Évarhistoire, 1er août 2018

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Réponses

  • @anqian : Ça arrive, j’essaie juste de contextualiser un minimum ;)

    @tous
    À vue de nez, les peines de coeur (dont beaucoup d’adultères), la maladie et les problèmes financiers (pour ne pas dire la franche misère) sont les causes des suicides les plus souvent citées.

    Quand ce n’est pas le simple ennui qui pousse un prof de maths à se brûler la cervelle (AN, F/7/3885, 6 septembre 1831)...102346
  • Comme vous le savez sans doute, l’élément déclencheur du suicide de Galois père est un différend avec le curé de Bourg-la-Reine. J’imagine qu’il faut aussi avoir en tête le mauvais état récurrent de ses affaires, qui l’avait conduit à vendre son pensionnat, et un fond dépressif (dont a pu hériter Évariste)...

    Les quelques lignes du bulletin de police consacrées à son suicide sous-entendent qu’Évariste et son frère Alfred ont participé avec leur mère à la découverte du corps :
    Dans la journée d'avant hier, Monsieur Galois, maire de la commune de Bourg la Reine, a mis fin à ses jours en s'asph[y]xiant. Il a profité du moment où sa femme était sortie avec ses deux fils, pour exécuter son projet. Il paraît que monsieur Galois avait éprouvé de la part de quelques personnes de sa commune des tracasseries telles que ses facultés mentales ont été troublées par le chagrin qu'il en a ressenti. Il était poursuivi de l'idée qu'il devait subir quelque peine infamante, ainsi que l'atteste un écrit qu'il a laissé (AN, F/17/3883, 4 juillet 1829).
    102630
  • @Olivier
    Connais-tu le moyen exacte de "s'asphyxier" utilisé par Nicolas Galois? Je sais qu'on peut utiliser un sac plastique pour s'asphyxier mais ce n'était pas disponible à l'époque. Ou bien c'était juste la pendaison?

    Galois (et sa famille) déménagait beaucoup et je suis un peu confus. On sais par la lettre de Sophie Germain (datée le 18 avril 1831) que sa mère avait quitté la maison (16 rue Saint-Jean-de-Beauvais?) , alors pourquoi Evariste habitait à 16 rue des Bernardins au moment de sa 2eme arrestation? La résidence à la rue Saint-Jean-de-Beauvais était vendue?

    Et ce "Galois, rue d'Enfer, 61." qui se trouve sur f78b, c'est une autre possession de la famille (après la mort d'Evariste), comme on sais qu'Alfred Galois habitait au n.57 de la même rue... http://www.jacquescassabois.com/rue_enfer.html D'après M. Cassabois (j'ignore la source):
    Les 24000 francs du reliquat de la vente de la pension Galois étaient donc conservés au chaud dans les coffres du tabellion qui faisait sa pelote, accordant en échange un intérêt de 5% par an.
    Donc la rente était 1200 francs par an. Cela n'était pas suffisant pour une famille de 3 personnes si c'était la seule revenue (en considérant le prix de la vie décrit dans Les Misérables).

    Et M. Cassabois a trouvé un mémoire écrit par Adolphe Blanqui, frère d'Auguste, qui était maître d'études à la pension Galois pendant quelque temps. Très intéressant... https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k17561f/f778.image
  • ... je savais que Blanqui frère avait oeuvré chez Galois père mais j'ignorais ce descriptif où Galois mère en prend pour son grade ... bon dimanche. Norbert.
  • @anqian
    Galois père s’est asphyxié « par la vapeur du charbon » selon le Journal des débats du 19 août 1829 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k436678g/f2.

    Il suffisait en gros de mettre le feu à un seau de charbon dans une pièce hermétiquement close. La méthode était très employée à l’époque et dans le quartier, selon le docteur Marye qui en rapporte de nombreux cas, mais hélas pas celui qui nous intéresse : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54957932.

