Introduction aux nombres complexes au lycée

Bonjour à tous,

Je suis très curieux de savoir comment les nombres complexes sont introduits au lycée.

1) Directement ?

2) En présentant la formule de Cardan ?

3) En présentant et en démontrant la formule de Cardan ?

4) En présentant et en démontrant la formule de Cardan et en démontrant comment Bombelli est arrivé à résoudre l'équation cubique malgré des racines carrés négatives ?


Mille mercis pour le temps que vous prendrez pour me répondre.
«1

Réponses

  • $x+a=b$ n'a pas toujors de solution sur $\mathbb{N}$
    $x\times a=b$ n'a pas toujors de solution sur $\mathbb{Z}$
    $x^a=b$ n'a pas toujors de solution sur $\mathbb{Q}$ (ni sur $\mathbb{R}$)

    Et : l'introduction de $i$ résout bien d'autres problèmes que celui soulevé par $x^2=-1$.
  • Cela relève de la liberté pédagogique du professeur.

    Lorsque j’enseignais en terminale S (jusqu’à il y a quelques années), pour que les complexes ne sortent pas de nulle part, je partais de l’exemple de l’équation $x^3=15x+4$, qu’on résolvait « à la Cardan ». Mais c’était chronophage, et de plus en plus difficile pour les élèves. Je ne sais pas si c’est encore très raisonnable avec les élèves actuels. Et c’est dommage.
  • On commence par une étude expérimentale. On demande aux lycéens de se lever et de faire face à la fenêtre. Puis de faire un quart de tour dans le sens trigonométrique. Tout le monde se retrouve face au mur du fond (cela peut prendre plus ou moins de temps selon les compétences). Puis on demande de faire un deuxième quart de tour. Tout le monde se retrouve alors face à la porte (idem). On se rassied, et l'on demande de noter dans le cahier, d'une belle écriture ronde: un quart de tour suivi d'un quart de tour fait un demi tour. Si l'on note le quart de tour par $i$, cela donne $$i\times i= -1$$ Il reste ensuite à en tirer les conséquences. Il y en a un certain nombre.

    Cordialement, Pierre.
  • Monsieur, monsieur, pourquoi c'est une multiplication quand on fait deux quarts de tour à la suite ???? Comprends pas X:-(
    :-D
  • Bonjour,

    Parce que quand on fait deux demi-tours on revient comme avant : $-1 \times -1=1$ Le $1$ c'est un tour complet.
  • On peut, en STI, dire qu’on calcule dans $\R$ avec un nombre supplémentaire $i$ dont le carré vaut -1. Au début, ça chouine puis finalement, ça passe et ils calculent avec.
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            -- Schnoebelen, Philippe
  • nicolas.patrois a écrit:
    [...] avec un nombre supplémentaire $i$ dont le carré vaut -1.

    monsieur, monsieur, moi je sais : le carré de $i$ c'est $i^2$ !!! mais si $i$ est positif, son carré est positif ... et si $i$ est négatif, son carré est aussi positif :-S ... c'est mon prof. de maths de collège qui m'a appris ça ... donc, y a pas moyen d'avoir un carré négatif (et puis, ça foutrait en l'air toute la géométrie de Pythagore : il y aurait des triangles dont l'hypoténuse serait plus petite blabla) ... z'avez fumé quoi, monsieur ??? je veux bien la même chose ...
  • Je leur réponds que ce nombre n’est pas un nombre réel mais un nombre complexe. et que les carrés des nombres réels sont positifs ou nuls. Il manque souvent un quantificateur en collège pour être clair et ne pas fermer de porte abusivement. Il m’arrive régulièrement en ES (sans les complexes) de leur dire qu’un carré peut être strictement négatif mais qu’ils verront ça éventuellement après le bac et que leurs collègues en 1STI ou TS les voient.
    Bon sinon, on peut essayer $\R[X]/(X^2+1)$.
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            -- Schnoebelen, Philippe
  • Personnellement je démystifierais les choses, en expliquant que $\C$ ce n'est rien d'autre que $\R^2$ auquel on veut donner une multiplication.

