Programme jusque bac +2


Bonjour,

J'écris ce message pour vous partager un ressenti.
En fait, j'ai l'impression que le système des classes prépa conditionne peut-être beaucoup (trop ?) l'enseignement mathématique du début de supérieur.

En gros, après une première année vraiment intéressante car on construit la plupart des bases jusqu'à démontrer tous les résultats qu'on utilisait sans autre forme de procès tout le lycée, la seconde me donne vraiment l'impression d'être prétexte à pouvoir donner des exercices type concours, avec beaucoup de méthodes à retenir, des plus basiques aux plus élaborées, mais pas vraiment de jolis savoirs inédits acquis.
Au final, la seconde année me semble avoir un programme en soi très léger, d'un point de vue conceptuel. L'algèbre culmine aux résultats de diagonalisation, et les connaissances théoriques demandées sont au final plutôt légères, à comparer à l'effort nécessaire en première année pour avoir une représentation propre des matrices, de ce qu'elles représentent, des isomorphismes permanents entre géométrie, tableaux de nombres et calculs dans les espaces vectoriels à appliquer mentalement, si bien que les difficultés de deuxième année en algèbre linéaire viennent surtout du manque d'aisance dans cette gymnastique pour la plupart des gens.

L'analyse quant à elle porte son image de matière méchante et calculatoire. En dépit de certains résultats captivants, comme la représentation en série entière des fonctions usuelles, ou de l'explication de l'importance de l'intégrabilité (qui est hélas un peu bâclée je trouve, on doit être beaucoup à sortir de spé sans vraiment comprendre pourquoi le finitude de la somme n'est pas la propriété importante, mais qu'il faut finitude de la somme des valeurs absolues), encore une fois on est dans du méthodique et calculatoire.
Beaucoup d'exercices répétitifs sur les calculs de somme ou équivalents de restes ou sommes partielles : la spé transforme le calcul en une fin en soi. La troisième année repasse une grosse couche sur le tout en donnant les clés conceptuelles pour comprendre et transcende largement l'aspect purement calculatoire et fastidieux de la plupart des choses demandées. Bien que je sois heureux d'avoir pu acquérir des automatismes sur les manipulations de séries de fonctions, ou intégrales à paramètres, j'ai quand même eu l'impression désagréable de ne faire que ça, en utilisant parfois des techniques plus subtiles, mais en restant dans le même ordre de choses.
Comme le but avoué est de pouvoir faire ce genre de choses, qui ont l'avantage d'avoir un format concours (on peut en faire beaucoup de différentes, utilisant des techniques plus ou moins élaborées pour la résolution, parfait pour discriminer) plutôt que l'intérêt des notions (le cours sur les intégrales à paramètre en est un peu la preuve, et vire un peu au ridicule à nous faire admettre convergence dominée mais à ne pas reconnaître en même temps que par conséquent l'intérêt démonstratif du cours est alors nul : on nous fait montrer trois résultats en appliquant ledit théorème pour les limites, la continuité et derivabilite, alors que quitte à admettre autant aller jusqu'au bout plutôt que cette mascarade), on ne se pose pas plus de questions que ça en étant en permanence le nez dans le guidon, en ayant l'impression entretenue au fur et à mesure des exercices qu'on fait bien, qu'on gagne du niveau pour le concours, et donc qu'on fait des maths.

Les nouvelles choses, comme la topologie, sont aussi de peu d'intérêt. On nous dit ce qu'est un compact par exemple, mais ça s'arrête là, on ne fait rien sur les compacts. De même sur les parties connexes. Le seul résultat du cours est l'équivalence des normes en dimension finie.
On nous fait montrer Riesz (sur la compacité de la boule unité), mais on se demande un peu pourquoi puisqu'on est loin d'avoir un cours permettant de comprendre en quoi ce résultat pèse, et explique notamment pourquoi l'analyse en dimension infinie change toute la donne.
Je ne parle pas du calcul différentiel, encore une fois c'est du calcul sans résultats. Je sais trouver une jacobienne, mais sans inversion locale par exemple, je ne sais pas bien ce que m'apporte le cours.

En L3 par contre, beaucoup de vrais résultats, choses conceptuellement importantes, vraies constructions plus ou moins abstraites. On peut citer la mesure qui est un cours très amusant, la théorie des groupes, celle des corps, l'algèbre commutative, le gros miracle de l'analyse complexe, le calcul diff qui fait sens.

Le programme de deuxième année semble surtout fait pour donner des exercices, souvent semblables mais testant tout un attirail de méthodes, desquels on se sort par du bachotage quoi qu'on en dise (évidemment, hors Ulm et peut-être les Maths C).
Évidemment, pour des soucis d'homogénéité ce programme s'applique aussi à la fac.

Il en est d'une seconde année que je trouve un peu dégoûtante. Si elle donne certes des outils indispensables à une étude rigoureuse des mathématiques pour la suite, elle les fait appliquer jusqu'à l'écoeurement, parfois avec plus ou moins d'astuce, mais rarement dans l'optique de montrer des résultats véritables en soi.

Peut-être que j'exagère un peu mais le programme de spé m'a temporairement dégoûté des maths, alors que la L3 a presque ressuscité mon intérêt tant tout semblait beau, nouveau et amusant.

Et vous, trouvez-vous la nécessité de fabriquer massivement des épreuves de concours nocive pour l'enseignement mathématique du supérieur ?
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Réponses

  • Intéressante analyse, RLC. En gros, tu veux dire qu’on repousse des notions de base passionnantes en L3 à cause du système des concours de Spé ?


  • Ce n'est qu'une impression. Je reconnais l'importance capitale des outils qu'on manipule, par exemple pour prouver une intégralibilité ou dériver la limite d'une suite de fonctions, choses dont on se sert en permanence.
    En revanche, une pratique élémentaire est largement suffisante pour maitriser ces techniques et la complexification des exercices ayant dans le fond toujours les mêmes objectifs (calculer une somme, trouver un équivalent ou un développement, c'est ce que je retiens) me semble avant tout explicable par une optique de concours.
  • D’un côté, il serait dommage de ne faire que papillonner en 2e année sur ces notions aujourd’hui vues en 3e année (le papillonnage qu’il faut reprendre plus tard, c’est aussi une perte de temps) et il est souhaitable d’approfondir les notions premières. D’un autre côté, toutes ces choses (Lebesgue, groupes, corps, topologie, fonctions holomorphes etc. ), outre que ce sont devenus des classiques, relancent tellement l’intérêt qu’un étudiant peut avoir pour les maths qu’il est dommage d’attendre si tard.