    Nous avions mis l’ouvrage de J. Cassabois en vedette lors de notre dernière AG, par des papillons (flyers) disposés sur la table de droite en entrant, si tu te souviens ;) Pour être juste, le témoignage du frère de Blanqui avait été débusqué, je crois, par Bruno Belhoste – vois la note 12, page 18 de La Fabrique d’une icône mathématique de C. Ehrhardt.

    +@Norbert
    La pingrerie de Galois mère décrite par Blanqui frère s’oppose on ne peut plus à la « générosité poussée [...] jusqu’à l’imprévoyance » rapportée par Dupuy d’après les souvenirs de contemporains. Certes des traits de caractères peuvent changer avec l’âge, certes Blanqui a connu Galois mère durant une sévère crise économique, mais c’est un élément de plus qui interroge la crédibilité des témoignages recueillis par Dupuy.

    Plus un prochain coup sur le reste…
  • @anqian

    Galois mère a habité au 16 rue Saint-Jean-de-Beauvais jusque après la mort d’Évariste, car elle y est encore domiciliée sur le contrat de son second mariage le 8 octobre 1832 (AN, MC/ET/XXIX/988, 8 octobre 1832). Si comme le dit Sophie Germain, elle et son fils ne se supportaient plus, elle a pu temporairement habiter ailleurs, le temps qu’Évariste trouve son logement de la rue des Bernardins, par exemple. Les endroits où se replier ne lui manquaient pas : la maison de ses propres parents à Bourg-la-Reine, ou peut-être plus simplement au 4 de cette même rue Saint-Jean de Beauvais, où sa belle-mère meurt le 2 juillet 1835 : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?17,1688824,1964782#msg-1964782.

    Le logement du 16 n’appartenait pas aux Galois, mais à une certaine veuve de la Taille des Essart, selon l’inventaire après décès de Galois père (AN, MC/ET/XXIX/958, 11 novembre 1829).

    Le logement de la rue d’Enfer (ou rue d’Enfer Saint Michel) appartenait lui à une certaine Mme Bidault, selon l’inventaire après décès d’Alfred (AN, MC/ET/XXIX/1124, 23 juin 1849).

    Pour le reste, je te conseille de prendre un certain recul sur les affirmations de l’auteur que tu cites ;)

    S’il avait bien lu le document dont il fait l’analyse (ce même inventaire après décès d’Alfred), il aurait vu que le 61 et 57 rue d’Enfer désignent un unique logement : c’est la numérotation de la voirie qui a changé avec le temps (vois la pièce jointe).

    En conséquence, le « Galois, rue d'Enfer, 61 » sur les manuscrits d’Évariste désigne clairement Alfred, dont on sait par ailleurs qu’il a été le pivot de la postérité de son frère.

    L’information sur les 5% d’intérêt annuel du capital de 24 000 francs provient aussi de l’inventaire après décès d’Alfred. Mais il n’agit pas a priori de la totalité des revenus de Galois mère ou frère : c’est simplement ce que la mère a apporté en dot au mariage de son fils. Alfred avait des droits sur les successions de son père et de son frère Évariste, successions qui n’étaient pas liquidées. Sans doute pour lui garantir un revenu disponible minimum durant son mariage, sa mère l’a doté de 5% annuel d’un capital de 24 000 francs (soit 1 200 francs/an), à valoir et imputer sur lesdites parts d’héritage.103048
  • @Olivier
    Merci beaucoup pour tous ces clarifications! J'ai commandé un exemplaire du livre de C. Ehrhardt sur Amazon; il arrivera au debut du juin.
  • Il y a une photo très floue de la maison de santé Faultier dans l'article "Sur la mort d'Evariste Galois" de Carlos Alberto Infantozzi qu'il a prise à 1956. Je en ai trouvé une qui est beaucoup plus nette sur le site parismuseescollections: https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/ancien-hotel-94-rue-broca-13eme-arrondissement-paris#infos-principales Elle a été prise par Eugène Atget à 1909, donc 77 ans après le duel.103188
    103190
  • Dans l'almanach de Sébastien Bottin de 1842 :103222
  • Ah, c'est L'affaire de le rue de Lourcines (Labiche - 1857) !

