que l'égalité dans $\N$ est décidable (…) est la traduction mathématique d'une position philosophique", je trouve qu'il se fout un peu de notre gueule (il = PA, pas Jean-Louis, œuf corse). Et ce d'autant plus que si j'ai bien compris, ces choses-là se démontrent, mais à condition de sortir l'artillerie lourde des assertions à valeurs de vérité dans une algèbre de Boole, ou dans l'algèbre des ouverts d'un espace topologique. Or c'est ça qui me manque. PA n'en parle pas, et j'aimerais bien savoir où trouver ça.
    En gros, je cherche une référence sérieuse, introductionnelle et pédagogique, pas forcément exhaustive.
    Merci d'avance
    Martial
  • @Martial: quand j'ai répondu à JL, j'ai expliqué que PA a déliré sur ce coup-là, niveau paragraphes, puisqu'il laisse entendre une relation entre 2 choses qui n'ont rien à voir.

    Le fait que pour tout entier $n$, on a $(n=0$ ou $n\neq 0)$ est trivial puisque tu as, que c'est vrai pour $0$ et que pour tout entier n:

    $$(n=0\ ou\ n\neq 0) \Rightarrow (n+1=0\ ou\ n+1\neq 0)$$

    Pour les mêmes raisons, tu peux prouver par récurrence sur $a$ que pour tout $b: a=b$ ou $a\neq b$.

    Au post suivant, je te redonne tout exhaustivement (ce n'est pas très long), comme ça tu n'auras pas besoin de livre.
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  • Et mreci à toi Poirot!
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  • @Martial: tu peux considérer que l'intuitionnisme est l'ensemble des propriétés communes aux algèbres de Heyting.

    Une algèbre de Heyting est un ensemble ordonné $(H\leq)$ dans lequel
    H1°) toute partie finie possède une borne supérieure et une borne inférieure
    H2°) pour tous $x,y\in H$, l'ensemble des $t\in H$ tels que $\inf \{t,x\} \leq y$ possède un plus grand élément.


    Notations: le plus grand élément dont il est question au H2°) s'écrit "$x \to y$". On note aussi $x\wedge y$ pour $\inf \{x,y\}$ et $x \vee y$ pour $\sup \{x,y\}$.
    $H$ possède un maximum ($\inf \emptyset$) et un minimum ($\sup \emptyset$) notés respectivement $\top$ et $\perp$.
    L'abréviation $\neg u$ désigne $u\to \perp$.

    Lorsque toute partie d'une algèbre de Heyting possède une borne inférieure et une borne supérieure, on dit que l'algèbre est complète.

    Exos:

    (i) Montrer que l'ensemble des ouverts d'un espace topologique (muni de l'inclusion pour ordre) est une algèbre de Heyting complète (qui est $\to$ ?)

    (ii) Montrer que pour tous éléments $a,b,c$ d'une algèbre de Heyting, on a $a\leq b \to c$ si et seulement si $a\wedge b \leq c$.

    On fixe une algèbre de Heyting $H$ et $x,y,z \in H$ dans les deux questions ci-dessous. Montrer les égalités
    (iii) $(x \wedge y) \to z = x \to (y \to z)$
    (iv) $(x \wedge z) \vee (y \wedge z) = (x \vee y) \wedge z$ (NB: cette propriété est fausse dans l'ensemble des sous-ev d'un espace vectoriel, qui satisfait pourtant H1° ci-dessus et donc l'utilisation de H2° va être indispensable).

    (v). L'ensemble des parties $\mathcal P(E)$ d'un ensemble $E$ est -cf (i) -une algèbre de Heyting (topologie discrète). Montrer que $A \vee (A\to B) = E = \top$ pour tous $A,B \in \mathcal P(E)$. Montrer que ceci est faux dans des espaces topologiques généraux (contre-exemples dans $\R$).

