Axiome du choix

Bonjour à tous,

Je ne savais pas trop où placer ce sujet étant donnée la diversité des applications liées à l'axiome du choix.
En fait, j'aimerais savoir quelles sont les limites de l'axiome du choix, et pourquoi certaines personnes proposent des axiomes sans celui du choix. Avez-vous des exemples de cas où l'axiome du choix amène à des contradictions ? Ou encore des petites applications directes de celui-ci ? :) En fait je sais qu'il y a plusieurs formulations de l'axiome du choix, mais dans la plupart des cas je n'arrive pas à faire de lien entre celles-ci.

Merci !

Réponses

  • L'axiome du choix permet de justifier l'existence d'objets "non constructibles". Par exemple, dans un espace vectoriel de dimension finie, on peut construire une base. Dans un espace de dimension infinie, on ne peut pas systématiquement en construire une, ou en identifier une... dans l'espace des polynômes $\mathbb{R}[X]$, qui est entre gros guillemets de "dimension dénombrable", on peut identifier une base $1, X, X^2,...$ mais dans l'espace $\mathbb{R}^{\mathbb{R}}$ des fonctions quelconques de $\mathbb{R}$ dans $\mathbb{R}$, laisse tomber. Pour démontrer que cet espace admet une base, on utilise le lemme de Zorn, qui est équivalent à l'axiome du choix.

    Si tu es étudiant et que la BU de ta fac possède le L3 Algèbre de chez Pearson, ils montrent que l'axiome du choix, le lemme de Zorn et le principe de Zermelo sont tous équivalents.

    Une autre forme très intéressante de l'axiome du choix (à mon avis en tout cas) est : toute relation d'équivalence admet un système de représentants. Vu combien d'objets mathématiques sont obtenus en faisant un quotient, je pense qu'on voit clairement l'utilité de l'axiome du choix. D'ailleurs, on peut illustrer le lien entre les deux énoncés : prendre un représentant dans chaque classe, lorsque le nombre de classes d'équivalence d'une relation donnée est infini, ça oblige à "choisir" avec l'axiome du choix.

    Mais justement, comme je disais, ça fait exister des trucs qu'on ne peut pas faire exister de façon constructiviste : par exemple, on peut fabriquer ce machin-là. Jusqu'à sa construction, les matheux espéraient que toute partie de $\mathbb{R}$ serait mesurable, mais si on veut bénéficier de l'axiome du choix, il faut accepter que non.
  • Il y a le fameux paradoxe de Banach Tarski, il me semble, comme conséquence non intuitive de l'axiome du choix...
    Cordialement.
    Jean-Louis.
  • Si tu parviens à trouver une contradiction en te servant de l'axiome du choix, alors bravo tu as obtenu une contradiction dans les maths en général ! (théorème de Gödel)

    Plus précisément, Gödel a montré que si $\mathsf{ZF}$ (le système axiomatique de Zermelo-Frankel) est non contradictoire, alors on ne peut pas prouver la négation de l'axiome du choix à partir de $\mathsf{ZF}$ (et Cohen a montré que l'on ne pouvait pas montrer l'axiome du choix non plus). En conséquence, quand on fait des maths, il faut choisir (sans jeu de mot :-D ) si on travaille avec l'axiome du choix ou non.

    Certaines personnes préfèrent s'en passer autant que possible (qui peut le plus peut le moins), notamment pour des raisons de constructivité : il est souvent plus satisfaisant (surtout du point de vue algorithmique) d'avoir une construction explicite qu'un argument abstrait d'existence. Un autre argument contre l'axiome du choix est l'existence d'objets pathologiques qui en découle. Comme l'a dit Homo Topi, ça implique par exemple l'existence de parties non mesurables de $\mathbb R$, ou encore le paradoxe de Banach-Tarski (lien).

