"On voit bien que"
Avez-vous des exemples de propositions (niveau collège, pas la peine de me sortir le TVI) que l'on expédie sans peine avec un "On voit bien que", mais qui cache en fait une vraie difficulté ? Et bien sûr, l'escroquerie n'a que très peu de chance d'être détectée par un élève (tout au plus les bons savent qu'un "On voit bien que" cache certainement une escroquerie).
Je propose la "transitivité du parallélogramme". Si $ABCD$ et $CEFD$ sont des parallélogrammes, alors $ABEF$ est un parallélogramme (et je ne parle même pas des cas dégénérés, juste du cas général).
Je propose la "transitivité du parallélogramme". Si $ABCD$ et $CEFD$ sont des parallélogrammes, alors $ABEF$ est un parallélogramme (et je ne parle même pas des cas dégénérés, juste du cas général).
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Réponses
Le problème de la géométrie pré-bac dans son ensemble est qu'il n'y a pas d'axiomes explicites, autrement dit on est face à un très gros flou sur ce qui est utilisable ou non.
Le coup de la transitivité pour les parallélogrammes reste cependant un exemple spectaculaire d'énoncé qui a l'air non seulement évident mais de plus trivial à démontrer (et je pense qu'en l'espèce un prof qui dit ça le pense vraiment dans ce contexte, faute d'introspection plus longue, se disant "j'ai pas la preuve là, tout de suite, mais ça ne devrait pas poser de problème").
Je n'ai pas d'exemple aussi frappant sous la main.
Le moment pour parler de l'axiomatique ?
NB: je ne dis jamais cette phrase
Un peu plus tard, quand on a évoqué les droites perpendiculaires à une même troisième... j'ai pensé à des méridiens coupant l'équateur.
Ce n'est pas forcément si bête d'évoquer l'axiomatique.
Quand j'étais en troisième, je savais déjà que :
ABCD est un parallélogramme $\Leftrightarrow$ $\overset{\to}{AB} =\overset{\to}{DC}$ $\Leftrightarrow$ $\overset{\to}{AD} =\overset{\to}{BC}$
Donc là j'aurais bêtement dit :
ABCD parallélogramme $\Rightarrow$ $\overset{\to}{AB} =\overset{\to}{DC}$
CEFD parallélogramme $\Rightarrow$ $\overset{\to}{DC} =\overset{\to}{FE}$
Alors $\overset{\to}{AB} =\overset{\to}{DC} =\overset{\to}{FE}$ donc ABEF parallélogramme.
Où est-ce que je me trompe ?
en troisième, la définition du vecteur comme classe d'équipollence de bipoints utilise la transitivité du parallélogramme. Pour justement la transitivité de cette relation d'équivalence.
Cordialement.
Merci pour vos réponses.
Edit: précision dans mon message précédent, je ne dis jamais "on voit bien que" mais je parle volontier d'axiomes à mes élèves, je n'ai pas été clair désolé
Où est le problème ?
ABCD est un parallélogramme, donc $(AB)$ parallèle à $(CD)$ et $AB=CD$. $CEFD$ est un parallélogramme, donc $(CD)$ parallèle à $(EF)$ et $CD=EF$.
Ainsi, $(AB)$ parallèle à $(EF)$ et $AB=EF$. De plus, "on voit bien que" $ABEF$ n'est pas croisé donc $ABEF$ est un parallélogramme.
Le problème est dans la justification que $ABEF$ n'est pas croisé. Et c'est un problème vraiment difficile si on le prend de front (je connais aussi une démonstration "plus facile" qui contourne le problème et j'en subodore une troisième qui doit éliminer le problème mais que je pense être stratosphérique).
En effet, on utilise souvent la symétrie centrale.
Soit un triangle $ABC$ avec $I$ et $J$ les milieux de $[AB]$ et de $[AC]$.
On construit le point $C'$ le symétrique du point $C$ par rapport à $I$ et le point $B'$ le symétrique du point $B$ par rapport à $J$ .
Ensuite " On voit bien que les points $B'$, $C'$ et $A$ sont alignés"
L’alignement se trouve pourtant bien avec les milieux diagonales et les parallélogrammes.
Une autre démonstration fonctionne bien (la plus courante ?) avec une droite parallèle à un côté et les angles alternes-internes.
Les théorèmes sur les angles alternes-internes sont démontrés avec la symétrie centrale.
La 5e est une mine d’or (si on peut dire, en 2020...) pour l’utilisation de la symétrie centrale.