    Cordialement.
  • ... et il y a 188 ans aujourd'hui, etc., etc. Bon dimanche. Norbert.
  • Une autre photo “la rue Broca, vue prise du boulevard Arago” prise par Eugène Atget au même moment. https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/perspective-de-la-rue-broca-vue-prise-du-boulevard-arago-13eme#infos-principales

    On voit que le bâtiment à droite existe toujours sur le Google map: https://www.google.com/maps/@48.8354961,2.3464893,3a,75y,63.23h,111.22t/data=!3m6!1e1!3m4!1sMUBKrNo_TqPUOzYn0W4SBA!2e0!7i16384!8i8192?hl=en et en face de ce bâtiment, au côté gauche de la rue, c'est 94-96 rue Broca, où se trouvait la maison de santé Faultier.

    On a ainsi une photo qui montre l'entrée de la maison de santé...103326
    103328
  • @Cidrolin Bien vu ! Il y aussi eu une édition du Bottin en 1833, très représentative car sans doute élaborée sur les données de l’année précédente, celle de Galois (vois la pièce jointe). Pas de grands changements entre 1833 et 1842, si ce n’est que l’entrée principale s’est déplacée du 86 au 84 rue de Lourcine…

    @anqian Bien vu aussi ! Mais j’ai une question vache… Est-on sûr que le bâtiment sur la photo de 1904 est l’un de ceux qui constituait la maison de santé en 1832, qu’il n’a pas été construit ou reconstruit entretemps ?103372
  • Le mariage en 1839 à Marylebone, de S. F. Poterin du Motel ?103374
  • @Cidrolin

    Ah bah ça alors ! Tu en sais plus ? Stéphanie était effectivement à Londres vers cette époque : https://eigolomoh.bitbucket.io/essay/heine_stephanie_dumotel.html.
  • Non Olivier, rien de plus. J'ai trouvé ça sur myheritage.
  • @Olivier et Cidrolin : la page que vous montrez est un scan du General Office Register index (GRO index) issu du projet FreeBMD qui a pour but de le scanner entièrement (voir ceci pour la FAQ, et ceci pour l'interface de recherche). La référence qui nous intéresse, à savoir la page 215 du volume 1, doit pouvoir alors s'obtenir en demandant un certificat au GRO. Il existe d'autres sites de généalogie britannique, accessibles depuis ceci, je vais regarder. À une époque j'avais fait trouvé pas mal de choses en ligne sur ma généalogie anglaise et écossaise (mais il fallait payer, j'avais eu des scans de petits testaments ou recensement de population).
  • Et le marié était bien Oscar-Théophile Barrieu https://www.freebmd.org.uk/cgi/information.pl?scan=1&r=2653558:0157&d=bmd_1588661647

    Ceci prouve l'hypothèse d'Olivier, que Stéphanie et Oscar (professeur de langues) s'étaient rencontrés à l'Angleterre.

    @Olivier
    Je me suis aussi posé cette question du temps de la construction du bâtiment. Je n'ai pas de preuve.103382
  • @anqian Bien vu! Donc un double mariage, anglais puis français. Je n'ai rien trouvé du côté des recensements (census).
  • @Cidrolin @ptolemee @anqian

    J’ai écrit au GRO pour savoir s’il est possible d’avoir une copie de l’acte proprement dit, nous verrons bien.

    Le mariage anglais a eu lieu en décembre 1839, soit très peu de temps avant le mariage français, célébré le 11 janvier 1840. Stéphanie ayant ensuite accouché de sa première fille seulement six mois plus tard, le 15 juillet 1840, impossible de ne pas soupçonner un heureux évènement inattendu comme cause fondamentale de toute cette agitation...
  • @Olivier

    Je n'ai pas de preuve définitive que le bâtiment sur la photo existait déjà à 1832; mais en regardant les plans parcelles, je crois qu'on a certaines raisons d'y croire.