  • On a déjà un peu cette situation de papillonage. Toute l'analyse de spé est reprise lorsqu'on étudie l'intégrale de Lebesgue, les probas sont reprises à 0 avec cette nouvelle intégrale, la théorie des groupes et anneaux est souvent reprise des définitions aussi. Une grosse moitié de la spé est redite en L3.
  • Quand j'étais petit, on voyait la construction de $\Z$ et $\Q$ en math. sup. Pour moi, ces constructions ont été une révélation : enfin, je travaille sur des bases solides ! Pourtant, ce n'est pas ce qui m'a donné la familiarité avec les entiers ou les fractions, qui s'est construite au moins depuis le collège. [Quant à $\R$, c'était hors programme mais on a eu un texte à méditer, qu'il m'a fallu beaucoup de temps (des années) pour digérer (au-delà du ligne à ligne).]

    L'intégrale de Lebesgue en L3 conduit à des situations cocasses où on voit pratiquement la première construction abstraite d'une théorie ex nihilo et, à la fin du semestre, on ne sait rien calculer du tout, même plus ce qu'on savait faire en L2 ou math. spé. Ou bien on ne voit pas le rapport entre la première partie du cours qui parle de tribus et les calculs de la fin où on recommence ce qu'on a déjà fait l'année d'avant. Je ne sais pas si on peut parler de redite dans ces conditions, du moins pour une grande majorité d'étudiant.es.

    Un point que je voudrais souligner, c'est que c'est un effet du retard de l'introduction de plein de choses théoriques, choses auxquelles j'ai eu la chance d'être confronté très jeune (démonstrations – et même initiation aux relations d'équivalence, ce qui était déjà passé de mode – dès la quatrième, géométrie, des mots lâchés ici et là comme "groupes" et "associativité" en terminale, etc.), qui offrent une sensibilisation à ce qui sera le gros du travail par la suite : eh bien, ça facilite l'absorption !

    Un autre, c'est le temps de l'apprentissage. La 2e année telle que la décrit Riemann_lapins_crétins – avec un recul remarquable – semble un peu tristounette mais je crois vraiment qu'elle est nécessaire à l'assimilation des contenus de 1re année.

    Par ailleurs, je trouve dommage de ne pas – ou plus – prononcer des mots pour l'année suivante, comme « corps », « extension » (de très belles applications des concepts d'algèbre linéaire), « anneau » (ce qui permettrait de comprendre pourquoi il faut vraiment des polynômes pour les endomorphismes), « groupe » (pour comprendre un peu ce qu'est un changement de base, une réduction de forme quadratique, etc. – la recherche d'une forme normale dans l'orbite, quoi), etc.

  • Je n'hésite pas à parler de redite pour Lebesgue. La structure particulière du cours de mesure (chopper toutes les balles du fusil pendant le tiers du semestre sans trop savoir pourquoi, et les tirer toutes d'un coup pour construire l'intégrale en 10 secondes) fait qu'il y a un gouffre clair et identifiable entre apprentissage de la mesure et celui de l'intégration.
    Comme les facs qui proposent un contrôle continu ont l'idée très stupide de calquer leurs interrogations sur la chronologie du cours (stupide car les coefficients ne se valent pas, l'examen terminal domine, mais porte sur la fin du cours : mon cours de théorie des groupes se finissant par une brève ouverture aux anneaux avec un partiel terminal valant la moitié de la note parlant uniquement...d'anneaux), on arrive avec des sujets de partiels portant sur la fin du cours plus que sur sa partie importante. Dans le cas présent, c'est significatif car une fois sorti de la mesure pure et dure on retourne beaucoup au point de la spé, et les feuilles de TD consistent beaucoup à vérifier des résultats d'intégrabilité ou justifier un échange limite/somme (avec un nouvel outil, Beppo Lévi). On a aussi Fubini et le théorème de changement de variable mais si les preuves sont plutôt virtuoses, leur application s'assimile vite et doit dans tous les cas se faire en complément des autres techniques d'étude des intégrales, et pour cette raison l'utilisation de ces deux théorèmes ne change pas vraiment le rapport à la pratique de l'intégrale par rapport à la spé.
    La grosse nouveauté est qu'on peut contrôler les intégrales librement en intégrant sur ce qu'on veut, notamment les ensembles du type {f < 1}, mais pour une drôle de raison ce genre de découpage est assez peu utile dans ce qu'on demande aux étudiants en TD, qui est encore une fois dans la veine de ce qu'on leur demandait en spé, et ce qui est dans la dernière partie du cours, donc ce qui est vraiment important à travailler pour eux.
    Résultat des courses, mon prof a réussi à faire un carnage en proposant pour une fois un exercice de mesure pure en premier exercice facile du partiel final (qui consistait juste à étudier vaguement la mesure de Radon-Nikodym associée à g une fonction : vérifier que c'est une mesure -premier carnage pour la sigma-finitude- et trouver la forme de l'intégrale de f par rapport à cette mesure -encore un carnage, plus le réflexe fonctions étagées puis positives puis générales-), ce qui montre que tristement la mesure n'est pas la partie la mieux acquise de licence, mais que c'est la partie redite.
    Pourtant, bizarrement, je me souviens qu'en TD sur les applications de convergence dominée et tout le touin touin, les étudiants avaient l'air de découvrir un peu et ramaient comme si c'était du nouveau.

    Pour le reste, je suis d'accord pour dire que les lacunes cumulées expliquent ceci.
    Par contre, je trouve dommage qu'on se prive de l'abstraction et de principes généraux, surtout quand ils sont de ceux qu'on peut faire comprendre avec des patatoïdes.
    Je pense aux ensembles quotient, car s'il y a bien un chapitre dédié, le prof nous l'avait passé rapidement en une petite heure, sans faire d'exercices obligatoires (mais nous avait donné une feuille quand même pour que les bons puissent chercher s'ils le souhaitaient). La chose ne me paraît pas si dure à comprendre et permettrait de donner du sens à beaucoup de choses. Il y a la construction des ensembles, qu'on peut presque admettre si on veut, mais il y a aussi des théorème auxquels personne ne peut échapper même en le voulant.
    Il en est ainsi du théorème du rang. Et ce qui est une chose très limpide avec des dessins de patate (ce théorème explique juste qu'en un sens c'est facile de transformer toute fonction en bijection) devient un tour de magie pratique quand on fait des calculs matriciels.
    C'est un exemple symptomatiques de cette impression qu'en prépa on veut gommer l'abstraction et les constructions au profit du pratique, que les deux premières années doivent être ouvertes à tous, même ceux qui s'en battent un peu l'oeil du sens profond des choses, tant qu'on peut fabriquer plein d'exos que tout le monde peut faire quitte à bachoter dessus, car on veut essentiellement jauger notre capacité de travail et seulement très en surface celle à faire des maths.
  • Je ne pense pas que ce soit à cause des concours que le programme soit ainsi. Je pense plutôt qu'il s'agit de récolter ce que l'on sème en première année. Une fois que l'intégrale de Riemann est construite il semble naturel de s'attaquer aux intégrales doubles, généralisées, à paramètres etc. Idem pour les matrices, une fois qu'elles sont construites et mises en lien avec les systèmes et applications linéaires il semble naturel de chercher à les classifier, les étudier etc. Sans applications "pratiques" les théories construites en première année ont peu d’intérêts, même pour le matheux.

