Contenu des copies

Bonjour,

je crois qu'il y a peu, sur le forum (je me trompe peut-être) quelqu'un a posté un lien vers un texte d'un enseignant-chercheur américain qui disait un truc comme ça (en parlant des étudiants en études supérieures) :
l'apprentissage, par les étudiants, aujourd'hui, n'est plus un apprentissage en profondeur, mais plutôt un apprentissage du type d'une intelligence artificielle : de ce que l'enseignant dit et écrit, ce n'est pas le sens qui est extrait et appris, mais des mots ressentis comme "mots-clefs"

Ces mots ont eu un écho en moi, notamment quand j'ai corrigé mes copies, et que j'ai eu l'impression que ce que je lisais était produit par un algorithme qui écrivait des mots-clefs au hasard (parfois des mots qui n'existent pas), vaguement reliés, les réponses à différentes questions se contredisant parfois... Le manque de phrases complètes est impressionnant. Beaucoup de textes ressemblent à une retranscription du monologue/dialogue mental. Et puis, le charabia se ressemblait beaucoup entre copies, un peu comme si c'était le même algorithme qui s'exécutait de manière indépendante sur chaque question de chacune de la majorité des copies.
A partir de ce constat, l'explication du phénomène que j'en ai est que ces étudiants ont été entraînés (au collège et au lycée) à être rémunérés (en "bonnes notes", bien sûr) pour le semis de mots-clefs dans leurs copies, et que c'est devenu leur mode de fonctionnement.

Je poste donc pour poser les questions suivantes :
- Est-ce que quelqu'un se souvient de qui a écrit les mots que je cite ?
- Est-ce que vous pensez que cela servirait à quelque chose (il est peut-être trop tard ?) de leur faire un grand discours en début d'année où on dirait "Une phrase incomplète dans une copie recevra la note de zéro. Seules les réponses ayant un sens et étant correctes recevront des points. Nous attendons de vous que vous compreniez le cours en profondeur et vous sanctionnerons si vos réponses nous donnent l'impression que ce n'est pas le cas. Etc." ? J'envisage souvent d'écrire ce discours, mais je baisse à chaque fois les bras en me disant que ça ne sert à rien.
- Est-ce que vous avez d'autres solutions à proposer ?

Bonne journée !

Réponses

  • Georges Abitbol a écrit:
    Est-ce que vous pensez que cela servirait à quelque chose [...] de leur faire un grand discours [...] ?
    C'est toujours utile de prévenir les élèves que l'on va faire quelque chose, à condition ensuite d'effectivement le faire... et c'est là toute la difficulté. Tu risques de te heurter à des élèves, à leurs parents, à d'autres profs, à ta hiérarchie, et peut-être même à ta propre conscience.

    Pour ce qui est de l'effet, il sera visible seulement à long terme, probablement à plus long terme qu'une seule année d'enseignement, et c'est difficile à digérer pour le prof, comme pour l'élève.

    Toujours est-il que je demande à mes propres élèves un tel effort d'écriture et que je sanctionne ceux qui ne le font pas (je sanctionne également ceux qui font trop de fautes d'orthographe dans leurs copies de maths !) et en général, cela finit par payer. Mais je pars avec des élèves triés sur le volet... cela ne marche sans doute pas aussi bien avec tout le monde.
  • Aujourd'hui il est perçu comme "injuste" qu'un étudiant n'arrive pas à répondre aux questions d'un examen. Donc on fait du bachotage et du pattern-matching facile pour donner des diplômes sans que ça se voie trop.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Avec la plupart des lycéens, si tu leur demandes (avec insistance, à l’écrit et à l’oral) de rédiger sur copie double avec des phrases non abrégées, ils ne le font tout simplement pas. Il faut leur mettre zéro pour qu’ils te prennent au sérieux. Je pensais que ce serait plus facile avec des gens triés sur le volet. Il y a un rapport utilitariste à l’école : on n’y va pas pour apprendre mais pour recevoir des bonnes notes qui donneront des droits.

  • Foys a écrit:
    Donc on fait du bachotage et du pattern-matching facile pour donner des diplômes sans que ça se voie trop.

    Tonton Cristobal appelle cela le CDAL....
    Liberté, égalité, choucroute.
  • des bonnes notes qui donneront des droits.

