La signature peut aussi varier avec le temps et les circonstances. Plus bas, une petite trentaine d'années plus tard, sur un registre d'état-civil, à l'occasion du mariage d'une de ses filles. Il y a cette fois le Poterin (mais toujours pas de capitale à du Motel)...
@Olivier
Le D majuscule dans les manuscrits de Galois n'est pas un grand problème pour moi. Galois pourrait avoir sa propre logique d’écriture quand il copiait la lettre. Mais remarquons qu’il y a une telle différence entre les deux d minuscules dans les signatures de Stéphanie ! Oui les signatures peuvent varier ...
Nous avions donc laissé la Société des amis du peuple en mars 1831 à l’arrivée de Raspail, qui en devient rapidement président, alors qu’elle avait décidé de pallier la publicité de ses séances par des publications.
Galois a aussi sûrement fait partie de la Société. Il le signale lui-même en note d'une préface célèbre : « L'auteur est républicain ; il est membre de la Société des amis du peuple ».
Un seul témoignage sous-entend que Galois aurait pu quitter la Société des amis du peuple avant sa mort. Celui déjà cité plus haut par ce cousin qui, alors enfant, l’aurait croisé quelques jours avant le duel. Galois aurait déclaré à cette occasion « qu'il reconnaissait l'impuissance de ses efforts dans la vie politique et qu'il était résolu à se consacrer désormais exclusivement à la science ».
Mais tout le reste indique qu’il militait encore, à commencer par la lettre à tous les républicains écrite à la veille du duel : « Je prie les patriotes, mes amis, de ne pas me reprocher de mourir autrement que pour le pays. »
Le témoignage le plus spécifique est à ma connaissance celui de Rittiez, membre de longue date de la Société et historien d’icelle, qui qualifie le duel de « rencontre entre deux membres de la Société des amis du peuple ».
La préface dans laquelle Galois indique faire partie de la Société des amis du peuple est datée de décembre 1831 à Sainte Pélagie. Sauf à supposer qu’il ait adhéré en prison, son entrée dans la Société remonte donc au plus tard au 14 juillet 1831, jour de son arrestation.
Juste après avoir mentionné sa qualité de membre, Galois fait allusion à son toast régicide des Vendanges de Bourgogne, le 9 mai 1831. C’est ce que je vous mets en image, dans la transcription de Neumann. La gradation dans la formulation laisse penser qu’il faisait partie de la Société à ce moment-là. Il reste tout de même une petite place au doute...
Plus en amont et plus globalement, Galois est déjà révolutionnaire en juillet 1830, avant même la fondation de la Société, car nous savons par un camarade qu’il a tenté de faire le mur de l’École préparatoire durant les Trois Glorieuses. Mais il ne fait pas partie de la « députation » de vingt membres, signataire de la lettre plus ou moins fondatrice de la Société du 6 août 1830.
Lors de son procès pour l’affaire des Vendanges de Bourgogne, le 15 juin 1831, Galois affirme être « un de ceux qui depuis huit mois ont parcouru plusieurs fois les rues en armes ». Il milite donc ardemment depuis en gros le 15 octobre 1830.
Même si en mon for intérieur je pense qu’il a intégré la Société au dernier trimestre 1830, avec ses camarades artilleurs de la garde nationale, à peu près à l’époque de son renvoi de l’École préparatoire le 9 décembre 1830, je ne sais détecter formellement sa présence qu’un peu avant le 14 juillet 1831. Dans un contexte que je n’ai d’ailleurs vu relever par personne, et qui nous ramène précisément à l’histoire de la Société où nous l’avions laissée...
Dans les papiers de Raspail encore, une copie d’un prospectus de 1833 sur un grand ouvrage collectif à paraître, le Paris révolutionnaire (à l'occasion déjà cité dans ce fil). Parmi maints auteurs de la Société des amis du peuple, comme Cavaignac, Duchâtelet, Flocon ou Flottard, apparaît le nom Gallois. Une publication posthume non encore répertoriée jusque-là ?
Ce « Gallois » du message précédent est probablement une erreur du copiste pour « Guillois », nom qui apparaît dans la version du prospectus publiée par divers journaux, dont la Glaneuse du 30 juin 1833 : http://collections.bm-lyon.fr/BML_01PER0030218476/ISSUE_PDF (voyez l'image jointe).
À moins que le copiste ne corrige le texte envoyé aux journaux ?
Le plus simple, me direz-vous, c’est encore d’aller voir dans le Paris révolutionnaire lequel des deux auteurs s'y trouve : Galois ou Guillois…
Et c'est là que ça se complique... Cette publication paraît avoir subi divers aléas éditoriaux imprévus, et je n'y trouve ni l'un ni l'autre !
Dégotter une collection complète de ce Paris révolutionnaire est tâche moins aisée qu’il y paraît. Un examen attentif révèle qu’il manque des contributions aux tomes II, III et IV de celle qui vient immédiatement sous la souris : https://books.google.fr/books?id=6hdHAQAAMAAJ.
Alors que le prospectus annonçait 6 à 8 volumes, seuls 4 ont paru, en 1833-1834 chez Guillaumin, réédités en 1838 chez Pagnerre, dont une sélection a été extraite pour une troisième édition en 1848, de nouveau chez Guillaumin.
La plupart des auteurs annoncés dans le prospectus ou sur la couverture du tome I n‘y apparaissent pas, à commencer par Alexandre Dumas, Blanqui ou Guillois/Galois.
Même si tous les auteurs ne sont pas de la Société des amis du peuple, dissoute quelques mois plus tôt, cette publication en est clairement une émanation : Cavaignac est le rédacteur en chef, Raspail y écrit sur Sainte Pélagie, Trélat sur Achille Roche...
Ma contribution préférée est celle de Louis Desnoyer, « Paris révolutionné », un petit bijou de science-fiction. Le narrateur se voit soudain projeté quelques années dans le futur, après l’avènement de la république. Le Louvre appartient alors au peuple qui peut y venir contempler ses trésors, la presse est libre, l’Allemagne comme la majeure partie de l’Europe est elle aussi républicaine ; il y a du travail pour tout le monde, « car le premier droit de l’homme, c’est le droit de vivre », donc presque plus de voleurs, et la Gazette des tribunaux, jadis quotidienne, est désormais mensuelle ; des « espèces de navires aériens » font Paris New-York en moins de deux jours, bientôt le tour du monde en moins de 19 jours… Tout cela avant Jules Verne, naturellement... https://books.google.fr/books?id=MbJWAAAAMAAJ&pg=PA41
Et tant que je suis dans les papiers de Raspail, voici un document très rare, qu’en fait je ne sais trouver nulle part ailleurs : une convocation à une réunion de la Société des amis du peuple. Datée du 7 novembre 1831, elle ne concerne pas directement Galois, alors en prison. Notez que la réunion se tiendra chez Napoléon Lebon, l’un des destinataires des lettres que Galois a rédigées à la veille du duel. Voyez aussi que la dénomination « Comité central » a une longue histoire derrière elle !
