Enseigner une méthode en 5ème

Bonjour,

J'ai essayé d'apprendre aux élèves de 5ème la soustraction des nombres relatifs (j'ai l'impression un peu folle que ça fait encore partie de mon métier de prof de maths; c'est sûr qu'en 3ème Texas Instruments mettra tout le monde d'accord).

J'ai dit: "C'est une méthode: vous transformez la soustraction en addition, et le nombre après vous changez son signe. Ensuite vous faites l'addition. C'est comme cela que ça marche, on ne peut pas faire autrement, c'est assez difficile, suivez bien ces étapes, écrivez-les".

Et on s'est entraîné pendant 3-4 séances avec des exercices variés mais généralement basiques pour la plupart, c'est à dire avec des nombres entiers.

A chaque calcul quasiment, j'ai rappelé la méthode à l'oral et j'ai toujours écrit l'addition intermédiaire. En tout, j'ai bien dû énoncer et donc écrire la méthode 20 fois, peut être 30 ou plus. On l'a écrite stricto sensu dans le cours aussi.

Alors en évaluation, je pose la question "Explique avec une phrase la méthode pour faire la soustraction" puis des calculs.
Et là:
- presque personne n'est capable de m'écrire la méthode
- et les calculs ne sont pas bons: même pas les additions, la transformation elle-même du calcul n'est pas acquise.

Que les maîtres de la didactique m'expliquent! Je veux bien reconnaître que je suis un mauvais prof, mais là, je ne comprends pas. Le message est clair, la méthode est claire, l'entraînement est clair, les supports sont variés. Les élèves de nos jours sont-ils capables d'apprendre une méthode en 2 étapes? Je n'en suis plus sûr.

Réponses

  • Bonjour,

    Ne déserpère pas !

    Je connais une prof de physique (et la physique est encore plus anéantie que les mathématiques en collège) qui ne comprend pas comment les élèves arrivent à ne rien comprendre aux proportions ou à la règles de trois... mille fois répétées et illustrées ; et je préfère omettre les conversions d'unités (...). Pourtant, dix ans après, certains de ces élèves sont devenus chirurgien ou Polytechnicien ou pilotes ou prof de maths !

    Patience et amour inconditionnel pour tous tes élèves, tous les jours.
  • je crois que je leur demanderais : qu'est ce qu'une addition ? Qu'est ce qu'une soustraction ? Pas dit que tous les élèves le savent vraiment donc la méthode ne leur parle pas car ils ne connaissent même pas la définition des mots de base (alors qu'ils devraient...).

    Cela me fait penser à me secondes : je leur ai demandé de m'écrire ce qu'évoquait le mot équation : 90% m'ont parlé de résolution mais presque personne ne m'a dit ce qu'était une équation. Ils ne le savaient pas vraiment en fait....alors appliquer des méthodes sur des objets qui ne leur évoquent rien c'est parfois compliqué ( d'ailleurs j'ai rapidement vu que le signe égal leur posait problème en fait : ils ne savent pas tous ce que cela signifie....)

    Je me dis que nos élèves n'ont plus de memoire. Ils ne le font pas travailler alors comment apprendre par cœur deux phrases...je crois que c'est ce qui déprime le plus. J'ai hâte de voir les résultats PiSA. On devrait réussir à encore perdre des points (je ne vois pas comment on pourrait en gagner...).

    Pour ton souci, tu peux essayer de travailler sur un parcours avec des cases en avançant et en reculant des pions (avec des cartes + et -) : ça permet de visualiser l'addition et la sous traction et meme de la sentir physiquement. Certains diront que c'est du pédagogisme mais si le taux de compréhension augmente pourquoi pas...il y a des jeux dédiés sur jeuxdemaths de l'irem de Caen. Tu y trouveras peut être des alternatives.
  • Passage difficile de la classe de 5e.

    Cependant, j'aurais parlé de définition "soustraire, c'est ajouter l'opposé".
    C'est certainement une chose à débattre..."la différence est le nombre qui, ajouté à celui-là, donne celui-ci" (l'addition à trou, quoi).

    Ensuite, je préfère tout faire avec des axes. On définit la distance entre deux nombres par leur différence (le plus grand "moins" le plus petit) : on place les deux nombres par rapport à $0$, puis on regarde la distance entre les deux. Selon qu'ils sont placés du même côté (positif ou négatif) il ne se passe pas la même chose que quand ils sont placés autour de $0$.

    Cela dit, ton message parle un peu de découragement finalement : c'est comme ça.
    Les élèves de 5e d'aujourd'hui dans les collèges "normaux" ne foutent rien et se foutent de tout.
    Quelle que soit la méthode, ils la revoient encore et encore en classe mais ça sort aussitôt la sonnerie.
    Je parle en général, pas uniquement de ce thème là.

    Ils ont ce qu'il faut dans leur cerveau cependant : tu leur passes l'interro en début d'heure, moyenne 5/20.
    Tu leur rappelles comment on fait puis tu passes l'interro, moyenne 12/20. Puis si tu la refais en début de la séance prochaine, rebelote 5/20. Tu es leur Google/Wiki, en gros. Mais ils ne veulent pas lire, seulement entendre et voir au moment voulu.

    La polémique devrait être lancée sur un autre fil "il n'y a rien à apprendre et patati et patata" mais cela n'est pas le font du problème selon moi.
  • Merci pour vos réponses (de soutien).

    Je suis d'accord avec djedje_bzh: tu as raison, d'ailleurs je l'avais pressenti et j'avais demandé en première question de mon évaluation "(+3)-(+4)" est-il une soustraction? et j'ai eu un tiers d'élève qui me répond: non...

    Donc l'année prochaine, j'améliorerai en faisant un travail préalable sur ce qu'est une addition, une soustraction. C'est sûr que même ça, ce n'est pas clair pour eux. C'est fou mais c'est comme ça (en fait, rien n'est clair pour eux, j'ai l'impression que les maths sont un magma de trucs magiques).

    Ensuite, je peux me tromper, mais:
    - dire "soustraire un nombre, c'est ajouter l'opposé" c'est prononcer quelque chose d'incompréhensible pour la majorité selon moi. Les phrases ne doivent pas être trop complexes déjà, et surtout, il y a la notion d'opposé, donc si je mets ça dans la phrase, je perds les trois quarts des élèves. Le fait de rappeler préalablement ce qu'est "opposé" ne changera pas grand chose à cela je pense.
    - passer par les axes, c'est selon moi, une abstraction supplémentaire. comment expliquer, par les axes (-2) + (-3), ou pire comment expliquer (+2) - (-4)? passer par les axes est, sans aucune attaque, un mensonge néfaste selon moi dans le sens où c'est une méthode, c'est comme ça. C'est bien le problème de ce chapitre difficile de 5ème: on n'a plus de sens concret.

    Au final, je suis d'accord avec YvesM "Patience et amour inconditionnel pour tous tes élèves, tous les jours". Il faut une croyance irrationnelle que ce qu'on fait puisse servir, sinon la réalité est peut être trop dure pour nous maintenant. Mais bon, je suis conscient que c'est le stade d'après, le stade du "désenchantement". J'exagère peut être un peu ici car quand je pense ce que ça peut être en REP+... au moins moi à la fin de l'éval ils disent c'était facile et ils ont travaillé (bon ça donne 9/20 de moyenne).

    Finalement la vraie question c'est: pourquoi de nos jours les élèves travaillent si peu?

    C'est surprenant dans le sens où, quelle que soit la culture, je pense que tout parent souhaite que son enfant réussisse, donc travaille. Le système a dû donc véhiculer le message "tu n'es pas obligé de travailler". Une sorte de conséquence du "le plus important est le vivre ensemble, on développe des compétences transversales blahblahblah"? Comment les pédagogistes justifient-ils cela, eux qui justement voeint trop loin pour construire l'école? une société avec des gens qui ne travaillent pas n'est pas satisfaisante non?
  • Avec les distances voyons :
    Comment lire la distance de $+2$ à $-4$ ?