    (vi) Dans cette question, $H$ est une algèbre de Heyting complète. Pour tout ensemble $E$ et toute fonction $f:E \to H$ on note "$\forall x \in E,f(x)$" (resp "$\exists x \in E,f(x)$") la borne inférieure (resp. supérieure) dans $H$ de l'ensemble $\{f(x) \mid x \in E\}$.

    Montrer pour tous $E$, $f\in H^E$ et tous $y\in H$, l'égalité $\forall x\in E, [f(x) \to y] = [\exists x\in E, f(x)] \to y$.

    (vii) construire des algèbres de Heyting qui violent les égalités suivantes
    (a) $\neg \neg x = x$
    (b) $a \to b = (\neg a) \vee b$
    (c) $[(\neg p) \to (\neg q)] \to (q \to p)$
    (d) $\neg [\forall x\in E, f(x)] = \exists x \in E, [\neg f(x)]$
    indication en blanc: $\R$ muni de sa topologie usuelle marche dans les 4 cas, avec des unions d'intervalles ouverts oeu compliquées.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • @Martial: comme je pense savoir ce que tu veux comprendre et comme GBZM et foys ont répondu sur certains points, je produis un post qui je l'espère t'aidera à profiter du leur. Je vais prendre les choses beaucoup plus en amont et corriger les erreurs (parfois heureuses) de l'histoire scientifique du 20ie siècle pour t'éviter d'errer.

    1/ L'idée clé, dans ton contexte, c'est la règle du jeu, ou, pourrait-on dire autrement, la syntaxe-grammaire, etc.

    2/ Je ne vais donc pas aborder la sémantique (foys vient de le faire par exemple).

    3/ Dans un premier temps, je te conseille VIVEMENT de NE PAS tout de suite lire les docs (que je n'ai pas lu, mais je devine) de GBZM où figurent le symbole $\vdash$, qui à lui seul, est une véritable catastrophe, car renferme à la fois des erreurs historiques, des crispations, des changements de sens, etc, le tout nourri à la recherche récente qui n'est accessible qu'à des habitués ayant dû fortement évoluer du platonisme vers l'opératoire quasiment physique.

    4/ Prouver quelques chose veut dire écrire un texte qui est lui-même une suite de trucs.

    5/ Les trucs sont des phrases.

    6/ Initialement ces phrases ont forcément une valeur dans $\{vrai; faux\}$, mais ça c'est très platonicien à cause de la main invisible "qui sait" et qu'on essaie d'imiter.

    7/ Cette notion de cardinal 2 doit être absolument comprise en termes opératoires.

    7.1/ Quand deux scientifiques se disputent sur une île déserte, il n'ont que 2 choix de jeux (de règle du jeu).

    7.2/ Choix1, ils sont d'accord sur qui a la charge de la preuve et dans ce cas, il n'y a STRICTEMENT AUCUN PROBLEME, fin de l'histoire. Tous les devoirs sont du côté du prouveur, le sceptique n'ayant quasiment rien à faire

    7.3/ Choix2: il n'y a pas d'accord. Leur désaccord tient alors à la vérité de la phrase: l'un dit qu'elle est fausse, l'autre dit qu'elle est vraie. Ils vont alors jouer non pas à un jeu "prouveur-sceptique" mais à un "jeu de la vérité".

    8/ C'est de là que vient qu'une phrase est dans $\{vrai; faux\}$ et que le non est involutif puisqu'il est juste une permutation dans $S_2$ (la seule qui ne soit pas l'identité), en échangeant les 2 rôles.

    9/ Comme je l'ai souvent déjà dit, les règles du jeu de la vérité sont très simples:

    9.1/ Devant $a\to b$, c'est au défenseur de vrai de choisir entre continuer avec $b$ et continuer avec $non(a)$

    9.2/ Devant $non(a)$ les rôles sont échangés et on continue avec $a$

    9.3/ devant $\forall xR(x)$, c'est au défenseur de faux de choisir $x$ (il va poser $x:=u$) et on continue avec $R(u)$

    9.4/ devant $a\ et\ b$ c'est à faux de jouer (il choisit si on continue avec $a$ ou si on continue avec $b$)

    9.5/ etc (il est facile de réglementer les connecteurs).