    Ensuite je trouve qu'il y a (ou avait) des choses intéressantes et nouvelles dans le programme de deuxième année. C'est évidemment subjectif mais on peut citer :
    -la réduction des endomorphismes
    -l'algèbre bilinéaire (ainsi que les formes quadratiques et endomorphismes autoadjoints qui ont visiblement disparu du programme en 2013)
    -les équa diff non linéaires (disparues en 2013)
    -les séries de Fourier (disparues en 2013)
    On peut regretter la disparition de parties intéressantes du programme en 2013 mais il faut bien se dire que les concours existaient avant 2013 et ce n'est donc pas eux qui empêchaient de parler de séries de Fourier. Et d'ailleurs les problèmes de concours ne sont pas tous chiants et calculatoires, certains peuvent être très beaux et intéressants. J'ai personnellement le souvenirs de très beaux sujets pour le concours des mines, comme par exemple le prolongement harmonique de Dirichlet (2010) ou la formule sommatoire de Poisson (2012). Bon par contre je me souvient aussi que je n'allais jamais plus loin que la première partie des concours de centrale parce que je les trouvais chiants comme la mort et horriblement calculatoires :-D

    Pour terminer il est faux de croire que les facs suivent le programme de prépa. Dans la fac ou j'ai fais mes études, en 2020 on enseigne la réduction de Jordan, la décomposition de Dunford, les formes quadratiques et les séries de Fourier en deuxième année. Les redites de 3ème année sont là pour deux raisons à mon avis, tout d’abord harmoniser les connaissances des étudiants issus de filières différentes (il faut bien remettre les pauvres taupins au niveau de la fac :-D) et en remettre une couche pour les cours qui sont rarement bien assimilés du premier coup (je pense principalement au calcul diff).

    Je suis tout de même d'accord avec toi qu'actuellement le programme de math en MP fait un peu peine à voire et qu'il y a un "cap" passé entre les maths de deuxième année et celles de L3.

  • Le problème encore une fois ce n'est pas qu'on étudie telle ou telle chose plutôt que d'autres, mais la pratique excessive qu'on fait des choses par des exercices essentiellement techniques, mais pas forcément bêtes non plus (il ne s'agit pas d'inverser des matrices, il y a toujours un moment où il faut appliquer telle ou telle méthode plus ou moins subtile selon le concours visé : par exemple, en caricaturant un peu, on sait que les études de sommes de séries se feront d'abord par un critère simple d'Alembertesque chez CCP, avec comparaison à intégrales, puis que plus on monte en concours plus on doit s'attendre à utiliser des méthodes qui se rapprochent de l'adhérence du programme, jusqu'à savoir faire une transformation d'Abel si on va à Centrale). On surpasse nettement le stade de l'acquisition des méthodes et automatismes pour faire de ces exercices une fin en soi. C'est une manière assez juste de trier les compétences de travail des candidats, mais qui peut délaisser aussi ceux qui cherchent d'autres choses en mathématiques, que fort heureusement ils trouveront en L3.
    C'est le degré pratique et technique demandé en moyenne qui donne cette impression de format concours.

    Même si je sais que les facs ne suivent pas rigoureusement le programme de prépa (en arrivant en magistère la promo des anciens MVA se vantait d'avoir étudié les coniques et formes quadratiques - mais je me demandais bien pourquoi vu comme ils ont galéré à faire en deux séances de trois heures le premier TD de géométrie affine consistant en des révisions d'algèbre linéaire basiques avec exercices type "Décomposer l'espace selon image et noyau d'un projecteur", ou pour prendre le plus subtile "L'union de deux sous espaces n'en est pas un sauf cas trivial", fin de la pique). Après les exemples que tu as pris sont de l'adhérence du programme (je pense que toute classe étoilée voit au moins Dunford dans le sein même du cours, peut-être Jordan en DM, les séries de Fourier sont presque vues étant donné qu'il y a un cours d'espaces de Hilbert qui fait la partie dure du cours et conclut presque, quitte à admettre Stone-Weierstrass). Et encore une fois, ils rejoignent le catalogue de méthodes à apprendre (on savait tous que connaitre la démarche derrière Dunford avait de bonnes chances de nous donner presque gratuitement la première partie d'un écrit Centrale ou Mines, et était presque exigible en oral pour XENS).

    Pour la troisième année je ne sais pas si on est toujours forcement dans la redite. Le calcul diff est vraiment un chapitre comique et tarte à la crème, expédié en une semaine à la toute fin du cours (en tous cas dans une prépa normale qui finit son programme un peu avant les écrits, je ne sais pas ce que fait LLG), dans lequel on ne fait que calculer une différentielle. Il est obligatoire de repasser dessus en L3 puisqu'on va vraiment traiter les sujet et obtenir des résultats.
    Et pour le cas du calcul intégral j'ai vraiment du mal à parler de redite étant donné qu'on est dans le cas où on refait absolument tout le cours sur les techniques de calcul sur les intégrales multiples, à paramètres ou "généralisées" (les guillemets car c'est le gros changement de Riemann à Lebesgue que cette fois ce sont les vraies intégrales, mais on s'en cogne un peu en pratique), sauf qu'on le fait en nettement moins pénible et technique, en étant focalisé naturellement sur l'acquisition de l'aisance calculatoire et non pas dans l'apprentissage d'une dizaine de techniques borderlines.

    En étant loin d'avoir passé du temps sur les exercices proposés par mon prof du spé j'ai quand même suffisamment d'automatismes pour n'avoir aucun problème en analyse.
    Ce que j'avais fait pour réapprendre l'analyse, quand j'avais passé deux ans sans faire de maths après être allé en lettres modernes, c'était de retrouver la formule de Stirling en faisant semblant de ne pas connaitre le résultat et en développant la série des log(k!). Beh passer du temps à retrouver ça est quelque chose que j'aurais tendance à qualifier de formateur, et qui panache la plupart des techniques qu'on apprend en sortant de deuxième année.
    Aller au-delà dans l'étude de mille et une séries où équivalents random, ça peut démotiver beaucoup de gens, surtout s'ils n'ont pas spécialement foi en les concours.

