Définition d'une droite

Un exemple qui revient régulièrement quand on évoque la réforme des mathématiques modernes est le suivant :

Définition.Une droite affine $D$ est un ensemble $E$ muni d’une famille $\Phi$ de bijections de $E$ sur $\mathbb{R}$ telles que :
(i) Pour tout $f$ élément de $\Phi$, et pour tout élément $(a,b)$ de $\mathbb{R}^* \times \mathbb{R}$,l’application définie par $g(M) = a f(M) + b$ appartient aussi à $\Phi$.
(ii) Réciproquement si $f_1$ et $f_2$ sont deux éléments quelconques de $\Phi$, il existe $(a,b)$appartenant à $\mathbb{R}^* \times \mathbb{R}$ tel que $f_2(M) = f_1(M) + b$.L’ensemble $E$ est appelé le support de la droite affine $D$, un élément $M$ de $E$ est appelé un point de la droite affine $D$.

Je pense qu'on peut se mettre d'accord sur le fait que cette définition est très compliquée (visiblement une définition donnée en cours de 4e), mais ce n'est pas le sujet.

Mettons que l'on veuille définir proprement une droite. Voici ma question :

Pourquoi ne pas dire qu'une droite est la donnée d'un d'un point et d'un vecteur ? Et si l'on veut éviter les problèmes de droites identiques, ne peut-on pas prendre le quotient par la relation d'équivalence qui va bien ? Je crois bien que les élèves devaient manier les relations d'équivalence en sixième (voire avant) et que c'était le procédé utilisé pour construire les nombres entiers et rationnels.

PS : vu la définition, ça ne me paraît même pas évident que l'ensemble $E$ de la définition soit une droite (au sens banal) et doit résulter d'un lemme que je ne sais pas démontrer de tête. On dirait une version géométrie algébrique de la notion de droite.

Réponses

  • Bonjour.

    "Pourquoi ne pas dire qu'une droite est la donnée d'un d'un point et d'un vecteur ?" Bizarre, ce que tu racontes. Une droite n'est pas une donnée. A moins que tu veuilles dire "Pourquoi ne pas dire qu'une droite est donnée par un point et un vecteur ?" Mais ça, on le sait. Et ça ne dit pas ce qu'est une droite. Pire, il faut déjà connaître la notion de vecteur.

    Ce qui est un peu surprenant, c'est que tu nous ressors une définition liée à une axiomatique (celle des programmes de 6e à 4e des années 1970) dont tu sors immédiatement (vecteur ??). Et une définition inutilisée quasiment depuis sa sortie.

    Suivant les présentations de la géométrie utilisée, les droites sont soit des objets non définis (notions premières), soit définies dans un cadre bien précis (en géométrie affine, une droite est un sous-espace affine de dimension 1).

    En fait, cette définition, prise toute seule, ne permet pas de faire la géométrie affine classique, car tout ensemble ayant la puissance du continu est alors une droite affine et d'une infinité de façons. Il faut ajouter pas mal de propriétés pour arriver à la géométrie. On l'a sortie de son contexte simplement parce qu'elle était incompréhensible pour les élèves, les parents, et même la plupart des profs de maths de l'époque (exemple parfait de "le mieux est l'ennemi du bien"). Et la conséquence des choix des promoteurs de ce programme (la plus grande rigueur) amenait à ne faire que de la géométrie affine en quatrième, qui n'avait aucun sens pour les élèves ("pourquoi on ne parle pas de longueur ?").

    Cordialement.
  • Il y a plein de définitions en maths qui sont des "données". Par exemple un groupe est la donnée d'un ensemble et d'une loi de composition interne tel que blablabla, un nombre complexe est la donnée de deux nombres réels, etc. C'est un raccourci pour dire "un bidule est un $n$-uplet vérifiant..."

    Le problème de ta définition Mickaël est qu'on tourne un peu en rond. Comment tu définis un vecteur ? Un point ? Il faut faire attention aux définitions circulaires !
  • Cher gerard0,

    J'ai posé cette question précisément parce que c'est un exemple que l'on ressort régulièrement (en tout cas dans les documents que j'ai pu trouvés sur le net). Évidement je sors immédiatement de l'axiomatique : d'ailleurs je ne connais pas l'axiomatique en question. J'aurais bien aimé trouver un cours complet de "maths modernes", du style un cours complet de la sixième à la terminale, mais je ne l'ai pas trouvé.

    Tu réponds en partie à ma question, car le fait que cette définition ait été très peu enseignée me rassure un peu. De toute façon même à mon époque (récente) la différence entre le programme et ce qui était véritablement enseigné pouvait être immense.
  • @Héhéhé oui il faut faire attention. En gros j'avais en tête une suite de définitions de la sorte :

    1) on prend $\mathbb{R}^2$, ce qui nous donne des points $P=(x_P,y_P)$.
    2) Les vecteurs sont les classes d'équivalence de couples de points pour la relation d'équivalence qui va bien.
  • Si tu veux prendre un angle d'attaque avec les coordonnées cartésienne, pourquoi ne pas définir une droite par son équation cartésienne ?
  • Cher Mickaël,

    Cette définition est intrinsèque : contrairement à la tienne, elle ne suppose pas que $E$ soit inclus dans $\mathbb R^2$ (ou plus généralement un espace affine ou un espace vectoriel, notions qu'il faudrait définir aussi). De plus elle engendre immédiatement une notion de points de $D$ (qui sont simplement les éléments de $E$), là où tu devrais toi travailler encore.

    La famille de bijections associée à $D$ correspond simplement à une classe de systèmes de coordonnées affines compatibles entre eux.