    Mais d'un autre côté, l'axiome du choix a des conséquences très puissantes dont il est difficile de se passer dans les maths modernes (Hahn-Banach, Krull, Zorn en général). On se restreint parfois à des variantes plus faibles de l'axiome du choix (axiome du choix dénombrable, axiome du choix dépendant), car on n'a rarement besoin de toute la généralité de l'axiome du choix, mais la non constructivité est toujours présente. Et quand on se met à creuser un peu les choses, on se rend compte qu'il y a d'autres principes premiers qui peuvent poser problème d'un point de vue logique (l'existence et la nature de l'ensemble $\mathbb N$ par exemple).
  • @Poirot "Et quand on se met à creuser un peu les choses, on se rend compte qu'il y a d'autres principes premiers qui peuvent poser problème d'un point de vue logique (l'existence et la nature de l'ensemble $\mathbb N$ par exemple). "

    Pourrais-tu stp en dire plus ou donner une référence ?
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • Difficile de détailler, d'autant que je ne suis pas expert. Tu peux regarder du côté de l'axiome de l'infini et des entiers non standards. Mais tu peux déjà te poser la question suivante : comment définir l'ensemble $\mathbb N$ à partir des axiomes suivant : extensionnalité, paire, union, parties,compréhension, remplacement ? Si on veut dire "bah c'est l'ensemble de tous les entiers", on est en train de dire $\mathbb N = \{n \in \mathbb N\}$, difficile de faire plus circulaire. :-D On résout ça à l'aide d'un axiome supplémentaire (axiome de l'infini), mais autant dire que ce n'est pas très satisfaisant comparé à la construction des autres ensembles de nombres (à partir de $\mathbb N$ !). Le principe de récurrence est, en un sens, inclus dans l'énoncé de l'axiome de l'infini, donc pareil, pas très satisfaisant.

    La lecture du récent Théorie des ensembles de Patrick Dehornoy est chaudement recommandée pour aborder ces choses fascinantes. J'ai probablement dit des bêtises et vais me faire tomber dessus par CC. :-D
  • Tu ne peux pas construire à la mano 0=card(que dalle), 1=S(0), 2=S(S(0)) etc ?
    Oui fascinant c'est le mot, en fait j'ai vu un peu ça en première année de Deug, mais pas grand chose après ; merci pour la référence, il faut que je m'y remette sérieusement là le prétexte d'attendre la retraite ne tient pas :-)
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • @xax : techniquement, c'est possible, mais ce n'est pas ça qui construit $\mathbb{N}$ ! Il y a une différence entre construire chaque entier naturel, et construire l'ensemble qui les contient tous (et rien d'autre).
  • @Poirot c'est plutôt correct ce que tu dis. Bon on peut ajouter que l'axiome de l'infini peut s'énoncer par "IN existe". En effet, "être un entier naturel" a une définition simple et leur collection peut ou pas être un ensemble. Dire que c'en est un est l'axiome de l'infini (même si on peut choper des versions équivalentes plus courtes)

    Attention aussi à ne pas identifier l'axiome du choix et la présence de non constructibilité pour la bonne raison que "tout est constructible IMPLIQUE l'axiome du choix" (et non pas le contredit).
    C'est un serpent de mer faux qui a un peu la vie dure ce préjugé.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • @Poirot oui ok ça me revient un peu on ne prend pas l'existence de l'ensemble vide parce que c'est trop pénible à gérer en logique d'où l'axiomatisation dont il est déduit. Bon au moins je sais par où (re)commencer.
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • Bonjour,
    Homo Topi a écrit:
    on peut fabriquer ce machin-là. Jusqu'à sa construction, les matheux espéraient que toute partie de $\mathbb{R}$ serait mesurable, mais si on veut bénéficier de l'axiome du choix, il faut accepter que non.
    Poirot a écrit:
    Comme l'a dit Homo Topi, ça implique par exemple l'existence de parties non mesurables de $\mathbb{R}$

