Raisonnement par l'absurde

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Réponses

  • Ltav, tu confonds une formule avec son interprétation. Une formule est un objet syntaxique.
    Dans une structure, l'interprétation intuitionniste de $\neg P$ ne permet pas de retrouver l'interprétation de $P$; c'est vrai. Ici, c'est de la sémantique.
    Mais dans la formule $\neg P$, $P$ est clairement identifié comme sous-formule. Les systèmes de déduction (calcul des séquents, calcul naturel ...) fonctionnent bien avec des formules en tant qu'objets syntaxiques.
    Voila l'incohérence que je pointais dans ton discours.
  • OK GBZM, mais attention je ne confonds pas syntaxe (pure manipulation de la grammaire des phrases logiques) et sémantique (pure manipulation du sens des phrases logiques) puisque j'ai bien placé dans mes posts ci-dessus ton discours dans l'idée d'enlever les lettres "n.o.n" à non P pour en faire P (sous-formule de P, tu l'as dit mieux que moi certes), donc dans la syntaxe, alors que je discutais sémantique en accordant des valeurs de vérité vrai/fausse aux propositions, en parlant de "choix arbitraire" en logique intuitionniste mais déterminé en logique classique pour justifier le choix d'une syntaxe RPA, de philosophie, etc. Mais j'ai également réfléchi du point de vue syntaxique en respectant les règles d'écriture des raisonnements.

    Il reste que tous les raisonnements sur non P, tel l'irrationalité de racine de 2, l'infinité des nombres premiers, etc. peuvent être vus, tels que je les ai très simplement écrits, comme de vrais raisonnements par l'absurde (avec usage d'au moins un axiome de tiers-exclu), du point de vue à la fois sémantique et syntaxique. Il est vrai qu'une vision purement syntaxique peut "supprimer" l'axiome du tiers-exclu dans la démonstration de non P en lui enlevant quelques caractères ("n.o.n"), c'est évident et je n'ai jamais remis ça en cause, mais encore faut-il justifier ou expliquer cette suppression à l'esprit humain qui lui s'intéresse aussi à la sémantique, fonctionne également en attribuant des valeurs de vérité aux propositions qu'il énonce.

    Ce point de vue syntaxique très particulier ne doit pas remettre en question l'existence des autres points de vue syntaxique et sémantique qui sont convaincus qu'ils font bien de vrais RPA en démontrant non P par la supposition de P.

    Et j'ajouterais que notre discussion n'a rien à voir avec "l'abus de langage" qui confondrait le signe $=$ avec $\leftrightarrow$, les propositions avec leur classe d'équivalence, etc. On peut faire tous les RPA dont j'ai parlé sans jamais utiliser l'égalité $=$ mais seulement des implications logiques. D'ailleurs même ce que tu reconnais comme un "vrai RPA" dans la démonstration de P en supposant non P utilise sans problème cet "abus de langage" P = non(non P) - puisqu'elle conclue à la fin "non(non P) d'où P". La question n'est pas là mais dans la possibilité de faire apparaître l'axiome du tiers-exclu dans les RPA aussi bien pour démontrer P que non P.
  • Bonsoir Ltav,

    Pour toi, le RPA est-il tout simplement l’utilisation du Tiers-Exclu (TE) ?
  • Bonsoir Dom, le raisonnement par l'absurde ne se réduit pas au tiers-exclu (c'est l'association du tiers-exclu non(non P) => P et d'une réduction à l'absurde (P => faux) => non P) mais celui-ci en est un ingrédient fondamental : je veux démontrer directement une proposition, je n'y arrive pas, alors je suppose sa négation, car je sens instinctivement que soit une chose est vraie soit son contraire, puis je démontre que j'arrive à une absurdité, donc c'est la négation de la négation qui est vraie, c'est-à-dire (encore par TE) la proposition de départ, pas d'autres alternatives que vrai ou faux. Il y a même, quelle que soit la proposition P ou non P à démontrer, possibilité de faire apparaître deux utilisation du TE à chaque fois.

    Selon moi, la définition du RPA est depuis l'Antiquité fondamentalement sémantique (attribution d'une valeur de vérité aux propositions) et de ce point de vue le tiers-exclu y joue un rôle absolument essentiel. C'est lui qui lui donne tout son sens pour l'esprit humain, au-delà de ce que la logique intuitionniste peut faire en se privant du TE. Pas étonnant qu'il apparaisse également dans toute retranscription syntaxique fidèle du raisonnement par l'absurde.
  • Ltav écrivait : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?18,1880370,1885422#msg-1885422
    > Lorsque quelqu'un fait le raisonnement suivant :
    >
    > "Je veux démontrer Q := non P (sous-entendu la vérité de la proposition
    > Q définie par non P). Je suppose P. Je montre P => absurde.
    > Donc Q est vraie"