    Les élèves à ce moment diraient certainement "mais monsieur, il suffit de poser $(x,y)(u,v) = (xu,yv)$" auquel cas il faut expliquer pourquoi on ne prend pas cette définition, a priori raisonnable. (On veut pouvoir inverser tous les nombres sauf $0$)

    Et dans un second temps, je montrerais en quoi ces couples de réels permettent de résoudre toutes les équations à coefficient réels (ou complexes d'ailleurs).
  • Heu...démystifier de la manière la plus simple : l'équation $x^2+1=0$ (ou tout autre "équation du second degré" à discriminant négatif) n'a pas de solution réelle et on souhaiterait qu'elle en ait.
    N'est-ce pas plus simple ?
    Remarque : Ou bien comme dit plus haut avec Cardan et le degré 3, mais en effet, de nos jours...

    Et c'est la construction des ensembles de nombres comme le message de @soland le dit simplement.

    C'est ensuite qu'on dit que ça peut servir à représenter les points du plan.
  • Précisément Dom, en général on explique aux élèves qu'on introduit de nouveaux nombres (un peu magiques, on sait pas d'où ils sortent) qui vont permettre de résoudre toutes les équations. Et a posteriori on dit qu'on peut les voir comme des points du plan, mais je remarque que c'est souvent anecdotique dans la tête des élèves.

    Alors que non, pour moi l'aspect géométrique est essentiel. Comprendre que multiplier par $i$ c'est faire une rotation de 90 degrés, que prendre le conjugué c'est faire une symétrie axiale etc... Je propose vraiment de les définir via le plan, montrer de manière immédiate les implications géométriques (translations quand on additionne, rotation et homothétie quand on multiplie, etc ...) et après passer aux équations.
  • Oui.
    Mais ne part-on pas à l'envers ?

    Définir la multiplication par un nombre non réel comme une rotation : ça va en dezinguer plus d'un, non ?
    (Bon, je modère le propos, cela dépend de la manière dont c'est amené, bien entendu).
  • Si mes souvenirs sont exacts, en prépa HEC ou Math-sup, j'introduisais les complexes comme dit Nicolas Patrois, ce sont des nombres $a+bi$ avec $a$ et $b$ réels et $i^2=-1$, avec les opérations habituelles. Ce nombre $i$ est nouveau, comme sont nouveaux les nombres fractionnaires ou les nombres négatifs pour qui ne connaît que les entiers naturels, les bien nommés. Quant aux réels, ce sont bien les objets numériques les plus énigmatiques...
    Procéder ainsi, c'est selon moi la méthode la plus efficace et la plus courte. Les introductions historiques ont leur charme mais on pourrait par exemple se borner à faire faire un exposé à ce propos.
    Les élèves adoptent sans souci la « règle du jeu », comme disait mon bon maître Lespinard, et on avance.
    On peut traiter en exercice les matrices 2x2 qui donnent les complexes.
    Comme je l'ai souvent dit ici, il n'est pas opportun de faire des constructions d'ensembles de nombres avant bac+3.
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • bonsoir

    l'introduction des imaginaires peut se faire par la résolution simple de l'équation du second degré $x^2 + a^2 = 0$

    la définition de i et - i se fait avec le cas particulier de a = 1

    et d'une façon générale l'introduction des complexes de la forme $z = a + ib$ se fera par la résolution de l'équation du second degré :

    $(z - a)^2 + b^2 = 0$

    qui présente l'intérêt d'indiquer la double dimension des nombres complexes et leur prolongement en géométrie plane

    puis on passera à le représentation polaire des nombres complexes

    l'introduction historique des imaginaires par Cardan avec l'équation du troisième degré est intéressante
    mais elle n'est plus guère envisageable en terminale S

    cordialement
  • Si on a le temps (!!), une ou deux leçons de discussion sur le thème
    Quid si $i^2=-1$ ?
    intéresseront peut-être les élèves.
  • Moi aussi, je faisais $a+\text{i}b,$ avec $\text{i}^2=-1.$

    Je me souviens encore de la définition du cours:
    On admet que l'on peut construire un sur-ensemble de $\mathbb{R},$ noté $\mathbb{C},$ dont les éléments sont appelés nombres complexes (ou imaginaires) et vérifient :
    1. $\mathbb{C}$ est muni d'une addition, d'une soustraction, d'une multiplication et d'une division qui prolongent celles de $\mathbb{R}$ (mêmes règles de calcul).
    2. $\mathbb{C}$ contient un élément $\text{i}$ vérifiant $\text{i}^2=-1.$
    3. Tout nombre complexe s'écrit de façon unique sous la forme $z=a+\text{i}b,$ où $a$ et $b$ sont deux nombres réels.