    P.S. N'ayant pas connu les maths modernes, je ne fais que des observations qui pourront sembler naïves voire fausses pour les plus anciens.
  • Mickaël,

    tu ne pourrais pas " trouver un cours complet de "maths modernes", du style un cours complet de la sixième à la terminale", vu que c'était un programme annuel sur 7 ans. Par contre, on trouve bien des manuels de chaque année de cette époque (*), mais si tu prends deux manuels pour le même niveau, tu seras surpris par les différences entre eux.

    Si tu prends $\mathbb R^2$ comme ensemble de base, autant lui laisser sa structure d'espace vectoriel et le munir de la structure affine associée. Les droites y sont les sous-espaces affines de dimension 1. Donc au lieu d'un point et un vecteur directeur, un point et un sev (celui qui est engendré par le vecteur); et on sait définir les sev directement (j'ai fait faire ça à mes élèves de seconde dans les années 1970).

    Cordialement.

    (*) Sauf les Galion, parus sous la forme de fascicules de cours/exercice/cahier de réponse aux exercices, un peu comme les cahiers de vacances.
  • Siméon,

    tu as raison. En fait, cette définition qui arrivait un peu comme un cheveu sur la soupe à l'époque, détachait volontairement la notion de droite affine (ou axe) de la géométrie, puisqu'un cercle privé d'un point était aussi un axe, ou l'intérieur d'un carré, ou tout ensemble équipotent à $\mathbb R$, la famille de bijections se ramenant à la connaissance d'une seule bijection. Il y avait ensuite des contorsions pour retomber sur la géométrie plane ou de l'espace.
    C'est l'imposition de ce niveau absurde de généralité qui a fait exploser la commission Lichnerovicz. Et sonné le glas de la réforme.

    Cordialement.
  • Il manque sans doute un facteur $a$ dans la formule du (ii) de la définition donnée dans le premier message. Cela gâte le plaisir...
  • Tout à fait Brian.
  • @ Simeon : cette définition intrinsèque de droite affine n'a aucune mais aucune utilité pour les élèves des colleges et lycées. Pour que les élèves comprenent que cette définition ne requiert pas que E soit plongé dans R2 il faut aussi leur donner des exemples autres que R2 non ? Si non le concept reste flou. Alors on donne quoi comme autre exemple d'espace affine, le plan Q2, les plans affines de Fano ? Lol je vois bien la tête des elèves exploser. Mais monsieur c'est quoi la droite affine dans Q^2 ? On peut pas la tracer. Mais monsieur pourquoi le plan affine de Fano n'a qu'un nombre fini de points et droites ?

    tout à fait
    Les promoteurs de la réforme des maths modernes n'ont jamais compris ou n'ont jamais voulu comprendre qu'au niveau du secondaire les élèves étaient déjà confrontés à un système axiomatique en bonne et due forme : la vielle géométrie euclidienne. On peut y faire tout à fait correctement des raisonnements déductifs comme Dieu commande. Et le tort qu'on a fait aux élèves c'est de leur dire que cette axiomatique n'était pas correcte parce qu'il y avait des zones d'ombres. Des zones d'ombres qui n'ont jamais freiné les géomètres pendant plus de 2 millénaires. Zones d'ombre qui n'ont d'importance que pour les mathématiciens professionnels. C'est pour cela que je dis que les maths modernes furent une tragédie, la folie des grandeurs. On a voulu d'une manière ou d'une autre donner aux élèves une axiomatique à la Hilbert alors que le travail de Hilbert sur les fondements de la géométrie euclidienne était un travail de recherche adressé à des professionnels et non à des étudiants du secondaire.
  • Je n'arrive même pas à comprendre une seule seconde comment quelqu'un disposant d'un cerveau à peu près fonctionnel puisse penser que cette définition est exploitable pour un élève du secondaire.
  • Chaque fois qu'une conversation sur la réforme dite des maths modernes est abordée et qu'au moins un prof participe, il ne faut pas attendre plus de quelques messages avant que quelqu'un ne brandisse invariablement l'épouvantail de la droite affine magique. Et après la conversation se poursuit dans un registre presque exclusivement émotionnel.

    On parle d'un point de détail quand même. Et rien dans le projet de fonder les mathématiques sur des bases rigoureuses n'impliquait cette bizarrerie qui s'apparente plutôt à une lubie d'inspecteur.
    SERGE_S a écrit:
    Et le tort qu'on a fait aux élèves c'est de leur dire que cette axiomatique n'était pas correcte parce qu'il y avait des zones d'ombres.
    Il n'y a aucun mal à dire la vérité aux élèves. Les mathématiques telles qu'elles sont enseignées n'ont aucune des propriétés requises (*) pour donner la légitimité à un enseignant de s'ériger en juge de la qualité de la pensée d'un élève. Les gens apprennent leur bases tant bien que mal sous l'arbitrage sévère d'un père fouettard de la rigueur mais dès que l'on gratte un peu le vernis, on s'aperçoit que les contenus sont un empilement d'agitations de mains non justifiées et de phrases qui n'ont absolument aucun sens genre "définition: on dit qu'on a défini une fonction f si pour tout x dans R on s'est donné f(x)".

    [size=x-small](*)alors qu'elles pourraient l'être contrairement à un préjugé répandu de gens qui n'ont pas étudié la logique ("les maths ne sont pas fondables" et l'auteur de ce genre de propos va jusqu'à se réclamer "de la philo" parfois ce qui ajoute l'injure au malaise).[/size]
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • @simeon, Foys et les autres : merci de m'avoir répondu, c'est très instructif. Je n'avais pas vraiment le contexte, tout ce que je savais c'était que cet exemple ressortait souvent et j'avais en tête une idée de droite affine dans $\mathbb{R}^2$, rien de plus.
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