    Et si vous mettez la même bonne note à tout le monde tout au long de l'année :-D que se passerait-il?
  • Et si vous mettez la même bonne note à tout le monde tout au long de l'année que se passerait-il?
    Ce qui se passe déjà actuellement. Les élèves ont en majorité en 15 et 20, avec des bons à 16 et des médiocres à 16.2. Ce qui rend le recrutement post-bac complètement aléatoire.
    Est-ce que vous pensez que cela servirait à quelque chose (il est peut-être trop tard ?) de leur faire un grand discours en début d'année où on dirait "Une phrase incomplète dans une copie recevra la note de zéro. Seules les réponses ayant un sens et étant correctes recevront des points. Nous attendons de vous que vous compreniez le cours en profondeur et vous sanctionnerons si vos réponses nous donnent l'impression que ce n'est pas le cas. Etc."

    Si c'est juste un speech de début d'année, non, ça ne sert à rien. Si tu leur rappelles 3 fois par semaine, et que tu l'appliques vraiment quand tu corriges tes copies, oui.
  • Bonsoir,
    j'espère que vous allez toutes et tous bien.
    Georges Abitbol a écrit:
    Est-ce que vous pensez que cela servirait à quelque chose (il est peut-être trop tard ?) de leur faire un grand discours en début d'année où on dirait "Une phrase incomplète dans une copie recevra la note de zéro. Seules les réponses ayant un sens et étant correctes recevront des points. Nous attendons de vous que vous compreniez le cours en profondeur et vous sanctionnerons si vos réponses nous donnent l'impression que ce n'est pas le cas. Etc." ?
    Je pense que c'est une très bonne idée pour des lycéens, et qu'il faudrait que tous les professeurs fassent comme cela !! Cela apprendra à pas mal d'élèves la rigueur nécessaire, indispensable et propre aux mathématiques. De plus, les notes auront beau être mauvaises (et peut-être que non d'ailleurs) en début d'année, très vite la plupart des élèves comprendront et verront d'eux-mêmes que ce n'est pas si difficile une bonne rédaction. Pour la compréhension profonde des cours, cela varie entre les différents élèves mais je pense que les réflexes mathématiques finiront par s'installer chez bon nombre d'entre eux s'ils consentent à faire des exercices très sérieusement. Enfin, lorsqu'un élève est confronté à ses réponses, si elles sont claires, il y a là moyen de détecter des erreurs s'il y en a. Cela fait que les élèves s'améliorent !

    Attention, même si je prépare l'agrégation, je ne suis pas encore prof et ce n'est que le point de vue d'un vulgaire élève. De plus, je ne tire ceci que de ce qu'à fait notre professeur de mathématiques en classe de 1ère générale avec spécialité maths durant l'année scolaire 2020-2021 dans un mauvais lycée. [small](Ça a de plus eu pour effet de faire passer la moyenne de mon groupe de 7,36 au premier contrôle de l'année à 11,05 au dernier, et les conversations mathématiques étaient bien plus agréables en juin qu'en septembre, il n'y a pas à dire !)[/small]

    Cordialement,
    Mohammed R.

    [small][small]P-S : Désolé si je suis hors-sujet :-S[/small][/small]
  • Guego a écrit:
    Si c'est juste un speech de début d'année, non, ça ne sert à rien. Si tu leur rappelles 3 fois par semaine, et que tu l'appliques vraiment quand tu corriges tes copies, oui.

    Entièrement d'accord avec Guego. Le dire oui, mais surtout le rabâcher encore et encore et l'appliquer réellement.
  • Mohammed R a écrit:

    C'était comme cela quand j'étais jeune et il faut bien le reconnaître pour beaucoup ce n'est pas utile après les études ou concours les maths sont oubliées car non utilisées...
    Un simple outil de sélection, du bachotage en gros... j'en ai vu des profs de maths fiers de ça !

    Les parents l'ont compris, c'est logique que leurs enfants ne s’intéressent qu'à la note à moins de vouloir faire des maths. La sélection se fera sur autre chose que les maths c'est tout.
  • Ces gens-là semblent dire que la pratique des mathématiques jusqu'à la fin de l'adolescence a des effets pérennes sur le développement du cerveau.
  • Vous ne pensez pas que ce n'est pas que les maths qui sont oubliées car non utilisées....La philo, l'histoire, la physique, la chimie, même le français (les auteurs du programme....).
    Cordialement.
    Jean-Louis.
  • Merci beaucoup pour la référence Math Coss je soupçonnais ce genre de choses. Sans épiloguer sur le délabrement de l'enseignement des maths et la perception de plus en plus mauvaise qu'en ont les élèves, la défaillance actuelle va engendrer des effets systémiques à long terme.
    "J'appelle bourgeois quiconque pense bassement." