Éviter le déterminant

Bon, j'hésite à poster dans http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,1910296,1910694#msg-1910694 que je veux maintenir sur l'âge proche de 10ans. Or là, j'aborde une problématique de niveau "théoriquement-classe-seconde".

J'aimerais me passer du déterminant et je pense que c'est tout à fait possible (et ce en vue de programmer un outil visuel pour enfants-ados), mais n'ai pas vraiment la dispo pour rechercher sur internet les ingrédients. Donc pardon de poster un véritable sujet classique et probablement marronnier académique.

1/ Comme bcp savent, l'irrationalité de $\sqrt{7}$ (je n'ai pas pris $2$, :-D ) et de tout plein d'autres choses sont dues au théorème suivant.
1.1/ Toutes les solutions rationnelles d'un polynôme unitaire à coefs entiers sont des nombres entiers.
qui est dû à Bézout (je ne parle pas en tant qu'auteur, mais en tant que phénomène) : si $p,q$ sont premiers entre eux alors $p^k, q$ aussi, et donc si : $$

\big(\frac{p}{q}\big)^9 + \dots + a_2\big(\frac{p}{q}\big)^2 + a_1\big(\frac{p}{q}\big)^1 + a_0 = 0

$$ alors $$

\big(\frac{p^9}{q}\big) + \dots + a_2p^2q^6 + a_1p^1q^7 + a_0q^8 = 0,

$$ donc $\frac{p}{q}\in \N$

2/ Mais le très classique problème si on veut demander en exo aux gens de prouver que $\sqrt[8]{77} + \sqrt[5]{43} \notin \Q$ est de trouver un polynôme UNITAIRE.

3/ De bribes de souvenirs et une habitude du déterminant et de la façon dont il "aide Nakayama" m'ont assez vite permis de reconstruire une preuve qu'il en existe, mais elle n'est absolument pas digeste (elle fournit un polynôme à coucher dehors). Je la signale en langage SMS :
3.1/ supposons $r,s$ racines de polynômes unitaires. Il est évident qu'on peut prendre un nombre fini de $r^is^j$ pour générer TOUT l'anneau $\Z[r,s]$, dont $k:=r+s$ fait partie (j'aurais pu écrire $k:=rs$, c'est un argument général).
3.2/ Notons $e_1,\ldots,e_n$ une famille génératrice de cet anneau.
3.3/ Il existe une matrice carrée $M$ telle que $$

\forall i,\ ke_i = m(i,1)e_1+\cdots + m(i,n)e_n.

$$ Ce qui entraîne, en notant $J$ la matrice identité, que $(M-kJ) \times Colonne(e) = 0$ et donc $\det(M-kJ)=0$, ce qui fournit un polynôme (le polynôme $x\mapsto \det(M-kJ)$) UNITAIRE annulant $k$.

4.1/ Remarque : je ne suis pas rassuré quant à la facilité de mon argument précédent, car il me donne trop l'impression, certes subjective, que je pourrais l'appliquer pour prouver que tout algébrique peut être annulé par au moins un poly unitaire (je n'ai pas la dispo pour tout vérifier en détail), donc déjà merci de me dire si vous y voyez un trou.

4.2/ Mais SURTOUT. L'usage du déterminant me gêne franchement ici pour envisager un producteur programmé automatiquement d'exercices avec corrections.

Merci par avance. Je vais mettre un lien dans "axiomes enfantins" pour lier les deux interrogations générales.
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Réponses

  • Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Une arme efficace pour ton problème n°2 est le résultant, mais comme tu ne veux pas de déterminant...

    Dans ton exemple, on obtient un polynôme unitaire de degré $40$ qui commence par $X^{40} - 344X^{35} - 385X^{32} + 51772 X^{30} - \dotsc$
  • De mon téléphone MERCI et que aie aie!!!!

    Dispose-t-on de preuve que c'est forcément compliqué ou est-ce ouvert. Par exemple le degré 40 est-il connu pour être le plus petit possible ?

    Et oui le résultant est un déterminant donc a priori ne me convient pas (je ne veux pas programmer le déterminant).
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  • @CC : le degré sur $\mathbb Q$ de $\alpha + \beta$, quand $\alpha$ et $\beta$ sont de degrés sur $\mathbb Q$ premiers entre eux, est égal au produit de leurs degrés (théorème d'Isaacs). Dans ton exemple, tu ne trouveras pas plus petit qu'un polynôme de degré $40$.
  • Merci: voilà donc un projet mort né et un déterminant inévitable. GRAND MERCI À VOUS 2.
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  • Je n'ai pas bien compris quelle est la question posée, mais :

    1) On dit que $a$ est un entier algébrique s'il existe un polynôme unitaire $P\in \Z[X]$ tel que $P(a)=0$.

    2) On montre facilement que $a$ est un entier algébrique si et seulement si $\Z[a]$ est un $\Z$-module finiment engendré.

    3) Soient $a,b$ deux entiers algébriques. Alors $\Z[a,b]$ (l'anneau des polynômes à coefficients entiers en $a$ et $b$) est un $\Z$-module finiment engendré.