    Concernant Cardan, je ne faisais que le mentionner pour dire d'où tout cela venait. La partie historique/considérations métaphysiques prenait 10/15 min au plus.

    Il est aussi intéressant, après avoir parlé du plan complexe (en fin de leçon, quand les concepts sont un peu assimilés), de poser le problème de comment munir $\mathbb{R}^2$ d'une structure de corps qui serait un sur-corps de $\mathbb{R},$ où le complexe $(1,0)$ s'identifie au réel 1 et $(0,1)$ à $\text{i}$.
    L'addition est naturelle : $$(a,b)+(a',b')=(a+a',b+b').$$ Elle correspond à l'addition des vecteurs, ou à
    $$(a+\text{i}b)+(a'+\text{i}b')=(a+a')+\text{i}(b+b').$$
    La multiplication pose problème puisque si l'on pose $$(a,b)\times (a',b')=(aa',bb')$$ (cf produit scalaire), on n'a pas de corps - par exemple $(1,0)\times (0,1)=(0,0).$
    Pour avoir une structure de corps, on doit prendre
    $$(a,b)\times (a',b')=(aa'-bb',ab'+a'b),$$ ou $$(a,b)\times (a',b')=(aa'-bb',-ab'-a'b).$$
    En fait, je ne me souviens plus trop de la façon dont j'avais procédé (ni si les deux possibilités ci-dessus sont bien les seules envisageables), mais je me souviens avoir fait à ça avec une bonne classe il y a 5/6 ans et que ça c'était bien passé et avait été bénéfique pour les bons élèves.
  • pldx1 a écrit:
    On commence par une étude expérimentale. On demande aux lycéens de se lever et de faire face à la fenêtre. Puis de faire un quart de tour dans le sens trigonométrique. Tout le monde se retrouve face au mur du fond (cela peut prendre plus ou moins de temps selon les compétences). Puis on demande de faire un deuxième quart de tour. Tout le monde se retrouve alors face à la porte (idem). On se rassied, et l'on demande de noter dans le cahier, d'une belle écriture ronde: un quart de tour suivi d'un quart de tour fait un demi tour. Si l'on note le quart de tour par i, cela donne i²=-1.
    Il reste ensuite à en tirer les conséquences. Il y en a un certain nombre.

    C'est ça aujourd'hui un cours de TS ?????
    Je comprends mieux ce qui ne tourne pas rond dans vos universités......
    Liberté, égalité, choucroute.
  • En terminale S je fais groupe , anneau puis anneau quotient enfin
    les nombres complexes avec R[X]/(X^2+1) .
  • etanche
    Dans une réalité alternative ? (:D

    La manière la plus direct (à mon avis) pour introduire les nombres complexes c'est la formulation de Hamilton. Ensemble de couples de nombres réels avec deux opérations qui rendent l'ensemble un corps commutatif (si on ne veut pas utiliser cette terminologie il suffit de dire aux élèves que le système numérique ainsi créé a les mêmes propriétés algébriques que celle des nombres reels). Cette construction permet de justifier sans magie l'existence de i de l'égalité i2 = -1. Puis suit interprétation géométrique des nombres complexes et de leurs opérations.

    [Inutile de recopier le message précédent. AD]
  • Je faisais ça... en maths Sup, au bout d'un mois... et ces 2 dernières années, il y en avait bien 10% qui,bien que connaissant déjà les nombres complexes, ne comprenaient pas un traitre mot de ce que l'on faisait !

    À vrai dire, j'ai actuellement quelques élèves de Maths Spé qui sont toujours allergiques aux nombres complexes et repassent à chaque fois en parties réelle et imaginaire !! (et pour faire des transformées de Fourier, c'est franchement pas la meilleure solution :p )

    Je ne crois pas que motiver les complexes plus longuement que par "on souhaite trouver un ensemble dans lequel toute équation de degré 2 admet une solution" soit vraiment utile.
  • La structure-quotient est une notion difficile. Il y a bien longtemps qu'on a renoncé à l'enseigner en classes préparatoires, je dirais bien trente ans au moins, excepté pour $\mathbb Z / n \mathbb Z $, qui est de nos jours au programme en MP, mais explicitement non en MPSI, et inconnu des autres Sup et Spé.

