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Théorème de Cayley depuis le lemme de Yoneda

Bonjour,

J'ai hésité à poster cette question dans la partie algèbre car la question sous-jacente est plutôt liée aux morphismes d'actions de groupe, mais c'est dans le contexte du lemme de Yoneda donc je pense que cette section est plus appropriée.

La page Wikipedia du lemme de Yoneda indique qu'il peut se voir comme une généralisation du théorème de Cayley. L'énoncé du théorème de Cayley, si je ne me trompe pas, stipule que tout groupe $G$ est isomorphe à un sous-groupe du groupe symétrique agissant sur $G$.
L'énoncé du lemme de Yoneda est que pour toute catégorie $\mathcal{C}$ et tout foncteur $F$ de $\mathcal{C}$ vers $Set$ et pour tout objet $X$ de $C$, on ait un isomorphisme entre $Nat(Hom(X, .), F(.))$ et $F(X)$.

En parcourant divers blogs démontrant que le théorème de Cayley se déduit du lemme de Yoneda, on commence par se placer dans la catégorie représentant un groupe $G$, c'est-à-dire une catégorie à un seul objet ($*$) et dont les morphismes sont les éléments de ce morphisme.
On affirme ensuite que tout foncteur de cette catégorie vers un ensemble est une action de groupe, ce qui me parait plausible (intuitivement les lois sur l'identité et la préservation de la composition par un foncteur ça correspond aux 2 lois d'action de groupe). Je précise que je découvre le concept d'action de groupe (et d'action tout court) donc ma question sera peut-être évidente.
La suite de la démonstration consiste donc à utiliser le Hom foncteur (je ne suis pas très sûr de la traduction de Hom en français) du groupe dans le lemme de Yoneda, ce qui donne $Nat(Hom(*, .), Hom(*, .)$ (a fortiori $Nat(Hom(*, *), Hom(*, *)$ parce qu'on a pas trop le choix) isomorphe à $Hom(*,*)$.
C'est là où je ne parviens pas à comprendre ce qui se passe, parce qu'apparemment cet isomorphisme suffit à terminer la preuve du théorème de Cayley. Si je vois bien "un groupe est isomorphe à" en lisant de droite à gauche, je ne vois pas la relation entre l'ensemble des transformations naturelles de 2 actions de $G$, et sous-groupe du groupe symétrique agissant sur $G$.

Merci pour vos éclairages,
Vincent

Réponses

  • Selon moi, c'est un peu plus subtil que ça.

    Soit $C$ une petite catégorie, alors le plongement de Yoneda te fournit un foncteur $C\to Fun(C^{op},\mathbf{Ens})$, $c\mapsto \hom(-,c)$.

    Une conséquence du lemme de Yoneda est que ce foncteur est pleinement fidèle, i.e. que l'application canonique $\hom(c,d)\to Nat(\hom(-,c), \hom(-,d))$ est une bijection.

    Prenons désormais le cas $C=BG$, où $BG$ est la catégorie qui a un unique objet $\bullet$, tel que $\hom_{BG}(\bullet,\bullet) = G$ (avec la composition ce qu'on veut).

    Alors $Fun(BG^{op},\mathbf{Ens})$ c'est la catégorie des $G$-actions à droite. Pourquoi ? Un foncteur c'est le choix de l'image de $\bullet$, donc un ensemble $X$, puis, pour chaque $g\in \hom(\bullet,\bullet) = G$, un automorphisme $\rho(g)$ de $X$. Comme c'est $BG^{op}$, c'est une action à droite: "foncteur" te dit quelque chose sur la composition, et ce quelque chose correspond exactement aux axiomes d'action.

    Du coup, le lemme de Yoneda te dit que tu as un plongement pleinement fidèle $BG\to G$-actions à droite: tu as un ensemble $X$ muni d'une $G$-action à droite telle que $\hom_G(X,X) \cong \hom_{BG}(\bullet, \bullet) = G$.