    On a besoin de l'axiome du choix pour montrer que $\mathcal{B}(\mathbb{R})$ a le cardinal de $\mathbb{R}$ ? (Je ne connais pas du tout la preuve de ce fait.)
    Joyeux Noël (:D
  • Je parlais de parties non Lebesgue mesurables. Il n'y a pas besoin d'axiome du choix pour montrer que $\mathcal B(\mathbb R)$ est en bijection avec $\mathbb R$. Ça se montre par récurrence transfinie, en introduisant la "hiérarchie de Borel" : $$\mathcal B_0(\mathbb R) = \{]a, b[ \mid a, b \in \mathbb R\}$$ $$\text{Pour tout ordinal } \alpha < \omega_1, \mathcal B_{\alpha+1}(\mathbb R) = \{\text{Réunions et intersections dénombrables et complémentaires d'éléments de } \mathcal B_{\alpha}(\mathbb R)\}$$ $$\text{Pour tout ordinal limite } \beta < \omega_1, \mathcal B_{\beta}(\mathbb R) = \bigcup_{\alpha < \beta} \mathcal B_{\alpha}(\mathbb R).$$ On montre qu'à chaque étape, $\mathcal B_{\alpha}(\mathbb R)$ est équipotent à $\mathbb R$ et que $\mathcal B(\mathbb R) = \displaystyle \bigcup_{\alpha < \omega_1} \mathcal B_{\alpha}(\mathbb R)$.
  • @Cali, je te donneune surjection explicite.

    A toute suite d'entiers $u$ appliquer l'algorithme $A$ qui suit, en notant $u^+:n\mapsto u_{n+1}:$

    IF $u$ commence par $0$ THEN renvoyer $]\frac{u_1}{u_2}, \frac{u_3}{u_4}[$ ELSE
    IF $u$ commence par $1$ THEN renvoyer le complémentaire de $A(u^+)$ ELSE
    renvoyer la réunion des suites $A(w_n)$ quand $n$ parcourt $\N$, où $\forall p: w_n (p):= (u^+)_{(2^n(2p+1))}$


    qui te donne une fonction partielle envoyant surjectivement $\N^\N$ sur $B(\R)$.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • christophe c, tu as souvent cité cet exemple mais jamais prouvé qu'il marche (les appels récursifs infinis, bof bof ...).
    Ca n'est pas un algorithme puisque son image est non dénombrable.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Oui je détaillerai d'un PC si tu veux.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • d'un PC, pour foys (et tous les gens soucieux de "bonne fondation").

    1/ Tu as un jeu dont les positions sont les couples $(x,u) \in \R \times \Z ^ \N$.

    1.1/ l'un défend l'autre attaque.

    1.2/ La position $(x, (0,u_1,u_2,\dots))$ est finale et permet de dire qui gagne

    1.3/ La position $(x, (u_0=1,u_1,..))$ passe automatiquement à $u^+$ avec échange des rôles (défenseur devient attaquant)

    1.4/ La position $(x, u)$ avec $u_0\notin \{0;1\}$ demande au défenseur de choisir $n$ et on continue avec la position $(x, p\mapsto u^+ (2^n(2p+1)))$

    2/ Toute suite où une partie infinie est possible est déclarée ne pas avoir d'image par $A$.

    3/ Sinon, $A(u):=$ l'ensemble des $x$ tel que $(x,u)$ est une position gagnante pour le défenseur.

    Tu as alors que pour tout borélien $B$, il existe $u$ telle que $A(u)=B$

    Je te laisse gérer les éventuelles coquilles et les divisions par zéro :-D
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Pour info, en fait, contrairement à la complexité algorithmique, on a une échelle au comportement beaucoup plus simple avec les ensembles "peu complexes" de réels (on suppose ici travailler avec $\R\setminus \Q$ afin de disposer de nombreuses fonctions continues, rendues impossibles en environnement connexe):

    Pour tout ensemble analytique qui n'est pas borélien $X$, et tout borélien $Y$ il existe une continue $f$ telle que $Y=ImageReciproqueDePar(X,f)$

    Dans le contexte des partie de $\N$, ce n'est pas du tout aussi "dreamique": tu as des tas d'ensembles non récursifs, récursivement énumérables qui n'ont strictement rien d'universel. Avec $\R$ c'est bien plus simple: tout ce qui est strictement au dessus d'un échelon est universel pour cet échelon. Et en plus, c'est bien ordonné au complémentaire près, ie $(A,B)\mapsto A<B$ en termes de complexité est un pré-bon-ordre. (A condition de procéder à l'identification de complexité entre $A$ et $non(A)$ )

    Tous ces résultats en fait "simples", utilisent l'axiome du choix dépendant a priori, sauf à recenser précisément quand et pour lesquels ont peut s'en passer, mais je ne crois pas qu'il existe de fascicule publié exhaustif les signalant, il faut se taper à la main la question chaque fois.
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  • Tu peux googler "degrés de Wadge" pour en savoir plus, mais comme c'est limite recherche technique, j'imagine qu'il faudra bien se servir de google.