    4) Donc $\Z[a,b]$ est un module noethérien (cf. corollaire 10.7 de https://webusers.imj-prg.fr/~patrick.polo/M1Galois/ATG06sem4-5.pdf)

    5) $\Z[a+b]$ est un sous-module de $\Z[a,b]$, donc il est finiment engendré.

    6) Donc $a+b$ est un entier algébrique.
  • @JLT : j'ai interprété la question comme suit : connaissant les polynômes minimaux de $\alpha $ et $\beta $ algébriques, peut on déterminer celui de $\alpha +\beta $ ?

    Cc confirmera ou infirmera si j'ai bien traduit sa pensée.
  • @NdT pas "minimaux" :-D je n'en demandais pas tant juste "des polynômes annulateurs".

    @JLT Oui je sais hélas ton point 6 utilise le déterminant. C'est la preuve que j'ai mentionnée et je ne crois pas que des raisonnements abstraits de noetherianite concrétiserait la chose vue la réponse de Poirot.
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  • Mais à JLT merci quand même car tu sembles confirmer que ma preuve ne comporte pas de trou majeur. Je la trouvais un peu expéditive.
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  • Je ne vois pas où j'utilise un déterminant. Si $\Z[x]$ est finiment engendré, soit $\{P_1(x),\ldots,P_k(x)\}$ une partie génératrice finie. Soit $n$ un entier strictement plus grand que le maximum des degrés des $P_i(x)$. Il existe $\lambda_i\in\Z$ tels que $x^n=\sum_{i=1}^k \lambda_i P_i(x)$, donc on a bien un polynôme annulateur unitaire.
  • @CC : "pas minimaux..." certes, mais à partir du moment où je dis "LE polynôme", il fallait ajouter ce qualificatif.
  • @NdT: merci

    @JLT: je doutais de ma preuve, mais alors là, vu la simplicité de ton argument, je doute encore plus de la tienne et pourtant il est évident!!!!! :-D

    Autrement, dit, et compte-tenu de ce qu'a dit Poirot, ce serait la finitude de l'engendrement qui ne serait pas évidente alors que je la considérais comme telle ??? :-S

    Bon, je vais y regarder de près, merci de cette "provocation" involontaire !!!
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  • Ah non, pardon, c'est moi qui ai lu trop vite, évidemment que ton 6 est évident. Tu es passé par l'implication :

    $T:=\Z[a,b]$ finiment engendré => Tous ses sous-modules le sont


    à coup de noethérianités peu programmables (enfin je n'ai pas envie de m'y coller :-D )

    J'ai "squizzé"*** cette nécessité à l'aide du déterminant en montrant directement que la fini-engendrabilité de $T$ entraîne que tous ses éléments annulent un polynôme unitaire à coefs dans $\Z$.

    [small]*** enfin pas moi, mais mes souvenirs vagues de Nakayam, Clairon, Claude Quitté, "déterminant trick"[/small]
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  • Ah OK je n'avais pas compris que tu voulais un algorithme pour trouver un polynôme annulateur unitaire explicite de $a+b$.
  • :-D pas seulement explicite mais même "facile matériellement à évoquer :-D

    Mais la remarque de Poirot et l'exemple de NdT ont tué dand l'oeuf cette idée. Merci pour avoir confirmé par une autre voie que tous les éléments de tel ou tel module sont entiers algébriques, je trouvais la magie du déterminant un peu cavalière initialement. Le déterminant montre une fois de plus sa puissance!!
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  • @JLT le déterminant montre quand même que si B est finiment engendré en tant que module sur un de ses sous anneaux A et qu'en plus il est intégre alors tous ses éléments sont entiers sur A.

    OR ici la noetherianite ne serait d' AUCUN SECOURS. Vu que À,B sont supposés quelconques.
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  • Suite à MP d'intervenants disant qu'ils avaient longtemps cherché dans la littérature sans trouver la preuve voulue (de mon point 1.1, très classique dans les études j'imagine), je poste une image que je viens de faire exprès en réponse, comme ça google pourra aussi l'afficher en image.94602
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  • C'est la même démonstration mais en général on présente le point 1.1 comme suit. Soit $n\in\N^*$. Soient $p$ et $q$ des entiers premiers entre eux. Soient $a_0,\ldots,a_{n-1}$. Supposons que $x=\frac{p}{q}$ une racine du polynôme $P(X)=X^n+\sum_{k=0}^{n-1}a_kX^k$. Alors
    $$0=q^nP(x)=p^n+\sum_{k=0}^{n-1}a_kp^kq^{n-k}.$$
    Or, $q$ divise $\sum_{k=0}^{n-1}a_kp^kq^{n-k}$, donc $q$ divise $p^n$. D'après le lemme de Gauss, $q$ divise $1$, donc $x\in\Z$.
  • L'argument que j'ai signalé ici http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,1681272,1912826#msg-1912826 montre SANS AUCUNE UTILISATION de Gauss Bézout ou autre à peu près la même chose, c’est un argument signalé par fdp dans un autre fil et peut-être découvert par lui, il ne le dit pas.

    Un nombre complexe de module < 1 ne peut pas avoir les termes de sa suite de puissances successives tous dans le Z-module dont les générateurs sont 1,r,...,r^836 avec r rationnel pour de bêtes raisons de convergence élémentaire.
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