Quantifier jusqu'à plus soif, ou non?

Bonjour,

pour continuer cette discussion et des échanges que j'ai eu avec des collègues pour ces histoires de quantification...

Je suis en train de parler d'une rédaction pour des élèves de premier cycle (L1 à L3, prépa, etc.) donc EDIT(*), je parle vraiment d'une rédaction d'élève que l'on exige en tant que prof/correcteur d'examen ou de concours.

Exemple n°1: définir une fonction

Pour vous, "soit $f \colon \R \to \R$ définie par $f(x) = blablabla$" est acceptable ou faut-il écrire "soit $f \colon \R \to \R$ définie pour tout $x \in \R$ par $f(x) = blablabla$".

Exemple n°2: dans des calculs de limites/de développements limités/d'équivalents

Imaginons qu'on considère deux fonctions $f \colon \R \to \R$ et $g \colon \R \to \R$ et qu'on demande le DL de $fg$ à l'ordre $n$ au voisinage de 0. Est-ce qu'écrire directement "on a
$$f(x)g(x) = \text{[calculs de DL avec des $\underset{ x \to + \infty}{o}(x^k)$]} = \text{[la partie principale du DL de $fg$]} +\underset{ x \to + \infty}{o}(x^n)".$$
est pour vous acceptable (en pensant $x$ comme une variable muette) ou faut-il dire "soit $x \in \R$, alors [même calcul]".

Bref, où placez-vous le curseur au niveau de la quantification?

(*) pour être clair parce que visiblement ça ne l'était pas, je parle de la façon de rédiger une copie de concours par exemple, pas un article de recherche en logique ou autre.

Réponses

  • Je pense que dans ce cadre (on est étudiant et on apprend encore) il faut préciser les lettres utilisées.
    Ensuite on peut choisir de ne pas sanctionner ou très peu.

    Voyons les réponses des autres.
  • Bonjour,
    Une expression du type « $f(x) = x+x^2+o(x^2)$ » n'a pas besoin d'être quantifié en $x$, de même qu'on n'écrit pas « $\forall x\in\Bbb R, \lim_{x\to\infty} e^{-x} = 0$ ». Donc la rédaction "directe" de l'exemple 2 me parait préférable (même si je ne suis pas prof).
    Dans l'exemple 1, on peut ruser avec « Soit $f:\left(\begin{array}{ccc} \Bbb R&\to &\Bbb R \\ x&\mapsto & \dots \end{array}\right)$. ». Même si la deuxième rédaction que tu proposes est mieux, je pense que juger ce genre de subtilité de rédaction dépend du reste de la copie. Si c'est très bien écrit dans la première moitié de la copie, et que l'élève s'autorise quelques relâchements par la suite, je pense qu'on a suffisamment compris qu'il sait rédiger pour ne pas pénaliser. En revanche, si ce genre de rédaction approximative est systématique, il faut peut-être retirer des points. (mais je ne suis toujours pas prof)

    Devant un magazine adressé aux taupins qui préconisait une rédaction d'une minutie acharnée et qui illustrait "voici un exemple de rédaction, faites comme ça sinon vous perdrez des points", mon prof de maths de spé avait dit qu'il trouvait ça ridicule, ou débile (je sais plus exactement le mot employé).
  • Héhéhé a écrit:
    Je suis en train de parler d'une rédaction pour des élèves de premier cycle (L1 à L3, prépa, etc.) donc exit les considérations de logique pure, je parle vraiment d'une rédaction d'élève que l'on exige en tant que prof/correcteur d'examen ou de concours.
    Réclamer qu'un problème ne doit plus être soulevé explicitement n'est pas une manière de le résoudre (pas plus qu'un cancer ne cesse d'être dangereux parce qu'on refuse d'en parler).

