Le déterminant (algèbre)

Je ne sais pas trop si cette discussion a sa place plutôt ici ou plutôt dans la section algèbre. On verra bien.

Quand on fait de l'algèbre linéaire en dimension finie, on utilise presque toujours des matrices au lieu des applications qu'elles représentent. C'est pratique, parce que ça rend les choses visuelles et calculatoires. Cependant, il y a un concept que j'ai toujours trouvé complètement "parachuté" dans les cours d'algèbre linéaire, et c'est celui du déterminant. Le déterminant, c'est pratique, mais... justement, il y a toujours cet effet "tiens, prends ça" au moment où on l'introduit, je trouve.

La plupart des définitions en algèbre au niveau Licence, j'arrive à peu près à trouver une manière "naturelle" de les introduire. Mais le déterminant, je ne sais pas trop.
Comment peut-on introduire naturellement, dans un cours de niveau première année (puisque c'est généralement en première année qu'on introduit le déterminant, comme outil en rapport avec les matrices) :
- la nécessité de se plonger au-delà du simple linéaire, dans le multilinéaire
- la nécessité d'étudier en particulier les formes multilinéaires alternées.

Une fois qu'on a ça, on peut mimiquer [mimer ?] ce qu'il y a par exemple dans le Gourdon, à savoir remarquer que l'ensemble des formes multilinéaires alternées est une droite vectorielle, en choisir une qui vaut $1$ sur une base donnée, et paf on a notre déterminant dans cette base. Ou en tout cas, la grosse formule de définition du déterminant devrait paraître moins parachutée en ayant fait comme ça. À partir de là, une fois qu'on a un nouvel outil, c'est naturel de l'appliquer à ce qu'on connaît déjà, à savoir le linéaire, et d'en tirer les propriétés et applications usuelles du déterminant (typiquement, l'inversibilité d'une matrice).

Dans ma tête, le but c'est de faire comprendre que le déterminant est une mesure de volume orienté, donc qu'il y a une interprétation géométrique au déterminant (déterminant nul : l'application "écrase" l'espace de départ au lieu de juste l'étirer globalement d'un certain facteur), donc il y a tout le côté "géométrie euclidienne" qui intervient ici... j'ai des idées qui se mélangent dans ma tête, mais ça n'aboutit pas encore à quelque chose qui me convainc qu'un débutant le comprendrait bien.
Des idées ?

(et oui, le fond de ma pensée c'est "je n'aime pas trop comment on m'a appris l'algèbre linéaire et la géométrie euclidienne, peut-on faire mieux ?")

Réponses

  • Un article qui conforte ton point de vue :

    http://www.axler.net/DwD.html
  • Bonjour,

    Le début de mon poly, d'il y a très longtemps (je n'ai pas récupéré les images).

    PS. Tant qu'à faire, j'ai mis le chapitre déterminant en entier.
  • @ HomoTopoi :
    Comment peut-on introduire naturellement, dans un cours de niveau première année (puisque c'est généralement en première année qu'on introduit le déterminant, comme outil en rapport avec les matrices) :
    - la nécessité de se plonger au-delà du simple linéaire, dans le multilinéaire
    - la nécessité d'étudier en particulier les formes multilinéaires alternées

    Si on veut introduire le déterminant de manière naturelle il faut oublier les matrices (dans un premier temps).
    Dans un cours de première année on est supposé étudier les espaces vectoriels i.e. la notion fondamentale de indépendance linéaire de vecteurs. Comme le dit Godement, le déterminant est fondamental parce qu'il fournit un critère explicite pour déterminer quand une famille de n vecteurs d'un espace vectoriel de dimension n est linéairement indépendante ou pas. Une notion très proche de celle de déterminant est celle de produit vectoriel (ou de produit extérieur). Toutes les autres interprétations en termes de volume de parallélépipèdes dans un espace affine euclidien etc... sont des conséquences de l'existence du produit vectoriel et du déterminant.
  • soland : Je n'arrive pas à télécharger ce qu'il y a sur la page d'Axler, mais les idées sont intéressantes ! Moi, je ne voulais pas vraiment "supprimer" les déterminants, simplement trouver une manière naturelle de les introduire... mais si on peut faire sans, pourquoi pas ! Je n'ai pas vu sur la page qu'il mentionne comment tester l'inversibilité d'une matrice sans déterminant, mais il me semble que ça se fait en vérifiant si $0$ est valeur propre ou non. A méditer !