    Non, il démontre l'absurde, et obtient par déchargement d'hypothèse une démonstration de P => absurde dont le petit nom est non P.
    > ... En logique intuitionniste (sans axiome tiers-exclu), il est
    > en effet impossible d'obtenir la proposition P à partir d'opérations logiques sur
    > Q : le choix de P serait totalement arbitraire (du genre j'enlève les 3
    > premières lettre "n.o.n" devant P).
    Ltav a pas mal rétropédalé sur "l'arbitraire" de l'identification de P comme sous-formule de non P. Mais pour bien voir l'absurdité de l'argument, on peut paraphraser :

    "Je veux démontrer Q := P implique R (sous-entendu la vérité de la proposition
    > Q définie par P implique R). Je suppose P. Je montre R.
    > Donc Q est vraie"

    Il est impossible d'obtenir la proposition P à partir d'opérations logiques sur
    Q : le choix de P serait totalement arbitraire (du genre j'enlève les 9
    lettres "i.m.p.l.i.q.u.e.R" après P).
  • Dans quel cadre, dans quelle théorie mathématiques les raisonnements logiques présentés ci-dessus ont-ils lieu ? L'existence et la pertinence de ces théories pour formaliser le raisonnement mathématique et le préciser remet-elle en cause l'existence de mathématiques qui leurs seraient antérieures ? Cela a-t-il un sens de prétendre que le raisonnement par l'absurde n'existait pas chez les Pythagoriciens ?

  • GaBuZoMeu écrivait:
    > Ltav écrivait :
    > http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?1
    > 8,1880370,1885422#msg-1885422
    >
    >
    > > Lorsque quelqu'un fait le raisonnement suivant :
    >
    > >
    > > "Je veux démontrer Q := non P
    > (sous-entendu la vérité de la proposition
    > > Q définie par non P). Je suppose
    > P. Je montre P => absurde.
    > > Donc Q est vraie"

    > Non, il démontre l'absurde, et obtient par
    > déchargement d'hypothèse une démonstration de
    > P => absurde dont le petit nom est non
    > P
    .

    Je ne vois pas de nouveaux arguments de ta part ici...Il veut démontrer Q, il suppose son contraire P = non Q, arrive à l'absurde et donc obtient une démonstration de Q = non P...CQFD

    C'est bien sous cette forme un vrai raisonnement par l'absurde pour démontrer la vérité de Q.

    > > ... En logique intuitionniste (sans axiome
    > tiers-exclu), il est
    > > en effet impossible d'obtenir la proposition
    > P à partir d'opérations logiques sur
    > > Q : le choix de P serait
    > totalement arbitraire (du genre j'enlève les 3
    > > premières lettre "n.o.n" devant P).
    > Ltav a pas mal rétropédalé sur "l'arbitraire"
    > de l'identification de P comme sous-formule
    > de non P. Mais pour bien voir l'absurdité
    > de l'argument, on peut paraphraser :
    >
    > "Je veux démontrer Q := P implique R
    > (sous-entendu la vérité de la proposition
    > > Q définie par P implique R). Je
    > suppose P. Je montre R.
    > > Donc Q est vraie"

    > Il est impossible d'obtenir la proposition
    > P à partir d'opérations logiques sur
    > Q : le choix de P serait totalement
    > arbitraire (du genre j'enlève les 9
    > lettres "i.m.p.l.i.q.u.e.R" après P).

    Ici ça n'a rien à voir : tu es obligé par définition de supposer P. Maintenant si tu poses R := tout, on en revient pratiquement à la réduction à l'absurde où le tiers-exclu n'est pas absolument nécessaire, comme on l'a déjà vu, contrairement au RPA.

    Édit : N.B. Tu sembles redécouvrir pourquoi Brouwer et l'intuitionnisme ont fini par poser non P =: (P => tout), qui avait justement vocation à se passer du tiers-exclu en posant "obligatoirement" (par définition) P pour démontrer non P. Un intuitionniste aurait simplement obtenu Q := non P dans ton exemple en posant R = tout. Il aurait ainsi démontré non P en supposant par définition P (plus rien ne l'interdit), i.e. sans passer par le tiers-exclu...ce qui aurait été impossible sémantiquement sans une définition de ce type. Et je ne "rétropédale" en rien du tout : sans tiers-exclu, la démonstration de la vérité de Q := non P par réduction par l'absurde en supposant P devient totalement arbitraire du point de vue sémantique, comme je l'avais démontré - chose que tu as fini par reconnaître. Syntaxe et signification ne se marient que dans les raisonnements tels que je les ai écrits.
  • @Sato : le temps me manque désolé, mais tes questions mériteraient à elles seules un développement à part entière.

