Justifier l'allure du graphe d'une fonction

Je ne sais pas trop comment précisément poser cette question, mais essayons.

Quand on travaille en analyse, on se fait souvent un petit dessin de l'allure (locale ou globale) du graphe de la fonction qu'on étudie. Et on fait confiance à ce dessin. Mais à quel moment a-t-on démontré que c'est le bon graphe ?

Je m'explique.

Quand j'étais au collège, j'ai découvert les fonctions par l'intermédiaire des fonctions affines (et linéaires). On dessinait toujours des droites pour ces fonctions, donc c'est par l'intermédiaire de ça que j'ai compris que les droites du plan c'était les objets d'équation $ax+by=0$. Par la suite, en licence, ça me paraissait logique que les espaces vectoriels (ceux qu'on peut dessiner, les droites et les plans) sont des objets "droits" ou "plats". Donc maintenant, quand je me dis, pourquoi le graphe d'une bête fonction affine de $\mathbb{R}$ dans $\mathbb{R}$ est-il bien une droite ? Ben parce que c'est l'image de $\mathbb{R}$ par une application affine, logique ! Sauf que mon raisonnement se mord la queue parce que la seule raison pour laquelle ça me paraît logique, c'est qu'un jour on ma dit "c'est comme ça", point.

Je pourrais faire le même raisonnement sur les équations des paraboles dans le plan et l'allure des fonctions polynômes du second degré.

Et sûrement pour plein d'autres exemples.

Ma question est : étant donné une fonction $f : \mathbb{R} \longrightarrow \mathbb{R}$, comment prouve-t-on qu'un graphe donné (disons, dessiné dans un repère orthonormé direct) est bel et bien le graphe de cette fonction ? Pour montrer que ce n'est pas le bon graphe, facile : on trouve un point qui ne marche pas et c'est réglé. Mais dans le sens affirmatif...

Ça me paraît presque idiot de poser cette question, mais en même temps, ça ne m'a pas l'air simple. Il faut bien choisir quel truc on montre à partir de quel truc, sans se mordre la queue.

Réponses

  • Ta question n'a pas de sens, tout simplement parce qu'une figure n'est pas un objet mathématique, c'est quelque chose d'extérieur qui nous permet de visualiser les choses. C'est pour ça qu'un raisonnement sur le graphe d'une fonction ne constitue pas une démonstration.

    Une vraie question qu'on peut se poser serait : pourquoi le graphe (au sens mathématique) d'une fonction linéaire d'une variable est une droite du plan (au sens des espaces vectoriels) ? Et là la réponse est évidente, soit on vérifie la définition à la main, soit on invoque le fait que l'image d'une droite par une application linéaire est une droite. En fait, cette question a même un sens sur n'importe quel corps, même ceux que l'on ne peut pas se représenter ($\mathbb Q((X))$ ? :-D ).
  • Ben... techniquement, je ne suis pas (encore ?) entièrement d'accord avec ce que tu dis.

    L'ensemble $\{ (x,f(x)) \in \mathbb{R}^2 \mid x \in \mathbb{R} \}$ existe (à peu de choses près, certes, si la fonction n'est pas définie sur $\mathbb{R}$ entier), c'est le graphe de $f$. Ce n'est pas la courbe représentative de $f$, certes.

    Mais de là à dire que la courbe représentative de $f$, dans un repère au choix de $\mathbb{R}^2$, n'est pas un objet mathématique ? Des courbes planes, j'en ai étudié plein (typiquement, des coniques ou des courbes paramétrées) et même si la courbe représentative d'une fonction $f : \mathbb{R} \longrightarrow \mathbb{R}$ ne rentre pas exactement dans ces catégories-là, j'ai l'impression que tu y vas un peu fort.

    Je pense aussi à tous les résultats sur la convexité et la position relative d'une courbe par rapport à sa tangente ou une corde...
  • De toutes façons un dessin est toujours approximatif.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Bonjour, tu écris que $\{(x,f(x)): x \in \mathbb R\}$ n'est pas la courbe représentative de $f$. Pourrais-tu alors écrire la définition de la courbe représentative de $f$?
  • @Homo Topi : je n'ai jamais dit que le graphe n'existait pas :-D C'est bien entendu une partie de $\mathbb R^2$, je dis que la figure qu'on en fait n'est pas un objet mathématique en soit. Si tu dis que tu as manipulé des courbes planes je te crois, mais tu n'as pas manipulé leur dessin, seulement la partie de $\mathbb R$ définie par [définition de ta courbe] (paramétrée ou implicite en général). Ces derniers objets sont bien définis, et tu démontres des choses dessus. La figure que tu en fais n'est qu'une image.

    Pareil par exemple pour l'image "une fonction est convexe si et seulement si son graphe est en-dessous de ses cordes", cette phrase a une signification mathématique (qui est exactement la définition de la convexité :-D ), c'est juste que ça permet de se "faire une idée" visuellement.
  • Peut-être Homo Topi serait-il plus convaincu si on lui disait que les arcs paramétrés par des fonctions affines réalisent le plus court chemin entre deux points donnés (parmi les arcs de classe $\mathcal{C}^1$ d'un espace euclidien, disons) : comme ça, par exemple ?

    Edit : remplacement de $\mathcal{C}_1$ par $\mathcal{C}^1$
  • Axone : justement, c'est une partie de la question !

    Poirot : je sais bien que je n'ai pas manipulé les dessins mais les formules.

    brian : ça n'a aucun rapport avec ma question...