En l’occurrence, pour démontrer les théorèmes sur les angles alternes-internes il faut l'axiome cas d'égalité des triangles C-A-C dans un sens et en plus l'axiome de Playfair dans l'autre sens.
Une démonstration sous forme d'exercice se trouve dans https://www.ams.org/publications/authors/books/postpub/mbk-47-MBK47IntroGeom_Revision2-0.pdf (ex 10.13 et 10.14 p83-84)
On peut aussi regarder http://gabrielbraun.free.fr/Geometry/Tarski/plg_pseudo_trans.html#/start
"Plus simple" (fortement inspiré de Elementary Geometry de John Roe): $ABCD$ est un parallélogramme donc ses diagonales se coupent en leur milieu $X$. $CEFD$ est un parallélogramme donc ses diagonales se coupent en leur milieu $Y$. D'après la propriété de la droite des milieux, $(XY)$ est parallèle à $(AE)$ et à $(DF)$. Ainsi, les côtés de $AEFD$ sont deux à deux parallèles, donc il s'agit d'un parallélogramme.
Si $A,B,C,D$ sont alignés mais pas alignés avec $E$ et $F$, la démonstration fonctionne encore.
Si $A,B,E,F$ sont alignés mais pas avec $C$ et $D$, alors il faut se ramener au cas particulier précédent (et ce n'est pas une partie de plaisir).
Si $A,B,C,D,E,F$ sont alignés, l'idée précédente ne marche plus, mais ce n'est pas grave. On colle un système de coordonnées sur la droite et un calcul de coordonnées de milieux de segments règle facilement le problème.
Conclusion de l'histoire : "on voit bien que" il vaut mieux éviter les "on voit bien que".
Plus compliqué (c'est possible !) : les deux références que je donne appellent ce résultat le (petit) théorème de Desargues. Roe ajoute que c'est un cas très particulier de ce théorème. Il doit donc y avoir moyen d'obtenir notre résultat comme corollaire de Desargues. Mais une démonstration efficace de Desargues qui inclue les cas particuliers passe par le plan projectif (voila pourquoi je parlais de stratosphérique plus haut).
Ça se démontrait...avec plein de théorèmes du parallélogramme.
J’imagine que là encore, un loup s’y cache...
Comme évoqué, il n’est pas grave de dire à un moment « bon, pour être rigoureux il faudrait encore démontrer ceci...mais là on va l’admettre ». Je n’y vois pas de gros problèmes.
En effet, si le « circulaire » est inévitable, cela devient problématique.
Et encore : ce qui compte à ce niveau c’est que chaque « donc » soit justifié par un théorème du cours il me semble.
Et quand je dis « à ce niveau », c’est jusqu’à bien tard que l’on ne demande « que ça ».
Il faut comprendre que rien que de démontrer qu’un quadrilatère avec trois angles droits est un rectangle pose déjà problème.
Ça interroge...
Je donnais un exemple de résultat où on a vite fait d'employer un "on voit bien que", parfois coupler à un raisonnement circulaire dont l'auteur n'est pas conscient (comme le notait Foys). Et cet exemple est un vrai piège parce qu'il a l'air tellement évident qu'aucun prof ne dira jamais qu'en fait, c'est très compliqué à démontrer et que l'on va l'admettre, souvent parce qu'il n'est pas conscient du problème (et les manuels de collège n'aide en rien sur ce point).
Je repose donc ma question de départ (qui a eu quelques réponses) : avez-vous d'autres exemples de "on voit bien que" qui cachent une vraie difficulté ("exercices faciles laissés au lecteur" pour reprendre l'expression de Foys) ?
Il vaut mieux éviter de démontrer les axiomes.
Je pensais que c’était un théorème.
Les axiomes des uns sont les théorèmes des autres. :-D
-- Schnoebelen, Philippe
Pour autant, il y avait du "on voit bien que" dans cette histoire de tangente au collège (ça dépend toujours de la façon dont on présente la chose).
[Inutile de recopier un message présent sur le forum. Un lien suffit. AD]
Pardonnez mon ignorance, voici la (fausse) preuve que j'avais en tête.
Soit $A, B, C$ trois points non alignés, et $d$ une droite qui coupe $(AB)$. Supposons que $(BC)$ et $(AC)$ ne coupent pas $d$, alors $(BC)$ est parallèle à $d$, de même pour $(AC)$, donc le triangle $ABC$ a deux côtés parallèles donc est plat : contradiction.
Où est le problème dans ce que je viens d'écrire ?
Je n'ai jamais fait de géométrie euclidienne (pas depuis la troisième).