    Une des nombreuses folies des programmes post-soixante-huitards fut la construction de $\mathbb Z $ en classe de Cinquième (!) comme ensemble de classes d'équivalence de couples d'entiers naturels (!!).

    Alors la construction de $\mathbb C $ comme anneau-quotient de $\mathbb R [X]$, dans les TS actuelles, etanche plaisante, et il a raison, l'humour est une bonne réaction contre la folie du monde.

    Définir $\mathbb C $ comme l'ensemble des nombres de la forme $a+bi$, avec $a$ et $b$ réels, ceci ne pose pas de problème. Pas plus que définir l'ensemble $K[X]$ des polynômes à une indéterminée, la bien nommée puisqu'on ne sait pas au juste d'où elle vient. Dans un cas comme dans l'autre il n'est pas nécessaire de procéder à une laborieuse construction, le nouvel objet mathématique se justifie a posteriori par sa fécondité.

    On sait qu'on peut aussi construire $K[X]$ comme ensemble des suites à support fini d'éléments de $K$, avec des opérations arbitrairement définies. Si mes souvenirs sont exacts, il y avait dans les années 1970 le manuel de Bréard, aux Éditions de l'École (en usage dans l'enseignement privé), qui procédait de la sorte. Mais la définition de ces opérations est aussi arbitraire que l'introduction ex nihilo de l'indéterminée $X$, et elle est plus compliquée. De même, dans $\mathbb C $ défini comme ensemble de couples de réels, la définition des opérations est aussi arbitraire que l'introduction ex nihilo du fabuleux nombre $i$, et elle est plus compliquée.

    À suivre ...

    Bonne journée.
    Fr. Ch.
  • Certes, la définition de la multiplication sur $\R^2$ est tout aussi arbitraire qu'introduire un nouveau nombre $i$ tel que $i^2=-1$, mais elle a comme intérêt de montrer que les nombres complexes ne sont pas des choses magiques mais au contraire des choses bien connues.

    Beaucoup d'étudiants qui entrent à la fac ne savent pas ou ne se sont jamais rendu compte que $i =(0,1)$, pour eux c'est un nombre mystique. Certains n'ont d'ailleurs rien compris à la forme polaire, alors que si on leur introduisait les nombres complexes comme des points du plan, la forme polaire devient extrêmement naturelle. Pareillement beaucoup d'élèves m'ont déjà demandé "monsieur comment on prouve que deux complexes sont égaux si et seulement si leur partie réelle et imaginaire le sont" alors que c'est une trivialité incroyable si on voit les complexes comme des couples.

    Tout dépend si on veut mettre l'accent sur les nombres en tant que tels ou plutôt sur le fait d'introduire une nouvelle opération (la multiplication).
  • @Ramon Mercader : +1
    Je n'ai pas compris comment cette histoire d'élèves qui tournaient sur eux-mêmes donnait la moindre intuition sur $i$ sans l'avoir jamais vu avant. En quoi la multiplication fait une rotation ? Bref, ça paraît naturel quand on connaît, quand on ne connaît pas c'est vraiment mystique ...

    Je préfère la solution de Chaurien ou de Cyrano, qui sont claires et rigoureuses, soit en introduisant $i$ formellement soit en passant par les couples de réels.

    En revanche je trouve assez raide d'introduire $i$ pour dire dire qu'on veut des solutions de $X^2+1$ au niveau terminale (on pourrait se dire qu'on peut introduire n'importe quoi pour résoudre tout ce qui n'a pas de solution a priori, sans vérifier qu'on garde de bonnes propriétés algébriques). La façon de faire de DSCH me paraît alors plus naturelle, puisqu'elle montre qu'on peut trouver des solutions réelles en passant par les complexes, et c'est d'ailleurs une approche plus parlante historiquement.
  • De même que skyffer, je pense que l'approche de DSCH est la plus intéressante : elle permet de justifier de façon efficace l'intérêt de manipuler les racines carrées de nombres négatifs. On peut ensuite justifier de façon rigoureuse les calculs proposés en introduisant les nombres complexes comme couples de réels et terminer en introduisant les notations classiques.