    Un de mes profs à la fac m'avait raconté que quand il était étudiant, un de ses profs à lui ne faisait JAMAIS de dessin ou de schéma dans ses cours. Il ne manipulait que des formules.

    Je pense qu'implicitement, puisque je pense que les humains ont une intuition très visuelle, j'ai envie de voir si on peut donner au dessin d'une fonction (courbe représentative) une "existence" mathématique au même titre que son graphe en a une... en partie pour convaincre des élèves de collège/lycée qui demandent pourquoi une telle fonction "ressemble à" tel truc. Tout simplement parce que le graphe c'est un ensemble (une formule, en gros) et que sans en faire un dessin, certains élèves n'arriveront pas à s'en faire une certaine intuition. D'où la question de justifier que c'est "le bon dessin" dans un repère donné.
  • Eh bien, tu prends un certain $x$, tu places le point de coordonnée $(x,f(x))$, puis tu en prends un autre et tu recommences jusqu'à ce que l'épaisseur des points fait qu'ils se touchent les uns les autres, et tu vois à quoi ça ressemble.

    Je ne pense pas que la réponse de brian soit à côté de la plaque. Si tu admets que la géométrie euclidienne décrit bien notre intuition de "ligne droite", et si on montre que l'ensemble des $\{(x,y): ax+by=0\}$, lorsque $a$ et $b$ varient, obéit aux axiomes de la géométrie euclidienne, cela répondra bien à ta question "pourquoi le graphe d'une fonction affine est une droite?", non?
  • Hello,

    sans trop y avoir réfléchi, je pense que le graphe est l'ensemble des couples $(x,f(x))$ (donc une partie de $\mathbb{R}^2$) et que une représentation graphique dans un plan affine $P$ muni d'un repère $(O,\vec{i},\vec{j})$ est l'ensemble des points $M$ de $P$ tels que $\vec{OM}=x\vec{i} +f(x)\vec{j}$.

    ?
  • À Magnétho: donc en particulier le graphe est une représentation graphique.
  • Certes, brian répondait au cas particulier des fonctions affines. Mais pas au cas général, c'est juste ça. Je ne voulais pas l'enguirlander pour ce qu'il a dit ! Mea culpa.

    Sinon, ce qu'a dit Magnéthorax ne me paraît pas inintéressant. Est-ce qu'on peut se mettre d'accord que dans le plan $\mathbb{R}^2$, avec un repère fixé, non seulement la représentation graphique d'une fonction $f$ telle que définie par Magnéthorax est unique, mais de plus deux fonctions ayant la même représentation graphique seront identiques ?
  • Ben oui. Et même si tu choisis la base canonique, alors la représentation graphique c'est la même chose que le graphe et on est tranquille.
    Par contre je ne vois pas ce que tu veux dire par "le cas général". Quelle est ta question dans le cas général?
  • Je viens de tracer le graphe de la fonction $f$ définie sur $[-1 ; 1]$, qui à $x$ associe $\sqrt{1-x^2}$ lorsque $x$ est irrationnel, et qui à $x$ associe $-\sqrt{1-x^2}$ quand $x$ est rationnel.

    Ensuite sur une autre feuille, j'ai tracé le graphe de la fonction $g$ définie sur $[-1 ; 1]$, qui à $x$ associe $\sqrt{1-x^2}$ lorsque $x$ est rationnel, et qui à $x$ associe $-\sqrt{1-x^2}$ quand $x$ est irrationnel.

    Malheureusement, mes deux feuilles se sont mélangées, je n'arrive plus à savoir quel graphe correspond à quelle fonction. Je suis perdu.
    Karl Tremblay 1976-2023, je t'appréciais tellement.
  • Axone : ma question globale n'était pas "pourquoi la représentation graphique d'une application affine est-il une droite ?" mais "comment fait-on pour se convaincre/convaincre un élève que la représentation graphique d'une certaine fonction est bien 'la bonne' ?"

    J'avoue que l'argument de zeitnot est assez percutant pour dire que mon problème ne se résout pas :-D

    Tant pis ! Merci à tous.
  • Comme je l'ai dit, dans le cas d'une fonction pas trop pathologique, on peut faire des gros points à la craie.
  • L'Axone du Choix écrivait : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?18,1712906,1713098#msg-1713098
    > Je ne pense pas que la réponse de brian soit à côté de la plaque. Si tu admets que la géométrie euclidienne décrit bien notre
    > intuition de "ligne droite", et si on montre que l'ensemble des $\{(x,y): ax+by=0\}$, lorsque $a$
    > et $b$ varient, obéit aux axiomes de la géométrie euclidienne, cela répondra bien à ta
    > question "pourquoi le graphe d'une fonction affine est une droite ?", non ?

    La notion de droite est une notion primitive. Elle est définie par des axiomes et la "forme géométrique concrète" que prend cette droite dépend du modèle choisi pour le système d'axiomes considéré. L'équation ax+by+c = 0 représentera trois droites concrètes différentes selon qu'on travaille dans le plan euclidien R2 ou dans le plan euclidien Q2 ou dans le plan euclidien de Moulton. Je défie quiconque de dessiner la droite affine dans le plan Q2. Pourtant dans les trois modèles ax+by+c=0 est bien l'équation d'une droite affine euclidienne.
  • Serge S a écrit:
    La notion de droite est une notion primitive.
    Je ne me risquerais pas jusqu'à avancer une chose pareille.
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