    La problématique de la gestion correcte des lettres (liées), dont la quantification est un cas particulier, n'est pas un greffon artificiel rajouté sur les maths par les logiciens mais un problème qui est présent au moment même de l'introduction des lettres pour la première fois devant les élèves et qui leur cause des difficultés majeures (dont in fine le système a conscience puisque les pédagogistes déplorent régulièrement le "problème de la lettre" chez les élèves, et autres propos équivalents).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Foys ne sois pas de mauvaise foi tu sais très bien ce que je veux dire, on n'exige pas la même rédaction dans une copie de concours que dans un article de logique pure, mon propos s'arrête là.
  • Pour commencer je suis d'accord avec Foys, ce n'est pas parce que l'on parle d'étudiants de premier cycle qu'on ne peut/doit pas parler de logique. On pourrait le faire, ce n'est pas le cas. Est-ce qu'on devrait le faire ? C'est un autre débat. Ce n'est pas la question que tu poses donc je ne vais pas m'y attarder (d'autant que je ne suis pas qualifié) mais je pense que c'était important de le dire.

    Pour la 1) je considère deux choses. La première chose c'est la confusion/l'amalgame qu'il peut y avoir chez l'étudiant entre $f$ et $f(x)$. Cet amalgame est nuisible, le prof doit toujours faire bien attention à ne pas faire d'abus de notations de ce côté là. La deuxième chose que je considère c'est le respect des règles usuelles d'écriture. La première rédaction que tu propose n'est pas parfaite mais elle n'est pas la pire non plus. On a bien un objet qui est une fonction puis une formule pas quantifiée, c'est déjà bien mieux que "Soit la fonction $f(x)=blabla$". Entre
    a)Soit $f : \R\to \R$ une fonction définie par la formule $f(x) = blabla$
    b)Soit $f : \R\to \R$ une fonction définie par $f : x \mapsto blabla$
    je ne vois pas beaucoup de différences, les deux sont des abréviations de $\forall x \in \R, f(x) = blabla$. Le seul problème est que la a) peut cacher une confusion entre $f$ et $f(x)$ donc c'est problématique chez un étudiants. En revanche si je sais que la personne en face de moi ne fait pas de confusion entre $f$ et $f(x)$ ça ne me pose aucun problème.

    Pour la 2) je ne vois aucun problème. Dans mon cours je définis directement que $f(x) = g(x)+o(x^k)$ veut dire $blablabla$ où ce $blablabla$ contient automatiquement $x$ comme variable muette.
  • À mon humble avis, les quantificateurs sont indispensables (comprendre : obligatoires pour l'étudiant) là où les omettre pourrait conduire à une erreur ou un faux raisonnement, par exemple dans l'application (ou l'énoncé) d'un théorème.
    Ainsi, dans le "soit $f \colon \R \to \R$ définie par", on sous-entend que le $x$ du "$f(x) = \textrm{blablabla}$" qui suit est un réel dès le "soit $f \colon \R \to$". C'est une écriture de $f$ sans raisonnement.

  • Moi, je dirais qu'il faut absolument être très rigoureux avec les débutants, pour leur faire sentir là où il y a des erreurs, afin qu'ils ne les commettent plus. Mais après, très rigoureux ne veut pas dire pervers, ça veut juste dire que l'erreur d'interprétation est impossible.

    Pour moi, dans toutes les formulations que tu donnes, il n'y a pas de mauvaise interprétation possible, et même en usant de toute la mauvaise foi dont je suis capable donc elles sont toutes bonnes. J'ajoute qu'entre deux choix rigoureux, tu devras choisir entre ce qui te semble le mieux pédagogiquement. Par ex ici, "définie pour chaque x dans R" est redondant par rapport à l'ensemble de définition que tu as déjà précisé, et peut être enlevé comme déjà dit, mais tu peux aussi choisir de faire exprès de le rajouter pour être certain que les élèves assimilent bien le truc.
  • Nous savons que « soit $f$ la fonction définie sur $\R$ à valeurs dans $\R$ par $f(x)=x^2$ » est un abus de langage.
    Il vaut mieux glisser un « pour tout $x$ réel ».

    On arrive un jour à étudier $f$ sur des sous-ensembles et donc s’habituer à quantifier avant les nouveautés techniques est peut-être mieux.
    Sur le forum j’essaye.
    Parfois je suis fainéant.
    C’est comme ça.
  • Par rapport à l'abus de langage : bah non, tout est dans le "définie par". Comment pourrait-il y avoir un x réel ne suivant pas la formule si la formule définit la fonction, l'ensemble de définition étant déjà précisé par ailleurs ?