La convocation jointe au message précédent est signée du secrétaire, qui est alors Berrier-Fontaine, un étudiant en médecine. La Société des amis du peuple a compté, successivement ou simultanément, un certain nombre de secrétaires, dont Félix Avril, le plus notoire, qui apparaît souvent en première ligne avec Raspail en 1831 et 1832. Les rapports de police ou d’autres pièces rapportent que ce poste a aussi été occupé par Rhéville, Plagniol, Rittiez, Allier, Vivensang, Gaussuron-Despréaux, Cavaignac, Plocque, Blanqui ou encore Longepied à la mort de Galois.
Pour autant que je comprenne bien la situation, Raspail, qui succédait à Hubert puis Trélat, est resté président en titre jusqu’à la fin de la Société, mais était remplacé par des présidents de séance durant ses séjours en prison. Parmi ces derniers Gervais, Plagniol, Sugier, Cavaignac ou Desjardins.
Thierry, Hamelin, Madet et Lebon ont été trésorier…
La Société des amis du peuple nommait des commissions (ou comités) sur divers sujets. Plusieurs d’entre elles ont été créées afin de recueillir des fonds pour aider les prisonniers politiques. Dont une le 17 février 1832, alors que Galois est incarcéré, comme en témoigne le document joint, lui aussi conservé dans les papiers de Raspail à Carpentras. Notez que Lebon en fait partie… Cela dit, cette commission particulière visait moins Galois que les conséquences de l’opération de police qui, la veille, avait abouti à la fermeture du local de la Société, rue Grenelle Saint-Honoré. Cette opération donnera lieu à un procès retentissant, le procès dit « du droit d’association », en décembre 1832, six mois après la mort de Galois, qui prononcera la fin officielle de la Société des amis du peuple (presque entièrement fondue entre temps dans la Société des droits de l’homme).
Outre le combat pour le droit d’association, la Société des amis du peuple a été en pointe sur celui de la liberté de la presse, et Galois y a été publiquement mêlé…
Pour reprendre l’histoire à peu près où nous l’avions laissée, le 2 février 1831, un petit semestre après avoir été expulsée du manège Pellier et un gros mois avant l’accession de Raspail à la présidence, la Société des amis du peuple, avait donc décidé de pallier « la publicité de ses séances par des publications ». De fil en aiguille, via une commission ad-hoc, elle s’était dotée d’un petit organe de presse, au titre et à la parution légèrement variable, et ceci précisément pour ne pas tomber sous le coup de la loi qui régissait la presse périodique. Ce qui n’a pas empêché les autorités, à qui on le la faisait pas, de multiplier saisies, arrestations et procès. Et c’est au cours du plus marquant de ces procès, le « procès des quinze », que Galois a été appelé à témoigner...
Nous sommes le 11 janvier 1832 ; Galois a été extrait de Sainte-Pélagie où il purge sa peine de prison ; il se déclare étudiant [!] et connaît visiblement très bien le fonctionnement interne de la Société. Il parle en fait comme s’il avait fait partie de la commission de publication – ce qu’il ne peut avouer à la barre sauf à se faire prendre dans un nouveau procès :
Messieurs les jurés, la Société des amis du peuple a chargé dix commissaires de recevoir les articles qui leur seraient fournis par tous les membres, et de veiller au soin matériel de la publication. Il leur fut recommandé de ne recevoir, de n’insérer d’articles qu’autant qu’ils exprimeraient des pensées émises dans nos séances. Enfin, si vous le voulez, la Société dictait, ces messieurs écrivaient. J'avais à peine besoin de vous dire ce peu de mots pour vous faire comprendre que tous les membres de la Société des amis du peuple, sans exception, se reconnaissent auteurs de l'écrit (Procès des quinze, pp. 58-59).
Divers indices laissent penser que Galois ait pu effectivement faire partie du comité éditorial (pour prendre une appellation plus moderne) de la Société des amis du peuple. Voyez-vous déjà lesquels ?
Même sans être un gaucho acharné, on peut ne pas rester insensible au talent oratoire d’un Blanqui, l’un des quinze prévenus au procès, qui se lève en riant à la face de ses juges, mais d’un « rire singulier », lui qui se souvient être entré dans ce tribunal peu de temps auparavant, durant la Révolution de Juillet, alors que « le hasard [l]’avait placé à la tête du peuple en arme »…
Son comportement durant le procès lui coûtera un an de prison !
Pour en revenir à Galois, un premier indice à l’appui de son implication directe dans les affaires éditoriales de la Société des amis du peuple tient aux conditions de son arrestation… Il a certes été interpellé sur le Pont-Neuf, alors qu’il était armé et illégalement revêtu d’un uniforme de la garde nationale, et condamné ensuite pour ces raisons... Mais simplement parce que la police ne l’avait pas trouvé chez lui plus tôt dans la journée...
Son arrestation s’inscrivait en réalité dans une opération de police initiée le 11 juillet, visant Raspail, Blanqui et d’autres membres de la Société des amis du peuple, en vue d’une inculpation pour complot tendant à renverser le gouvernement... Ce chef d’accusation sera finalement abandonné et remplacé d’un côté par un port d’armes et d’uniforme prohibés pour Galois, et d’un autre côté par un simple délit de presse pour les inculpés du procès des quinze....
Le premier chef d'accusation était très facile à établir au regard des circonstances de l’arrestation et débouchera sur une peine de six mois de prison pour Galois ; le second était autrement plus délicat : de fait, les responsabilités de chacun dans le processus de publication des écrits incriminés n’ayant pu être déterminées, les prévenus furent déclarés non coupables… Même si certains, à l’instar de Raspail ou Blanqui, furent condamnés pour des propos tenus durant le procès.
Bref, si la police avait trouvé Galois chez lui le matin du 14 juillet, le procès des quinze aurait vraisemblablement été le procès des seize. Et Galois aurait été acquitté ! (Ou disons pas condamné pour peu qu’il ait été sage durant le procès, ce qui est une autre histoire
L'état (bien réel encore aujourd'hui) de "prolétaire" et son corollaire: le déni méprisant d'une certaine élite ("Eh bien ! Soit. Greffier, écrivez que le prévenu est prolétaire"), la nécessaire exacerbation des "passions populaires", les espoirs déçus des révolutions... Les propos de Louis-Auguste Blanqui sont d'une incroyable actualité !
"Il veut que l'on fasse de l'insurrection d'abord, on fera de la doctrine plus tard."
Aujourd'hui, on parlerait de "convergence des luttes". Comment ne pas faire le parallèle avec les évènements parisiens de Décembre dernier ?
Au sujet de l’arrestation du 14 Juillet sur le Pont-Neuf, un certain Richard assure dans la Tribune du 18 juillet 1831 que Galois, à qui il donnait le bras, ne portait pas de carabine. Quoique la fiabilité du propos me paraisse à peu près nulle (car il va à l’encontre de tout ce que l’on sait par ailleurs), je le rapporte pour montrer ou rappeler au prospecteur qui sommeillerait en vous que de nombreux témoignages encore non répertoriés sur tous les aspects de la vie Galois se nichent sûrement dans la grande ou petite presse de l’époque
Bien d'accord avec Olivier Courcelle pour admirer Auguste Blanqui sans pour autant être un « gaucho acharné », ce que je ne suis pas, ça n'aura échappé à personne ;-). Il appartient à ce socialisme français qui est une part indissociable de notre histoire nationale, avec Proudhon, Sorel et d'autres, qui ont été longtemps mis sous le boisseau par une historiographie marxiste-léniniste désireuse de les faire oublier.
