Profondes $K[X_1,...,X_n]\to K[X_1,...,X_n]$

À la suite d'une remarque de GR http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,1681272,1941862#msg-1941862
qui provenait d'une militance http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,1681272,1941560#msg-1941560
dans un autre fil, il m'est venue une question que j'ai posée en http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,1008195,1942778#msg-1942778
et à laquelle, je remercie deux intervenants, Claude et Raoul, d'avoir proposé les pistes : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,1008195,1942928#msg-1942928
Or le sujet me semble assez pimenté, voir profond pour que j'ouvre un fil dédié.

Soit donc $K$ un corps et $P$ un élément de $K[X_1,\ldots,X_n]$ dans lui-même. Je pose $A:=\{1;\ldots;n\}$ pour les académiques peu habitués à ce que $n=\{0;\ldots;n-1\}$. Je pose aussi $B:=\{(i,j)\in A^2\mid i < j\}.$
Je note $\phi(P) := \sum_{s\in S(A)} \ (Signature(s) \times P(X_{s(1)},\ldots,X_{s(n)}))$.
Il existe un unique polynôme que je note $R:= \sigma(P)$ tel que $$

\phi(P) = R\times \prod_{(i,j) \in B} (X_i-X_j),

$$ et comme je préfère croire Raoul que vérifier en détail :-D, ce polynôme $R$ est symétrique, donc s'écrit comme un polynôme $\tau(P) (c_1,\ldots,c_n)$, où les $c_i$ sont les coefficients de $(Z-X_1)\cdots(Z-X_n)$ dans $K[X_1,\ldots,X_n][Z] $

Et bé, ça nous fait deux belles fonctions allant de $K[X_1,\ldots,X_n]$, en l'occurrence [large]$\sigma$ et $\tau$[/large].
J'aimerais bien savoir s'il y a des experts de ces fonctions. La fonction $\tau$ a quelque chose de "charmant".
Claude Quitté vient de poster des mots-clés dans l'autre fil. Projet : les taper dans google scholar. Mais bon, il y a aussi $\ldots$ les mathématiques point net :-D
Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi

Réponses

  • En particulier, ces fonctions sont-elles déjà implémentées dans les calculateurs formels usuels (Xcas, mapple, sage, etc) ? (Oui seulement si elles sont rapides à calculer, of course).
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Je raconte 2 ou 3 trucs sur cette histoire en m'aidant de l'image attachée. Tout d'abord, il n'y a pas de coefficients (pas besoin d'un corps à la base) car il suffit de traiter le cas d'un monôme $X^\alpha = X_1^{\alpha_1} \cdots X_n^{\alpha_n}$. Je note $a_\alpha$ la somme alternée comme dans l'image.

    Une première remarque : on peut supposer $\alpha = (\alpha_1 \ge \cdots \ge \alpha_n)$ décroissant grâce à la propriété ``skew-symmetric''. Et si $\alpha$ a deux termes égaux, alors $a_\alpha = 0$. Bref, on peut supposer $\alpha_1 > \cdots > \alpha_n$. De sorte que l'on a les inégalités au sens large
    $$
    \alpha_1 - (n-1) \ge \alpha_2 - (n-2) \ge \cdots \ge \alpha_{n-1} - 1 \ge \alpha_n - 0
    $$Si bien qu'en posant
    $$
    \lambda = (\alpha_1 - (n-1), \alpha_2 - (n-2), \cdots, \alpha_{n-1} - 1, \alpha_n) \qquad \delta = (n-1, n-2, \cdots, 1, 0) \qquad \text{on a} \qquad
    \alpha = \lambda + \delta
    $$On vient donc d'écrire $\alpha$ comme la somme d'une partition $\lambda$ (suite d'entiers $\ge 0$ décroissante au sens large disons nulle à partir d'un certain rang) et de la partition ``discriminantale'' fixe $\delta$. ``Discriminantale'' car $a_\delta$ est la racine carrée du discriminant. Et le quotient $a_\alpha / a_\delta$ est ultra-connu : c'est la fonction symétrique de Schur associée à la partition $\lambda$. Et la formule encadrée en rouge est celle de Jacobi-Trudi (sauf erreur de ma part) car $s_\lambda$ est définie autrement via les tableaux semi-standard (de Young) attachés à la partition $\lambda$.

    Là, je fais une petite illustration mais c'est surtout pour moi (pour ne pas perdre la main). Il faut savoir que l'on ne calcule pas avec les indéterminées $X_1, X_2, \cdots$ mais dans un autre monde qui s'appelle l'algèbre des polynômes symétriques (à une infinité d'indéterminées) de Schur par exemple. Je dis par exemple car il y a au moins deux autres mondes analogues. Que je note $S$ ci-dessous.