    Je suis plus du style à dire soit f;R->R telle que f(x) =, et là il faut mettre "pour tout x réel" devant f(x)= , par contre avec la formulation "définie par" ça n'est pas la peine.

  • Quantifier un minimum est important, et bien qu'étant seulement étudiant j'aime bien embêter les lycéens en cours particulier en leur donnant des exercices dans lesquels la variable se balade dans des intervalles différents de R.
    Plus tard, on a un peu tendance à éluder ces questions de savoir où se promène la variable, et les hypothèses type "soit U un ouvert connexe de République tchèque" peuvent vite nous passer dessus, si on n'a pas pris conscience du fait que prendre se variable et savoir où la prendre est un art subtile, à l'origine d'autant de théorie que l'étude même de la fonction.
  • Superkarl :
    C’est un abus de langage quand même.
    On a une lettre et on ne sait pas qui elle est.

    Quand on souhaite définir une fonction avec des formules sous conditions on voit bien.
    « Patati ... telle que :
    - $f(x)=x^2$ si $x\in [0;1]$
    - $f(x)=0$ sinon »

    Tiens ! Là on précise...

    Remarque : Le sinon désigne aussi l’abus «$x\in $ $D_f$ privé de $[0;1]$ ».

    Autre remarque : avec le même texte, ça poserait un problème à quelqu’un d’avoir
    « ... définie par :

    - $f(x)=x^2$ si $x\in [0;1]$
    - $f(t)=0$ sinon »

    Ça gêne ou ça ne gêne pas ?
  • héhéhé a écrit:
    "soit $f:\R\longrightarrow\R$ définie pour tout $x\in\R$ par $f(x)=... $".

    Je préfère :
    "Soit $f:\R\longrightarrow\R$ définie par: pour tout $x\in\R,~f(x)=...$".
  • On a pas besoin de savoir qui est la lettre, on sait d'après f:R et le fait que la lettre est placée dans le f(.) que c'est un réel. Le fait que la formule f(.) définisse la fonction implique que quel que soit [edit : la variable sur laquelle cette fonction est définie, qui est donc déjà un nombre réel], il satisfasse à cette équation.

    Dans ton second exemple, là il faut savoir qui est la lettre puisque la formule va en dépendre.

    Par ailleurs, je maintiens que l'important est la rigueur et non la forme. On pourrait aussi écrire ta formule en une ligne de la sorte f(x) = 1[0,1]x², tu n'avais pas besoin.
    En réalité, on se moque de cette histoire de formules, les fonctions qui peuvent se décrire en formules par des opérations algébriques doivent en réalité être super rares, les fonctions qui peuvent se décrire en formules peuvent souvent l'être de moultes manières, ainsi sur {0,1}, la fonction x|->x² est la même que la fonction identité ou d'autres écritures plus complexes. Les seules questions à se poser sont : l'ensemble de départ et l'ensemble d'arrivée sont-ils définis, toutes les correspondances sont-elles définies ? Quantificateur ou pas quantificateur, c'est de la littérature, ça.
  • Mea culpa, je pense que les formules importent car je me remémore un truc.
    Je me souviens avoir eu des exercices dans lesquels il fallait préciser l'ensemble de définition, ce qui veut dire que j'avais sûrement un truc du style f:R->R définie par f(x)=1/x.
    Et donc il doit y avoir une convention pour les fonctions définies par des formules de sorte qu'elles soient implicitement définies pour tout x telle que les formules fonctionnent.
  • Ça m'évoque le « piège*** » tendu par Christophe.

    Il ne l’écrit pas comme ça mais je crois que c’est l’idée principale.

    Soit $f$ dérivable de $\R$ dans $\R$.
    Soit $x$ un réel tel que $f(x)=x^2$.
    Déterminer $f’(x)$.


    ***
    Ce n’est pas un piège.
  • Ton écriture mélangeant les t et les x est gênante parce qu'elle correspond à plein de fonctions du type 1Ax² où A est n'importe quel ensemble contenant [0,1].
  • Un autre exemple :
    Exemple 1 : très courant.
    Soit $f$ la fonction définie sur $\R$, à valeurs dans $\R$ par : $f(x)=x^2$.
    Calculer $f’(x)$.