    Comme $\hom_G(X,X)$ se plonge dans $\hom(X,X)$, tu as donc un ensemble $X$ et une injection $G\to Aut(X)$ : c'est ce que te dit le théorème de Cayley, $G$ est un sous-groupe d'un groupe de permutations.

    En fait mieux: c'est le groupe des permutations qui respectent l'action à droite de $G$.

    Bref, ce n'est pas seulement l'énoncé d'isomorphisme qui compte selon moi, mais bien le fait que ça donne un plongement pleinement fidèle.
  • Merci pour la réponse !

    J'ai deux petites questions :
    - La formulation du lemme de Yoneda : j'ai l'habitude de lire que le foncteur de Yoneda est $Hom(C, -)$ plutôt que dans l'autre sens. Est-ce qu'il y a un "sens" standard où ça dépend des auteurs ?
    - Je suis perturbé par la notation $hom_G$, d'habitude le $G$ correspond à la catégorie dont sont issues les morphismes qu'on considère, mais ici $G$ est un groupe. Si je ne m'abuse ça serait plutôt $hom_{G-set}$, où G-set est la catégorie des G actions à droite.
  • - les deux existent et sont équivalentes, ça dépend surtout du contexte (est-ce que je m'intéresse à $\hom(C,-)$ ou à $\hom(-,C)$ tout bêtement)

    - oui, j'ai écrit $\hom_G$ comme raccourci; c'est un abus relativement standard
  • Un dernier point également : une action de groupe est toujours un automorphisme ?
    Je n'ai pas développé ça proprement sur papier mais j'ai l'impression que oui, c'est injectif parce que si on a $\phi_g(x) = \phi_g(y)$ alors $\phi_{g^{-1}}(\phi_g(x)) = x = \phi_{g^{-1}}(\phi_g(y)) = y$, et pour la surjectivité c'est un peu pareil, si on a un élément quelconque dans $X$ on a $\phi_{g^{-1}}(x)$ qui le génère par $\phi$.
    (J'imagine qu'il faut que l'ensemble soit "clos" par l'ensemble des actions de groupe qu'on puisse appliquer dessus non ?)
    Mais dans les quelques pages wikipedia/retour google ça n’apparaît nulle part, pourtant ça me parait être une "grosse" propriété, du coup ça me parait étrange que ça soit passé sous le tapis.
  • L'ensemble est "clos" sous ces actions par définition.

    Et oui, ce sont bien des automorphismes mais ce n'est pas mentionné ou bien parce que c'est dans la définition, ou bien parce que c'est considéré comme étant évident.

    Tu n'as d'ailleurs pas à traiter injectivité et surjectivité séparément : $\phi_{g^{-1}}$ est l'inverse de $\phi_g$, donc ce dernier est un automorphisme
  • Merci ! Un autre point que j'ai du mal à comprendre :

    Maxtimax écrivait : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,2085554,2085562#msg-2085562
    > Comme $\hom_G(X,X)$ se plonge dans $\hom(X,X)$, tu as donc un ensemble $X$ et une injection $G\to
    > Aut(X)$ : c'est ce que te dit le théorème de Cayley, $G$ est un sous-groupe d'un groupe de permutations.