    La multiplication sur $ \mathbb{R}^{2} $ n'a d'ailleurs rien de compliqué, si on commence par manipuler de façon purement formelle les racines carrées négatives comme le propose DSCH : dans ce cadre, il n'existe qu'une seule façon cohérente de définir le produit $ \left(a+b\sqrt{-1}\right) \left(c+d\sqrt{-1}\right) $.
  • Chaurien a écrit:
    Dans un cas comme dans l'autre il n'est pas nécessaire de procéder à une laborieuse construction, le nouvel objet mathématique se justifie a posteriori par sa fécondité.
    Heu pas du tout non. Tant que tu n'as pas contruit le nouvel objet, par exemple $\mathbb C$, tu montres des théorèmes de la forme $\mathbb C existe \Rightarrow A$ ; le fait que d'autre part $A$ soit vrai ne rend pas ne rend pas pour autant ton concept "fécond" d'un point de vue mathématique, au mieux il te donne des idées de $A$ que tu peux essayer de démontrer.
  • @oka : Chaurien a pourtant raison. Je peux très bien introduire formellement $i$ tel que $i^2 = -1$ et définir les opérations sur $a+ib$ et voir que ça fait un corps.

    Le problème de le faire dans ZF est un faux problème, car d'une part c'est très facile à faire, je prend n'importe quel ensemble pas dans $\mathbb{R}$ et je le définis comme $i$, avec les opérations voulues dessus, d'autre part ça n'apporte rien au niveau terminale.

    C'est exactement comme quand on définit la droite réelle achevée $\overline{\mathbb{R}} = \mathbb{R} \bigcup \{\infty\}$. C'est quoi $\infty$ ? On s'en fout, ce qui compte c'est comment on définit les opérations dessus. Si on veut le définir proprement dans ZF on dit par exemple que $+\infty = \{\mathbb{R}\}$ et $-\infty = \{\{\mathbb{R}\}\}$, mais ça ne présente aucune difficulté et ça n'a aucune importance.
  • Ah je dis pas que c'est difficile à faire, mais tant que c'est pas fait ça n'aide pas à trouver par exemple une solution de $z^3=15z+4$. Avec la méthode de Cardan tu peux montrer que si $\mathbb C$ existe alors 4 est solution, mais si tu n'as pas construit $\mathbb C$ cette implication te sert à rien pour trouver une solution.

    D'ailleurs il ne suffit pas d'introduire un nouvel élément comme pour $\overline{\mathbb{R}}$, c'est pas là qu'est la difficulté, c'est de montrer qu'on peut prolonger les opérations en gardant certaines propriétés ! Et pour ça on ajoute finalement une infinité d'éléments à $\mathbb R$.

    Bien sùr qu'on peut toujours ajouter un élément à un ensemble et c'est tellement simple que ça importe peu de savoir quel élément c'est, mais ce qu'on fait pour $\mathbb C$ est beacoup plus compliqué et il faut s'assurer qu'il existe un ensemble qui vérifie les nouvelles conditions qu'on a imposées (sinon comme tu dis dans ce message on peut introduire nimporte quoi et supposer qu'on a de bonnes propriétés algébriques : c'est ce qu'on fait pour $\mathbb C$ si on se contente de rajouter $i$ à $\mathbb R$).
  • Chaurien a écrit:
    La structure-quotient est une notion difficile. Il y a bien longtemps qu'on a renoncé à l'enseigner en classes préparatoires, je dirais bien trente ans au moins

    J'étais en maths sup en 1988-1989 et les structures quotients étaient au programme. Cela permettait à partir de N de construire Z puis Q puis R (grâce aux suites de Cauchy) puis C de façon totalement rigoureuse.
    Chaurien a écrit:
    Une des plus grandes folies des programmes post-soixante-huitards fut la construction de Z en classe de Cinquième (!) comme ensemble de classes d'équivalence de couples d'entiers naturels (!!).

    J'ai appris cela en maths sup....Aujourd'hui, je suis sûr que beaucoup d'étudiants en mathématiques ignorent cette construction....
    Il était prématuré de parler de cette construction en 5ème. Cela nous rappelle que l'enseignement des maths depuis 1968 est victime d'expérimentations criminelles émanant de personnes totalement coupées des réalités (trop grande abstraction dans les années 70, algorithmique et lois continues aujourd'hui...) et qui se moquent totalement de ce que peut être un élève moyen....

    Je me souviens avoir lu un manuel de Terminale A (!!!!!!) des années 70 dans lequel l'ensemble des nombres complexes était construit au moyen de la méthode exposée par @rebellin dans son message. C'est-à-dire (a,b)+(a',b')=(a+a',b+b') et (a,b)x(a',b')=(aa'-bb',ab'+a'b) et tout ce qui en résulte.