    9.6/ Par exemple: devant $\exists xR(x)$, c'est au défenseur de vrai de choisir $x$ (il va poser $x:=u$) et on continue avec $R(u)$


    10/ La partie termine sur une phrase qui tranche et le jeu est terminé, ils se sont mis d'accord.

    11/ Ca ne veut pas dire qu'ils ont bien joué, mais c'est la rançon à payer d'habiter sur une ile déserte.

    12/ En conclusion de ce préambule, les maths sont symétriques et il n'y a pas lieu de considérer une assymétrie entre vrai et faux.

    13/ Une preuve classique est une stratégie automatique pour gagner qui peut être programmée, mais attention, toutes les stratégie automatiques ne sont pas des preuves. Il y a une uniformité comme contrainte de plus pour être une preuve. Par exemple, il existe des tas de stratégies automatiques qui gagnent à $\forall nR(n)$ quand elles défendent le vrai, mais sans pour autant qu'on ait une preuve de $\forall nR(n)$.

    14/ Il y a de fortes exigences sur ce que doit être une preuve pour garantir des certitudes formelles absolues qui en font pluss que de simples stratégies. C'est la grande surprise, bien qu'ayant une preuve triviale, qu'a été le théorème de complétude de Godel que de dire que "ça suffit" de ne pas avoir de preuve pour ne pas avoir de "définitivement" de certitude formelle.

    15/ Comme tu vas voir les règles du jeu sont très très simples et "acceptables" par tous.

    16/ Je vais légèrement modifier le vocabulaire habituel.

    17/ J'appelle "assertion" une liste finie de phrases

    18/ J'appelle phrase un objet qui peut être, mais ce n'est pas obligé précédé du signe @, ou qui est le mot "BINGO"

    19/ Exemple d'assertion: a; b=>c; t; @(u=&gt;k); c=>k; @a

    20/ Attention, @a)=a

    21/ Moralement, une assertion affirme que telle liste de ressources peuvent être utilisées pour aller au paradis

    22/ On peut procéder à des éliminations et certaines contractions évidentes, comme suit:

    23/ ....; @BINGO; ..... peut être suivi de ..; X; @X; ...

    24/ Tu peux aussi remplacer .....A; @B...... par @(A=&gt;B)

    25/ Et enfin la seule chose (avec la coupure) qui te fait passer de DEUX assertions à une seule est la règle suivante:

    De $\Gamma; @A$ et $\Delta; $ B passer à $\Gamma; Delta; (A\Rightarrow B)$

    $\Gamma, \Delta$ étant des listes.

    26/ Ca, ce sont les règles du jeu "de fond" des garanties scientifiques. Mais à ça, il faut ajouter:

    27/ La possibilité de permuter les éléments de la liste

    28/ La possibilité d'en rajouter (un supplément de ressources ne change rien à mon accès au paradis)

    29/ Et la pire de toutes, littéralement explosive (et qui oblige et permet à la science d'être platonicienne), la CONTRACTION:

    le droit de passer de ....; X; X; ..... à ....;X;........

    30/ Règle sulfureuse (appelée coupure): passer de $\Gamma; A$ et $\Delta; @A$ à $\Gamma; \Delta$

    31/ Et bien sache que le théorème de Godel (qui avec cette présentation est facile à prouver) dit que ces règles suffisent à prouver irréfutablement tout de ce qui est vrai dans tout monde où toutes les phrases vivent dans $\{vrai; faux\}$

    32/ Quelques remarques:

    32.1/ La règle de coupure est redondante, mais prouver cette redondance a occupé pas mal de logiciens pendant pas mal de temps

    32.2/ Tous les autres connecteurs s'obtiennent à partir de =>

    32.3/ Avec ces règles, "@ fonctionne un peu comme non". Mais ce n'est pas "non", c'est juste la permutation des deux joueurs

    32.4/ L'ajoute des quantificateurs est suffisamment triviale pour que je n'en parle pas

    32.5/ La règle de coupure est une erreur historique qu'on a découvert hélas que récemment comme erronée. En effet, la bonne règle est

    passer de $\Gamma; A$ et $\Delta; @B$ à $\Gamma; \Delta; (A=>B)$ et une sorte de confiance platonicienne en la réalité de tout ça consiste à dire "mais virez-moi ce (A=>A), vu qu'il est évident.