Une recherche sur Blanqui vous montrera qu'il n'avait pas que des idées que notre société considèrerait aujourd'hui comme admissibles, mais il ne faut pas céder à la tentation de l'anachronisme et notre admiration ne doit pas en souffrir : son dévouement à sa cause lui a valu de passer la moitié de sa vie en prison, ce qui dénote une grande détermination et un grand courage.
Maintenant le parallèle que fait df avec la situation actuelle ne me semble pas des plus pertinents. Blanqui dénonce avec raison le fait que les prolétaires soient privés de droits politiques, c'est sans doute une référence au suffrage censitaire, et de nos jours ce n'est plus le cas. On constate au contraire une hypertrophie du droit de grève, étendu à des actions illégales, ignorant les autres droits, et permettant à une minorité avantagée de pourrir la vie de millions de personnes, dont une majorité de travailleurs.
Pour les amateurs d’histoire politique, voici les propos de Blanqui relevés par les juges qui lui ont valu un an de prison (et 100 francs d’amende) en clôture du procès des quinze (1832).
Ils débordent clairement du militantisme pour le simple avènement d’une république, c’est-à-dire d’un large système électif.
Par les témoignages qu’ils a laissés au cours de divers procès, ou autrement, pourrait-on préciser les idées politiques de Galois, dépasser cette généralité qu’il était « républicain révolutionnaire » ?
Galois a été témoin dans un autre procès sur les affaires éditoriales de la Société des amis du peuple : celui de Gervais, qui a fait l’intermédiaire avec l’imprimeur lors de l’édition de la 5e livraison de la brochure (pour ne pas dire journal) de la Société. C’est un peu la suite du Procès des quinze, dans la mesure où ce dernier portait sur les quatre premières livraisons et une sorte de numéro zéro. La défense adoptera une stratégie de défense identique, en plaidant la responsabilité collective, avec un résultat identique, c’est-à-dire l’acquittement. Tirée à six mille exemplaires, cette cinquième livraison avait été saisie dès sa sortie, vers le 5 août 1831, alors que Galois était déjà emprisonné depuis près de trois semaines. Le procès a lieu sept mois plus tard, le 9 mars 1832, en gros une semaine après la libération de Duchâtelet, et une semaine avant le transfert de Galois en maison de santé.
Il est possible que Galois ait écrit dans ces quatre ou cinq premières livraisons de la brochure de la Société des amis du peuple. Par malheur et contrairement aux suivantes, elles n’ont pas été comprises dans la réédition en 1974 des « Œuvres » de la Société des amis du peuple : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6820p.
Probablement parce que l’éditeur n’a pu en trouver trace...
On en connaît des extrait par les procès, comme celui que je joins à titre d’illustration…
Et si mes notes ne me trahissent pas, une copie manuscrite des trois premières livraisons au moins se trouve dans les papiers Raspail à Carpentras sous la cote Ms 2684, 2. Comme je n’avais à l’époque aucune raison de penser que Galois ait été associé de si près aux affaires éditoriales de la Société, je n’y ai pas porté plus attention que ça, pas même pris des photos. S’il y avait eu du Galois, cela m’aurait-il sauté aux yeux ? Hem, hem… Si quelqu’un habitait dans le coin, ça vaudrait peut-être le coup de vérifier (Il y aura cette difficulté que les articles devaient alors être totalement anonymes, sinon l’identité des auteurs aurait transparu lors des procès.)
Il est aussi possible que Galois ait veillé à la libre diffusion des idées républicaines armé d’un solide gourdin. C’est ce qui ressort du mémoire de Raspail partiellement inédit déjà mentionné plus haut (AD Val-de-Marne, 69 J 59). Pour que ses publications soient lues par les plus pauvres, la Société des amis du peuple faisait appel à des hommes-sandwichs, protégés par de jeunes militants :
Je fis construire des grandes planchettes au bout d’une hampe, et sur la planchette était étalé le journal des Amis du peuple que ces braves gens portaient en s’arrêtant de distance en distance, afin de laisser lire la feuille de chaque côté aux différents groupes de citoyens. Les sergents de ville, qui s’ameutaient autour, entreprirent de molester nos braves porteurs, en dépit de la loi qui existaient alors. Dès ce moment, je fis appel aux élèves en médecine et en droit qui appartenaient à la Société des amis du peuple, et chacun de nous, armé du gourdin traditionnel, nous accompagnâmes les porteurs, prêts à mettre à la raison quiconque aurait violé la loi en s’opposant à une publicité semblable.
Au hasard des papiers de Raspail encore (Carpentras, Ms 2679,1), ce bon signé de Bourbaki – l’original, le seul, le vrai, pas les petits rigolos qui se sont appropriés son nom
Pour en revenir au Journal de la Société des amis du peuple, à partir du 6e numéro, les articles sont fréquemment signés d’initiales ou de groupes de lettres plus ou moins révélateurs. L’auteur qui se cache derrière FRITZ, dans la 9e livraison ([7] octobre 1831), a déjà été cité sur ce fil. Sauriez-vous l’identifier ?
François Rittiez était avocat (et homme de lettres), à l’occasion défenseur de certains membres de la Société, parfois témoin, comme lors du procès des quinze, ou même prévenu, comme lors du procès du droit d’association.
Rittiez raconte notamment (pp. 252-255) que l’idée de planter des arbres de la liberté pour fêter le 14 juillet 1831 revient à une autre société, celle des Amis de l’égalité, qui se rapprochait alors de celle des Amis du peuple.
Ces Amis de l’égalité ont également invité les républicains à ressortir des greniers de l’histoire un autre emblème de la Révolution française, la cocarde tricolore, en leur demandant d’en porter une au chapeau ou à la boutonnière, ce qui fut assez largement suivi d’effet.
Ainsi Galois arborait-il très probablement un cocarde sur son uniforme de garde national lors de son arrestation du 14 Juillet !
La version de Rittiez est globalement confirmée par un rapport de police daté du 11 juillet précisant que les deux sociétés ont décidé que l’arbre serait un peuplier, surmonté d'un bonnet phrygien, planté sur la place de la Bastille (AN, F1a 353-361/3, 11 juillet 1831).
Et cet arbre et son bonnet serviront d’emblème au Journal de la Société des amis du peuple...