    J'explique pourquoi ça se passe ainsi pour les analytiques et les boréliens.

    Lea et Bob s'affrontent dans le jeu suivant, jouant des 0 et des 1:

    $$ x_1(Lea),y_1(Bob);x_2(Lea); \dots$$

    Lea gagne quand $x\in A\iff y\in B$

    Une stratégie pour Lea "réduit" $B$ à $A$. Donc si $B$ n'est pas borélien et $A$ est borélien, c'est Bob qui gagne ce qui réduit $A$ à $non(B)$.

    Evidemment, on a supposé la détermination de ce jeu, qui constitue en lui-même un (petit) grand cardinal :-D

    A noter que le même raisonnement, donne gratuitement (sans GC) que deux boréliens sont comparables en termes de complexité. L'argument de Tony Martin donne qu'en plus c'est bien fondé. Si des gens veulent cet argument, j'attendrai qu'ils le demandent.

    Ca confirme une espèce d'intuition logique (qu'on peut récupérer autrement) que les quantificateurs sont irréductibles, ie qu'une alternance de plus entraine un saut vers le haut de complexité.
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  • Euh attention. C'est pas parce qu'ilne faut pas "full axiome du choix" qu'il ne faut pas d'axiome du choix. Il y a des modèles de ZF où $\mathbb R$ est réunion dénombrable de parties dénombrables et donc il y a trop de boréliens (voir : par exemple)

    Donc il faut au moins une pincée d'axiome du choix pour prouver qu'il y a des non boréliens, en particulier pour prouver que $B(\mathbb R)$ est de même cardinal que $\mathbb R$. Dans la preuve de Poirot, ça apparaît à plusieurs endroits : premièrement, dire qu'on peut s'arrêter à $\omega_1$, dire que des surjections suffisent à avoir une inégalité de cardinal, et dire que $\omega_1\leq \mathbb R$.

    Je ne sais plus trop à quel point on peut minimiser AC dans cette preuve, j'avais été persuadé à un moment que l'AC dénombrable suffisait, mais quand j'y réfléchis vite fait il me manque un argument ou deux, donc je ne suis plus sûr (et flemme d'y réfléchir trop :-D )
    Mais donc cette preuve n'est certainement pas valable dans ZF (ni celle de Christophe d'ailleurs, si elle fournit une surjection $\mathbb R\to B(\mathbb R)$ puisque ça impliquerait, dans le modèle en question, une surjection $\mathbb R\to P(\mathbb R)$ )
  • Il faut peut-être une version plus ou moins affaiblie d'AC pour montrer que la fonction de christophe c est surjective.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Soit $u$ une fonction satisfaisant ces propriétés http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,1910442,1910698#msg-1910698 sur une partie convenable de $\N^{\N}$.
    Soit $(A_n)_{n \in \N}$ une suite d'éléments de $Im(u)$. Pourquoi $\bigcup_{n\in \N} A_n$ est dans $Im(u)$ ?
    On "prend" pour tout $n$, $x_n\in \N^{\N}$ tel que $u(x_n)=A_n$ et puis... oh wait.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Précisément il est USUEL de dire qu'on utilise l'axiome DU CHOIX DEPENDANT quand on déclare faire DE L'ANALYSE.

    L'axiome du choix dénombrable ne suffit pas. MAIS:

    la fonction que j'ai donnée reste bien une fonction "naturelle" permettant d'exhiber une partie de IR qui n'est pas dans son image directe par bête argument diagonal.

    Disons que si tu veux :-D Tu peux parler des boréliens nommables. ACD entraîne qu'ils sont tous nommables.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
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