    N'étant pas un grand amoureux de l'algèbre linéaire je ne m'exprimerai pas sur la réduction. Je trouve le chapitre assez simple, et les difficultés liées à l'obstacle que constitue l'alternance permanente entre lecture matricielle et lecture "structurelle" des choses. Je dirais un peu la même chose que pour l'analyse, qu'en soi on fait quand même beaucoup de choses techniques et qu'on acquière beaucoup de méthodes dans une optique d'oraux, mais qu'en pratique je n'ai jamais eu besoin que de la base des bases des résultats de réduction par la suite.

    Le problème est justement qu'on transforme toutes ces pratiques (trouver le DA de l'intégrale bidule, les conditions de patagobalisation de la matrice bidule...) en fins en soi.
    Ca rejoint un peu ce que je disais en topologie, où j'apprends le théorème de Riesz mais que je suis loin de m'imprégner de ce qu'il dit en substance (on peut le voir comme "petite curiosité topologique" quand on le voit en spé, alors qu'il s'agirait plutôt de "la racine de nos problèmes"), ou le fait que j'ai acquis plein d'automatismes du genre "vérifier que la somme des valeurs absolues converge" sans savoir vraiment en substance pourquoi (Lebesgue me l'a fait comprendre).
    Les années d'après, les exercices sont plus théoriques et sont beaucoup plus dans une optique de démonstration de résultat. C'est un moins bon format de concours (une fois qu'une preuve est faite on la connait, et entre le différents livres ce sont les mêmes qui tournent), mais je trouve ça tellement plus stimulant.

    Il y avait de temps en temps des choses captivantes en prépa, et certains sujets que j'ai adoré faire (au hasard, l'étude de fonctions de la famille de celle de Weierstrass à l'ENS avec des techniques d'ondelettes, ou un sujet de Maths C qui expliquait pourquoi on n'avait pas de forme fermée pour primitive exp(t²)), mais c'était bien rare (et c'était souvent des Maths C ou D).
    Je pense que le programme de deuxième année est relativement pauvre conceptuellement en soi, et qu'avec moins d'exercices type concours on pourrait pousser plus, dans la prolongation de choses qu'on voit déjà actuellement, pour pouvoir faire des vraies choses et montrer des résultats intéressants (par exemple, on n'a pas grand chose à faire pour avoir les séries de Fourier, et avec elles on peut s'amuser).

    Il y a une difficulté inhérente au fait qu'on ne puisse pas consciemment faire étudier Lebesgue une année de concours (trop de temps inutile pour la mesure), mais avec cette intégrale on a une forme générale, compréhensive et manipulable de beaucoup de théorèmes de spé.
    Les probas de deuxième année portent une bonne part de leur difficulté sur des points techniques (les sommes doubles par exemple), et sur le fait que conceptuellement personne n'y comprend rien (comprendre ce qu'est une loi - d'après les rapports on mélange beaucoup X et sa loi même à Centrale ou X -, comprendre pourquoi les tribus -surtout quand c'est toujours P(N)-...).
    On fait plein de choses sans cadre conceptuel, et ça ne pose pas de problème juste parce que c'est plus simple avec Lebesgue, mais bien parce qu'en l'état je pense que 90% des étudiants ne comprennent pas ce qu'ils font. La seule chose qui compte, c'est que les méthodes sont expliquées et doivent être acquises, et que plus elles le sont plus le concours est bon.
    La pratique mathématiques, l'apprentissage et la compréhension des concepts est largement passée au second plan avec cette seconde année actuelle, qui fait des méthodes l'objectif à atteindre.
  • RLC a écrit:
    Le problème encore une fois ce n'est pas qu'on étudie telle ou telle chose plutôt que d'autres, mais la pratique excessive qu'on fait des choses par des exercices essentiellement techniques,
    Je suis d'accord avec toi là dessus. Mais tu parles bien du programme dans ton premier message, pas que de la façon de l'aborder. Je pense que la finalité concours n’a que peu d'impact sur le programme mais je veux bien croire qu'elle ait un impact très fort sur la façon de traiter le programme. Je ne suis pas passé par la prépa et, personnellement, je n'ai jamais ressenti cette pression de bachotage et de virtuosité calculatoire à la fac.
    RLC a écrit:
    Il y a une difficulté inhérente au fait qu'on ne puisse pas consciemment faire étudier Lebesgue une année de concours (trop de temps inutile pour la mesure),
    Je ne vois pas le problème, il y aurait simplement des exercices sur la théorie de la mesure dans les concours de façon à "rentabiliser" les semaines passées sur la théorie de la mesure. Si on n'apprend pas Lebesgue d'emblée c'est surtout parce que c'est quand même nettement plus compliqué que les fonctions réglées ou les sommes de Riemann.

    Quant à la pique sur les étudiants de la fac c'est de bonne guerre ;-) Je sais qu'il y a des étudiants de niveaux très divers que ce soit à la fac ou en prépa, le fait d'avoir fait prépa ou la fac n'est pas un très bon indicateur de niveau.

  • Hum pour reformuler plus clairement, je dirais que le programme est intéressant si on le résume à ses étiquettes ("Reduction des ensomorphismes", "Séries entières", "Topologie des espaces normés", "Integrales à paramètres"), mais que la mise en œuvre pose problème. La raison, c'est qu'on se contente de résultats simples, principalement du type "règles manipulatoires" ou "techniques calculatoires", dont les applications sont les calculs ou vérifications de propriétés sur des objets de plus en plus complexes, qui sont des exercices reproductibles que les examinateurs peuvent tordre plus ou moins pour imposer au candidat d'utiliser plus ou moins de méthode, et sont donc parfaits pour tester le "degré d'admissibilité" du candidat.

    Cependant, les exercices ou même, et c'est plus grave, les cours, ne proposent pas d'applications des résultats impliqués, ou bien des applications très internes à la théorie même étudiée en cours, le plus souvent justement des calculs ou vérifications de propriétés.
    Un cours de topologie de deuxième année est toujours suivi d'exercices, toujours les mêmes, qu'on peut résumer à :
    -On introduit cette norme bizarre, dessiner les boules bizarres
    -On introduit tel opérateur sur tel espace de polynômes, montrer qu'il est continu ou non selon telle ou telle norme
    -Montrer que tel espace de matrices est compact ou connexe par arcs
    -L'éternel théorème de Riesz

    Tous ces exercices servent juste à poser une étiquette sur tel espace, telle application, mais ne donnent pas de résultats, c'est-à-dire de solutions à un vrai problème.
    Il y a quelques exercices rigolos de topologie qu'on peut très rarement voir en concours (oral Centrale : peut-on recouvrir le plan par des cercles disjoints ? C'est quelque chose d'amusant et c'est une preuve que la topologie peut résoudre un problème), mais dans l'essentiel, ça se résume à de l'étiquetage.

    Eh bien le reste de l'analyse de spé me fait un peu le même effet, l'étiquette étant remplacée par la valeur exacte ou approchée de telle quantité.