    32.6/ Cette erreur a été découverte (par moi :-D , mais est visiblement ressentie inconsciemment par beaucoup) à cause de l'informatique. Je te la reformules en termes de modus ponens.

    32.6.1/ Modus ponens: ayant prouvé A=>B ainsi que A, je peux dire "donc B". Ca c'est une superbe erreur!!! Pourquoi?

    32.6.2/ Pour le comprendre il faut d'abord regarder la bonne règle:

    32.6.3/ Modus ponens correct: ayant prouvé A=>B ainsi que C, je peux dire "donc (C=>A)=>B". Certes appliqué avec $C=A$, ça donne une conclusion de la forme (A=>A)=>B qui parait du gaspillage d'encre, mais qui ne doit pas être négligée, car l'implémentation des phrases en informatique n'est jamais garantie ni bien fondés (pas de cycle), ni direct (ce sont des pointeurs). Or le MP ne marche pas avec les seuls pointeurs, il faut parfois s'assurer en fouillant une égalité "de fond" que A=A (précisément que deux pointeurs différents décrivent la même phrase).

    Or comment marche la procédure de vérification d'égalité conceptuelle? Comme suit:

    egal(X,Y):= if feuille(X) then if feuille(Y) then $X=_{physique} Y$ else ... else if egal(hyp(X), hyp(Y)) then egal (conc(X), conc(Y)) else false.

    33/ J'arrête là le point 32. Je t'invite à bien t'apercevoir que le modus ponens correct EST DEJA dans la règle du jeu: c'est la règle 25.

    34/ Maintenant tu te demandes peut-être où est la logique intuitionniste dans tout ça?

    35/ Et bien c'est très simple:

    36.1/ Un théorème (classique) de maths est une assertion qu'on peut prouver en partant d'une liste contenant BINGO et en respectant les règles de constructions ci-dessus.

    36.2/ Un théorème (au sens intuitionniste) de maths est une assertion qu'on peut prouver en partant d'une liste contenant BINGO et en respectant les règles de constructions ci-dessus PLUSSSSSS la condition très restrictive qu'aucune assertion de la liste ne contienne plus d'une seule fois le symbole @.


    37/ C'est cette assymétrie très défavorable aux pointeurs qui a fait accidentellement (un accident heureux car a donné des recherches en territoire montagneux, on s'est offert des randonnées gratuites) émerger la logique intuitionniste.

    38/ Tu te demandes peut-être si cette névrose apparait ailleurs dans les maths et l'informatique.

    38.1/ Et bien la réponse est oui: en informatique elle apparait de façon spectaculaire via l'obsession pour le mot function. Il n'était strictement nullement nécessaire ne PASCAL par exemple (je pense que tu as du programmer en PASCAL), puisqu'une fonction(x,y,..):z n'est qu'une procédure (x,y,...; var z); qui d'ailleurs en C s'écrit procédure (x,y,...; z);

    38.2/ On le voit aussi en maths, où la notion de fonction (univoque) a pris le pas sur celle de relation (ou fonction multivoque).

    38.3/ Exercice: trouver plein d'autre endroits où la névrose s'est épanouie.

    39/ Maintenant que tu sais tout, exercice :-D : prouver le RPA quand on n'est pas contraint par (36.2)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Je t'ajoute quelques compléments pour que tu puisse raccorder tes billes à ce que tu connais déjà:

    C1/ Le calcul des séquents (dont GBZM t'a posté un doc je crois), tu peux oublier le signe $\vdash$ et considérer qu'une liste

    $$A_1;..;,A_n\vdash B$$

    n'est qu'une abréviation pour virer les parenthèses de :

    $$ A_1\to (A_2\to (\dots \to (A_n\to B)\dots )$$

    Alors tu t'apercevras que GBZM te décrit DES AXIOMES scientifiques épictout.