    Je reconnais que cela demande du boulot préalablement sur les définitions : opposé, distance d'un nombre à $0$ (d(x,0) pour les pros), puis distance d'un nombre à un autre (d(x,y)).
    Les axes sont la première des représentations mentales des relatifs (primaire) avec l'ascenseur et le thermomètre.
    Et de mon point de vue, c'est une excellente représentation mentale.
  • OK mais mon problème, c'est comment fais-tu pour: (-3) - (-2)?

    une distance négative c'est conceptuel...
  • Je vais te fâcher ;-)

    Ta méthode (définition) est bonne : (-3)+(+2).

    Ce n'est pas toi qui est en cause. Ensuite, pour calculer cela, je suis convaincu que "tout le monde" fait l'ascenseur dans sa tête. Par contre en remplaçant $3$ par $237$ et $2$ par $159$, chacun fait l'ascenseur puis regarde mentalement les axes pour savoir s'il faut soustraire ou ajouter. Bien entendu, on a la propriété qui résume tout ça : somme de nombres de signes distincts, patati, signes identiques, patata.

    Bien entendu on a une méthode algébrique, qui marche, disons dans tout anneau, mais c'est difficile, je trouve.


    Edit : travailler la somme de deux relatifs bien avant la différence est une des pistes efficaces.
    As-tu fait comme ça dailleurs ?
    Dans le bien avant, j'entends de séparer les chapitres/séquences de plusieurs mois.
  • Bonjour Taimanov

    Une méthode en 2 étapes qui semble fonctionner assez bien avec les élèves :

    1) Réduire le nombre de signes du calcul algébrique en supprimant les parenthèses et en appliquant la règle (facile à retenir) :

    "++" = "+"; "- -"= "+" ; "- +" = " - " ; "+-"= "-"

    Exemple 1 : (-3) - (-2) = -3 + 2

    2) Utiliser l'analogie de l'ascenseur d'immeuble. Dans le calcul ci-dessus : nous sommes à l'étage -3 (sous-sol) et +2 signifie que l'on monte de 2 étages : on se retrouve à l'étage -1

    Exemple 2 : (-3) - (+2) deviendra -3 - 2. Nous sommes à l'étage -3 et -2 signifie que l'on descend encore de 2 étages, on se retrouve donc à l'étage -5.

    En espérant que ça peut aider.
  • Bon, je ne comprends toujours pas comment tu fais (-3) - (-2) parce que comme je disais, ils n'arrivent pas à écrire que c'est égal à (-3) + (+2).

    Oui, j'ai séparé avec l'addition mais non, pas de loin, donc je peux améliorer ça pour l'année prochaine clairement. C'est d'ailleurs selon moi le chapitre le plus dur de 5ème parce que déjà l'addition c'est coton, alors la soustraction...
  • Merci mathador, intéressant.

    C'est vrai que je ne le fais pas du tout comme ça.

    J'aimais bien l'idée de me ramener à l'addition avec cette transformation, mais il faut peut être que j'abandonne ça.
  • Ok.
    Je comprends très bien le problème : s'ils "ne veulent pas savoir qu'il faut changer la différence en une somme", alors c'est mort.

    La méthode de @mathador est une bonne piste.
    On peut l'explorer qu'avec les sommes d'ailleurs.

    Cela rend plus simple la suite des calculs dans le niveau 4e, notamment.

    Pour mener à cela l'oral est assez pratique : "la somme de -3 et -2", "la somme de +4 et -7"...puis, ni vu ni connu tu ne dis plus "la somme", tu précises que pour aller plus vite tu ne diras plus "la somme" dans l'exercice oral.
    Cela devient "-3 (et) -8", voire plutôt "-3-8". En travaillant en début d'heure, en fin d'heure, enfin à n'importe quel moment opportun.
    Ainsi on oublie la charge mentale de tous les symboles, parenthèses, etc.