    Le bâtiment a un caractère singulier: qu'il avait 2 "tours" attachés à la façade. On voit clairement ce caractère du n.94 sur le plan parcelles 1912. Sur l'Atlas Vasserot (1810-1836), on peut voir qu'il y a aussi ces deux tours dans le cours du n.84.

    L'ennui c'est qu'il semble que les formes des bâtiments ne ressemblent pas sur ces deux plans: celle de l'Atlas Vasserot est plus longue et étroite. Je dirait que la taille de chaque numéro le long de la rue est approximative et non exacte.

    Observer l'emplacement du n. 80/90, un tout petit bâtiment qui ne devait pas changer de place pendant ces temps. Aussi d'après les formes des bâtiments dans n.82/92, celui-ci n'avait pas changé non plus. Maintenant comparons les tailles de n.82/92 et les tailles de n.84+86/94+96 sur les plans; je crois que la taille de n.82 sur l'Atlas Vasserot est exagérée. Deplus il y a un pli au papier qui fait reduire visuellement la taille de n.84.103410
    103412
  • A ce mariage du samedi 11 janvier 1840, en l'église Saint-Médard (141 rue Mouffetard à Paris), il y avait un témoin célèbre : Alexandre Jean BOUCHER (1778-1861), violoniste, directeur de musique de l'ancienne Cour d'Espagne, membre de l'Académie, 11 grande rue aux Batignolles.
  • @anqian

    Si des éléments de l’allure générale du bâtiment du 94 ont pu subsister, il est certain qu’il a connu un certain nombre de démolitions et reconstructions.

    D’abord parce que la photo de 1904 ne coïncide pas avec la description du bâtiment donnée sur une matrice foncière, alors qu’il est déjà situé au 94 rue de Lourcine et appartient toujours à Faultrier (donc après le séjour de Galois et avant 1904) :
    Le deuxième corps de logis[,] faisant face à l’entrée au fond de la 1ere cour[,] est élevé sur cave d’un rez de chaussée[,] 2 étages carrés et d’un 3eme en mansardes [!].

    Tu remarqueras que le 3e étage jadis mansardé (toit incliné) ne l’est plus sur la photo de 1904.

    Une note ailleurs sur le même document indique aussi qu’il y a eu « démolition et reconstruction du bâtiment sur la rue Rez 1er et 2e étages » en 1856.

    @Cidrolin

    Ça colle ! Stéphanie était partie en Angleterre avec le projet d’enseigner la musique : https://eigolomoh.bitbucket.io/essay/heine_stephanie_dumotel.html.103468
    103470
  • @tous :

    peut-on récapituler quelques pistes prometteuses laissées en suspens, si possible directement liées à Galois ou susceptibles de fournir des témoignages nouveaux ? Ceci pour continuer des recherches de temps en temps cet été.

    Par exemple peut-on estimer le volume de correspondances que Galois a pu avoir (en tant que jeune homme du début 19e habitant près de Paris, puis à Paris même) ? Quels correspondants probables n'ont jamais été étudiés de près : scolaires, académiques, anti-royalistes... ? Est-il assez probable qu'une lettre inédite de lui, ou à propos de lui, puisse subsister dans des archives familiales de descendants de ces correspondants, ou un fond de bibliothèque ?
  • @ptolemee

    La piste la plus prometteuse pour tirer au clair l’affaire du duel est un rapport « spécial » (ou des « renseignements particuliers ») qu’ont adressé les services de police à ceux du ministère de l’intérieur. L’existence de ce rapport est établie ici : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?17,1688824,1839664#msg-1839664.

    Elle est en suspens dans la mesure où mes recherches pour le retrouver sont restées vaines ;)

    Plus généralement, une autre piste prometteuse est celle des journaux. Pour mémoire, nous y avons déjà retrouvé deux lettres de Galois qui avaient échappé à ses biographes : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?17,1688824,1798286#msg-1798286 et http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?17,1688824,1799012#msg-1799012.