Après l’arrestation de Galois et des principaux membres de la commission de publication aux alentours du 14 juillet 1831, le journal de la Société sera repris en main par un héros (si ce n’est un martyr) du combat pour la liberté de la presse complètement oublié aujourd’hui. Tellement oublié que nul ne trouvera son nom, je parie. Même si à titre d’indice je donne ses initiales, ERF, telles qu’elles figurent au bas d’un article du numéro daté du 18 août 1831…
L’implication de Ricard-Farrat dans le journal de la Société des amis du peuple lui vaudra plusieurs procès, dont un pour ce numéro du 18 août 1831 qui le condamnera à un an de prison le 15 octobre, peine réduite à six mois (et 1000 francs d’amende) en appel le 14 décembre.
Emprisonné à Sainte Pélagie, il sera transféré le 23 juillet 1832 « comme cholérique » à La Pitié, hôpital où il mourra quelques jours plus tard, le 28.
Un rapport de police (un brin satisfait) indique que seules 20 personnes environ se sont rendues à son enterrement :
Ricard Farrat, l’un des plus actifs et des plus incorrigibles artisans de troubles, l’un des membres les plus influents de la Société des amis du peuple, est mort avant hier du choléra ; il a été enterré ce matin ; et malgré les services nombreux que grâce à sa fortune il a rendus aux hommes de la faction républicaine, malgré les sentiments de haine qu’il manifestait sans cesse contre le gouvernement, enfin malgré l’invitation que contient la Tribune d’aujourd’hui, il ne s’est trouvé ce matin qu’un très petit nombre d’amis (20 au plus) à son convoi (AN, F/7/3886, 30 juillet 1832).
D’autres rapports de police donnent d’intéressants détails sur le fonctionnement du journal de la Société des amis du peuple, en cette deuxième quinzaine d’août 1831 : il est déficitaire à hauteur de 200 francs, ce qui pousse certains à demander « un genre de rédaction plus à la portée de l’intelligence des masses », proposition rejetée.
Les réunions du comité de rédaction ont lieu chez Ricard-Farrat, au 10 rue Baillif. Pas dans un grand luxe, apparemment...
Pour ce faire une idée plus juste de ce qu’est le journal, il est bon de savoir que le bureau consiste en la chambre garnie de Ricard Farrat, et que c’est à peine s’il a pu garder jusqu’à ce jour une commis à 60 f. par mois, pour régler les écritures et aller dans les maisons retirer les abonnemens (AN, F/1c/I/33, 27 août 1831).
Ricard-Farrat reçut un discret (et lugubre) hommage de son collègue Charles Philippon, fondateur et directeur de la Caricature, le Charlie Hebdo de l’époque, républicain lui aussi emprisonné à Sainte Pélagie pour affaire de presse. Dans le numéro du 8 novembre 1832 de son journal, il publia une lithographie intitulée « Amnistie Pleine Et Entière. Accordée par la mort en 1832 », qui représente les tombes de divers détenus mort à Sainte Pélagie, dont, la plus imposante, celle de Ricard-Farrat : https://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/caricature1832/0263/image.
Ricard-Farrat et Philippon ont été emprisonnés à Sainte Pélagie pour partie en même temps que Galois, ce qui soulève une question naturelle : quels ont été les codétenus de Galois ?
Certains sont évidents, comme Duchâtelet ou Raspail… Une première liste assez sérieuse pourrait être dressée en étudiant de près les actes d’écrou… Elle ne serait pas exhaustive cependant, car les registres conservés ne concernent (à ma connaissance) que les condamnés, ce qui laisse échapper tous les prisonniers retenus en préventive (ou détention provisoire aujourd’hui) et non poursuivis, acquittés, etc. ensuite...
Napoléon Lebon et Victor Delaunay, destinataires des lettres écrites à la veille du duel, ont ainsi été codétenus avec Galois à Sainte Pélagie.
Le premier du 4 au 15 février 1832, ainsi qu’il apparaît dans un petit dossier le concernant conservé dans les archives de la préfecture de police, très probablement avec le second, puisqu’ils avaient été arrêtés ensemble (et seront libérés en même temps), au sortir d’une soirée passée au café, dans le cadre du complot de la rue des Prouvaires.
Delaunay avait de toute façon connu Sainte Pélagie avec Galois un mois auparavant, arrêté avec Napoléon Chancel cette fois, dans le cadre du complot des tours de Notre-Dame…
Cela dit, la liste ne paraît ni exhaustive (p. ex. manque Ricard-Farrat), ni très précise (p. ex. Galois et Duchâtelet emprisonnés entre 1831 et 1840), et certaines périodes sont visiblement sur-représentées (p. ex. 1851)...
on a beaucoup parlé de Galois mais j'aimerais en savoir plus sur la compréhension de son œuvre.
Comment s'est déroulé la redécouverte de ses travaux et de l'importance de ceux-ci.
Bien cordialement.
kolotoko
Le livre de Caroline Ehrhardt intitulé Évariste Galois : La fabrication d'une icône mathématique (Editions de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 2011) est probablement ce qu'il y a de mieux sur la question. Et il se trouve très facilement...
Si j’ai introduit Lebon il y a quelques messages, c’est qu’il s’est beaucoup impliqué dans l’édition du journal de la Société des amis du peuple aux côtés de Ricard-Farrat.
Un rapport de police montre que le comité de rédaction s’était réuni pour l’élaborer le 26 août chez Ricard-Farrat. Ses membres les plus « ardents », à savoir Ricard-Farrat lui-même, Berrier-Fontaine et Lebon ont insisté pour que la contribution de Caunes soit publiée sans changement. C’est aussi Lebon qui a « corrigé et poli » le second article qui, selon l’informateur policier, « peut être considéré comme très dangereux pour le peuple » (AN, F/1c/I/33, 27 août 1831).
Napoléon Lebon connaîtra une vie de révolutionnaire à la Blanqui, avec de multiples séjours en prison, une évasion, l’exil dans divers pays, le retour aux affaires à la révolution de 1848, de nouveau l’emprisonnement à partir de 1849, jusqu’à sa grâce en 1856…
Politiquement, il est qualifié par les historiens spécialisés de « néo-babouviste », c’est-à-dire qu’il a assuré la transition entre les théories égalitaires soutenues à la Révolution par un Gracchus Babeuf et le communisme, alors naissant. Son influence à l’écrit s’est principalement exercée par ses Aphorismes, probablement rédigés en 1833 ou 1834, un peu après la mort de Galois. On y décèle de fait les germes d’une doctrine politique qui allait changer la face du monde...
Vous y verrez que nul ne sait ce que Lebon est devenu après sa grâce en 1856…
En initiant ce fil sur la vie de Galois, j’étais loin de me douter qu’il nous mettrait en situation de contribuer (modestement !) à l’histoire du communisme
Je trouve pour ma part que Napoléon Lebon est mort un 14 Juillet, une date qui sied à un républicain révolutionnaire, et plus précisément le 14 juillet 1872, en son domicile du 66 rue d’Ornano à Paris, dans le XVIIIe arrondissement. Il était alors professeur de langues, sans doute grâce à ses compétences acquises en terre d’exil, et marié à une certaine Anne Mabru...
Pour Lebon, la profession vient peut-être tout simplement d’un autre acte d’état-civil, type mariage d’une cousine, où il serait mentionné comme témoin.
Pour Delaunay, je pensais comme tout le monde qu’il était mort pendant les journées de Juin. Mais ce n’est pas le cas... La première de tes deux pièces le concernant dit vrai en le déclarant mort le 17 novembre 1841 à Bayonne – vois l’acte de décès.
Comme il était rédacteur en chef de la Sentinelle des Pyrénées, une nécrologie complétant utilement la notice du Maitron est peut-être parue dans ce journal. Tout le problème est de trouver un exemplaire. Même la bibliothèque de Bayonne ne semble pas conserver de collection.
Le top du top, évidemment, serait de retrouver ses papiers, et parmi lesquels des documents sur Galois (comme l’original de la lettre envoyée la veille du duel). Même si sa vie de révolutionnaire (exil, etc.) ne pousse pas à leur conservation...
Pour Lebon, même sans savoir si ses archives personnelles ont été conservées, on arrive à trouver un témoignage touchant directement Galois grâce aux papiers saisis chez lui à l’occasion de l’un de ses procès.
Il s’agit d’une lettre (ou plus exactement de la copie d’une lettre) de Chevalier, l’ami et premier biographe de Galois, à Lebon. Datée du 31 juillet [1832], elle accompagnait le retour d’autres lettres, que son correspondant « a eu la complaisance de [lui] prêter », à la suite d’une « circonstance fatale ». Nul doute que ces autres lettres étaient celles écrites par Galois à la veille du duel et publiées par Chevalier. D’autant que la lettre d’accompagnement est transmise à Lebon aux bons soins d’Alfred Galois, le frère d’Évariste.
Je présume qu’elle a été saisie car Chevalier y écrit noir sur blanc que Lebon prône l’action violente.
Elle est conservée aux Archives nationales sous la cote CC 585, II, 286.
Entre autres mérites, le document précédent prouve mine de rien que l’un des destinataires des lettres écrites par Galois à la veille du duel était bien Napoléon Lebon. Comme vous le savez sûrement, en les publiant, Chevalier n’avait désigné deux des destinataires que par les initiales N. L et V. D. Dupuy, le biographe classique de Galois, avait ensuite vu « peut-être Duchâtelet » dans V. D. Plus tard, André Dalmas, un autre biographe, ayant remarqué que « N. Lebon » et « V. Delaunay » se lisaient entre autres patronymes dans les manuscrits de Galois, avait proposé l’identification aujourd’hui couramment admise. Mais ce n’était qu’une conjecture !
Et je pense qu’on peut lui attribuer deux articles signés « N. L-B. » parus dans le journal de la Société des amis du peuple, le premier dans la livraison du 15 septembre 1831, le second dans celle de Décembre 1831.
T’es-tu jamais penché sur la liste de noms f. 2v des manuscrits, celle que j’ai mise en pièce jointe deux messages plus haut ?
Je pense qu’elle a été été écrite à la veille du duel, le 29 mai, comme d’autres annotations de ce mémoire, notamment le trait qui biffe la préface (ainsi la liste est sur la première page du dernier état des Œuvres voulu par Galois).
Cette liste est essentiellement composée de deux colonnes.
Sur la première, d’abord les noms V. Delaunay et N. Lebon, qui se révéleront destinataires de lettres de Galois du 29 mai. En partant de la fin, A. Chevalier, autre destinataire d’une lettre de Galois. Reste F. Gervais et un nom rayé que les éditeurs déchiffrent E. Galois.
Sur la deuxième colonne, que des noms rayés, plus ou moins déchiffrés par les éditeurs (pour Bourgne-Azra et Neumann, vois les pièces jointes), qui semblent tous appartenir à la sphère républicaine (Duchâtelet, Blanqui, Raspail…).
Il me semble que ces noms rayés pourraient correspondre à « tous les républicains », autres destinataires d’une lettre de Galois du 29 mai (qui aurait d’abord voulu écrire à chacun d’eux avant de se raviser et d’opter pour une lettre générale).
Revenant maintenant à la première colonne, j’aurais alors tendance à penser que F. Gervais a aussi pu recevoir une lettre de Galois du 29 mai, et que ce n’est pas E. Galois qui se cache sous la rature, mais A. Galois, le frère d’Évariste, lui aussi destinataire de dernières pensées d’Évariste.
Réponses
Merci pour info de M. Espagne. Je lui ai envoyé un email et j’espère qu’il pourra me donner quelques indices.
@Olivier
Il est possible que sous la tache il y a trait d’union aussi entre Du et Motel. En revanche le D majuscule est assez clair sur le manuscrit.
La signature peut aussi varier avec le temps et les circonstances. Plus bas, une petite trentaine d'années plus tard, sur un registre d'état-civil, à l'occasion du mariage d'une de ses filles. Il y a cette fois le Poterin (mais toujours pas de capitale à du Motel)...
Le D majuscule dans les manuscrits de Galois n'est pas un grand problème pour moi. Galois pourrait avoir sa propre logique d’écriture quand il copiait la lettre. Mais remarquons qu’il y a une telle différence entre les deux d minuscules dans les signatures de Stéphanie ! Oui les signatures peuvent varier ...
Galois a aussi sûrement fait partie de la Société. Il le signale lui-même en note d'une préface célèbre : « L'auteur est républicain ; il est membre de la Société des amis du peuple ».
Mais depuis quand et jusqu’à quand ?
Si vous avez des idées…
Un seul témoignage sous-entend que Galois aurait pu quitter la Société des amis du peuple avant sa mort. Celui déjà cité plus haut par ce cousin qui, alors enfant, l’aurait croisé quelques jours avant le duel. Galois aurait déclaré à cette occasion « qu'il reconnaissait l'impuissance de ses efforts dans la vie politique et qu'il était résolu à se consacrer désormais exclusivement à la science ».
Mais tout le reste indique qu’il militait encore, à commencer par la lettre à tous les républicains écrite à la veille du duel : « Je prie les patriotes, mes amis, de ne pas me reprocher de mourir autrement que pour le pays. »
Le témoignage le plus spécifique est à ma connaissance celui de Rittiez, membre de longue date de la Société et historien d’icelle, qui qualifie le duel de « rencontre entre deux membres de la Société des amis du peuple ».
La préface dans laquelle Galois indique faire partie de la Société des amis du peuple est datée de décembre 1831 à Sainte Pélagie. Sauf à supposer qu’il ait adhéré en prison, son entrée dans la Société remonte donc au plus tard au 14 juillet 1831, jour de son arrestation.
Juste après avoir mentionné sa qualité de membre, Galois fait allusion à son toast régicide des Vendanges de Bourgogne, le 9 mai 1831. C’est ce que je vous mets en image, dans la transcription de Neumann. La gradation dans la formulation laisse penser qu’il faisait partie de la Société à ce moment-là. Il reste tout de même une petite place au doute...
Plus en amont et plus globalement, Galois est déjà révolutionnaire en juillet 1830, avant même la fondation de la Société, car nous savons par un camarade qu’il a tenté de faire le mur de l’École préparatoire durant les Trois Glorieuses. Mais il ne fait pas partie de la « députation » de vingt membres, signataire de la lettre plus ou moins fondatrice de la Société du 6 août 1830.
