"Mais à quoi ça sert ?"
Bonjour.
Je ne suis pas à la recherche de réponses à donner aux élèves qui me posent l'inévitable question mais aimerais voir les différentes réponses que les intervenants ont pu y apporter, ou simplement s'ils choisissent de ne pas y répondre, ou si, plus fantasques, ils choisissent de casser leur règle d'un mètre contre leur bureau en faisant gonfler leur carotide pour montrer aux élèves qu'il ne faut pas les chercher, eux. Bref, comment cette question vous fait-elle réagir ?
Je ne suis pas à la recherche de réponses à donner aux élèves qui me posent l'inévitable question mais aimerais voir les différentes réponses que les intervenants ont pu y apporter, ou simplement s'ils choisissent de ne pas y répondre, ou si, plus fantasques, ils choisissent de casser leur règle d'un mètre contre leur bureau en faisant gonfler leur carotide pour montrer aux élèves qu'il ne faut pas les chercher, eux. Bref, comment cette question vous fait-elle réagir ?
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.
Réponses
J’ai déjà écrit un couplet dans un autre fil à ce sujet.
Je synthétise : pour savoir acheter le pain, le CM1 suffit.
Je n'ai pas eu l'occasion d'enseigner au lycée pour y réfléchir plus avant, mais déjà, la dérivée peut servir pour trouver des extremum (par ex quand on veut maximiser un volume en bricolant).
Après, même quand les connaissances ne servent pas, on peut dire que l'on fait travailler le raisonnement.
Mais voici une réponse qui ne souffre pas beaucoup la discussion : ça sert d'un point de vue scolaire à comprendre de nouvelles choses. En effet, la science utilise souvent les mathématiques pour modéliser les phénomènes. Alors, oui, on pourrait penser qu'on peut se passer des équations et faire de la vulgarisation, en se disant par ex que seule la compréhension des phénomènes suffit avec l'assistance informatique. Sauf qu'en fait une compréhension qui ne s'attache pas à la quantification n'est pas une bonne compréhension, et cette quantification se fait avec les modèles mathématiques. D'ailleurs, même la vision dans l'espace de ces phénomènes nécessite bien souvent de passer aux maths.
On peut aussi répondre à l'élève: "Et toi, à quoi tu sers ?" :-D
Cordialement,
Rescassol
Par contre la question "à quoi ça me sert ?" est plus compliquée et la réponse dépend de la personne qui pose la question (collégien, lycéen, étudiant...). Pour la majorité des lycéens et des collégiens la réponse que je donnerais serait probablement "fondamentalement à pas grand chose, en tout cas ni plus ni moins que de savoir qui était roi en 1515 ou de savoir situer le Lesotho sur une carte".
Mais tout ceci est très hypothétique, j'enseigne dans le supérieur et je n'ai jamais eu à répondre à cette question de la part d'un étudiant.
Par contre j'ai eu pas mal de fois la question "à quoi ça sert" vis à vis des mathématiques de ma thèse. Là ce n'était pas très difficile de répondre, le sujet de ma thèse était purement théorique mais les EDP que j'étudiais décrivaient des systèmes physiques concrets, avec plein d'applications à la clef, même si je ne m'occupais pas de ces applications.
Essayez dans vos classes à vos risques et périls (je décline toute responsabilité! :-D).
" Trouvez- moi un domaine où l'on n'utilise pas les maths et je vous mets 20 directement aux partiels"
Et on était incapable car il contre-argumentait à chaque fois, par exemple un camarade avait dit " Bah la philosophie Monsieur" et le prof avait dit " faux, quand vous faites des syllogismes, ou des raisonnements par l'absurde en philo c'est des maths aussi"
Et c'était la même chose pour les autres domaines aussi, il y avait des maths partout.
Donc c'est une bonne idée, Boole et Bill !
Sinon je suis d'accord avec Superkarl. J'ai tendance à parfois mieux comprendre du sens "équation vers concept" que dans l'autre, et j'en suis content. Je pense que sans cours de maths je peinerais à comprendre et vulgariser le peu que je sais en physique et en bio.
Pour répondre à ma propre question j'ai tendance à prendre l'angle "ça apprend à envisager les choses avec méthode", sans franc succès, mais c'est une question de sensibilité personnelle. Je retiens la bd de Foys.
j'ai toujours pensé que les mathématiques nous rendent heureux.