    La difficulté est ici de localiser des collections fournies, sinon complètes de journaux tels que La Révolution (ou La Révolution de 1830), pour en citer un d’intérêt particulier.

    Il y a bien sûr la piste des archives familiales… Après tout, les fameux manuscrits mathématiques de Galois, aujourd’hui à la Bibliothèque de l’Institut, ont été retrouvés dans les papiers de descendants de Liouville. On peut imaginer que Galois ait laissé des masses d’écrits politiques à un Lebon ou un Delaunay qui dorment encore quelque part dans un grenier ;)

    Il est certain que des témoignages directs sur Galois subsistent dans ce type d’archives. Une lettre décrivant les progrès du très très jeune Évariste dans l’usage de la parole est par exemple conservée dans les papiers du président de l’Association des Amis d’Évariste Galois. (Elle a été partiellement publiée p. 30 de l’édition 2011 de la biographie de @Norbert Verdier.)

    D’autres ont subsisté au moins un temps avant de devenir aujourd'hui introuvables, comme le journal de Nathalie, la soeur d’Évariste, dont un court extrait a été publié à la fin du XIXe siècle par Dupuy (éd. 1896, p. 240).

    Parmi les ensembles de correspondants potentiels, probables ou assurés déjà plus ou moins explorés me viennent à l’esprit la famille, l’Académie des sciences, l’administration de l’École préparatoire/normale (ENS), et depuis peu certains des examinés à l’École polytechnique, les condisciples à l’ENS et les membres de la Société des amis du peuple.

    Il reste notamment les condisciples à Louis-le-Grand. Nous disposons au moins de la liste des patronymes de ceux qui étaient avec Galois en Maths spé : http://images.math.cnrs.fr/Les-condisciples-de-Galois-en-Maths-spe.html. De mémoire, nous n’avons identifié dans les formes que ceux qui ont ensuite intégré l’École polytechnique : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?17,1688824,1700876#msg-1700876. Ce qui avait débouché sur un petit témoignage de Léon Lalanne : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?17,1688824,1692854#msg-1692854.

    Bref, quasi tout Louis-le-Grand t'attend ! !

