Eloge du finitisme

Bonjour,
J'ai vraiment un compte personnel à régler avec l'infini. A mon avis (que je partage), l'infini n'existe pas car nous ne pouvons pas nous représenter une quantité ou quoique ce soit d'infini (Qui osera dire qu'il (elle) se représente l'ensemble infini des entiers, ou l'infinité de la durée (éternité...), ou de l'univers,...).
Dans ZF (cf. Krivine), un ordinal est fini si tout ordinal plus petit ou égal, différent de l'ensemble vide, a un prédécesseur.On pose donc comme axiome "il existe un ordinal infini" (ou "il existe un ordinal limite"). Quelles mathématiques peut-on construire si l'on n'admet pas cet axiome ?
Merci pour ceux qui auront un moment à perdre pour éclairer ma lanterne.
Cordialement.
Jean-Louis.

Réponses

  • L’école intuitionniste (Brouwer et compagnie au début du XXe siècle) fait des mathématiques sans infini, sous quelque forme que ce soit.
    Chose amusante : leur théorie a moins d’axiomes que les théories acceptant l’infini, elles les contiennent donc.
    Quant à régler un compte à l’infini, il me semble avoir vu passer des preuves concernant des nombres entiers utilisant l’infini des ordinaux, sans trop pouvoir faire sans.
    Algebraic symbols are used when you do not know what you are talking about.
            -- Schnoebelen, Philippe
  • Il y a deux choses differentes : soit ne pas considerer l'axiome de l'infini, soit prendre comme axiome son contraire. J'ignore si cette derniere theorie est fructueuse, toutefois je sais que dans ce cadre, l'axiome du choix est vrai.

    Par contre, il se paut qu'alors certains resultats concernant les nombres entiers deviennent indecidables (par exemple le comportement des suites de Goodstein).
  • Bonjour Jean-Louis
    L'infini en mathématiques est à mon avis, un simple abus de langage très pratique.
    Quand on écrit que $f(x)$ tend vers $+\infty$ quand x se rapproche de$a$
    celà signifie que $f(x)$ peut dépasser toute valeur $A>0$ donnée à l'avance.
    Si l'on écrit $f(a)=+\infty$ c'est un abus que tout le monde comprend.
    Si tu étudie les nombres transfinis seule la beauté logique de leurs relations
    retiendra ton attention de matheux car les maths théoriques ne donnent aucune définitions intrinsèques des objets quelles traitent.
    cordialement.

    [activation du \LaTeX. Bruno]
  • Bonjour,

    J'ai vraiment un compte personnel à régler avec l'infini.

    Remplacer l'axiome de l'infini par sa négation ne résout pas le problème, car alors ce n'est plus l'ensemble des entiers qui est infini, mais la collection des entiers qui l'est, et à fortiori la collection de tous les objets que l'on considère, le modèle (ou univers) de la théorie des ensembles que l'on choisit. A mon sens, une bonne façon de calmer ses angoisses métaphysique et de retrouver le sommeil, c'est de se dire que les mathématiques ne sont pas un discours sur des objets dont on se demande sans arrêt s'ils existent ou non, et si oui, où, mais le summum de la pensée hypothético-déductive : Si il existe des objets possédant telles et telles propriétés, alors ils possèdent telles et telles autres. C'était la position de Russell dans son "Principles of mathematics". Et de fait, toute démonstration étant de longueur finie, elle ne fait intervenir qu'un nombre fini d'axiomes. On peut donc réécrire tout théorème de mathématiques sous la forme
    (A1 & A2 & ... An) => T,
    pure tautologie.
  • Bonjour,
    Je suis bien sûr d'accord avec vous tous, mais il n'empêche que quand on a posé comme axiome "il existe un ordinal limite" c'est plus une position philosophique que mathématique que l'on fait.Bien sûr je reconnais que c'est commode en particulier en analyse...mais bon , dans une heure c'est le grand match et je ne vais pas louper ça.
    Cordialement.
    Jean-Louis.
  • Non, cela fait longtemps que la question de l’infini en acte est close, cela fait longtemps qu’elle n’est plus une question philosophique mais qu’elle est à la place une question axiomatique.
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            -- Schnoebelen, Philippe
  • Bonjour à tous.

    J'arrive comme un chien dans un jeu de quilles, mais qui peut m'expliquer le plus clairement possible le paradoxe dit "d'Achille et de la tortue", de Zénon d'Elée ?