Bien cordialement.
kolotoko
Qui désigne ton "nous" ? Car vu le nombre de gens que les mathématiques rendent ou ont rendu malheureux (*), ce doit-être assez restrictif X:-(
Cordialement.
(*) dire "j'aime les maths" dans une discussion de salon, le résultat est immédiat.
Un conseil de lecture : L'utilité de l'inutile, Nuccio Ordine, Les Belles Lettres 2014
gerard0 : quand les élèves me posaient cette question : à quoi ça sert ?'', j'aimais leur dire cette parole de Novalis : Seul le mathématicien est heureux.
Et je leur demandais de réfléchir au pourquoi de cette phrase ou plutôt qu'est-ce qu'il a bien pu vouloir dire.
Je sais bien que beaucoup de personnes ont un appréhension envers notre discipline. mais je crois que cette petite phrase a provoqué une réaction positive chez beaucoup d'élèves .
Bien cordialement.
kolotoko
On est encore dans le refus de l’effort intellectuel.
Parfois, je le reconnais, la question est sincère. Mais je suis persuadé que dans la majorité des cas elle ne l’est pas.
D’ailleurs, quand elle est sincère, c’est quand l’élève connaît déjà le sujet. Ce n’est pas au tout début.
Par exemple, c’est une fois la factorisation maîtrisée (si on peut dire) qu’on peut s’intéresser à en proposer des applications.
Pour cette raison, je refuse de répondre comme toutes les réponses qui viennent d’être données. Je préfère le principe « tu écoutes, tu apprends, et tu sauras pourquoi, mais plus tard ». Tu fais l’effort, point !
Quant aux réponses « ça sert à tout », c’est très abstrait finalement.
Pas seulement. Enfin de la part de gamins de collège ou de lycée peut-être, mais je suis assez frappée de voir que la question est aussi posée par des adultes dans d'autres contextes. En fait, je me trouve bien plus souvent confrontée à la question en tant que chercheuse qu'en tant qu'enseignante.
En général, les gens qui me posent la question sont le plus souvent des personnes assez convaincues de l'utilité d'étudier les mathématiques à l'école (école voulant dire primaire collège lycée), même quand certaines d'entre elles disent avoir été nulles ou avoir détesté (ce qui au demeurant n'est pas incompatible). En revanche, concernant la recherche mathématique, là c'est LA première question qui est posée et ce de manière systématique.
Et je note que ces personnes ne se posent pas la question de l'utilité de la recherche dans d'autres domaines pour lesquelles la réponse ne me paraît pas plus immédiate ou évidente que pour les maths (je pense à la philo, à la littérature, à l'histoire de l'art...). C'est un phénomène qui me rend perplexe depuis longtemps.
Cependant, j'ai d'autres profils d'élèves, soit intéressés, soit largués mais travailleurs, à qui je veux bien donner une réponse. Si pour les seconds je suis aussi d'avis de dire de concert "ça sert autant que le reste" et "tu verras plus tard. Quand on te disait de pas traverser la rue quand t'étais petit on n'a pas attendu que tu puisses comprendre pourquoi c'était dangereux, on a juste agi et t'as compris après, beh là c'est pareil", j'ai l'impression que ça leur passerait par-dessus et que ce n'est pas dans l'esprit de l'époque. Après tout ils me payent.
Du coup je donne des réponses bateau, souvent appuyées sur le côté "formation de l'esprit gnagnagna", mais je voulais voir ce qu'en pensaient les intervenants. Ils posent la même question en Français, là où l'intérêt me semble évident. J'hésite à leur dire "sans mon skill littéraire ta famille ne m'aurait jamais choisi moi plutôt qu'un autre incapable d'écrire trois lignes sur leboncoin alors que je suis plus cher, alors crois-moi qu'être fort en écriture ça peut aider dans la vie". Pour les maths je n'ai pas d'aussi concret.
Et omega soulève aussi un pan de la question que je voulais voir abordé mais auquel nous ne sommes pas venus : que répondre aux adultes ? Rien que de ne pas apporter de réponse satisfaisante à mon père quand il se hasarde sur ce terrain m'agace un peu, mais je crois que c'est dans l'ordre des choses.
La question de l'utilité "pratique" ne me semble pas évidente du tout même pour des sciences "dures". Quelle est l'utilité pratique de l’astronomie par exemple ? Étudier des étoiles et des galaxies tellement lointaines qu'elles n'auront jamais aucun impact sur nous, on peut se demander : quel intérêt ?