    Quand j'étais en TC, notre excellent prof nous avait d'abord montré les insuffisances successives des ensembles N, Z, Q et R dans lesquels on ne pouvait résoudre certaines équations. Ensuite, il nous avait expliqué comment Bombelli avait pu résoudre l'équation x^3-15x-4=0 en osant introduire la racine carrée de -121 dans ses calculs.
    L'introduction du nombre i arrivait alors de façon "presque naturelle" et nous pouvions alors admettre son existence sans trop sourciller.
    Je pense que cette présentation reste la plus raisonnable pour rester accessible à des élèves de TS.
    skyffer3 a écrit:
    Je n'ai pas compris comment cette histoire d'élèves qui tournaient sur eux-mêmes donnait la moindre intuition sur sans l'avoir jamais vu avant. En quoi la multiplication fait une rotation ?

    Comme disait mon prof de physique de taupe :"C'est facile quand on sait !"................
    Liberté, égalité, choucroute.
  • On prend une feuille de papier quadrillé (il en existe, il n'y a pas besoin des axiomes PQRST pour cela). On met un point dessus (de préférence à une intersection du lignage). On l'appelle $O$ et on dit c'est l'origine. On met un point un peu plus loin, sur la droite. On l'appelle $U$ et on dit: je vais arpenter le plan en prenant le vecteur $\overrightarrow{OU}$ comme unité. Quand on le reporte deux fois, on note cela $2 \times \overrightarrow{OU}$. Quand on le reporte trois fois, on note cela $3 \times \overrightarrow{OU}$. Et si l'on fait cela en succession, cela fait $5 \times \overrightarrow{OU}$.

    Ne manquerait-il pas quelque chose ? Si l'on ne fait que cela, on reste toujours sur une même droite. La nouveauté, c'est le quart de tour, qui permet d'aller dans une autre direction. On le note $i$ et l'on a par exemple $(3+2i) \times \overrightarrow{OU}$ pour dire marche, marche, marche, quart de tour, marche, marche. Comme on a de nouveaux nombres, il faut élargir les règles de multiplication, et alors une expérimentation permet de voir quelles sont les règles qu'il semble utile de sélectionner.

    Quant à prétendre que l'Université tournerait encore moins rond que d'habitude si l'on osait mentionner devant les étudiants que le nombre $i$ représente un quart de tour, cela semble un peu aventuré.

    Cordialement, Pierre.
  • pldx1 a écrit:
    marche, marche, marche, quart de tour, marche, marche.

    Garde à vous !!!! Repos.....
    Liberté, égalité, choucroute.
  • Bonsoir,

    je l'ai enseigné une fois en 1STI2D, j'avais présenté très succinctement leur cheminement historique puis hop, la présentation de l'ensemble des nombres complexes, nombres qui s'écrivent sous la forme $a+ib$ avec $i^2=-1$ où $a$ et $b$ désignent des nombres réels.
    Je justifiais le pourquoi de cette nouvelle torture avec leur utilisation en électricité ce qui coupait court au : ça sert à quoi ?

    Si un jour j'ai à l'enseigner en TS, j'approfondirais la démarche historique dans la mesure du possible, en rappelant que les nombres négatifs ont été inventés il y a longtemps en Chine pour résoudre des systèmes d'équations où le détour par les nombres négatifs conduisaient à des solutions d'un problème formulé avec des nombres normaux, les nombres positifs avec des solutions normales.
    -> La solution obtenue pouvait se vérifier a posteriori, même si le chemin relevait de la sorcellerie.
    Je vérifierais, auparavant, tout cela avec le magnifique livre "Les neuf chapitres" de Karine Chemla, car tout ça ce sont des souvenirs du mémoire que j'avais fait lorsque j'étais stagiaire.

    Après, pour la présentation formelle, ben je relirais ce fil qui est très intéressant. Merci GaBuZoMeu de rappeler l'existence de ce magnifique document (Dimensions).