    Quant à Lebesgue en spé, je ne suis pas sûr que ce soit bien plus compliqué que Riemann, surtout pour la manipulation. Je suis à peu près certain que le vrai problème c'est qu'on peut moins faire d'exercices de concours car on gomme beaucoup de technicité grâce à cette nouvelle intégrale. La mesure ne serait pas le genre à avoir le vent en poupe pour les exercices de concours, on n'a pas assez de méthodologie à retenir.
  • Bonjour Riemann_lapins_cretins.

    Je suis d'une génération où les bons lycéens de terminale scientifique (Math élem) n'allaient pas systématiquement en prépa : Y allaient les très bons, pour faire Polytechnique ou les ENS, et tous ceux qui voulaient faire ingénieur. Pour ceux, comme moi, qui voulaient enseigner ou faire des sciences, la fac était le bon lieu d'apprentissage. D'ailleurs une bonne partie de mes profs n'étaient pas passé par les classes prépas, certains même avaient fait une terminale philo (la terminale d'élite à l'époque), puis la licence en 2 ans (rare).
    Je me suis retrouvé à étudier, en licence (troisième année à cette époque), avec un admis à centrale Lyon, démissionnaire au bout de 3 semaines, déçu par le contenu des enseignements. Il était 10 fois plus rapide que moi en calcul, mais ma formation des deux premières années m'avait donné le sens de ce qu'on faisait en exercice, j'étais bien plus rapide sur la compréhension des enjeux et les pistes de démonstration. Évidemment, à deux, on était terriblement efficaces !
    A l'époque, même dans une fac de seconde zone, on était bien formés sur le coeur des mathématiques, malgré la faiblesse de certains de nos profs (formés entre les deux guerres, l'époque où les meilleurs profs avaient disparu dans les tranchées).

    Ensuite, des choix ont été faits de multiplier les écoles d'ingénieurs et les prépas ...

    Cordialement.

  • Gerard : j'ai en effet choisi prépa pour avoir une option plus exigeante scolairement, et malgré le mal que je pense de la prépa je ne regrette pas rien que pour l'année de sup.
    Au passage à la fac ensuite la difficulté n'était plus du tout la même, bien qu'il ne faille pas comparer, et pour la trouver il faut être autonome et se nourrir ailleurs.
    C'est un peu dommage de devoir passer par prépa pour avoir un minimum d'exigence. Je crois que c'est dur pour un débutant après le bac d'entreprendre la démarche de chercher son savoir ailleurs qu'en cours, donc une année au moins de prépa me paraît être un gros plus. Le souci (qui a aussi ses forces) est d'être obligatoirement dans le système concours avec ce que ça implique, au niveau de l'apprentissage et des exercices, surtout en deuxième année.
  • RLC a écrit:
    C'est un peu dommage de devoir passer par prépa pour avoir un minimum d'exigence.
    C'est surtout faux.

  • Autre débat et "scolairement polémique", ne le lançons pas.
  • Effectivement, ne le lançons pas, mais ça fait déjà deux fois que tu le lances :-)

    Cordialement.

  • Je répondais à la pique de Corto et à ton message ("à l'époque, même dans une fac de seconde zone, on était bien formés sur le cœur des mathématiques" ça sous-entend que plus maintenant).
    Je campe sur mes positions concernant l'enseignement à la fac mais je m'en moque, là n'est pas le sujet et je ne suis pas d'humeur belliqueuse.
  • Heu ... tu fais une erreur classique de logique : Je te dis P ==> Q tu en déduis non P ==> non Q.

    Je ne sous-entendais rien, je parlais de la période où j'étais étudiant. Tu vois, tu mets des significations qui sont probablement dans ta tête sur les phrases des autres. Méfie-toi, c'est comme ça que les débats partent en quenouille.

    Cordialement.

  • La logique formelle n'a pas toujours sa place en débat, il y a (peut-être avant tout) la pragmatique. Si, en lisant un message qui commence par "à l'époque...", écrit à l'imparfait et portant un jugement de valeur, je ne voyais pas le sous-entendu "mais plus maintenant", je pourrais m'estimer aveugle, et ça n'a rien à voir avec ce qu'il y avait dans ma tête a priori.
    Je veux bien te croire quand tu dis que tu n'en pensais rien mais d'un point de vue stylistique ça ne me paraît pas bien clair.
  • Bon, tes préjugés t'aveuglent ... dommage.
  • À l'Université la seule exigence c'est celle que l'on a avec soi-même, et, en dehors des rares examens, la seule évaluation réside dans la capacité d'être honnête avec soi-même sur le fait qu'on est au point ou pas. Quand on a compris ça, ça marche sans problème, et plutôt bien.

    En ce qui concerne les programmes des taupins, j'avais trouvé quelques considérations très pertinentes de Pierre Colmez qui pourraient directement t'intéresser, ici.
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert

  • Tout à fait d'accord, à l'université il s'agit de fonctionner honnêtement avec soi-même pour évaluer son niveau. Mais étant donné que l'autonomie prime, ce n'est pas la fac qui stimule car la même remarque s'applique pour quelqu'un travaillant en autodidacte. Si on juge d'un système scolaire et de l'effet qu'il a sur la formation des élèves, il s'agit de juger directement la manière dont ledit système influe sur l'apprentissage, et je trouve personnellement que le fac est bof pour ça, les bons élèves étant ceux qui au final s'en cognent le plus des cours pour se nourrir eux-mêmes. Le niveau d'exigence que j'appellerais inhérent à la fac me paraît bien plus bas que celui inhérent à la prépa (et c'est pour ça que pour un sortant de prépa, lire les sujets de second concours d'ENS Lyon est l'occasion de rager un bon coup sur la manière dont il s'est fait avoir en passant le vrai concours). C'est mon avis, je ne pense pas que ce problème soit vraiment pénalisant pour un élève motivé qui plus est, voilà je me suis exprimé un bon coup, n'en parlons plus.

    Colmez vise plutôt juste sur tout je trouve, une fois n'est pas coutume c'est un bon gars.
  • Colmez donne des pistes et a un point de vue particulier vraiment intéressant, qui a été discuté sur ce forum d'ailleurs avec des avis enthousiastes ou plus mitigés, mais bon, c'est un prof qui connaît les maths et qui a diffusé gratuitement un bouquin potable.

    Du côté universitaire je crois que ce qui a été fait dans certains établissements en reprenant le meilleur de la taupe tout en gardant l'esprit de l'Université est intéressant - voir par exemple chez Aléa ( http://depmath-nancy.univ-lorraine.fr/ ).

