Sondage sur l'essence des mathématiques

Deux questions :

1) Qu'est ce que l'activité mathématique ? Ou (mais j'aime moins) que sont les mathématiques ? Quels critères doit respecter une production culturelle pour être qualifier de mathématique ?

Ce qui devrait permettre de répondre à la seconde question :

2) A partir de quand commence l'histoire des mathématiques ? Quel est (s'il existe) le premier objet de type mathématique ?

Ces questions peuvent paraitre naïves mais si certains d'entre vous veulent s'essayer à l'exercice, je suis preneur de leurs réponses. J'ai l'intention de me servir de vos réponses dans le cadre d'un cours d'introduction à l'histoire des mathématiques.


En fait, le mieux serait de mettre en relation le type de réponse que vous produirez avec le rapport (professionnel) que vous entretenez avec la discipline (lycéens, étudiants en maths, en science, professeur de collège, de lycée, enseignants chercheurs, quelle discipline mathématique, chercheur amateur, autres ).
Si vous ne souhaitez pas renseigner votre profession sur le forum, vous pouvez me répondre par mail.
Je promets de vous faire part de la synthèse si j'ai un nombre assez significatif de réponses.

Réponses

  • Eh bien,

    ça c'est du sondage d'opinion ! Depuis celui de 1987 qui demandait aux français ce qu'ils pensaient que les autres allaient voter aux présidentielles suivantes, je n'avais plus vu de question aussi malsaine.

    Que tu poses cette question à tes étudiants au début du cours, je comprends (*). Mais sur un forum de mathématiques, alors que "ce que sont les mathématiques" n'est même pas défini clairement par la communauté mathématique ni par les philosophes spécialisés, c'est arriver à du "café du commerce".

    Ce fil sera le troll de ce week-end, malgré les bonnes intensions de l'auteur.

    Cordialement.

    (*) Tu auras besoin de ta propre définition, et si tu n'en as pas encore, le cours est mal parti !
  • Tout de suite les grands mots Gérard :D

    hé hé, tu n'aurais pas quand-même un peu le sermon facile?
    Depuis celui de 1987 qui demandait aux français ce qu'ils pensaient que les autres allaient voter aux présidentielles suivantes, je n'avais plus vu de question aussi malsaine
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Mais je réponds :

    les mathématiques sont ce que font les mathématiciens.
    Les mathématiciens sont ceux qui font des mathématiques.

    Autre chose :
    "Quels critères doit respecter une production culturelle pour être qualifier de mathématique ?" Popper et Lakatos se sont cassé le nez sur le problème de la démarcation (ce qui est de la science/ce qui n'en est pas), tout simplement parce qu'il n'y a pas de critère absolu. Les mathématiques sont une production sociale, les évolutions sociales changent la façon de décider ce qui en est.
    Voir aussi l'opinion de Dieudonné (pas de maths avant le vingtième siècle).
  • Entre 1987 et 2011???? (avec tous les sondages qu'il y a eu)
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Tu verras, Christophe.

    Et tu vois, je joue le jeu.

    [edit : "entre 1987 et 2011 ?" Tu sais, je ne lis pas la plupart des sondages. Mais je parlais bien de la question]


    Cordialement.
  • Moi aussi, j'ai déjà répondu depuis lontemps:

    http://www.logique.jussieu.fr/~chalons/science.php
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • les mathématiques sont ce que font les mathématiciens.
    Les mathématiciens sont ceux qui font des mathématiques.

    J'adore ta réponse. Les crocs sont les dents du chien et les chiens sont les animaux qui ont de dents appelées crocs. Qu'est-ce que les dents? Ce sont les choses qui dans le cas particulier du chien s'appellent des crocs.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Bon exercice, je m'y colle en tant qu'étudiant en L3 maths à la fac de Caen.

    1) Pour moi, les mathématiques commencent dès l'arithmétique de base, c'est-à-dire quand on apprend les règles de calcul: car tout aussi simples que soient ces règles, la structure sous-jacente est très riche. Et au fur et à mesure de notre avancée, on découvre peu à peu cette arbre gigantesque dont on ne voyait que le tronc: même si le travail a été fait à rebours (enfin, peut-on vraiment dire à rebours sachant qu'en général, on trouve des cas particuliers avant de trouver le cas général), c'est-à-dire que l'on a trouvé l'addition, la multiplication que l'on connait tous avant de formaliser les ensembles, les lois de composition interne, etc, etc, je ne peux pas ne pas qualifier ces règles de calcul (toutes simples) de travaux non mathématiques.
    Mais j’ajouterai: compter dans la vie de tous les jours n'est pas pour moi de "vraies mathématiques". On applique les mathématiques dans ce cas-là. Je considère plutôt que les mathématiques sont véritablement la structure plutôt que les application numériques. (Par contre, les méthodes numériques ou analyse numérique sont des mathématiques pour moi au cas où, juste que je ne suis pas un grand fan des applications mathématiques tels que, par exemple les sondages et autre, mais j'y reviens .)