    Enoncé du paradoxe sur wikipedia

    Sincèrement vôtre.
  • En fait, si on refuse l’infini en acte (qui existe vraiment en mathématiques), alors on doit refuser le mouvement (et le calcul infinitésimal). C’est un point de vue moderne.
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            -- Schnoebelen, Philippe
  • nicolas.patrois >

    Mais pas du tout. L'infini pollue tout en mathématiques. Et le seul mathématicien qui se soit vraiment frotté à l'infini, Georg Cantor, est tombé malade. Il faut reconnaitre l'infini pour ce qu'il est, une volonté de puissance.
  • "l'infini pollue tout en mathématiques" : je ne comprends pas le sens de cette phrase.

    "Et le seul mathématicien qui se soit vraiment frotté à l'infini, Georg Cantor, est tombé malade" : à ma connaissance, il n'y a aucun rapport entre ces deux faits, c'est un rapprochement sournois.

    "Il faut reconnaitre l'infini pour ce qu'il est, une volonté de puissance" : à ce moment là, tout est volonté de puissance : les maths, le jogging, le camembert, etc..

    Qu'est-ce que c'est que tout ce délire ?
  • le camembert ? :)

    D'après les éléments biographiques que je possède ("Eléments d'histoire des maths", Bourbaki, "The search for mathematical roots", Grattan-Guinness, "Encyclopédie Universalis"), c'est semble-t-il l'opposition constante à ses idées de ses collègue, ses efforts infructueux pour démontrer l'hypothèse du continu, autant que des conflits avec le Kultusministerium et la mort subite de son plus jeune fils qui ont déclenché une crise majeure à l'automne 1899 et une longue maladie nerveuse.
  • Aleg, ça vous ennuie tant que çela que l'infini ne soit pas une notion assurée mais discutable ? mais il y a de nombreuses choses obscures dans la Science et dans les mathématiques. Listons quelques points:

    1)la notion d'infini, qui, de plus est omniprésente en Analyse
    2)le fait que l'on ne puisse pas définir les entiers naturels sans faire appel..aux entiers naturels
    3) l'intelligence des machines

    Concernant l'infini, la première fois que l'on nous en parle, ça se passe à l'école primaire,les élèves sont petits , la maitresse trace un segment de droite sur le cahier et énonce "la droite du plan est infinie". On voit qu'il s'agit d'un acte de foi.

    cordialement,
  • On t’a déjà dit qu’en mathématiques il n’y a pas d’acte de foi à ce niveau, il s’agit d’un axiome. Point final.
    Je ne comprends pas le point 2. Je ne vois pas le rapport entre le point 3 et la question.
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  • Bonjour tous le monde,
    pour notre cher mathelot en ce qui concerne le point 2) je ne peux que te conseiller d'aller voir du côté de la théorie des ensembles et là tu apprendra deux ou trois petit truc pas banal sur la construction des entiers naturels!
    Quant à l'nfini j'ai eu un problème avec lui jusqu'à ce qu'un prof génial me fasse cette remarque:
    soit un monde circulaire en deux dimensions supossons que ces habitants en se rapprochant du bord du dit cercle rétrécissent du double de la distance qui les séparent du bord! Atteindront ils le bord du cercle?
    Je sais que c'est pas top comme représentation mais moi ca m'as paru tout de suite plus clair!
    Plus tard avec le temps je me suis rendu compte que ca se rapprocher du paradoxe du livre et de la tortue je crois.
    Bonne journée à tous!
  • nicolas.patrois Écrivait:
    > Je ne comprends pas le point 2.

    dommage.
  • mathelot a écrit:
    dommage.

    Cela veut dire qu’il faut que tu expliques.
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            -- Schnoebelen, Philippe
  • nicolas.patrois Écrivait:
    > Cela veut dire qu’il faut que tu expliques.

    Bon, je serai ravi de discuter de quelques points que je trouve obscur en Sciences et en maths:

    1) la construction des entiers naturels:
    - celle de Péano: personnellement, à ce que j'en ai compris, si $\sigma$ est la fonction de succession, l'entier $n$ est défini par:
    $n=\sigma^{(n)}(0)$
    on se mord la queue
    - celle de Bourbaki: dans Bourbaki, ils construissent grosso modo les entiers
    en empilant des accolades autour de l'ensemble vide. Là, l'astuce, c'est que les accolades sont du méta-texte, et que finalement, c'est la secrétaire qui tape le manuscrit,qui...compte les accolades
    - chez Conway,dans surreals numbers, Conway construit les nombres du 1er jour, puis les nombres du second jour,etc.. je suis trop faible en logique, et je sais que Conway est un grand mathématicien, pour évaluer si sa numérotation des jours fait appel aux entiers naturels qu'il souhaite construire.