    [Edit : correction de concordance des temps signalée par la rugosité de sieur Chaurien. Perso je trouve pas ça naturel mais bon, la concordanse des temps c'est pas facile et il y a des règles. Moâ j'aime bien suivre les règles (si tout le monde en est informé et en est d'accord, d'une manière ou d'une autre]
    S
  • Mais ça designe quoi $ a+ib$ si tu as seulement introduit $i$ ?
  • Par curiosité, je suis allé voir dans le programme officiel, c'est seulement marqué "On introduit dans ce chapitre [sur les nombres omplexes] des éléments lui donnant une dimension historique", ce qui laisse la place pour pas mal d'approches.

    Je suis assez circonspect sur le côté "utilité" dans le débat approche géométrique contre approche axiomatique contre approche "on introduit une solution à $X^2=-1$. Je pense que pour les élèves qui ont l'état d'esprit de penser que les maths ne servent à pas grand chose, les trois approches vont toutes sembler inutiles.

    Perso je serai assez pragmatique dans l'approche: je dirais qu'historiquement des gens ont commencé à introduire artificiellement des nouvelles solutions à des équations sans solutions (alors qualifiées d'imaginaires, au passage vocabulaire bien malheureux qui conforte l'idée que les complexes sont de la branlette de matheux). On s'est alors rendu compte que d'une part ces nouveaux nombres ont une interprétation géométrique simple (ce qui permet de justifier leur existence et de faire de la géométrie, justement) et que ça sert beaucoup dans les calculs en physique (notamment tout ce qui tourne autour de l'électricité, l'électronique, la mécanique quantique, ce qui peut servir de motivation). Ensuite présentation axiomatique en introduisant $i$ une quantité telle que $i^2=-1$, les règles de calcul puis passer le plus vite possible à l'interprétation géométrique.
  • Il y aurait encore bien des choses à dire dans cette discussion très intéressante.

    Juste un mot à propos de la remarque de Ramon Mercader sur un manuel de Terminale A (littéraire) des années 1970. C'est probablement :
    Pitel, Durant, Touyarot, L'heure de mathématique en Terminale littéraire, Fernand Nathan 1968, 176 p.

    C'est un excellent ouvrage, fruit de la collaboration de deux professeurs de mathématiques et d'un professeur de philosophie, qui présente un cours de mathématiques avec une réflexion appuyée sur des extraits de Platon, Descartes, Kant, Hadamard, Dieudonné et autres penseurs d'envergure.

    Bon, il est conçu pour d'excellents élèves de cette filière, qui n'existaient (et n'existent) probablement qu'à l'état de trace, comme on dit en chimie. Mais en tant que livre, par exemple pour des gens comme nous, j'en conseille la lecture. On le trouve encore pour pas cher, ce qui n'est pas le cas des livres de Bréard.

    Bonne journée.
    Fr. Ch.

    NB. Un forumeur pourrait-il m'expliquer comment on fait ces jolies citations encadrées de messages d'autrui ?
  • Chaurien a écrit:
    Un forumeur pourrait-il m'expliquer comment on fait ces jolies citations encadrées de messages d'autrui ?

    Lorsque tu réponds à un message (post en bon français) au-dessus du texte que tu vas envoyer, trônent un alignement de boutons. Le sixième à partir de la droite figure des guillemets. Tu cliques délicatement dessus.
    Tu renseignes le nom de l'auteur, et entre les mentions "quote" tu copies tout ou partie du message que tu souhaites mentionner.

    e.v.
    Personne n'a raison contre un enfant qui pleure.


  • ev a écrit:
    Tu cliques délicatement dessus.

    Merci beaucoup, j'ai cliqué brutalement et ça marche aussi ;-)
    Bonne journée.
    Fr. Ch.
  • Tiens ?

    Chaurien ne pas éreinté pour ma syntaxe.
    ev a écrit:
    au-dessus du texte que tu vas envoyer, trônent un alignement de boutons.

    Je vous l'dis, si Chaurien laisse passer ça, c'est bien que tout fout l'camp ma bonn' dame.

    e.v.
    Personne n'a raison contre un enfant qui pleure.


  • ev a écrit:
    Chaurien ne pas éreinté pour ma syntaxe.