    Il n'y a que deux types de théories mathématiques qui ont été évoqués ici et dont cette discussion a besoin : la logique classique (avec axiome du tiers-exclu) et la logique intuitionniste (sans axiome du tiers-exclu). L'utilisation du raisonnement par l'absurde pur et dur se fait dans le cadre de la logique classique. C'est dans cette logique que se sont faites - à notre connaissance - la quasi-totalité des mathématiques de l'humanité et on peut comprendre par exemple les travaux des anciens sans remettre en cause leur logique, comme ils pourraient aussi en principe nous comprendre aujourd'hui.

    Les pythagoriciens ont découvert par inadvertance raconte-t-on que $\sqrt{2}$ n'était pas rationnel. Ce n'était pas exactement un raisonnement par l'absurde, mais une réduction par l'absurde parce qu'ils ont d'abord cru que cette racine pouvait se mettre sous la forme d'une fraction entière : ils ont donc cherché naturellement à démontrer que $\sqrt{2}$ était rationnel mais sont arrivés à une impossibilité, d'où le résultat. La réduction par l'absurde est compatible avec la logique intuitionniste, le raisonnement par l'absurde ne l'est pas. Ce dernier consiste plutôt à démontrer que $\sqrt{2}$ est irrationnel en le supposant rationnel et en arrivant à une absurdité. Euclide avait utilisé un authentique raisonnement par l'absurde en démontrant l'infinité des nombres premiers, vu les difficultés d'une approche directe. On suppose d'abord qu'ils ne sont pas infinis, i.e. il y a un nombre fini de nombres premiers, on fait leur produit + 1, etc. [...] on arrive à une absurdité. CQFD.

    Toutes ces techniques étaient bien connues des anciens mathématiciens et les concepts étaient clairs. Les choses n'ont même pas commencé à se brouiller avec Brouwer (*) à partir de la logique intuitionniste au début du XXe siècle - et le rejet du raisonnement par l'absurde, mais...sur ce forum des mathématiques[point]net (**) depuis quelques années...

    [small](*) jeu de mots
    (**) idem.[/small]

    Bonne nuit.
  • Les pythagoriciens ont découvert par inadvertance raconte-t-on que $\sqrt2$ n'était pas rationnel. Ce n'était pas exactement un raisonnement par l'absurde, mais une réduction par l'absurde parce qu'ils ont d'abord cru que cette racine pouvait se mettre sous la forme d'une fraction entière : ils ont donc cherché naturellement à démontrer que $\sqrt2$ était rationnel mais sont arrivés à une impossibilité, d'où le résultat. La réduction par l'absurde est compatible avec la logique intuitionniste, le raisonnement par l'absurde ne l'est pas. Ce dernier consiste plutôt à démontrer que $\sqrt2$ est irrationnel en le supposant rationnel et en arrivant à une absurdité.
    Les choses n'ont même pas commencé à se brouiller avec Brouwer ...mais...sur ce forum des mathématiques[point]net (**) depuis quelques années...

    En lisant ce qui est écrit au-dessus, on ne peut être que d'accord : depuis que Ltav intervient.

    Plus sérieusement : j'ai entendu (et pas vérifié, mais ça me semble plausible) que la démonstration originelle de l'irrationalité de $\sqrt 2$ - autrement dit du fait que la diagonale du carré est incommensurable avec son côté - consistait en la constatation géométrique que l'algorithme "toujours soustraire le plus petit du plus grand, et continuer" pour trouver une commune mesure bouclait et ne terminait pas dans ce cas parce que la proportion du plus petit au plus grand reste toujours la même (le développement en fraction continue de $\sqrt2$ est $[1,2,2,2,\ldots]$).
  • Bonjour GaBuZoMeu,
    GaBuZoMeu a écrit:
    Plus sérieusement : j'ai entendu (et pas vérifié, mais ça me semble plausible) que la démonstration originelle de l'irrationalité de $\sqrt 2$ - autrement dit du fait que la diagonale du carré est incommensurable avec son côté - consistait en la constatation géométrique que l'algorithme "toujours soustraire le plus petit du plus grand, et continuer" pour trouver une commune mesure bouclait et ne terminait pas dans ce cas parce que la proportion du plus petit au plus grand reste toujours la même (le développement en fraction continue de $\sqrt2$ est $[1,2,2,2,\ldots]$).