Lors de son procès pour l’affaire des Vendanges de Bourgogne, le 15 juin 1831, Galois affirme être « un de ceux qui depuis huit mois ont parcouru plusieurs fois les rues en armes ». Il milite donc ardemment depuis en gros le 15 octobre 1830.
Même si en mon for intérieur je pense qu’il a intégré la Société au dernier trimestre 1830, avec ses camarades artilleurs de la garde nationale, à peu près à l’époque de son renvoi de l’École préparatoire le 9 décembre 1830, je ne sais détecter formellement sa présence qu’un peu avant le 14 juillet 1831. Dans un contexte que je n’ai d’ailleurs vu relever par personne, et qui nous ramène précisément à l’histoire de la Société où nous l’avions laissée...
En attendant, si quelqu’un a mieux, je prends !
À moins que le copiste ne corrige le texte envoyé aux journaux ?
Le plus simple, me direz-vous, c’est encore d’aller voir dans le Paris révolutionnaire lequel des deux auteurs s'y trouve : Galois ou Guillois…
Et c'est là que ça se complique... Cette publication paraît avoir subi divers aléas éditoriaux imprévus, et je n'y trouve ni l'un ni l'autre !
Mais peut-être saurez-vous faire mieux que moi ?
Ca doit être Guillois. Les noms sont en ordre alphabétique.
Dégotter une collection complète de ce Paris révolutionnaire est tâche moins aisée qu’il y paraît. Un examen attentif révèle qu’il manque des contributions aux tomes II, III et IV de celle qui vient immédiatement sous la souris : https://books.google.fr/books?id=6hdHAQAAMAAJ.
Dans le tome III, il y manque notamment l'article de Duchâtelet, l'ami de Galois, que l’on peut trouver dans cet autre exemplaire https://books.google.fr/books?id=lDwbAAAAYAAJ&pg=PA429.
Alors que le prospectus annonçait 6 à 8 volumes, seuls 4 ont paru, en 1833-1834 chez Guillaumin, réédités en 1838 chez Pagnerre, dont une sélection a été extraite pour une troisième édition en 1848, de nouveau chez Guillaumin.
La plupart des auteurs annoncés dans le prospectus ou sur la couverture du tome I n‘y apparaissent pas, à commencer par Alexandre Dumas, Blanqui ou Guillois/Galois.
Même si tous les auteurs ne sont pas de la Société des amis du peuple, dissoute quelques mois plus tôt, cette publication en est clairement une émanation : Cavaignac est le rédacteur en chef, Raspail y écrit sur Sainte Pélagie, Trélat sur Achille Roche...
Etienne Arago y signe un titre à la sonorité soixante-huitarde, « Le théâtre considéré comme moyen révolutionnaire » : https://books.google.fr/books?id=6hdHAQAAMAAJ&hl=fr&pg=PA5
Ma contribution préférée est celle de Louis Desnoyer, « Paris révolutionné », un petit bijou de science-fiction. Le narrateur se voit soudain projeté quelques années dans le futur, après l’avènement de la république. Le Louvre appartient alors au peuple qui peut y venir contempler ses trésors, la presse est libre, l’Allemagne comme la majeure partie de l’Europe est elle aussi républicaine ; il y a du travail pour tout le monde, « car le premier droit de l’homme, c’est le droit de vivre », donc presque plus de voleurs, et la Gazette des tribunaux, jadis quotidienne, est désormais mensuelle ; des « espèces de navires aériens » font Paris New-York en moins de deux jours, bientôt le tour du monde en moins de 19 jours… Tout cela avant Jules Verne, naturellement... https://books.google.fr/books?id=MbJWAAAAMAAJ&pg=PA41
Pour autant que je comprenne bien la situation, Raspail, qui succédait à Hubert puis Trélat, est resté président en titre jusqu’à la fin de la Société, mais était remplacé par des présidents de séance durant ses séjours en prison. Parmi ces derniers Gervais, Plagniol, Sugier, Cavaignac ou Desjardins.
Thierry, Hamelin, Madet et Lebon ont été trésorier…
PS. Sugier, l’un des présidents, est un ancien scieur de long, devenu avocat et journaliste, qui a été condamné à mort par contumace (puis relaxé) pour son rôle dans l’affaire du célèbre drapeau « Liberté ou la Mort », brandi lors des sanglantes obsèques du général Lamarque, quelques jours après la mort de Galois. Il a laissé une autobiographie : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63496672.
Pour reprendre l’histoire à peu près où nous l’avions laissée, le 2 février 1831, un petit semestre après avoir été expulsée du manège Pellier et un gros mois avant l’accession de Raspail à la présidence, la Société des amis du peuple, avait donc décidé de pallier « la publicité de ses séances par des publications ». De fil en aiguille, via une commission ad-hoc, elle s’était dotée d’un petit organe de presse, au titre et à la parution légèrement variable, et ceci précisément pour ne pas tomber sous le coup de la loi qui régissait la presse périodique. Ce qui n’a pas empêché les autorités, à qui on le la faisait pas, de multiplier saisies, arrestations et procès. Et c’est au cours du plus marquant de ces procès, le « procès des quinze », que Galois a été appelé à témoigner...
Nous sommes le 11 janvier 1832 ; Galois a été extrait de Sainte-Pélagie où il purge sa peine de prison ; il se déclare étudiant [!] et connaît visiblement très bien le fonctionnement interne de la Société. Il parle en fait comme s’il avait fait partie de la commission de publication – ce qu’il ne peut avouer à la barre sauf à se faire prendre dans un nouveau procès :
Divers indices laissent penser que Galois ait pu effectivement faire partie du comité éditorial (pour prendre une appellation plus moderne) de la Société des amis du peuple. Voyez-vous déjà lesquels ?
Son comportement durant le procès lui coûtera un an de prison !
Son arrestation s’inscrivait en réalité dans une opération de police initiée le 11 juillet, visant Raspail, Blanqui et d’autres membres de la Société des amis du peuple, en vue d’une inculpation pour complot tendant à renverser le gouvernement... Ce chef d’accusation sera finalement abandonné et remplacé d’un côté par un port d’armes et d’uniforme prohibés pour Galois, et d’un autre côté par un simple délit de presse pour les inculpés du procès des quinze....
Le premier chef d'accusation était très facile à établir au regard des circonstances de l’arrestation et débouchera sur une peine de six mois de prison pour Galois ; le second était autrement plus délicat : de fait, les responsabilités de chacun dans le processus de publication des écrits incriminés n’ayant pu être déterminées, les prévenus furent déclarés non coupables… Même si certains, à l’instar de Raspail ou Blanqui, furent condamnés pour des propos tenus durant le procès.
Bref, si la police avait trouvé Galois chez lui le matin du 14 juillet, le procès des quinze aurait vraisemblablement été le procès des seize. Et Galois aurait été acquitté ! (Ou disons pas condamné pour peu qu’il ait été sage durant le procès, ce qui est une autre histoire
Joyeux Noël !