    $\hom(X, X)$ c'est l'ensemble des fonctions quelconques de $X$ dans $X$, pourquoi c'est l'ensemble des permutations de $X$ ? J'imagine qu'il peut y avoir des fonctions non injectives/surjectives dans le lot.
  • C'est les fonctions quelconques mais un morphisme $G\to \hom(X,X)$ qui envoie le neutre sur $id_X$ arrive forcément dans $Aut(X)\subset \hom(X,X)$, pour la même raison que plus haut
  • Désolé j'ai encore quelques questions après avoir essayé de mettre les choses sur papier :
    • C'est probablement une lecture erronée de ma part, mais j'ai l'impression que tu dis que le lemme de Yoneda nous donne un ensemble X "arbitraire" mais compatible avec l'action du groupe G, mais de ma compréhension du lemme de Yoneda, celui-ci ne nous donne une information que sur les morphismes et non les objets. En particulier le plongement de Yoneda quand on l'applique à notre catégorie $C$ qui n'a qu'un seul objet, ne peut être envoyé que sur $Hom_C(\bullet, \bullet)$ (qui est donc $G$). Du coup $X$ est déjà connu quand on applique le lemme de Yoneda non ? En tout cas il n'est pas donné par une surjection du mapping $hom(a, b)\to hom(F(a), F(B))$ ?
    • L'injection de $G$ dans les $G$ actions nous indique que $G$ est isomorphe à un sous-groupe du groupe symétrique de $X$. Est-ce qu'il existe des éléments du groupe symétrique qui ne peuvent pas être représenté par une action à droite ? Ou bien est-ce qu'il existe des actions à droites qui ne peuvent pas être représentées par un foncteur (ce qui me surprendrait, un foncteur d'un groupe vers Set est une action de groupe comme tu l'as démontré mais la réciproque me semble également vraie ?)
  • "nous donne une information que sur les morphismes et pas les objets" : non, le plongement de Yoneda $C\to Fun(C^{op},\mathbf{Ens})$ envoie $c$ sur $\hom(-,c)$, on sait précisément de quel objet il s'agit.

    Et je n'ai pas dit que le $X$ était arbitraire : en examinant le plongement de Yoneda et la preuve que $Fun(BG^{op},\mathbf{Ens}) \cong G-\mathbf{Ens}$, on voit que $\bullet$ est envoyé sur $G$ avec l'action par translation à droite : il est complètement connu. Mais on n'a pas besoin de le connaître pour faire la suite de l'explication, c'est pour ça que je ne l'ai pas précisé (et je me suis dit que ce serait intéressant pour toi de le work out ;-) )
    Je ne comprends pas la dernière question du premier point. Si tu notes $F$ le plongement de Yoneda, alors $f\mapsto F(f)$ est un bijection $\hom(a,b)\to \hom(F(a), F(b))$ : c'est ça que veut dire "pleinement fidèle".

    Pour le deuxième point, attention aux mots que tu utilises : "l'injection de $G$ dans les $G$-actions" n'a pas vraiment de sens.
    Toute action à droite est représentée par un foncteur $BG^{op}\to \mathbf{Ens}$, c'est pour ça que j'ai dit "$Fun(BG^{op},\mathbf{Ens})$ c'est la catégorie des $G$-actions à droite". Si tu n'es pas convaincu : prouve-le !

    Par contre "est-ce qu'il existe des éléments du groupe symétrique qui ne peuvent pas être représentés par des actions à droite ?" : le groupe symétrique de qui ? de $G$ ? d'un $X$ quelconque ?
    Il n'y a jamais de surjection $G\to \mathfrak SG$ si c'est ta question, sauf lorsque $|G|=1,2$.
  • Merci pour les précisions, je pense qu'on est d'accord pour les histoires de $X$, je pensais que le nom avait introduit parce qu'on ne connaissait pas l'objet au préalable.

    Je parlais du groupe symétrique de G sur lui-même.
    Concernant le résultat de l'absence de surjection de $G$ sur son groupe symétrique, comment est-ce qu'on obtient le résultat (est-ce qu'il y a un théorème derrière ?) ? J'imagine que c'est un résultat qui se démontre en algèbre et non en catégorie des théories...
  • PelucheCanard a écrit:
    catégorie des théories

    Tu es anglophone à la base PelucheCanard ?

    Pour le résultat dont parle Max, il suffit de remarquer que $|\mathfrak S_n| = n! > n$ dès que $n \geq 3$.
  • Ouuuups désolé :-D
    Toutes les ressources sur la théorie des catégories (je vais bien l'écrire cette fois) sont en anglais et du coup mon cerveau a tendance à avoir du mal à switcher.

    Merci pour l'astuce sur la cardinalité, effectivement c'est évident.
  • (d'ailleurs pour l'action de $G$ sur lui-même il y a encore plus simple: chaque $x\mapsto xg$ est sans point fixe, sauf si c'est l'identité. Dès que $|G|\geq 3$, il y a bien évidemment des permutations de $G$ qui ont des points fixes sans être l'identité.
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