Cordialement.
On choisit un point M(m;0) de ]AB[ (donc $0<m<1$).
On choisit une droite $\mathcal D$ qui passe par M sans passer par A, ni B, ni C.
$\mathcal D$ a pour équation $ax+by=c$ et on tire des conclusions.
On distingue aussi quelques cas...
On cherche s’il existe un point de $\mathcal D$ qui appartient à ]AC[ ou à ]BC[.
Cette manière de faire utilise-t-elle quelque chose de « caché » ?
On dirait qu’on arrive à démontrer cette axiome...
Tu es en train de travailler dans $\mathbb{R}^2$ avec toute l'axiomatique qu'il faut pour faire de l'algèbre linéaire (qui est cachée derrière, l'air de rien) ... Et tous les axiomes que l'on énonce lorsque l'on commence à faire de la "géométrie à l'ancienne" deviennent des théorèmes.
Je feuillète en vitesse avant d'aller faire du présentiel (comme on dit dans la novlangue) et je tombe dans le chapitre parallélogramme sur ... deux parallélogrammes $ABCD$ et $CEFD$ et l'on demande au lecteur de démontrer que $AEFB$ est un parallélogramme. Pour aggraver la chose, la figure est fournie.
Je me demande ce que les auteurs (dont un ipr en tête de gondole) attendent des élèves ...
Ce sera déjà bien suffisant.
Et on oublie cette histoire de vérifier que ce n’est pas croisé.
Ça m’étonne de trouver ça en 4e cela dit.
c'est $AEFD$ ou $AEFB$ ?
Cordialement.
Le corps R (pour modeler la droite euclidienne) ou R2, R3 pour modeler le plan et l'espace. D'où sort ce R et quel est lien avec l'axiomatique "naturelle" d'Euclide. R est vraiment parachuté au niveau du lycée. Il faut se résigner à cet état de fait car on ne peut pas faire la construction à la Hilbert de la géométrie Euclidienne qui inclut par nécessité aussi la construction du corps R aux élèves de seconde, première ou terminale. Donc il restera toujours un quelque chose de flou dans cette histoire de géométrie analytique pour les élèves.
Effectivement il n'y a plus de « on voit que les cercles se coupent » pour construire un triangle équilatéral.
Mais il n'y a plus de mathématiques non plus.
Le plus triste, c'est que certains "profs" de "maths" trouvent cela formidable....Il auraient dû passer le CAPLP bureautique....
Quand on veut montrer qu'un triangle à un angle droit on peut le montrer avec l'équerre ou avec la démonstration de [large]P[/large]ythagore mais quand on veut montrer 2 droites parallèles il n'y a pas de démo mais des mesures avec la règle.
[ Pythagore (~580 avJC) prend toujours une majuscule. AD]
On ne démontre rien à la règle.
Pour démontrer que deux droites sont parallèles je ne vois pas beaucoup de théorème, la réciproque du théorème de Thalès (3e-4e) existe ou bien avec les angles alternes-internes (5e), ou bien « les deux angles droits »*** (6e).
Il reste les théorèmes liés aux quadrilatères particuliers.
***J’imagine que c’est ça, « l’axiome d’Euclide » évoqué : « quelles que soient les trois droites, si deux d’entre elles sont chacune perpendiculaire à la troisième, alors elles sont parallèles ».
J'ai demandé à des élèves de 5e de construire un triangle de dimension 4 cm, 7cm et 8cm, puis de construire les hauteurs.
Un certain nombre d'élèves ne construisent qu'une hauteur, car ils croient que le triangle est rectangle et que les deux autres hauteurs se confondent avec les côtés de l'angle "presque" droit. Et certains reconnaissent qu'ils ont même mis l'équerre pour vérifier que le triangle est rectangle.
Pour autant, ceci ne rentre pas dans la catégorie du "on voit bien que", c'est à dire des pseudo-démonstrations où l'auteur de toute bonne fois croit qu'il suffit de regarder la figure pour justifier son pseudo-argument, ce qui n'est à cet endroit pas le cas.
Il faut que certains professeurs des écoles clarifient cela dès les premiers niveaux.
Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a que ce problème que l'on peut intituler "on voit bien que". Cette façon de faire consistant à remplacer toute forme de raisonnement par un "ça se voit sur la figure" est un problème et certainement plus grave que celui que je visais initialement. D'autant plus grave que c'est fait par les prof des écoles et c'est ce qui reste ensuite dans la tête des élèves (et bien du courage pour rectifier).