    Peut-être un problème avec la sainte taxe.
    Algebraic symbols are used when you do not know what you are talking about.
            -- Schnoebelen, Philippe
  • Je ne vais pas embêter quelqu'un qui me rend service ;-).
  • On peut bien introduire formellement les complexes par la multiplication des $a+ib$ mais il faut montrer le plus vite possible que cela precipite dans un monde coherent: racines des polynomes de degree 2 et 3 d'abord. Mais ensuite, je montre vite en L1 que $\lim_n(1+z+\cdots+\frac{z^n}{n!})$ existe. On le note $e^z.$ Et quelle stupefaction d'avoir ensuite rapidement $e^{z+z'}$, la definition de $\cos \theta$ et de $\sin \theta$ a partir de $e^{i\theta}$ ou $e^{i\pi}=-1.$ C'est comme cela que fait Dieudonne, et c'est tres bien.
  • J'ai beaucoup aimé le film d'Adrien Douady que nous a communiqué GaBuZoMeu. Ce film est très bien fait, avec de belles trouvailles d'exposition. Il commence par motiver l'introduction du nombre $i$ par la rotation d'un quart de tour. Mais ensuite, il définit les opérations entre complexes tout comme je le préconise, en définissant les complexes comme les nombres $x+yi$, avec $x$ et $y$ réels et $i^2=-1$.

    Il ne prouve pas que le module du produit est le produit des modules, ni que l'argument de la somme est la somme des arguments. Il a soin de prendre des complexes dont le module « tombe juste » (à base de triplets pythagoriciens) et dont les arguments sont inférieurs à un angle droit.

    Ce n'est pas un cours, c'est une bonne introduction à la question, une incitation, sur un support plus attrayant qu'un livre. Ce n'est donc pas une réponse à la question de la manière d'introduire les nombres complexes dans un cours, afin que les élèves se les approprient et soient capables de résoudre par eux-mêmes des problèmes concernant ces nombres.

    Autrefois, j'ai assisté à des conférences de ce grand mathématicien, et j'ai rencontré sa femme Régine et son fils Raphaël dans le cadre de mes activités secondes, il y a bien longtemps. Dans ce film, je retrouve la chaleur du conférencier, et ceci m'incite à regarder ses autres films, et je remercie GaBuZoMeu de nous les avoir fait connaître. Déjà dix ans qu'il nous a quittés. Comme le temps passe.

    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • @ P.
    En L1 comment prouves-tu : $e^{z+z'}= e^z e^{z'} $ ?
  • Mon cher P.

    Quelle stupéfaction d'utiliser $e^z$ pour noter $\exp(z)$ avant d'avoir montré, par produit de Cauchy ou autrement, la propriété universelle $\exp(x+y)=\exp(x)*\exp(y)$. On a ensuite $\exp (it)$ est de module 1 lorsque $t$ est réel. Et ensuite les ennuis commencent. La difficulté n'est pas de trouver ce que vaut $\exp (z)$ quand on connait $z$, mais de caractériser les $t$ qui veulent bien être les antécédents de $(3+4i)/5$.

    Cordialement, Pierre.
  • De fait, j'utilise $\exp$. Le reste se fait bien a partir d'une etude correcte de $ t\mapsto \cos t, \sin t$ Voir le tome 1 de Dieudonne , traite d'analyse.
  • @Chaurien : ce n'est pas un film d'Adrien Douady ! C'est un film de Jos Leys, Étienne Ghys et Aurélien Alvarez.
    Si tu regardais l'épisode 1, croirais-tu qu'il s'agit d'un film de Hipparque ?
    Sauf erreur, Douady était déjà décédé quand le film a été réalisé.
  • Oups ! Il faudra que je regarde la série. Je ne connais pas ces trois personnes, mais ils ont du talent.
  • @ pldx1
    La théorie complète de l'exponentielle complexe peut se traiter en math sup ou au pire en math spé (donc L1 ou L2 si j'ai bien compris). Elle comprend les propriétés des fonctions usuelles, y compris les fonctions circulaires. Je l'ai rappelé de façon détaillée dans un autre fil. L'ensemble des antécédents d'un complexe par l'exponentielle ne cause aucun ennui particulier.
    J'avais même fabriqué pour prépa HEC un problème en plusieurs questions qui avait pour but la description de l'ensemble des complexes $z$ tels que $e^z=z$.
  • Bonjour,

    un nombre complexe étant une similitude directe du plan euclidien canonique, elle-même étant un pouvant se coder par un vecteur, on peut dans le même temps faire correct et très vite abréger pour écrire des a+ib dans tous les sens. Les deux exposés ne sont pas en conflit dès lors qu'on accepte d'admettre en introduction les propriétés des similitudes.

    Bonne soirée.
  • Un nombre complexe est une matrice
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