    Exemple 2 : très rare.
    Exemple 1 : très courant.
    Soit $f$ la fonction définie sur $\R$, à valeurs dans $\R$ par : $f(x)=x^2$.
    Calculer $f’(y)$.


    Moi je dis que les deux exemples comportent une erreur de quantification et c’est la même dans les deux cas.
    Sans parler de la consigne « calculer » qui ne veut rien dire.
  • Personnellement je préfère écrire :
    soit $f \colon \R \to \R$ définie par $x\mapsto f(x) = blabla$.
    ou plus simplement :
    soit $f \colon \R \to \R,\ x\mapsto blabla$.
    Alain
  • D'accord avec Dom et AD.

    Bonne soirée.
  • Oyez, oyez ! Dans cette présente discussion, tout le monde est d'accord ! (:D

  • Moi, au premier semestre, j'ai dû corriger des copies très tristes où il était affirmé que $(r\cos \theta) ' = \cos(\theta)$ et, dans la question d'après, $(r\cos\theta)' = -r\sin\theta$ (dans les énoncés, il y avait "calculer $\partial truc/\partial r$" puis "calculer $\partial truc/\partial \theta$" avec tout bien écrit nickel). Je ne savais pas trop quoi faire... A mon avis, on se retrouve à devoir récompenser des choses complètement fausses pour des motifs bidon du style "ils n'ont pas vu les quantificateurs", "sinon tout le monde redouble", etc.
  • Ce n’est pas l’même « prime », c’est tout (:P)
  • Oui mais mélange ça avec le fait que pour tout $\theta$, $(\cos \theta)' = 0$...
  • George Abitbol a écrit:
    A mon avis, on se retrouve à devoir récompenser des choses complètement fausses pour des motifs bidon du style "ils n'ont pas vu les quantificateurs", "sinon tout le monde redouble", etc.
    Le jour où les gens (en particulier les matheux, pour eux il va s'agir surtout d'un travail d'introspection, mais nécessaire) vont enfin comprendre que la quantification (ou plus précisément: la qualification explicite du rôle de chaque lettre) n'est pas une difficulté artificiellement rajoutée par les méchants logiciens mais un problème intrinsèque aux contenus mathématiques (mais qu'il importe d'expliciter pour le résoudre), on pourra peut-être enfin progresser.
    Le saccage -parfois délibéré- du formalisme n'est pas une libération de la pensée. C'est le contraire qui se produit. Les gens finissent la part de leur scolarité dévolue aux maths dans la confusion, en travaillant dix fois plus pour avoir une note aléatoire en moyenne peu élevée (sauf si boostée arbitrairement pour atteindre un objectif de réussite décidé a priori par de la politique).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Les jeunes enseignants ne quantifient presque pas parce qu'on ne les a jamais sanctionnés sur ce point précis.
    C'est cette non-sanction qui fait qu'ils sont incapables de produire un énoncé correct.
    À moyen terme, les enseignants ne quantifieront plus rien et les mathématiciens en herbe seront des autodidactes qui s'instruiront dans de vieux grimoires.
  • http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?18,1995662,1998992#msg-1998992

    J'arrive un peu tard, mais je suis d'accord avec le message précédent de Foys.
    Le fait de ne pas savoir quantifier est une source de problèmes énormes dans le supérieur. C'est bien sûr difficile de faire de l'analyse réelle de première année sans en avoir compris le fonctionnement, mais ça devient vite inextricable lorsqu'on fait du calcul différentiel ou de l'analyse fonctionnelle et qu'on ne sait pas où vit la variable.

    J'ai l'impression qu'à l'université les enseignants sont beaucoup moins exigeants sur ce point que les professeurs de classes préparatoires, et c'est vraiment dommageable pour les étudiants. Il va falloir soit une remise en question des chercheurs sur ce point, soit une proportion plus importante de PRAG (qui semblent plus attachés à la rigueur) à l'université.
  • A-t-on fait glisser la Terminale en L1 finalement ?
    C’est ce que vos messages m’évoquent.

    L’école glisse jusqu’en 6e officiellement avec le « Cycle 3 ».
    Le collège glisse jusqu’au lycée avec tous les passages en 2nde ahurissants.

    Bref, c’est pour cela que je pose la question.
  • L1 2020=TC 1977....
    Liberté, égalité, choucroute.
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