    En fait on a un système très "sur les rails" des taupins avec des programmes figés - et pas toujours intéressants - compte tenu du "juridisme" des concours, mais qui marche bien, sans trop de risque pour les usagers, et de l'autre l'Université avec des choses qui peuvent être plus intéressantes, plus de liberté, mais un rapport aux études beaucoup plus risqué si on s'y prend mal.
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  • Oui, je suis plutôt d'accord. Je peux un peu comprendre que l'avis de Colmez en refroidisse certains (parce qu'il veut vraiment faire des matheux, ce qui n'est pas forcément la vocation de la prépa), mais la contagion des programmes qu'implique un certain souci de cohérence nationale touche quand même beaucoup mes facs, malgré les plus ou moins grandes libertés qu'elles peuvent se permettre, et je pense que même en prépa, sans toucher au programme actuel, il y a moyen de remplir les 550 heures non dédiées à l'enseignement des notions au programme à quelque chose de plus enrichissant que du bachotage (car mes souvenirs d'"applications" des notions me font dire que le temps qui leur est alloué est plutôt réduit).

    Son bouquin est disponible gratuitement ? Fichtre, je l'ai payé en librairie.
  • RLC : Le second concours de l'ENS lyon c'est pas la panacée non plus. Quand je l'ai passé c'était 10 places pour toutes les sciences (math, info, physique, bio, chimie) et Lyon était la seule ENS à proposer un second concours réservé aux étudiants de la fac. Ça ne m'étonnerait pas que le "niveau" du dernier admis par la voie universitaire soit régulièrement supérieur au "niveau" du dernier admis par la voie prépa. Il faut aussi se souvenir que les étudiants des facs ne sont pas souvent dans un environnement qui les aide à préparer un concours, pas de DS réguliers, pas de colles, pas d'encadrement pour l'équivalent du TIPE etc.
    RLC a écrit:
    les bons élèves étant ceux qui au final s'en cognent le plus des cours pour se nourrir eux-mêmes.
    Ce n'est pas ce que j'observe personnellement. La plupart du temps les meilleurs élèves sont très assidus et attentifs en cours, il y a naturellement des exceptions.

    Pour en revenir à Lebesgue versus Riemann, je pense vraiment que Riemann est plus simple à construire que Lebesgue. Pour faire du Lebesgue sérieusement il faut connaitre les séries numériques, la définition d'une topologie et un peu de cardinaux. La construction de la mesure de Lebesgue me parait aussi plus compliquée conceptuellement. À noter que la "vraie" intégrale de Riemann est rarement enseignée et qu'on lui préfère souvent l'intégration des fonctions continues par morceaux, forcément ça facilite les choses.



    Xax : intéressant ce texte, le chiffre des 150h de cours à Cambridge est assez frappant. Est-ce que tu sais de quand date ce texte ? J'ai l'impression qu'il date d'avant les nouveaux programme de 2013, par exemple je crois que les suites de Cauchy ne sont plus au programme de MPSI actuellement.

    Bon par contre il abuse un peu avec la commande \footnote ce monsieur (:D

  • Je suis d'accord pour dire que le nombre de places compense, et en plus il y a l'épreuve de TIPE qui permet de trier les faqueux vraiment passionnés par les maths au point de s'investir dans un sujet des autres. Par contre, deux amis de promo l'ont passé et l'un d'eux a eu le concours (il avait un très bon TIPE qui a dû le distinguer et lui faire mériter sa place). Pour avoir regardé leur écrit, l'un des problèmes se faisait presque de tête en ayant connaissance du théorème spectral, et celui qui a été recalé ne l'a pas fait pour ne pas s'en être souvenu (ils ont passé le concours en L3). Je pense que même une taupe médiocre aurait pu faire ce sujet sans trop de difficulté (bien qu'ayant croisé un ancien camarade en prépa agreg, il ne se souvenait plus du théorème spectral, décidément).
    Alors bien que la difficulté absolue des sujets ne veuille rien dire, je pense qu'elle est quand même censée être un indicateur du niveau estimé des candidats qui plancheront dessus, et en voyant les choses comme ça, j'ai envie de dire bof bof (je comparerais ça à du "CCP théorique", c'est-à-dire des exercices intéressants et abstraits, mais de difficulté CCP).

    Si je suis bien évidemment d'accord pour dire qu'on ne peut présager de la meilleure réussite d'un élève donné dans le cadre fac ou bien prépa sans plus d'information sur lui, que des réussites fulgurantes sont possibles dans les deux systèmes et que, prépa ou fac, la majorité sera par nature toujours médiocre, la prépa me semble meilleure pour former, en proportion, plus d'élèves capables de sortir de deuxième année avec des réflexes fonctionnels (pour relancer une pique, chaque fois que les faqueux passaient au tableau, c'était la fiesta des quantificateurs et il y avait toujours ce côté "nez dans le guidon", et la différence entre anciens de prépas et purs faqueux se sentait beaucoup à la manière de poser les problèmes, ce qui me fait dire qu'il y a une nécessité à être très encadré au début pour apprendre ces choses générales et importantes).
    (Bon, et tant pis pour ce que j'ai dit, nous voilà dans le débat).

    Pour Lebesgue, on a normalement tous ces prérequis en fin de sup, et à part peut-être les séries (qu'on peut voir tôt en spé), les avoir solidement acquis.
    Ce qu'on voit en analyse de deuxième année donne beaucoup l'impression d'être réappris durant la troisième.
  • Je crois que ce que te dit xax est intéressant. A l'Université tu choisis tes profs et tes cours, en tout cas à mon époque c'était comme ça. Si pendant une année tu as un bon prof
    dont tu peux suivre les conseils, je pense que c'est suffisant pour te donner du travail et pour apprendre. Tu avances comme ça à ta vitesse.

    Il faut comprendre que l'essentiel du travail en mathématiques se fait en bibliothèque et chez soi avec des livres. Les cours ne sont là que pour te guider, ou pas d'ailleurs.

    M.

  • Tout à fait d'accord.
  • @RLC le pdf de son bouquin, 2nde edition.