    Aussi, on peut dire qu'une production culturelle est mathématique si elle s'inscrit de près ou de loin dans une démarche mathématique, même appliquée: par exemple, l'utilisation de l'astronomie et des mathématiques pour déterminer les heures de prières lors de l'empire Ottoman sont pour moi une production culturelle mathématique. Les mathématiques n'ont pas besoin d'être une finalité pour que je puisse qualifier une activité culturelle de "mathématique".
    Par contre, une chose dont j'ai horreur sont les sondages: non pas que les statistiques ne sont pas des mathématiques, mais je trouve tout simplement qu'on les utilise à tort et à travers, et les mathématiques servent d'outil d'une manière assez obscure quand même pour tout le monde.

    2) Si l'on s'en tient à ma définition, les mathématiques démarreraient dès lors qu'il y a eu des démonstrations, exit donc la préhistoire et ses traces arithmétiques. Par contre, je veux bien considérer que les mathématiques ont commencé avec les babyloniens car ils ont commencé à dégager des structures plus générales d'observations faites. Mais je ne remontrai pas plus loin.
  • Pour moi les maths impliquent une certaine conceptualisation, qui à la différence de ce qui se fait en philo n'est pas toujours exprimable uniquement par des mots. Je veux dire par là qu'on aura une vision bien plus claire d'un polygone régulier par une figure, ou plutôt une idée platonicienne de ladite figure, que par une longue périphrase décrivant l'objet en question. Autre exemple : les entiers. J'ai une bien meilleure appréhension de ce qu'est le nombre 289 lorsque je l'écris avec des symboles dédiés à la pratique mathématique, ici les chiffres arabes (ou indiens...) que lorsque je l'écris en toutes lettres, sans compter que je ne sais jamais s'il faut des traits d'union ou non (l'une de mes bêtes noires en matière d'orthographe avec les accents circonflexes et le pluriel des noms composés) ! Imaginez un peu que l'on ait à faire une multiplication, par exemple 304*519, avec pour tout bagage les lettres de l'alphabet : ce serait extrêmement difficile, voire impossible.
  • Cher Raph,

    Ce qui me fascine, justement, à ce chapitre, c'est la fascination des hommes pour les mathématiques elles-mêmes. Les résultats auxquels elles permettent d'accéder renchérissent leur statut, évidemment, mais indépendamment de leur relation à l'utile, dès le paléolithique, les hommes ont montré leur intérêt pour les formes géométriques en-soi. Ainsi, le cercle a précédé la roue, qui dut attendre des millénaires que les chemins s'élargissent...

    Le premier objet mathématique, en tant qu'affirmation, fut vraisemblablement tracé à la corde sur le sable (ou la terre battue). Après les figures simples du cercle, des carré et rectangle, une figure complexe se propose comme la première : un cercle de 4 unités tracé dans un carré de quatre unités sur quatre. Les intersections entre les lignes du quadrillage et le cercle permettent sa partition en douze angles égaux.

    Manifestement, dès la révélation des mathématiques les hommes trouvent en elles quelque chose d'essentiel. Pour les géomètres du Sacré, dignes successeurs de Pythagore, elles sont même le langage de Dieu ! Le plus grand iconographe, Andrei Rublev, ne conclue pas sa « Sainte Trinité » d'un passage de la bible ou du monogramme du Christ (comme la tradition l'exige) : il pose un rectangle au front de l'autel, qui signe le tableau. Ce rectangle sans proportions remarquables ne participe pas au discours narratif de l'oeuvre, et c'est le seul élément dans ce cas. Rublev affirme ainsi que son Icône est "toute de géométrie" !

    Voilà l'esquisse du jour, qui ne saurait s'achever à cette heure tardive...

    Bien amicalement,
    Yvo
  • bonjour Raph

    j'essaie de répondre à tes interrogations (je suis enseignant chercheur en math et sciences sociales)

    1) "activité mathématique": tout travail intellectuel (enseignement, recherche)
    portant sur l'algèbre, l'arithmétique, l'analyse, la géométrie, le calcul des probabilités, la cinématique
    ou sur l'une des math appliquées (comptabilité, informatique, statistique, actuariat)

    2) les mathématiques forment une science constituée à partir des nombres et figures,
    créés par les hommes qui s'inspirent de la réalité naturelle

    3) production culturelle: il vaut mieux éviter d'associer la culture à la production mathématique
    pour préserver le caractère scientifique de l'activité mathématique
    même si des liens historiques existent c'est vrai entre les deux disciplines

    4) l'histoire des mathématiques commence avec les Mésopotamiens, les Indiens, les Chinois et les Incas
    qui créent la numération de base respective 60, 10, 10 et 20, et les figures géométriques les plus simples
    en pratiquant le calcul marchand et en observant le ciel

    le premier objet du type mathématique est le chiffre inventé donc par les civilisations énumérées ci-dessus
    le cercle, le carré, le triangle sont des objets mathématiques créés par les hommes et qui ont suivi rapidement le chiffre