    C2/ Le signe $\vdash$ a évolué de manière fiévreuse et tendue entre l'époque de Gentzen et la recherche moderne, mais ce que je te dis là, connaissant ta position, n'est pas trompeur (je ne pense pas que tu envisages "immédiatement" de fouiller la notion "d'activation" qui se trouve derrière $\vdash$.

    C3/ Dans le cadre que je t'ai décrit, j'espère que tu l'auras deviné, quand GBZM écrit (ou son doc sur les séquents):

    $$ A;B;C;\vdash D;E$$

    mon cadre écrit
    A;B;C; @D; @E

    C4/ Comme il n'y a pas de "non", bien entendu, j'ai manqué de politesse, je répare. Le RPA est l'énoncé suivant:

    $$ ((A\to B)\to C)\to ((A\to C)\to C)$$

    et c'est lui que je t'invite à prouver dans l'exercice final.

    C5/ En retirant la règle de contraction (qui dit qu'on peut remplacer X;X par X) tu obtiens la logique affine

    C6/ En changeant en pluss de ce retrait "liste contenant BINGO" par "liste de longueur 1 formée juste de BINGO", tu obtiens la logique linéaire.

    C7/ La limitation de la logique linéaire te dit la chose suivante: avec telles ressources, je peux aller au paradis. Ok, mais quand tu arrives à la porte du paradis, tu as dame Nature qui te barre la route, même si tu as la clé de la porte en te disant "eh, dis-moi, toutes ces merdes que tu laisses, là, par terre, tu crois que c'est moi qui vais les ramasser???". Autrement dit, elle ne te laisse passer que si tu as consommé toutes tes ressources.

    Par exemple, tu ne peux pas prouver linéairement que A;B;@A te donne l'accès au paradis.

    C8/ La bonne de chez bonne présentation est celle en jeu prouveur-sceptique qui consiste à raconter les preuves à l'envers, en inversant toutes les règles. Dans ce cas, tu pars de ton assertion à prouver et tu FINIS sur BINGO. Mais j'ai la flemme de tout réécrire.
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  • C9/ La CCH (correspondance de Curry Howard consiste à remarquer que les règles du jeu (lues à l'envers) sont réellement utilisables sans ressources et sans peine dans la vraie vie. et en particulier, utilisées en informatique, traduisent toutes les preuves en programmes garantisseurs de leur spécifications.

    C10/ Moins connue, et réciproquement.

    C11/ Exception notable: la règle de clonage (passage de X;X à X) n'est pas PHYSIQUEMENT réalisable. La règle de la poubelle gratuite non plus (les déchets prennent de la place).

    Exercice concernant C11: retrouve les numéros dans mon post des deux règles que j'évoque en C11. Si tu y parviens ça voudra essentiellement dire que tu as tout compris.
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  • C12/ J'ai oublié de te préciser la partie "sémantique topologique" dans tout ça.

    C13/ L'assertion [A;B;C; @D]

    exprime que l'intersection des $A;B;C; complementaire(D)$ est vide. Ce qui ne signifie rien d'autre que l'inclusion de $A\cap B\cap C$ dans $D$.

    Par contre, si tu regardes bien les règles, il faut faire apparaitre au moins 2 fois dans une assertion le symbole @ pour passer d'une inclusion à une inclusion affaiblie seulement dans l'adhérence.

    Or en partant de BINGO qui produit des inclusions fortes, les règles ne te permettent que de conserver des inclusions fortes si tu respectes de ne pas écrire deux fois @ dans une assertion.

    C14/ Le plus amusant c'est la réciproque. s'il n'existe pas de preuve intuitionniste d'une assertion, alors il existe un espace topologique qui ne la considère pas comme vide (c'est ce qu'on appelle un théorème de complétude)

    edit: j'avais écrit "complémentaire de l'adhérence" à tort bien évidemment.
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  • C15/ J'en termine là, après je me déconnecte. Je te raconte le "drame" scientifique tel qu'il a été construit fin 19ie, début du 20ie, avec une sorte de "sortie progressive" en train de se produire depuis quelques décennies.