    PS. Rien de neuf pour l’instant de la part du GRO.
  • @Olivier : merci beaucoup pour cette réponse détaillée! Le terrain est encore très vaste, je vais chercher c'est sûr...
  • Pour en revenir aux bulletins du préfet de police, s’ils recensent nombre de suicides, je n’y ai pas trouvé grand chose sur les duels. Mais tout de même cette rumeur incroyable à propos de la Société des amis du peuple, qui aurait projeté (à quelques jours de la mort d’Évariste) un duel à plus 1500 militants contre des gradés de forces de l’ordre :
    On me donne avis à l'instant même qu'un registre existe où plus de 1500 personnes ont signé l'engagement de provoquer en duel les officiers et les sous-officiers du 35[e régiment de ligne]. Je n'ose cependant pas garantir encore à votre excellence l'exactitude de ce rapport que je vais faire contrôler et que je regarde comme extrêmement exagéré (AN, F/7/3886, 21 mai 1832).
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  • La Glacière, futur lieu du duel, apparaît aussi dans un bulletin de police comme un lieu où, dans la matinée du 17 janvier 1831, se réunissent « 150 personnes, parmi lesquelles [...] un grand nombre de factieux et d’anarchistes, sur lesquels l’oeil de la police est ouvert ».104408
  • Pour en revenir à Delaunay, l’un des destinataires des ultimes lettre de Galois, son comportement rapporté par la police lors d’un banquet en novembre 1831 donne une idée de l'état d'esprit qui régnait chez les extrémistes républicains :
    D’après les renseignemens que j’ai recueillis sur le repas dont je parle, et qui était présidé par Cavaignac, il y avait en tout de vingt à vingt cinq membres présens ; ceux qui ont fait le plus de tapage sont les sieurs Bravard et Delaunay, ce dernier surtout a porté un toast assez incendiaire en disant, à la [santé] du premier membre dont la tête tombera sur l'échafaud. On lui a répliqué les têtes des membres de la société ne tomberont point sur les échafauds ; ce sont eux qui feront tomber celles des autres.
    (AN, F/1c/I/33, 12 novembre 1831).
    105460
  • En parlant de ripailles, Delaunay n’a pas ménagé ses efforts pour rallier les ouvriers à la cause. Même si le mieux a parfois été l’ennemi du bien :
    Madet, Montaix, Delaunay et autres amis du peuple s'étaient donné beaucoup de mal hier pour réunir les ouvriers et les amener à la place de la bourse ; mais ils n’ont pu y réussir. Il paraît qu’une circonstance particulière à Delaunay n’a pas peu contribué à faire échouer leurs efforts. Cet individu avait reçu dimanche de MM. Fontan et Dupeuty 300 billets [de théâtre ?] qu’il s’était chargé de distribuer aux ouvriers réunis à la barrière du Maine. Il s’est rendu en effet à cette barrière, mais s’étant mis à boire avec les ouvriers, il est tombé dans un état d’ivresse tel qu’il a oublié les billets, et s’est endormi. Hier M. Langlois a refusé de donner de nouveaux billets, et les ouvriers n’ont pas voulu se déranger pour rien (AN, F/1c/I/33, 25 octobre 1831).
    104740
  • Oui c'étaitent des billets du Théâtre des Nouveautés, qui se trouvait au 27 bis, rue Vivienne, en face de la Bourse https://fr.wikipedia.org/wiki/Théâtre_des_Nouveautés#1827-1832 , pour Le Procès d'un Maréchal de France de Fontan et Dupeuty. https://www.retronews.fr/journal/la-tribune-des-departemens/24-octobre-1831/1221/2762431/3
  • @anqian : Bravo !

    @tous
    Le militantisme a ses hauts et ses gueules de bois. Un bon mois après l’opération policière du 14 juillet 1831 (qui a envoyé Galois en prison), Delaunay, démoralisé, aurait envisagé de partir en Amérique du Sud avec quelques compagnons :
    Le découragement a gagné jusqu'aux plus exaltés républicains. Delaunay, Rixain et Saimpoil avaient résolu de s'embarquer pour l'Amérique méridionale, ils avait même acheté une pacotille de marchandises, mais sur les instances de quelques meneurs, ces messieurs ont renoncé à leur projet (AN, F/1a/353-361/3, 21 août 1831).

    (Si Delaunay s’est finalement ravisé, d’autres ont émigré aux Amériques, et certains dans la perspective d’y bâtir une société idéale. Il en va ainsi des amis d’Étienne Cabet, partis fonder en 1848 une colonie communiste, d’abord au Texas, au bord de la rivière rouge (ça ne s’invente pas !), puis en divers endroits d’Amérique du Nord. En dépit des difficultés propres à la vie dans l’Ouest encore sauvage et des dissensions entre membres, la communauté a bon an mal an perduré jusqu’à la fin du XIXe siècle. Le frêle article de Wikipédia sur ces « Icariens » ne rend pas justice à cette fascinante aventure humaine : https://fr.wikipedia.org/wiki/Icarie.)104944
  • Comme vous le savez sans doute, la mort de Galois intervient dans un contexte politique explosif : la duchesse de Berry, représentante des carlistes, les partisans de Charles X, renversé lors de la révolution de 1830, a quitté sa terre d’exil en Angleterre pour accoster en Vendée, avec le projet évident de monter sur Paris pour reconquérir le trône. Le préfet de police craint une alliance contre nature avec les républicains, très en pointe en ces temps de grande misère et d’effervescence sociales. Ni une ni deux, il fait fermer la salle où se réunit la Société des amis du peuple.