    cordialement
  • Merci Jean,

    Dans ma tentative personnelle de définition j'avais, moi aussi, pointé le rapport entre la figure et le nombre tant il me semblait, après quelques années d'études en histoire des mathématiques, que l'activité mathématique commençait avec des problèmes de "mesure" (association directe d'un nombre à une figure) associés évidemment à la création d'une base de numération (dans les civilisations que tu cites auxquelles ils faut ajouter les égyptiens et leur fameux "quantièmes"). Très rapidement, le lien est réciproque : des problème de nombres sont résolus à l'aide de supports géométriques. Il me semble que ce sont les premiers architectes, ceux qui ont tracés les premiers plans au sol des habitations rectangulaires, hexagonales (Jerf el Ahmar) permanentes (néolithique) qui ont créés les premiers cercles, carrés, rectangles (à la corde et au piquet). Je réserverai bien le terme "mathématiciens" à ceux qui ont théorisé ces problèmes de mesure, ce rapport intime entre une grandeur et un nombre. Il y a aussi connexité avec l'histoire de l'art : Les rectangles (approximatifs) de Lascaux sont-ils de nature mathématique ? Si oui, ça nous ramène loin dans le passé. Et pour l'artisanat, la symétrie de certains bifaces du paléolithique. J'ai l'impression que pour parler de mathématiques, il faut qu'il y ait une théorie d'association entre la figure et le nombre. "Théorie" ne signifiant pas nécessairement système d'axiomes, de postulats, définitions et enchainement de propositions ou alors la première production mathématique est Les Eléments. Je ne cherche pas vraiment de définition, je cherche à savoir où les gens qui pratiquent et/ou réfléchissent à ces questions placent le marqueur que j'essaie d'approcher. Et si ce marqueur de début est fonction de la nature du rapport que les individus entretiennent avec la discipline. Question malsaine, j'en conviens !
  • Bonjour,
    personnellement, je suis plus attiré par le mot"essence" que par les questions posées.
    Sincèrement
    Jean-Louis
  • :D avec toute la modestie qui me caractérise si bien, je dis qu'inconstestablement, c'est moi qui ai donné la meilleure définition et de loin. Pourquoi ne pas le reconnaitre, s'en tenir là et que tout le monde l'adopte pour parler d'une même voix, afin qu'il y ait un peu de consensus et de simplicité envoyée à l'adresse du public dans ce monde de brutes :)-D

    Je suis convaincu que si ma définition était reprise et diffusée en boucle, affichée en haut de l'académie des sciences , rien que de la lire, le niveau des terriens en maths augmenterait de 10% (et je ne blague pas :D )
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Ah oui quand-même, je la rappelle:

    [size=large]
    mathématique : = recherche de certitudes absolues (pas presque absolues, absolues tout court)
    [/size]
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Cher Christophe,

    C'était avant la lunette astronomique.
    Avant Einstein, en tout cas...
    Le baril de brut s'appréciait en chameaux.
    Quand on y pense, c'était le bon temps ! :)

    Plus sérieusement :
    Les mathématiques ont précédé la Science,
    tout comme le feu, la Religion, l'Art et aussi l'arc.
    On pourrait peut-être commencer par ça :
    Se demander ce qui préoccupait les esprits à l'origine.

    Ensuite, c'est sûr, la question philosophique reste "entière"...
  • Bonjour,

    @ Christophe
    J'aime bien ta définition tautologique des mathématiques...
    Je suis moins d'accord avec le fait que les mathématiques soient la recherche des certitudes absolues. Lequel des deux entre l'axiome d'Euclide et son contraire peut prétendre au titre de "certitude absolue"? Ils sont l'un et l'autre étudiés dans le cadre des mathématiques.
    Je verrai plus les mathématiques du côté de la cohérence du discours que de celui de la vérité.

    @Yvo: il n'y a pas de mathématiciens dans l'Antiquité, tout au plus des personnes qui s'occupent de choses et d'autres, mathématiques, physique, philosophie etc. La distinction entre les grandes discipline scientifique se fait bien plus tardivement.
    Je ne suis donc pas d'accord avec l'idée que les mathématiques ont précédé la science, alors que tout est né en même temps, dès lors qu'il s'agit de poser un regard sur le monde pour comprendre ce qui s'y passe.

    Bonne journée,

    Christian
  • <just kidding>
    « Envisager l'avenir en ignorant tout du passé, c'est construire le devant de quelque chose qui n'a pas d'arrière » Proverbe magdalénien
    </just kidding>

    Ce qui me fascine, dans l'évolution, c'est la façon dont l'Homme "anticipe" des principes
    quand aucune technologie ne lui permet de les vérifier - et à fortiori de les développer.

    Ce qui me fascine, dans les mathématiques, c'est que le triangle se passe de l'avis de l'Homme pour être triangle.
  • J'aime bien ta définition tautologique des mathématiques...
    Je suis moins d'accord avec le fait que les mathématiques soient la recherche des certitudes absolues

    Je ne comprends pas, je n'en ai donné qu'une (l'autre, je reformulais ironiquement un post de Gérard) et je crois bien que c'est celle que tu désapprouvers et pourtant j'ai choisi chaque mot. Avec le temps tu finiras par la trouver parfaite t'inquiète :D:D
    Lequel des deux entre l'axiome d'Euclide et son contraire peut prétendre au titre de "certitude absolue"

    Réfléchis, tu vas pouvoir répondre tout seul.
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
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