    2) l'infini:
    on sait que certains des plus grands mathématiciens, Poincaré notamment, récusait
    la notion d'infini actuel

    3) l'intelligence des machines:
    tout le monde sait que les machines ne sont pas intelligentes, en effet, elles ont été programmées et sont donc incapables d'effectuer des tâches hors programme
    Mais ne sommes nous pas, avec nos neurones en lieu et place de cable électrique,
    nous même des machines ? Notre programmation, c'est le code génétique, mais il y a de nombreuses séquences d'acides aminés, qui sont inutilisées, présentes comme une pour une utilisation future.

    cordialement,
  • Bonjour,
    Mathelot, comme dit Nicolas, on construit l'ensemble des entiers naturels de façon axiomatique dans le cadre de la théorie des ensembles, parce qu'on (les mathématiciens) ont éprouvé le besoin de clarifier les bases des mathématiques qu'ils utilisaient.Regarde en géométrie élémentaire le nombre d'axiomes que tu utilises sans te poser de question.
    Pour l'intelligence artificielle, il y a un grand débat entre les tenants de l'I.A. forte qui croient en la possibilité d'un programme "intelligent" (mais c'est quoi l'intelligence???)
    Quant à Conway,de toutes façons il ne part pas de rien, puisqu'il fait de l'induction transfinie si je ne m'abuse.(sa définition du nombre part du fait qu'on a déjà une paire de nombres et bien sur , il va lui aussi partir de l'ensemble vide.
    Cordialement.
    Jean-Louis.
  • Petit problème purement épistémologique, qu'est-ce qu'une paire, si l'on ne sait pas compter ?
  • Pour rendre mon propos moins provocateur et moins borné, il est quand même vrai qu’on aime bien que de temps en temps les résultats mathématiques suivent un peu notre intuition et aient quelques applications qui fonctionnent. Mais il ne faut pas croire que son intuition fait les mathématiques, c’est le travers dans lequel tombent beaucoup de farfelus.
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  • L'intuition propose les théorèmes, le formalisme les démontre.
  • mathelot Écrivait:
    > 1) la construction des entiers naturels :
    > - celle de Péano : personnellement, à ce que j'en ai compris, si $\sigma$ est la fonction de succession, l'entier $n$ est défini par :
    > $n=\sigma^{(n)}(0)$. on se mord la queue.

    Certes $n=\sigma^{(n)}(0)$ est un raccourci saisissant permettant de faire le lien entre la notion "intuitive" des entiers et la définition axiomatique de Peano, mais {\bf ceci n'est pas} la définition des entiers (la preuve c'est que cette définition ne permet pas d'obtenir les entiers non standards).
  • Je n'ai pas tout lu, mais à l'adresse de Jean Louis, n'aie pas la dent si dure contre l'infini:

    1) Ce n'est qu'un axiome dans les maths. Pourquoi "s'élever" contre un axiome?

    2) Comme axiome il est "cru" conservatif par tous les experts ensemblistes dans le sens suivant: si ZFC prouve un énoncé arithmétique à l'aide de l'axiome de l'infini alors cet énoncé est vrai.

    En rappelant qu'un énoncé arithmétique n'est rien d'autre qu'un "jeu" dans lequel les 2 joueurs jouent alternativement des ENTIERS, pendant un temps fini et fixé par le jeu et dont l'issue (une fois les entiers joués) s'arbitre polynomialement (il faut juste dire si 2 expressions contenant des entiers, des + des * sont égales).

    3) Les mathématiques appliquées ne sortent pratiquement jamais, in fine, des énoncés arithmétiques.

    4) La correspondance de Curry Howard et les travaux de JLKrivine annoncent qu'une preuve (dont la conclusion est un énoncé "appliqué", même utilisant toutes les ressources de ZFC, se transforme canoniquement en un programme qui "garantit" la vérité de l'énoncé, ie donne une stratégie "robotique" pour gagner dans le jeu correspondant.

    5) Même l'axiome du choix (autrement plus polémique que l'infini) correspond à une machinerie assez simple en termes de "garantie" que l'énoncé prouvé est vrai: il consiste à utiliser d'une certaine manière une petite horloge: une preuve qui utilise l'axiome du choix se transforme en un programme (dans la correspondance de Curry Howard) tel que chaque fois qu'est appelée la procédure correspondant à l'axiome du choix, l'horloge du système est sollicitée pour "dater" des données (je simplifie).