    @Corto je pense que c'est vers cette date, son bouquin finit dans la chrono sur les écarts bornés entre nombres premiers 2013. Après il n'est plus intervenu à l'X.
    L'état d'esprit de Cambridge est universitaire, j'ai le sentiment qu'on voit plus de choses mais de façon moins approfondie question calculatoire (quoique je suis tombé sur des planches d'examens qui n'étaient pas triviales).
    Aussi, contrairement à la prépa française dont on m'a informé (Bisam) dans un autre fil que le recours à la bibliographie était marginal, la maquette des cours de Cambridge indique pour chaque thème une lecture obligée et d'autres conseillées. Le rapport à la physique est différent aussi, il n'y a pas cette coupure "à la française" que j'ai toujours trouvée un peu artificielle.
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • @Mauricio dans les grosses université, et de notre temps :-) Je ne sais pas ce qu'il en est actuellement, notamment des inscriptions universitaires, compte tenu de l'effectif qui se présente aux concours ...
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • RLC : Moi ça me va pour qu'on arrête de parler de fac vs prépa, je crois comprendre qu'on n'est pas d'accord et qu'on ne se fera pas changer d'avis ;-)

    Je suis un peu surpris de ce que tu me dis pour le second concours. Quand je l'ai passé les sujets me semblaient un peu plus durs que ceux des mines-ponts pour MP et plus facile que ceux des X-ENS MP. Après il est tout à fait possible que les sujets aient évolué entre temps, je crois savoir que tu es un peu plus jeune que moi. Pour la petite anecdote, à l'oral de math j'ai tout de suite repéré qu'il fallait utiliser le théorème spectral (décidément !) mais ça n'a pas suffi à m'éviter la salle note 8-)
  • xax a écrit:
    Le rapport à la physique est différent aussi, il n'y a pas cette coupure "à la française" que j'ai toujours trouvée un peu artificielle.
    Il n'y a pas de "coupure", pas plus qu'il n'y en a entre le footballeur et le basketteur. Ce sont deux métiers différents c'est tout.
    De ce que j'ai vu, les matheux des autres pays font des maths comme on en fait nous et les physiciens font de la physique.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.

  • Corto : si tu as le courage de fouiller je crois qu'il s'agit du sujet de 2016. Le second problème concernait soit les pavages, soit une résolution d'équa diff, j'ai un peu oublié (le problème sur les pavages était plutôt intéressant et ne nécessitait aucune connaissance préalable ou presque, ça change un peu).

    Bah, je crois qu'un débat sur tel ou tel sujet sur un forum (et même ailleurs) ne fera changer aucun parti d'opinion. C'est juste pour le plaisir de causer un peu autrement (avec véhémence, avec logique, avec bonne ou mauvaise foi, ou en exposant des faits qu'on ne peut exposer à personne d'autre pour certains sujets). Mais ici ça a tendance à virer aux fermetures de topic et j'ai envie que quelques autres membres qui sont d'accord avec le propos initial du fil ragent un peu avec moi :-D
  • @Foys c'est un autre débat, je faisais référence au programme de Cambridge en maths où la physique tient une part importante et où il n'y a pas de coupure "à la française" donc.

    Après le rapport des maths et de la physique c'est une autre histoire, mais je crois savoir que les maths ont été partiellement inventées pour les besoins de la physique, et que jusqu'au début du XXe siècle les mathématiciens étaient souvent aussi physiciens, ce qui est devenu beaucoup plus rare effectivement. Ton image foot / basket est un poil en dessous de ton niveau habituel ...
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • Non non c'est fait exprès.

    Dans l'antiquité, un intellectuel, c'est-à-dire un philosophe, était tout à la fois, physicien, mathématicien, littéraire, médecin, poète...

    Au cours de l'histoire les différents champs des connaissances se sont enrichis au point d'entraîner une spécialisation inévitable des disciplines.

    Il n'y a aucun mal à ça et comme l'avait si bien dit Lafforgue, tout savoir est spécialisé.

    De plus il existe des différences irréductibles entre la physique et les maths notamment au niveau de la validation des idées (la plus radicale étant le rapport à la pratique expérimentale).

    On ne rend service à personne en amalgamant des choses qui sont au bout du compte dissemblables comme la physique et les maths (cette confusion est surtout motivée par un vieux fond de haine des maths dans ce que j'ai vu puisque derrière ce reproche de coupure se cache surtout le reproche fait aux maths d'êtres elles-mêmes et non une collection de bandes dessinées en couleurs "concrètes" pour rassurer les gens qui luttent avec le formel et l'abstrait).

    Les deux sciences ont un fonds commun, mais les spécialistes de physique mathématique savent faire la part des choses.
    xax a écrit:
    mais je crois savoir que les maths ont été partiellement inventées pour les besoins de la physique,
    C'est clairement vrai pour le cas du calcul différentiel et intégral mais faux pour l'algèbre et surtout la théorie des nombres, pourtant très développées déjà au XIXième siècle (les premières applications industrielles de cette dernière discipline ayant été découvertes fortuitement dans les années 70. C'était hier!).
    Quant aux probas, elles ont été introduites historiquement pour gagner plus à des jeux d'argent.
    xax a écrit:
    Ton image foot / basket est un poil en dessous de ton niveau habituel ...
    On est dans les amalgames! C'est des sports de ballon (à la rigueur la dichotomie foot/rugby serait plus adaptée, leur ancêtre commun -la soule- étant plus identifiable).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Il faut noter qu'en mathématiques, les interactions entre CPGE et fac sont nombreuses.
    Depuis toujours, de nombreux universitaires sont passés par la prépa, mais aujourd'hui, de nombreux profs de prépa ont un parcours purement fac.
    Il n'y a donc pas de hyatus culturel.

    En revanche, il y a un problème politique: il y a une incohérence à avoir fait rentrer l'université française dans le système LMD sans toucher au système CPGE/GE.

    De fait, en maths, du fait des passerelles vers des écoles, on ne peut pas organiser le découpage des enseignements en ignorant les programmes de prépa, qui répondent à d'autres logiques.
  • Le problème de Pierre Colmez est avant tout qu'il réfléchit pour les quelques pourcentages de taupins qui vont aller dans les écoles style X-ENS en pensant que tout le monde va devenir mathématicien... Et mettre de côté les filières autre que MP*.

    Il y avait 48 897 élèves en prépa scientifique en 2018-2019 et l'immense majorité se destine à ne plus faire d'études de mathématiques après la prépa.

    Bref c'est pas pour rien qu'il s'est fait virer de l'X.

  • Je corrige pour Corto s'il est curieux de confirmer ou infirmer mes dires sur le sujet de Lyon : c'était le sujet de second concours de 2017. Dis-moi ce que tu penses du premier problème si tu as le courage d'aller voir un jour. En général les annales ne sont pas bien dures mais là c'est un peu exagéré je trouve.
  • Héhéhé a écrit:
    Il y avait 48 897 élèves en prépa scientifique en 2018-2019 et l'immense majorité se destine à ne plus faire d'études de mathématiques après la prépa.

    Bref c'est pas pour rien qu'il s'est fait virer de l'X.
    La majorité de ces étudiants ne se destinent pas à faire des maths plus tard certes, mais combien auront besoin d'être capables de comprendre certaines notions de mathématiques?
    Je pense par exemple à tous ces développeurs qui essaient de s'autoformer à l'algèbre linéaire (ou juste à certains points élaborés de ce domaine), où encore aux gens dans les formations de trading qui sont confrontés à des contenus évoquant jusqu'à Black Scholes mais qui ne savent pas ce qu'est une dérivée (c'est arrivé à un copain, l'étudiant lui a littéralement demandé "c'est quoi f apostrophe?").