    Prolongement :
    Une suite de symboles du type : -2+2-4-7+6 est une somme dont on a enlevé les "+".
    C'est très pratique car on gagne la commutativité, et l'associativité (des relatifs) notamment.
  • Tout à fait d'accord.
  • Petit complément :
    On peut démontrer la commutativité de la somme de deux relatifs en utilisant comme support les axes gradués.
    On donne deux nombres dont les distances à zéro sont $a$ et $b$.
    Ensuite on étudie les cas selon que les nombres choisis sont $-a$ ou $+a$ (resp. $-b$ ou $+b$).
    On démontre que ($(\pm a) +(\pm b) = (\pm b) +(\pm a)$.
    On a d'ailleurs la propriété utilisée dans la plupart des ouvrages : la somme est du signe du plus loin de $0$ et la distance à $0$ est la somme dans un cas (mêmes signes) et la différence dans l'autre (signes distincts)....
    C'est parfois la définition donnée pour la somme de deux relatifs.

    Attention :
    1) il faut être à l'aise avec la classe pour faire ça et ne pas être tout seul à comprendre ce que l'on fait.
    2) il faut définir ce qu'est (par exemple) (-5) + (+3). C'est le nombre que beaucoup d'élève de CM1 savent déjà trouver tout seul : on par de -5 et on se déplace dans le sens positif de 3 unités.
    Tout cela peut être casse-gueule pour des choses, en fin de compte, qui sont "simples" (il n'y a rien de profond).
  • @Taimanov : Il est possible que le blocage ne vienne pas de ta méthode mais simplement de la compréhension de ce que peut bien représenter le nombre (-3)-(-2), par exemple.
    Que peut bien vouloir dire "partir de l'étage -3 et descendre de -2 étages" ?

    Tous les autres cas sont faciles à se représenter... mais celui-ci pose problème car il est difficile à rattacher à un phénomène courant.

    Il est important qu'ils aient compris que c'est "naturel" plus que "on fait comme ça parce que ça marche". Ceux qui restent dans la deuxième catégorie ne vont généralement pas bien loin !

    Remarque : l'utilisation de Scratch peut peut-être aider...
    Tracer un axe gradué et y placer un lutin, puis lui demander de reculer de (-2) unités.
    C'est une idée comme ça : je n'ai pas de 5èmes !
  • Et au lieu de scratch, tu peux les faire jouer au jeu de l'oie...ramener tout au numérique n'est pas toujours une bonne solution car on perd la notion du toucher et le fait de manipuler des objets. Si c'était moi, je repousserais le numérique le plus tard possible (et je mets la calculatrice là dedans). Quand je vois ce que des élèves de seconde peuvent retenir de leurs activités scratch...(proche du néant) autant les entraîner à lancer un dé et à jouer à des jeux de sociétés. Avec un peu de chance ils auront été plus habitués à faire des calculs de tête. Et la plupart des calculs faits avec la calculatrice se résument à 1+5 ou 2*3....des opérations de ce style...
  • djedje_bzh a écrit:
    Et au lieu de scratch, tu peux les faire jouer au jeu de l'oie..

    Et si au lieu de tout cela, on faisait un vrai cours de maths ?
    Si vous voulez faire des activités pour centre aéré, passez donc le BAFA.....
    Liberté, égalité, choucroute.
  • Bien d'accord Ramon, mais disons que j'ai une approche plus modérée : revenons aux maths petit à petit. Déjà dans un premier temps moi je supprimerais le numérique. D'autant qu'on peut meme faire de l'algorithmique sur papier (plein de docs sur le sujet). Et le temps gagné sur la non utilisation de logiciels inutiles, j'en profite pour quelques activités qui changent (le jeu de l'oie c'est un extrême, je ne le ferais pas en classe).
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