    Le 1er juin 1832, au lendemain de la mort de Galois et à la veille de ses funérailles, les Amis du peuple passent outre l’interdiction préfectorale, brisent les scellés apposés sur les portes de leur local et entament leur séance. Aussitôt informée, la police intervient. Une bagarre éclate, au cours de laquelle Delaunay, « ayant voulu tirer l'épée d'un sergent de ville pour le frapper », a été gravement blessé au visage.

    Cette réunion mouvementée provoquera des réactions, tant de la part des Amis du peuple que des autorités judiciaires. En connaissez-vous certaines ? Et au fait, dans quel hôpital Delaunay a-t-il été transféré ?105232
  • Intermède : Sachez que je prévois de cesser l’animation pluri-hebdomadaire de ce fil dans une trentaine de jours. Tout simplement parce que je suis à peu près arrivé au bout de mes recherches biographiques et que, entre mes billets sur le site Images des mathématiques et les messages postés ici même, j’ai quasiment dit tout ce que je savais de neuf sur la vie de Galois et ses à-côtés. Je resterai bien sûr abonné à ce fil et pourrai intervenir à l’occasion. Cela dit, si vous avez des questions précises sur la vie de Galois, il vaut mieux les poser tant que le dossier est encore frais dans ma pauvre tête ;)
  • Alors il est temps de te remercier pour ce fil intéressant et les 2 années de bons et loyaux services !

    Très cordialement, Gérard.
  • Un grand merci pour ce travail. On en sait plus sur Evariste.

    Amicalement
  • Merci pour ce fil que j'ai suivi avec attention depuis le début.
    M.
  • @Olivier
    Merci beaucoup pour tous ceux que tu as écrit. Grace à tes billets sur IDM je commençais à m'intéresser à la vie d'Evariste Galois.

    Je me profite de te demander une question de plus: saurais-tu comment les fonds d'Alfred Galois et de Napoléon Lebon étaient arrivés aux Archives Nationales?
  • Merci @anqian, très flatté !

    Si des archives d’Alfred Galois ou de Napoléon Lebon avaient été versées aux Archives nationales depuis un certain temps, je taperais bêtement le nom en question dans le moteur de recherche, avec options plus ou moins avancées : https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/cms/content/display.action?uuid=Accueil1RootUuid&onglet=1. En tout état de cause, je regarderais plus particulièrement la série AP (comme Archives Privées). Un fonds Raspail, par exemple, se trouve en 250 AP : http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/chan/chan/AP-pdf/AP_etat sommaire_2011.pdf.

    Si elles étaient entrées récemment, je ne saurais comment en être informé, sauf peut-être à demander à un archiviste.

    PS. Moi aussi j’ai une question pour toi, en fait pour tout le monde, mais il me faut un peu de temps pour la formuler.
  • ...je commençais à m'intéresser...
  • Chaurien,

    j'espère que tu es aussi bon en chinois que Anquian l'est en français !
  • Merci à @Chaurien et à @gerard0,

    Chez moi ma fille (ainée) corrige sans pitié mon français et j'y suis habitué. Mais je crois j'ai déjà dépassé le stade de corrigibilité...
  • @anqian @les_dieux_de_la_calligraphie_du_code_et_de_la_linguistique @tous

    Comme vous le savez sans doute, Galois a recopié (la veille ou le jour du duel fatal) une lettre de rupture adressée par une certaine Stéphanie, probablement Stéphanie Poterin du Motel. Cette copie comporte malheureusement un certain nombre de blancs.

    Comme vous vous en souvenez peut-être, un esprit pénétrant nommé @anqian a montré que les blancs correspondaient à un trou créé par l’attaque d’une flamme sur la lettre originale convenablement pliée. Voyez ce fil du forum et ce billet de blog : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?17,1838974 et https://eigolomoh.bitbucket.io/essay/galois_lettre_testamentaire.html.

