Comptage et digressions

Le comptage est-il l'ABC du Calcul ?
Suivi de quelques digressions sur le comptage, le calcul, l'écriture et la lecture.


I) Le calcul, abc du comptage ?

Le point de départ de cet exposé sera l’expression « Compter, l’ABC du Calcul », titre d’un chapitre du livre faisant autorité sur le sujet, « La bosse des maths » de Stanislas Dehaene, titre maintenu de la première édition de 1995 à la dernière édition complétée de 2010. La signification de ce titre est tout à fait cohérente non seulement avec l’ensemble du livre mais aussi avec l’opinion dominante sur cette question, qu’elle soit le fait de non spécialistes ou de psychologues ou de didacticiens. Même si un petit nombre d’auteurs met en cause seulement implicitement cette affirmation, personne ne l’a explicitement critiquée. Le bon sens ne dit-il pas : Puisque les opérations portent sur les nombres, la connaissance des nombres ne doit-elle pas précéder celle du calcul et donc des opérations ? Quand peut-on dire, au contraire, que le calcul est l’abc du comptage ?

II) Digressions

Au moment où le débat sur les méthodes de *lecture* se perpétue ne vaudrait-il pas mieux s’intéresser à l'écriture pour comprendre la lecture surtout s'il est vrai, comme le disait James Guillaume que « [l'] on ne peut lire que ce qui a été écrit » ?

L'écriture du français, et non la langue française, est phonique, c'est-à-dire qu’elle code du son et non du sens, et parmi les écritures phoniques, elle est fondamentalement alphabétique et non syllabique. La méthode d’apprentissage de l’écriture du français doit donc être phonique et alphabétique et ne peut donc être ni idéographique – c'est-à-dire coder du sens –, ni être syllabique.

Il est donc stupide de penser qu’une méthode idéographique – comme les méthodes idéovisuelles qui critiquent explicitement le recours au déchiffrage –, puisse prétendre au titre de méthode d’apprentissage de l’écriture du français.

Pourquoi continue-t-on à mettre l’accent sur les méthodes de lecture alors que si on se replace dans le cadre de la problématique de Ferdinand Buisson, la question centrale étant celle de l’écriture, le problème disparait car il n’y a pas de méthode d’écriture « globale » puisque justement une écriture alphabétique se code par définition lettre après lettre.

Mais ceci doit-il empêcher de considérer que l’apprentissage de la numération écrite en base dix relève d’une méthode idéographique ? Chacun de ses éléments de base, les chiffres, ne codent-ils pas, contrairement aux lettres, du sens ?

Si le comptage n’est pas l’ABC du calcul, serait-il l’ancêtre de l’écriture ? On peut le constater. En ce cas, et si l’on souhaite pour les élèves une vision non unilatérale de l’écriture, est-il judicieux de séparer dans le temps l’enseignement de l’écriture idéographique d’un langage comme celui de la numération et l’enseignement de l’écriture phonique d’une langue comme le français ?

Septembre 2015, Michel Delord

Bibliographie sommaire :

Michel Delord, La Globale et la Syllabique, 28/01/2005,
http://michel.delord.free.fr/syll-glob.pdf
Michel Delord, Apprendre à Lire et à Écrire : de l’importance des différents systèmes d’écriture, 26/03/2012
http://michel.delord.free.fr/logo_syll_alpha.pdf / Débat sur le blog de Luc Cédelle http://k6.re/tFC3g

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Je rajoute le commentaire que j'ai fait sur mon blog https://micheldelord.blogspot.fr/2017/11/le-comptage-est-il-labc-du-calcul-suivi.html ,
car il contextualise le texte :
Bien sûr, ces questions n’intéressent vraiment, dans le contexte actuel, que ceux qui pensent que même dans le cadre d'une mission ( C. Villani, C. Torossian) qui s’intéresse aux mathématiques tous niveaux, il faut commencer par le commencement qui n'est pas mathématique en deux sens :
-i) il est essentiellement intuitif et donc "non mathématique au sens strict"
- ii) il entretient des rapports étroits en tant que langage avec la langue maternelle
MD

Réponses

  • Bonsoir,
    j'avoue ne pas être très convaincu cette fois-ci. (en toute humilité, je ne suis pas spécialiste)

    C'est notamment la digression qui me turlupine. Peut-on vraiment écrire que
    l’apprentissage de la numération écrite en base dix relève d’une méthode idéographique
    ?
    Cela ne me parait pas évident du tout.
    Certes chacun de ses éléments de base "code du sens", par lui-même et en fonction de sa position, mais est-ce suffisant pour qualifier le système d'écriture d'idéographique ?

    Plus intéressante me parait la remarque initiale
    Le calcul, abc du comptage
    .
    En effet dès que l'on compte au-delà de 10 , on calcule.
    63, c'est 6*10+3. Il y a déjà dans le véritable comptage (numération de position en base 10) des opérations sous-jacentes.

    D'où l'intérêt d'enseigner les 4 opérations (sur des cas simples au début) en même temps que l'apprentissage de la numération.

    Cordialement
  • Mathurin écrivait:
    > Bonsoir,
    > j'avoue ne pas être très convaincu cette
    > fois-ci. (en toute humilité, je ne suis pas
    > spécialiste)
    >
    > C'est notamment la digression qui me turlupine.
    > Peut-on vraiment écrire que
    > l’apprentissage de la numération écrite en
    > base dix relève d’une méthode
    > idéographique
    ?
    > Cela ne me parait pas évident du tout.
    > Certes chacun de ses éléments de base "code du
    > sens", par lui-même et en fonction de sa
    > position, mais est-ce suffisant pour qualifier le
    > système d'écriture d'idéographique ?

    Je n'en sais rien mais les arguments que l'on m' opposé jusqu'à maintenant ne m'ont pas convaincu. Mais effectivement j'ai un petit doute aussi mais que je n'arrive pas à rationaliser.

    > Plus intéressante me parait la remarque initiale
    >
    Le calcul, abc du comptage
    .
    > En effet dès que l'on compte au-delà de 10 , on
    > calcule.
    > 63, c'est 6*10+3. Il y a déjà dans le véritable
    > comptage (numération de position en base 10) des
    > opérations sous-jacentes.
    >
    > D'où l'intérêt d'enseigner les 4 opérations

    Ici vous montrez que c'est vrai pour deux opérations ( * , + ) mais pas pour 4!!!!
    Réponse partielle dans mon prochain texte. Dans quatre jours, le 18 ( et il y aura même un forum pour en débattre).

    > (sur des cas simples au début) en même temps que
    > l'apprentissage de la numération.
    >
    > Cordialement
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