    Il y a une $\Z$-base de $S$ indexée par toutes les partitions. L'élément de base indexé par $\lambda$ représente un polynôme symétrique de degré $N$ si $\lambda$ est une partition de $N$ i.e. $\lambda_1 + \lambda_2 + \cdots = N$. Un polynôme symétrique à une infinité d'indéterminées $X_1, X_2, \cdots,$ que l'on ne voit jamais et pour cause. Par contre, on peut réaliser $X_i := 0$ pour $i \ge 33$ si on en a envie.
    [color=#000000]> Z := IntegerRing() ;                                  
    > S := SymmetricFunctionAlgebraSchur(Z) ;
    > S ;
    Symmetric Algebra over Integer Ring, Schur symmetric functions as basis
    > S.[6,4,4,2,1,0] ;
    S.[6,4,4,2,1]
    > 
    > S.[6,4,3] * S.[2,1,1] ;
    S.[6,4,3,2,1,1] + S.[6,4,4,1,1,1] + S.[6,4,4,2,1] + S.[6,5,3,1,1,1] + S.[6,5,3,2,1] + 2*S.[6,5,4,1,1] + 
    S.[6,5,4,2] + S.[6,5,5,1] + S.[6,6,3,1,1] + S.[6,6,4,1] + S.[7,4,3,1,1,1] + S.[7,4,3,2,1] + 2*S.[7,4,4,1,1] + 
    S.[7,4,4,2] + 2*S.[7,5,3,1,1] + S.[7,5,3,2] +  3*S.[7,5,4,1] + S.[7,5,5] + S.[7,6,3,1] + S.[7,6,4] + 
    S.[8,4,3,1,1] + S.[8,4,4,1] + S.[8,5,3,1] + S.[8,5,4]
    [/color]
    
    Je vais coiffer l'anneau $\Z[X_1,X_2,X_3]$ (par exemple) par $S$ au sens du morphisme $S \to \Z[X_1, X_2, X_3]$ qui réalise $X_i := 0$ pour $i > 3$. Rappel : une infinité dénombrable d'indéterminées cachées dans $S$. Il faut également connaître un résultat dit de stabilité entre $S$ et la collection de tous les anneaux de polynômes $\Z[X_1, \cdots, X_n]$, $n$ variable, mais je zappe.

    Et en même temps, je prépare la partition discriminantale fixe $\delta$ pour $n = 3$ et le processus $\alpha \mapsto a_\alpha$.
    [color=#000000]> n := 3 ;                                              
    > ZX<X1,X2,X3> := PolynomialRing(Z,n) ;
    > a := func < alpha | SignedSum(Monomial(ZX,alpha)) > ;
    > delta := [n-1 .. 0 by -1] ;
    > lambda := [3,2,1] ;
    > S.lambda ;
    S.[3,2,1]
    > ZX!S.lambda ;
    X1^3*X2^2*X3 + X1^3*X2*X3^2 + X1^2*X2^3*X3 + 2*X1^2*X2^2*X3^2 + X1^2*X2*X3^3 + X1*X2^3*X3^2 + X1*X2^2*X3^3
    [/color]
    
    Allons-y pour illustrer la formule de Jacobi-Trudi
    [color=#000000]> delta ;                                               
    [ 2 .. 0 by -1 ]
    > lambda ;
    [ 3, 2, 1 ]
    > lambda_delta := [lambda[j] + delta[j] : j in [1..n]] ;        
    > lambda_delta ;                                        
    [ 5, 3, 1 ]
    > N := a(lambda_delta) ;                                
    > N ;        
    X1^5*X2^3*X3 - X1^5*X2*X3^3 - X1^3*X2^5*X3 + X1^3*X2*X3^5 + X1*X2^5*X3^3 - X1*X2^3*X3^5
    > D := a(delta) ;
    > D ;
    X1^2*X2 - X1^2*X3 - X1*X2^2 + X1*X3^2 + X2^2*X3 - X2*X3^2
    > q := ExactQuotient(N,D) ;
    > q ;
    X1^3*X2^2*X3 + X1^3*X2*X3^2 + X1^2*X2^3*X3 + 2*X1^2*X2^2*X3^2 + X1^2*X2*X3^3 + X1*X2^3*X3^2 + X1*X2^2*X3^3
    > ZX!S.lambda eq q ;                                    
    true
    [/color]
    
    It's all (pour moi).96868
  • Merci Claude pour ces développements. J'ai aussi parcouru la page wikipédia. Une remarque triviale mais excitante que je me fais est que si le degré de P est bas / son nombre d'indeterminées alors son phi est nul. Et ça c'est déjà cool...
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Je ne comprends absolument pas en quoi c'est déjà cool ? Et de plus c'est évidemment compris dans ce que j'ai raconté (qui n'est pas de moi) via la partition $\delta = (n-1, \cdots, 1,0)$ et le degré $1 + 2 + \cdots + n-1 = \binom{n}{2}$ : en dessous de ce degré, les sommes alternées sont nulles.

    Par ailleurs, il s'agissait (à l'époque de Jacobi) de construire une $\Z$-base de l'anneau des polynômes symétriques en une infinité d'indéterminées. Impératif de partir au delà de $\delta$ pour éviter $0$.

    Note : je me suis trompé sur les noms (ce n'est pas la première fois). L'identité de Trudi-Jacobi ce n'est pas ce que j'ai dit : elle exprime $s_\lambda$ comme un déterminant en les fonctions symétriques complètes. Je relis MacDonald et c'est vachement difficile de s'y retrouver car les fonctions symétriques de Schur sont dues à Jacobi (1841), cf ses notes historiques. Et je crois comprendre que Schur les a utilisées pour étudier les représentations du groupe symétrique (après 1900).
  • @Claude par cool j'entendais "pas évident d'en trouver une preuve si tu me le disais à brûle-pourpoint il y a 4 jours par exemple.

    Et je n'ai pas trop saisi pourquoi ne jouer qu'avec des monômes n'enlève pas de richesse ?

    De mon téléphone.
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