    Cela dit on paie l'effondrement de la qualité de l'enseignement avant la prépa ou la fac. La majorité des étudiants doit apprendre trop de choses, beaucoup trop vite et dans de mauvaises conditions pour rattraper l'incurie du lycée.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Foys je n'ai pas dit qu'il fallait arrêter d'enseigner correctement les maths en CPGE.

    Je dis juste que pleurer parce qu'on aborde pas le programme de Langlands dans le tronc commun en maths de l'X, c'est être à côté de la plaque.

    On constate tous le problème de l'enseignement des maths en France, mais ce n'est pas en mettant un programme complètement délirant qui ne s'adresserait qu'à 1% des taupins qu'on va régler le problème, c'est pourtant ce que propose Colmez.

  • Ca ne va pas faire avancer le schmilblick de dire ça mais n'y aurait-il pas un intermédiaire entre le farm intensif d'exercices juste dans l'optique de réussir un concours qu'on se vantera d'avoir totalement oubliés deux ans plus tard et la théorie de l'intersection et des faisceaux ?
  • n'y aurait-il pas un intermédiaire entre le farm intensif d'exercices juste dans l'optique de réussir un concours qu'on se vantera d'avoir totalement oubliés deux ans plus tard et la théorie de l'intersection et des faisceaux ?
    Tu mets le doigt sur la douloureuse question du programme de maths idéal, qui n'a pour l'instant pas encore été inventé (mais il n'y a peut-être pas de bonnes réponses, seulement des compromis).
    Pour l'instant tout ce qu'on sait, c'est qu'un allègement des contenus d'enseignement s'est accompagné d'un allègement des connaissances en maths des gens ainsi que de leurs aptitudes.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • @Héhéhé tu es un peu dur avec Colmez, ce qu'il dit comporte simplement 2 constats :

    - le programme des taupins s'est vidé d'une partie intéressante des maths qui étaient abordés avant (du moins de son temps, Pierre Colmez a 57 ans),

    - d'autres parcours universitaires lui paraissent plus riches et plus intéressants, comme celui-là, que je donnais à titre indicatif à RLC puisque c'est précisément l'interrogation de son fil.
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  • Colmez n'a pas qu'une vision élitiste des maths, il est de ceux qui veulent faire comprendre la beauté de la discipline au plus grand nombre et ne me donne pas l'impression de vouloir un pays d'excellence académique mathématique. Son bouquin respire la bienveillance et le désir de partage, c'est une vraie bouffée d'enthousiasme.

    De plus, vouloir qu'il y ait de vraies maths dans la formation la plus exigeante en maths niveau postbac immédiat ne me paraît pas totalement délirant. Certes, on fait vélo et bien des maths en prépa, mais le point marquant du texte de Colmez est l'histoire du volume horaire dédié au cours par rapport au volume total, et le fait que ce volume libre soit occupé par du bachotage.
    S'il faut penser à ceux qui sont là uniquement dans l'optique concours, il est dommage de délaisser ceux qui sont en prépa juste pour y faire des maths, et nous savons tous ici que ces derniers sont loin d'être une minorité aérolithique.
  • @Foys c'est beaucoup plus ancien que le calcul différentiel et intégral, si l'on songe à la construction des mathématiques en Grèce. La théorie des nombres commence là d'ailleurs, j'ai lu avec émotion un texte en grec ancien sur les nombres premiers fourni par Chaurien il y a pas longtemps. Quant aux probabilistes du 19e leurs intérêts n'étaient pas seulement de gagner aux jeux, regarde Laplace par exemple, ou Bayes, une des questions est celle générale du risque, donc, si l'on songe aux applications, plutôt dans une optique assurantielle que de roulette. Ce serait aussi réducteur que de dire que le calcul différentiel a été inventé pour le calcul des tirs au canon.
    Je ne vois absolument pas une quelconque haine des maths, je ne crois pas qu'Alain Cones en France ou Edward Witten aux USA soient particulièrement anti-maths - ils sont titulaires de la médaille Fields tous les deux, mais la physique constituent une part importante de leur activité.
    Quant aux deux grands fondateurs de la théorie des nombres, Gauss et Euler, ce serait très difficile de leur enlever leur qualité de physicien.

    En fait je te soupçonne d'être chagriné que les maths viennent d'inspirations très terre à terre et que malgré la spécialisation et l'abstraction croissante, les souliers restent bien crottés :-)

    Je ne crois pas à une séparation en raison du caractère ontologique (ce qui tu qualifie d’expérimental) des deux disciplines, ce caractère s'exprime différemment mais ce sont les faces de la même médaille.
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  • il est dommage de délaisser ceux qui sont en prépa juste pour y faire des maths,
    Rappelons quand même, à ceux-là, les universités ouvrent les bras.
  • En plus, en cas de doute, de l'Université en travaillant un minimum on peut toujours raccrocher une école aussi modeste soit-elle https://www.mondedesgrandesecoles.fr/loic-richier-des-bancs-de-la-fac-au-campus-de-l’x/
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  • @xax: je pense que tu devrais parler de la nature des maths avec moins d'autorité (tu n'as jamais participé à une seule discussion mathématique sur le forum. Il n'est jamais trop tard pour commencer, on avait bien fini par obtenir de Ramon Mercader cet effort ;-) récemment), ça te rend antipathique surtout auprès des gens qui ont les mains dans le cambouis.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Ah ! Discuter des programmes c'est certes indirect mais bon, quand même un peu.

    Je ne parle pas des maths avec autorité, j'en serais bien incapable, je dis juste qu'il y a un recouvrement avec la physique, qui est ancien, historique, profond, et qui marque toute l'évolution des deux domaines, 20e siècle inclus, et qu'ils n'existent pas l'un sans l'autre.

    Attention, par contre je ne dis pas du tout que c'est nécessaire de connaître la physique pour faire des maths et se distinguer, j'ai parfois l'impression que tu m'attribues cette pensée. Donc je te rassure je ne l'ai pas.
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  • aléa a écrit:
    Il faut noter qu'en mathématiques, les interactions entre CPGE et fac sont nombreuses. Depuis toujours, de nombreux universitaires sont passés par la prépa, mais aujourd'hui, de nombreux profs de prépa ont un parcours purement fac.

    Je dirais même plus : je me souviens avoir eu un colleur réputé exigeant en prépa. Quelques années plus tard, en préparant le CAPES, j’ai retrouvé M. T. comme enseignant à la prépa CAPES. Je n’en menais pas large dans son bureau… et pourtant il était nettement plus sympathique.
    Algebraic symbols are used when you do not know what you are talking about.
            -- Schnoebelen, Philippe
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