"Il veut que l'on fasse de l'insurrection d'abord, on fera de la doctrine plus tard."
Aujourd'hui, on parlerait de "convergence des luttes". Comment ne pas faire le parallèle avec les évènements parisiens de Décembre dernier ?
Cordialement.
...
Une recherche sur Blanqui vous montrera qu'il n'avait pas que des idées que notre société considèrerait aujourd'hui comme admissibles, mais il ne faut pas céder à la tentation de l'anachronisme et notre admiration ne doit pas en souffrir : son dévouement à sa cause lui a valu de passer la moitié de sa vie en prison, ce qui dénote une grande détermination et un grand courage.
Maintenant le parallèle que fait df avec la situation actuelle ne me semble pas des plus pertinents. Blanqui dénonce avec raison le fait que les prolétaires soient privés de droits politiques, c'est sans doute une référence au suffrage censitaire, et de nos jours ce n'est plus le cas. On constate au contraire une hypertrophie du droit de grève, étendu à des actions illégales, ignorant les autres droits, et permettant à une minorité avantagée de pourrir la vie de millions de personnes, dont une majorité de travailleurs.
Bonne soirée.
Fr. Ch.
Ils débordent clairement du militantisme pour le simple avènement d’une république, c’est-à-dire d’un large système électif.
Par les témoignages qu’ils a laissés au cours de divers procès, ou autrement, pourrait-on préciser les idées politiques de Galois, dépasser cette généralité qu’il était « républicain révolutionnaire » ?
PS. La totalité du discours de Blanqui : https://books.google.fr/books?id=_PxCAAAAcAAJ&hl=fr&pg=PA77.
L’un des comptes rendus du procès : http://data.decalog.net/enap1/Liens/Gazette/ENAP_GAZETTE_TRIBUNAUX_18320310.pdf (p. 3/4).
Bonne année !
Probablement parce que l’éditeur n’a pu en trouver trace...
On en connaît des extrait par les procès, comme celui que je joins à titre d’illustration…
Et si mes notes ne me trahissent pas, une copie manuscrite des trois premières livraisons au moins se trouve dans les papiers Raspail à Carpentras sous la cote Ms 2684, 2. Comme je n’avais à l’époque aucune raison de penser que Galois ait été associé de si près aux affaires éditoriales de la Société, je n’y ai pas porté plus attention que ça, pas même pris des photos. S’il y avait eu du Galois, cela m’aurait-il sauté aux yeux ? Hem, hem… Si quelqu’un habitait dans le coin, ça vaudrait peut-être le coup de vérifier (Il y aura cette difficulté que les articles devaient alors être totalement anonymes, sinon l’identité des auteurs aurait transparu lors des procès.)
@tous
François Rittiez était avocat (et homme de lettres), à l’occasion défenseur de certains membres de la Société, parfois témoin, comme lors du procès des quinze, ou même prévenu, comme lors du procès du droit d’association.
Il a laissé une très précieuse histoire de la Société des amis du peuple, contenue dans son
Histoire du règne de Louis-Philippe 1er : https://books.google.fr/books?id=uSk2AAAAMAAJ&printsec=frontcover.
Ces Amis de l’égalité ont également invité les républicains à ressortir des greniers de l’histoire un autre emblème de la Révolution française, la cocarde tricolore, en leur demandant d’en porter une au chapeau ou à la boutonnière, ce qui fut assez largement suivi d’effet.
Ainsi Galois arborait-il très probablement un cocarde sur son uniforme de garde national lors de son arrestation du 14 Juillet !
Et cet arbre et son bonnet serviront d’emblème au Journal de la Société des amis du peuple...
Il y a des traces de ses parents dans Le journal de Montpellier du 22/4/1843.
L’implication de Ricard-Farrat dans le journal de la Société des amis du peuple lui vaudra plusieurs procès, dont un pour ce numéro du 18 août 1831 qui le condamnera à un an de prison le 15 octobre, peine réduite à six mois (et 1000 francs d’amende) en appel le 14 décembre.
Emprisonné à Sainte Pélagie, il sera transféré le 23 juillet 1832 « comme cholérique » à La Pitié, hôpital où il mourra quelques jours plus tard, le 28.
C’est l’un des 61 détenus parisiens à être mort du choléra durant cette épidémie : https://books.google.fr/books?id=zEb610NnBTIC&pg=PA441
En illustration, la partie concernée de son acte d’écrou…
Les réunions du comité de rédaction ont lieu chez Ricard-Farrat, au 10 rue Baillif. Pas dans un grand luxe, apparemment...
Certains sont évidents, comme Duchâtelet ou Raspail… Une première liste assez sérieuse pourrait être dressée en étudiant de près les actes d’écrou… Elle ne serait pas exhaustive cependant, car les registres conservés ne concernent (à ma connaissance) que les condamnés, ce qui laisse échapper tous les prisonniers retenus en préventive (ou détention provisoire aujourd’hui) et non poursuivis, acquittés, etc. ensuite...
Le premier du 4 au 15 février 1832, ainsi qu’il apparaît dans un petit dossier le concernant conservé dans les archives de la préfecture de police, très probablement avec le second, puisqu’ils avaient été arrêtés ensemble (et seront libérés en même temps), au sortir d’une soirée passée au café, dans le cadre du complot de la rue des Prouvaires.
Delaunay avait de toute façon connu Sainte Pélagie avec Galois un mois auparavant, arrêté avec Napoléon Chancel cette fois, dans le cadre du complot des tours de Notre-Dame…
C’est ce que Delaunay explique lui-même dans une lettre publiée par la Tribune du 6 février 1832 : https://www.retronews.fr/journal/la-tribune-des-departemens/6-fevrier-1832/1221/2762627/3.
> quels ont été les codétenus de Galois ?
Dans https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k111769b.r=Le pavillon des princes histoire complète de la prison politique de Sainte-Pélagie?rk=21459;2 Emile Couret donne une liste :
Cela dit, la liste ne paraît ni exhaustive (p. ex. manque Ricard-Farrat), ni très précise (p. ex. Galois et Duchâtelet emprisonnés entre 1831 et 1840), et certaines périodes sont visiblement sur-représentées (p. ex. 1851)...
on a beaucoup parlé de Galois mais j'aimerais en savoir plus sur la compréhension de son œuvre.
Comment s'est déroulé la redécouverte de ses travaux et de l'importance de ceux-ci.
Bien cordialement.
kolotoko
Ce futur destinataire d’une lettre d’adieu de Galois a été chargé de superviser l’édition du 31 août 1831, même si c’est finalement Ricard-Farrat qui en a signé le bon à tirer : http://data.decalog.net/enap1/liens/Gazette/ENAP_GAZETTE_TRIBUNAUX_18320119.pdf (p. 3/4).
Voici le numéro en question : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5546710z.