    Burkard Polster propose de beaux raisonnements par l'absurde et visuels pour démontrer plusieurs irrationalités d'entiers :


    Amicalement,
  • La chorégraphie des carrés permet d'illustrer l'histoire du "toujours retirer le plus petit du plus grand" qui se poursuit indéfiniment ...92166
  • Un petit tableau pour compléter le dessin ci-dessus :
    $$\begin{array}{cc}
    \sqrt2&1\\ 2-\sqrt2&\sqrt2-1\\ 3\sqrt2-4&3-2\sqrt2\\ 10-7\sqrt2&5\sqrt2-7\\17\sqrt2-24&17-12\sqrt2\\\ldots&\ldots\end{array}$$
  • Bonsoir Ltav,

    Edit
  • Bonsoir Flora,

    Merci beaucoup de mon rappel à ton souvenir, ainsi que tes précisions :-), ça va merci et j'espère de même pour toi malgré tes journées de travail bien méritantes !

    Alors tout à fait d'accord avec ton analyse sur la crainte qu'inspire le mot "absurde"...Peut-être pourrais-tu utiliser plus souvent avec tes étudiants l'expression exactement synonyme - bien que peu usitée - de "raisonnement par contradiction" : plutôt que de partir de l'absurde pour arriver à l'absurdité, ils comprendront mieux qu'il s'agit de manier des contradictions, des propositions contraires l'une de l'autre. Il n'y a absolument rien d'absurde en réalité, ce raisonnement est bien formalisé en mathématiques.

    Restons ici en logique classique, celle de "M. Tout le Monde". Le paradoxe est que ce "raisonnement par l'absurde/contradiction" (*) est beaucoup plus simple à assimiler que d'autres types de raisonnement que tes étudiants semblent bien maîtriser. Une disjonction de cas (lorsque ton énoncé dépend d'un paramètre) peut devenir assez complexe, avec plusieurs alternatives à dénicher. Ici, ce serait plutôt une sorte de disjonction de la vérité en deux options seulement : la proposition P à démontrer est soit vraie, soit fausse (c'est le principe du tiers-exclu : "pas de 3ème option"), que l'on écrit : P ou (non P) (i.e. P vraie ou son contraire non P est vraie). A la question de tes élèves, à savoir quoi supposer au départ, la réponse est invariable : le contraire de la proposition à démontrer.

    En effet, si l'on n'arrive pas à démontrer P directement, alors on essaie de montrer que son contraire non P est faux - ce qui revient exactement au même, grâce au principe du tiers-exclu : on suppose donc non P puis on cherche à aboutir à une contradiction. Auquel cas, cela voudra dire que non P est fausse, donc non(non P) est vraie, c'est-à-dire P est vraie (encore le principe du tiers-exclu).

    Même chose pour une proposition à démontrer de la forme non P (comme $\sqrt2$ non-rationnelle). Alors je suppose son contraire, à savoir non(non P), i.e. P (principe du tiers-exclu). Je montre que P amène à une contradiction, donc P est fausse. D'où P est vraie (encore par tiers-exclu). C'est le tiers-exclu qui donne tout son sens au raisonnement par contradiction et il s'agit donc de bien le comprendre.

    Voilà, j'espère avoir été assez clair - pas sûr, hum...-, sinon n'hésite pas à me dire. Comme tes étudiants souffrent d'une crainte épidermique du "raisonnement par l'absurde", essaie de les rassurer en leur faisant faire les petits exercices de logique élémentaire que je t'avais proposé dans mon avant-dernier post. Tu peux aussi leur faire retenir la formule mnémotechnique : "contraire, contraire du contraire, vérité". Mais essaie déjà si besoin d'exorciser toi-même tes appréhensions de jeune bachelière s’il en reste quelques traces - ce que tes étudiants risqueraient de ressentir.

    Bon courage Flora et tiens-nous au courant de tes progressions, vous allez réussir !

    Bonne soirée.

    [small](*) Je rappelle son principe en toutes lettres : si en supposant le contraire d'une proposition, j'arrive à une contradiction, c'est que le contraire du contraire est faux, donc que la proposition initiale est vraie (tiers-exclu).[/small]
  • Franchement est-ce une crainte du terme « absurde » ou plutôt une méconnaissance de ce qu’est la négation d’une implication ?

    Faisons simple :
    Si l’on sait que P=>Q c’est équivalent à non(P) ou Q (ça peut être une définition) et si l’on sait nier un « ou » alors on sait ce qu’il faut supposer pour commencer un raisonnement par l’absurde, à savoir P et non(Q).

    Une fois la contradiction obtenu, on dira « donc Q ».

    La théorie dit : (on peut passer ces détails aux étudiants de cette filière)
    J’ai supposé P et j’ai démontré que [non(Q) entraîne l’absurde].
    Ce qui signifie (par définition de « non ») :
    J’ai supposé P et j’ai démontré non(non(Q)).
    Mon cours me dit que non(non(Q)) entraîne Q (c’est là le - vrai - RPA).
    Ce qui signifie qu’en supposant P, j’ai bien démontré Q.
  • Coucou tout le monde,

    Edit
  • Bonsoir, merci à toi Flora (tu)

    Et bonne soirée de même !
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