    C16/ On a cherché longtemps des théorie consistantes "définitives". Godel a mis une fin partielle à cette idée, et la CCH l'a définitivement et totalement condamnée de lamanière suivante, qui est très simple et se lit "mot à mot" dans la CCH:

    C16.1/ Chercher une théorie consistante c'est comme chercher un OS (opérating system) qui s'arrête. Autrement dit, c'est complètement débile puisque sa vocation est de ne pas s'arrêter (donc d'être une théorie contradictoire).

    C16.2/ La conception abstraite des solides n'est pas représentable mathématiquement. Je ne te prends que la dimension1. J'ai deux bloc des glaçons, l'un occupant $[0,1]$ et l'autre occupant $[1,2]$ qui ont le devoir d'être superposable. Et bien ça va pas, car ils ne sont pas assez "solides" pour ne pas partager $1$. Ok, alors essayons l'un occupant $]0,1[$ et l'autre occupant $]1,2[$. Grr, :-X ça va pas non plus puisqu'il y a "l'espace" $1$ entre les deux.

    C16.3/ L'ostratisation de $\{x\mid x\in x\to P\}$, qui est littéralement parlant une phrase représentant la moitié de $P$ (autrement dit, s'obtenant avec la moitié des ressources qui permettent d'obtenir $P$), en vue (inconsciente) de conserver le droit de cloner à volonté les garanties scientfiques (une photocopie d'une preuve est une preuve).

    C16.4/ La logique intuitionniste (qui n'est qu'une découverte tardive et syntaxique des espaces topologiques connexes), qui a caché longtemps les "bonnes logiques" qui sont un peu plus faibles, etc

    C16.5/ L'extensionalité (qui écrase tout, mais donne bcp quand on suppose le père Noel) trop souvent recherchée à être remise artificiellement. (Remarque: sans l'extensionalité, la science est fortement normalisable et tous les OS s'arrêtent ou sont EXPLICITEMENT prévus pour boucler)

    C17/ En résumé (vu ta situation de "vacancier"), je pense que tu peux te permettre de passer directement de la logique classique aux logiques faibles et de faire l'impasse sur l'intuitionniste, qui demande, du fait de sa nature accidentelle et usine à gaz, extrêmement dure à étudier. Elle est d'ailleurs, de manière évidente, PSPACE-complète rien qu'avec implique (et indécidable en ajoutant juste $\forall$).

    C18/ Le RPA je te rappelle que c'est (je prends l'énoncé le plus monsieur tout le monde) :

    $$ ((A\to B)\to C)\to ((A\to C)\to C)$$

    qui moralement dit que si je sais faire C quand on me donne aussi bien que quand on me demande A alors je sais faire C tout court

    contient EN LUI MEME la duplication, avec $C:=(A\to B)$, donc est malsain.

    C19/ Je ne conseille pas tout de suite d'aller étudier la spécialité de Girard car il s'est gourré dans ses notatoins en oubliant de passer aux log:

    il écrit $A\otimes (B+C) = (A\otimes B) + (A\otimes C)$
    au lieu de
    $A + sup(B,C) = sup( (A+B),(A+C))$

    ce qui rend la lecture de ses travaux (de lui et de ses potes) particulièrement désagréable, avec des apparences d'arbitraire.

    C20/ Mais selon ton évolution, je pourrais de signaler des bouquins.
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  • @Foys : Merci pour tes explications, je vais essayer de me pencher là-dessus.

    @Christophe : merci de m'avoir consacré autant de ton temps.
    Tu as raison, maintenant je n'ai plus besoin de livre, il me suffit de comprendre tout cela, même si ça ne va pas se faire en 5 minutes...
  • @Martial, je te décris une autre activité amusante, très parente de ces sujets et qui a le mérite de te placer directement dans l'abîme laissé béant par l'absence de l'axiome du choix.