    Comme vous vous en souvenez aussi peut-être, un fin limier nommé @anqian a débusqué un échantillon conséquent de l’écriture de Stéphanie Poterin du Motel. Voyez ce billet de blog : https://eigolomoh.bitbucket.io/essay/heine_stephanie_dumotel.html.

    D’où ces deux questions :
    1. En réécrivant la copie de Galois avec l’écriture de Stéphanie, pourrait-on se faire une idée précise du nombre de caractères occupés par chaque ligne de blanc ?
    2. Et dans ce cas, en tenant compte des fréquences des lettres ou des suites de lettres propres à la langue française, pourrait-on proposer une ou plusieurs reconstitutions probables de la lettre originale ?

    Pour visualiser d’un seul d’œil les données du problème, je remets en pièce jointe : la copie de Galois (à lire dans l'ordre BCA), ses transcriptions classiques et l’échantillon de l’écriture de Stéphanie.105682
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  • Or donc au lendemain de la mort de Galois, la Société des amis du peuple se réunit de manière illicite en son local de la rue Saint-André-des-Arts, ce qui provoque une intervention policière au cours de laquelle Delaunay est blessé et 31 personnes interpellées.

    L'événement entraînera une certain nombre de lettres d’indignation publiées dans la presse, dont une du frère de Delaunay, une de Longepied, alors secrétaire de la Société des amis du peuple, et surtout une lettre collective, rédigée le 2 juin (jour des funérailles de Galois), signée notamment de Lebon et Duchâtelet : https://www.retronews.fr/journal/la-tribune-des-departemens/3-juin-1832/1221/2762793/3, https://www.retronews.fr/journal/la-tribune-des-departemens/4-juin-1832/1221/2762789/3 et https://www.retronews.fr/journal/la-tribune-des-departemens/3-juin-1832/1221/2762793/3.105862
  • Un procès, dit du Bris de scellés, s’ensuivra le 12 août 1832 contre une douzaine de membres de la Société des amis du peuple.

    Appelé à la barre pour témoigner, Lebon, probable amateur de bière, déclarera avec un art consommé du foutage de gueule que la décision de briser les scellés avait été « prise comme par enchantement » : http://data.decalog.net/enap1/Liens/Gazette/ENAP_GAZETTE_TRIBUNAUX_18320812.pdf.

    Mais la stratégie avait du bon… Seuls trois prévenus seront condamnés : Fayolle et Desbuards, à un an de prison, et Delaunay, à six mois. Les deux premiers seront finalement acquittés à l’issue du procès en appel le 20 septembre : http://data.decalog.net/enap1/Liens/Gazette/ENAP_GAZETTE_TRIBUNAUX_18320921.pdf.

    Quant à Delaunay…105960
  • Delaunay a été condamné à six mois mais jugé en son absence : il s’était en effet évadé de l’Hôtel-Dieu où il avait été conduit, blessé à la joue lors son altercation avec la police.

    La rumeur le disait ensuite mort durant les grandes émeutes des 5 et 6 juin...

    Mais nous savons via @anqian qu’il s’est exilé avant de finir ses jours à Bayonne : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?17,1688824,1939596#msg-1939596.106128
  • En rapportant le procès du bris de scellés, le chroniqueur judiciaire s’attarde un instant sur le look des prévenus et d’une partie du public. Peut-être qu’à sa mort, très loin de l’image qu’il reste de ses deux portraits, Galois portait-il d’épaisses moustaches et une petite barbe pointue !106402
  • À propos de mode vestimentaire, je me souviens que Galois portait des sabots en prison : https://images.math.cnrs.fr/Galois-a-La-Force.html.

    S’agissait-il d’une distinction politique ?

    C’est ce qu’incite à penser Nadar dans sa belle (et triste) évocation de « La vie et la mort de Lequeux » dans ses Souvenirs d’étudiant : https://books.google.fr/books?id=KZEGAAAAQAAJ&hl=fr&pg=PA73.106592
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