Un rapport de police montre que le comité de rédaction s’était réuni pour l’élaborer le 26 août chez Ricard-Farrat. Ses membres les plus « ardents », à savoir Ricard-Farrat lui-même, Berrier-Fontaine et Lebon ont insisté pour que la contribution de Caunes soit publiée sans changement. C’est aussi Lebon qui a « corrigé et poli » le second article qui, selon l’informateur policier, « peut être considéré comme très dangereux pour le peuple » (AN, F/1c/I/33, 27 août 1831).
Lebon et Ricard-Farrat essuieront tous deux un procès, dont ils sortiront acquittés, pour un article publié dans la livraison du 15 septembre suivant : https://www.retronews.fr/journal/la-tribune-des-departemens/24-fevrier-1832/1221/2762591/3.
Politiquement, il est qualifié par les historiens spécialisés de « néo-babouviste », c’est-à-dire qu’il a assuré la transition entre les théories égalitaires soutenues à la Révolution par un Gracchus Babeuf et le communisme, alors naissant. Son influence à l’écrit s’est principalement exercée par ses Aphorismes, probablement rédigés en 1833 ou 1834, un peu après la mort de Galois. On y décèle de fait les germes d’une doctrine politique qui allait changer la face du monde...
Vous y verrez que nul ne sait ce que Lebon est devenu après sa grâce en 1856…
En initiant ce fil sur la vie de Galois, j’étais loin de me douter qu’il nous mettrait en situation de contribuer (modestement !) à l’histoire du communisme
Je trouve pour ma part que Napoléon Lebon est mort un 14 Juillet, une date qui sied à un républicain révolutionnaire, et plus précisément le 14 juillet 1872, en son domicile du 66 rue d’Ornano à Paris, dans le XVIIIe arrondissement. Il était alors professeur de langues, sans doute grâce à ses compétences acquises en terre d’exil, et marié à une certaine Anne Mabru...
Saurez-vous faire mieux ?
J'ai trouvé ces deux pages sur le site Geneanet
https://gw.geneanet.org/brunokor?n=lebon&oc=&p=napoleon+aime
https://gw.geneanet.org/coysevox?n=lebon&oc=&p=napoleon
Je pense que leurs auteurs connaissent des documents (dossiers d'un école?) qui prouvent que Lebon était professeur (de langues) à Dieppe (au quartier du Pollet), aux années 1860s; très probablement il était quitté Dieppe à 1868 (il avait 60 ans, retrait?) puis avait regagné Paris.
Pour l'autre destinataire, Victor Delaunay, j'ai trouvé son acte de naissance mais j'ai mal de la decrypter :-S
Il s'appelle Victor Celestin Delaunay, né le 2 Nivôse l'an V (le 22 Décembre 1796). Il n'était donc pas mort à 1832, prétendu par le Maitron https://maitron.fr/spip.php?article29683&id_mot= car il était un des auteurs d'une piece de theatre à 1838: https://books.google.fr/books?id=E44-AAAAcAAJ&pg=PA189&lpg=PA189&dq=Victor+Celestin+Delaunay&source=bl&ots=GC8pDJ-CTe&sig=ACfU3U2UR-GXdAhJT9cdn53BIoQbwbZ2GA&hl=en&sa=X&ved=2ahUKEwiQ8KO8nNLnAhWG34UKHfhfCBsQ6AEwDXoECAkQAQ#v=onepage&q=Victor Celestin Delaunay&f=false
Et aussi https://www.persee.fr/docAsPDF/r1848_1265-1354_1995_num_11_1_2215.pdf
Pour Lebon, la profession vient peut-être tout simplement d’un autre acte d’état-civil, type mariage d’une cousine, où il serait mentionné comme témoin.
Pour Delaunay, je pensais comme tout le monde qu’il était mort pendant les journées de Juin. Mais ce n’est pas le cas... La première de tes deux pièces le concernant dit vrai en le déclarant mort le 17 novembre 1841 à Bayonne – vois l’acte de décès.
Comme il était rédacteur en chef de la Sentinelle des Pyrénées, une nécrologie complétant utilement la notice du Maitron est peut-être parue dans ce journal. Tout le problème est de trouver un exemplaire. Même la bibliothèque de Bayonne ne semble pas conserver de collection.
Il a aussi écrit pour l'Album, la Tribune et le Constitutionnel, comme l’indique ce dernier journal : https://www.retronews.fr/journal/le-constitutionnel/22-novembre-1841/22/481795/4
Le top du top, évidemment, serait de retrouver ses papiers, et parmi lesquels des documents sur Galois (comme l’original de la lettre envoyée la veille du duel). Même si sa vie de révolutionnaire (exil, etc.) ne pousse pas à leur conservation...
Il s’agit d’une lettre (ou plus exactement de la copie d’une lettre) de Chevalier, l’ami et premier biographe de Galois, à Lebon. Datée du 31 juillet [1832], elle accompagnait le retour d’autres lettres, que son correspondant « a eu la complaisance de [lui] prêter », à la suite d’une « circonstance fatale ». Nul doute que ces autres lettres étaient celles écrites par Galois à la veille du duel et publiées par Chevalier. D’autant que la lettre d’accompagnement est transmise à Lebon aux bons soins d’Alfred Galois, le frère d’Évariste.
Je présume qu’elle a été saisie car Chevalier y écrit noir sur blanc que Lebon prône l’action violente.
Elle est conservée aux Archives nationales sous la cote CC 585, II, 286.
Et je pense qu’on peut lui attribuer deux articles signés « N. L-B. » parus dans le journal de la Société des amis du peuple, le premier dans la livraison du 15 septembre 1831, le second dans celle de Décembre 1831.
T’es-tu jamais penché sur la liste de noms f. 2v des manuscrits, celle que j’ai mise en pièce jointe deux messages plus haut ?
Je pense qu’elle a été été écrite à la veille du duel, le 29 mai, comme d’autres annotations de ce mémoire, notamment le trait qui biffe la préface (ainsi la liste est sur la première page du dernier état des Œuvres voulu par Galois).
Cette liste est essentiellement composée de deux colonnes.
Sur la première, d’abord les noms V. Delaunay et N. Lebon, qui se révéleront destinataires de lettres de Galois du 29 mai. En partant de la fin, A. Chevalier, autre destinataire d’une lettre de Galois. Reste F. Gervais et un nom rayé que les éditeurs déchiffrent E. Galois.
Sur la deuxième colonne, que des noms rayés, plus ou moins déchiffrés par les éditeurs (pour Bourgne-Azra et Neumann, vois les pièces jointes), qui semblent tous appartenir à la sphère républicaine (Duchâtelet, Blanqui, Raspail…).
Il me semble que ces noms rayés pourraient correspondre à « tous les républicains », autres destinataires d’une lettre de Galois du 29 mai (qui aurait d’abord voulu écrire à chacun d’eux avant de se raviser et d’opter pour une lettre générale).
Revenant maintenant à la première colonne, j’aurais alors tendance à penser que F. Gervais a aussi pu recevoir une lettre de Galois du 29 mai, et que ce n’est pas E. Galois qui se cache sous la rature, mais A. Galois, le frère d’Évariste, lui aussi destinataire de dernières pensées d’Évariste.
Qu’en dis-tu ?