    1/ On va accepter plusieurs signes et pas d'autres:

    2/ Les signes $\cap$; $\cup$; $\times$; $\to$.

    3/ Petite documentation sur $\to: X\to Y$ voudra dire "ensemble des applications de $X$ dans $Y$.

    4/ On se place dans ZF (sans choix). Soit $E$ un ensemble inaccessible et $A$ un expressions utilisant des lettres ($n$ lettres) et ces signes.

    5/ On dira que $A$ est "prouvable" quand toi, tu seras capable de prouver dans ZF, qu'il existe une application choix $\phi$ qui à chaque $(\dots)\in E^n : \phi(\dots]\in A$

    6/ Exemples:

    6.1/ $(A\cap B) \to A$ est un théorème :-D (pas très dur).

    6.2/ $(A\cap B)\to (A\times B)$ en est-il un?

    6.3/ $(A\to (B\cup C)) \to ((A\to B)\cup C)$ en est-il un d'après toi?

    6.4/ $((A\cup B)\to C) \to ((A\to C)\times (B\times C))$

    6.5/ Et la réciproque de (6.4)?

    Et bien ça, tu vois ça te fait une nouvelle logique désopilante. Alors bien sûr, si tu n'utilises que $\to$, c'est la logique intuitionniste (et cette présentation te décrit sans le dire le principe de la CCH). Mais si tu utilises les autres signes, ça te fait une espèce de logique bizarre comme tout, à cause du $\cap$ et du $\cup$, mélangés avec le $\times$.
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  • Et petit exercice: si je n'avais pas ajouté "sans l'axiome du choix", et bien on obtiendrait la logique classique (en interprétant le "et" comme $\times$ et en oubliant le $\cap$)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Toujours à Martial, Amathoué et JL, voici une chtite théorie innocente MAIS passionnante si vous vous intéressez à ces trucs-là.

    J'appelle "Terre" un triplet $(E,\leq +,-)$ où $-;+$ sont associatives et commutatives allant de $E^2$ dans $E$, croissantes à droite à et gauche et où $\forall x,a,b: x+(a-b) \leq (x+a)-b$

    Et bien ça résume tout (je vous dirai pourquoi plus tard).

    Etant données deux expressions $a,b$ prouver que $a\leq b$ dans toute terre est NP-complet (c'est un bel exemple, car on n'a que des déplacements), y compris pour le jeu réduit à une seule lettre autorisée au total dans les 2 expressions.

    Vous pouvez vous exercer à ce jeu.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Toujours aux mêmes intervenants, pour la logique propositionnelle écrite avec $\to$ seulement (peu de perte), l'ensemble des théorèmes linéaires peut se décrire comme suit:

    1/ On part des $x\to x$ avec $x$ lettres (variables propo)

    2/ On n'a que trois droits:

    2.1/ Permuter des hypothèses
    2.2/ Passer de $((A\to B)\to C)\to D$ à $A\to ((B\to C)\to D)$
    2.3/ Produire $(A\to B)\to C$ dès lors qu'on a produit $A$ ainsi que $B\to C$

    3/ Ce faisant on obtient TOUS LES théorèmes linéaires et rien qu'eux.

    4/ Un théorème $P$ est affine quand il existe des $A_i$ de la forme $X\to (Y\to X)$ qui ajoutés en hypothèses de $P$ produisent une théorème linéaire

    5/ Un théorème $P$ est intuitionniste quand il existe des $A_i$ de la forme $(X\to (X\to Y))\to (X\to Y)$ qui ajoutés en hypothèses de $P$ produisent une théorème affine

    6/ Un théorème $P$ est classique quand il existe des $A_i$ de la forme $((X\to Y)\to X)\to X$ qui ajoutés en hypothèses de $P$ produisent une théorème intuitionniste

    Ce sont surtout les points 1-3 qui sont importants et significatifs et contiennent le "coeur" irréductible du raisonnement scientifique.
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