    GaBuZoMeu : tu as une bonne manière de présenter la version "on commence en dimension $2$, puis $3$, puis on cherche comment généraliser ça en dimension quelconque"... C'est le genre de présentation que j'aimerais éviter dans l'absolu (je préfèrerais trouver un truc qui ne soit pas "moins intuitif si on commençait d'emblée à le présenter en dimension quelconque"), mais quitte à le faire, autant faire comme toi :-D

    Serge : de manière générale, j'introduirais les matrices relativement tard dans un cours d'algèbre linéaire... mais je finirais quand même par en parler. On a la chance que l'indépendance linéaire d'une famille de vecteurs peut se lire sur le rang d'une matrice, typiquement à l'aide du déterminant. Et puis, pour ce qui est de partir du produit vectoriel, c'est comme ce que je disais à GBZM... le produit vectoriel que je connais est une particularité de la dimension $3$, et pour expliquer comment le restreindre à la dimension $2$ et le généraliser en dimension quelconque, je trouve qu'il faut faire des "détours" dans la logique de présentation des choses. Pour moi, l'idéal ça aurait été de certes balancer la formule générale du déterminant en dimension quelconque, sans commencer par la dimension $2$ ou $3$, mais de trouver une manière naturelle qui fait aboutir logiquement (sans un "détour") cette formule.

    L'approche d'Axler me paraît vraiment intéressante, par contre. Quitte à introduire le déterminant comme un outil calculatoire à part, utiliser les valeurs propres et la réduction des endomorphismes en général pour amener l'intuition géométrique dans l'algèbre linéaire, je trouve ça vraiment sympa !
  • Les points clés sont la multilinéarité et le caractère alterné.Pour motiver l'intérêt de ces propriétés, parler de volume me semble une bonne idée.
    Homo Topi, je pense que tu as regardé mon texte un peu superficiellement. Les lycéens connaissaient (et connaissent encore ?) le déterminant $2\times 2$. La partie introductive s'appuie là-dessus pour faire voir ce déterminant comme aire, et ensuite motiver la multilinéarité et le caractère alterné. J'énonce ensuite le théorème d'existence et d'unicité du déterminant de $n$ vecteurs dans une base d'un e.v. de dimension $n$ en fin de première section.
    Sur le plan logique, on peut commencer directement par la deuxième section, avec la définition par récurrence du déterminant d'une matrice carrée en toute dimension. Je fais démarrer la récurrence avec la dimension $2$ comme cas initial, un peu pour ne pas choquer le public qui connaît déjà le déterminant $2\times 2$, mais pour de vrai l'initialisation se fait en dimension 0 : le déterminant de la matrice carrée de taille $0$ est $1$. Après, la définition par récurrence en développant suivant la première ligne peut rouler.
  • Personellement, quand moi j'étais au lycée, il n'y avait ni déterminant, ni matrices au programme. Mais pas grave. Je prendrai le temps de relire ton poly plus en détail.

    Le truc que moi j'aimerais, dans l'absolu, c'est de montrer que l'algèbre linéaire, c'est quelque chose de très géométrique (ne serait-ce qu'en dimension finie), faire voir que les histoires de volume et d'orientation c'est important, et dégager les notions de forme multilinéaire alternée et de déterminant "naturellement" de ces considérations... sans forcément passer par un exemple introductif en basse dimension qu'on va généraliser par la suite.

    En tout cas, j'ai eu ici, assez rapidement, pas mal de pistes de réflexion, et ça, c'est excellent.

    Et en parlant de récurrence, tu mets le doigt sur un autre problème d'ordre pédagogique que j'hésitais à poster en même temps que celui-ci. Je pense que je vais le faire, du coup :-D
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