    Il y a une interface entre la vérité métaphysique qu'on peut attacher aux axiomes et leur offensivité réelle qui est qu'on ne s'en sert que dans des preuves (ce qui est à la fois différent et beaucoup plus restrictif que "la vérité"). Autre exemple: l'analyse non standard qui elle, est carrément prouvablement conservative (au dessus de ZFC) (ce qui n'est pas le cas de ZFC au dessus de la vie courante, ie, ce n'est qu'une "croyance" que ce qu'on prouve dans ZFC qui est testable est "vérifiable" dans la vie réelle).
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Pour alimenter la réflexion mathématique et (ou) philosophique, une citation

    "Pascal et Leibniz sont en effet allés de l'application d'une réflexion sur un art de penser, inspiré par leurs travaux mathématiques, à une réflexion globale (métaphysique, morale, anthropologique voire cosmologique selon les différents commentateurs) sur l'infini ; l'un et l'autre chercheront aussi une articulation entre la Foi, domaine de l'infini absolu que serait Dieu, et la Raison, considérant (chacun à leur manière) la visée apologétique comme la finalité ultime de l'ensemble de leurs réflexions voire de leurs vies. Mais même si Pascal et Leibniz se situent dans une continuité scientifique, ils en dériveront des conceptions métaphysiques et théologiques à la fois proches mais souvent en radicale opposition.

    Au cours de tout ce cheminement, la réflexion sur les infinis apparaîtra donc au cœur : centrale pour Leibniz et Pascal, elle soulève en effet des problématiques importantes pour l'histoire de la philosophie et des idées, ainsi que pour les fondements de notre connaissance.

    Il y a tout d'abord un " infini mathématique ", dont les enjeux sont essentiels. Avant les travaux de Pascal et Leibniz, l'infini est en effet source de " paradoxes " et de " mystères " pour un esprit humain conçu comme radicalement fini. Réputé résister à la connaissance , et attribut d'un " Dieu caché " (Deus Absconditus), il est objet de vénération ou d'admiration, quand il n'est pas plus concrètement source de " disputes ". En revanche, avec le calcul infinitésimal mis au point par Pascal et Leibniz est affirmée la possibilité (au moins partielle), contre Descartes notamment, pour un entendement fini, de connaître quelque chose de l'infini rationnellement, de poser des rapports entre " quantités inassignables ". De la même façon, les probabilités inventées par Pascal permettent de développer des savoirs rigoureux sur des phénomènes trop complexes à appréhender dans le détail ou imperméables à la mesure (comme les jeux de hasard ou aujourd'hui la physique quantique) : de l'infini est d'une certaine façon " enveloppé " dans les questions de probabilité. Il s'agit donc d'examiner comment le concept d'infini s'insère dans le champ mathématique, met un terme à certains paradoxes et implique une réforme dans ses méthodes et fondements. Déjà les conceptions de Pascal et Leibniz ne se confondent pas : Pascal introduit des concepts audacieux comme le " nombre infini ", témoignant de conceptions de la vérité, de la connaissance et de la finitude humaine singulièrement différentes de celles de Leibniz, qui refuse l'infini catégorématique, discret et actuel.

    Mais cette réflexion déborde le cadre des mathématiques. La réforme des méthodes mathématiques affecte en effet la logique, la physique et la métaphysique, qui comprennent aussi des notions enveloppant " en quelque façon " la notion d'infini. De plus, mathématiques et méthodes ont parties liées : Pascal et Leibniz s'inscrivent dans un mouvement plus général, annonçant les Lumières, où l'on s'efforce de raisonner dans tous les domaines " à la manière des géomètres " en s'appuyant sur des démonstrations, des axiomes, des définitions et des principes logiques de raisonnement. Ainsi, de même qu'on a pu délivrer la raison de certains " labyrinthes, paradoxes ou mystères " mathématiques liés à l'infini peut-on espérer résorber en d'autres matières les impénétrables mystères, les éléments réputés " irrationnels ", voir des absolus (problème de la liberté humaine, de l'union de l'âme et de Dieu). Il s'agira donc d'examiner comment des " conclusions " qui mettent d'une certaine façon l'infini à la portée de la raison vont mettre en cause les champs physique (la nature et la matière), psychologique (l'âme), métaphysique (la substance et le monde) et enfin théologique (Dieu).

    En quoi l'introduction de l'entité " infini " en mathématiques est-elle " principe de réforme " ? En quoi entraîne-t-elle une redéfinition de la question des limites à la connaissance et, en particulier du pouvoir de la raison ? Y a-t-il plusieurs ordres d'infinis dont certains continueraient à nous échapper ? Demeure-t-il de l'infini irrationnel en droit ?"

    fin de citation
  • A lire dans la même veine sur Pascal, Leibniz:
    http://www.maa.org/reviews/GoodLife.html
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