Mais j'ai le sentiment que beaucoup de personnes n'hésitent pas à remettre aussi en cause l’intérêt de cette recherche, par exemple en critiquant le budget de la NASA. Idem pour la philo, les arts etc, souvent du point de vue financier.
Pendant que j'y pense, il y a une citation qu'on attribue à Pythagore, que j'aime bien et qui me semble liée à la question.
J'ai eu 7/20 de moyenne en 4eme à un contrôle de niveau moyen en notant très gentil.
Dans les autres matières ils ont 14-15 de moyenne.
-- Schnoebelen, Philippe
J’y vois plutôt que pour certains on leur fait comprendre « tu as le choix » et pour d’autres « non, tu n’as pas le choix ».
C’est faux de croire qu’on apprend parce que l’on voit de l’utilité, de mon point de vue.
C’est un peu comme l’argument du voisin que tu connais bien. Tu apprends que son fils est exclu de son collège.
« Bah alors, qu’est-ce qui s’est passé ? »
Réponse : « bah oui mais il s’ennuie ».
Comme si c’était un argument.
Rappelons-lui : « crois-tu que c’est le seul à s’ennuyer ? ».
Bref : la majorité des gamins trouvent de l’ennui dans plusieurs cours, et ils ne se font as exclure.
Et la majorité des gamins ne voient pas l’utilité de la majorité des choses enseignées au collège mais ils apprennent quand même.
Ne me dites pas qu’on peut convaincre un gamin de 13 ans que le grec ancien est utile.
Voyons.
Tout est histoire d’éducation, de rendre positif l’école, d’inculquer « tu bosses sans rechigner ».
Pardon pour la sortie en hors piste.
C’est pourquoi il faut forcer et ne pas laisser le choix.
Comme toutes les activités extra scolaires.
Le piano, ça ne sert à rien.
La danse, ça ne sert à rien.
Le théâtre, ça ne sert à rien.
Ensuite les parents jugent : « bon, ça fait deux ans et ça a vraiment l’air de le faire ch... ».
Ce sont aux parents d’arbitrer ça. Mais jamais à l’enfant.
S’il avait eu le choix, il n’aurait pas appris à lire et à écrire.
S’il avait eu le choix, il n’aurait jamais mangé un seul haricot vert et aurait choisi le coca et le Nutella.
Dom : je ne suis absolument pas d'accord avec plusieurs choses. On peut convaincre un gamin de l'utilité du grec ancien. Et un enfant peut tout à fait vouloir lire (c'est même assez courant...). Et même vouloir manger des brocolis (c'est plus rare...). C'est une question d'éducation mais ça peut passer sans forcer...
En effet statistiquement les adultes ne sont déjà pas convaincus et je les vois mal convaincre leur progéniture.
Mais je n’en rajoute pas. C’était surtout un parallèle pour illustrer le propos.
A l'inverse, presque tout le monde a besoin de bien savoir lire et s'exprimer en français. Donc je comprendrais qu'un collégien se pose la question de l'utilité des maths et pas celle du français.
Tout est bon pour faire une pause en demandant « à quoi ça sert ? ».
Bien entendu, pour un public plus vieux ou d’adultes, c’est autre chose.
A un moment, l'acharnement thérapeutique, ça n'a plus de sens.
Et surtout, cet acharnement pour maintenir certains élèves dans le circuit fait que les autres élèves n'avancent plus autant qu'ils le pourraient ou qu'ils le devraient. On veut que tous les élèves suivent et on prend des décisions pour que tous les élèves suivent. Ces décisions, c'est quoi ?
C'est forcément adapter le programme à la baisse.
Et c'est du perdant-perdant.
Même quand on a adapté le programme à la baisse, le gamin qui ne parle pas le navajo ne capte rien à se qui se raconte en cours. Il perd son temps.
Et le gamin qui parle couramment le navajo, il s'ennuie, parce qu'on lui rabache pendant des heures des notions qu'il comprend en 10 minutes.Lui aussi perd son temps.
Et le prof aussi souffre de cette décision, il a le sentiment d'échouer, alors qu'il fait de son mieux avec les élèves qu'on lui donne.
Les maths, ça sert à quoi ?
Les maths, ça sert à qui ?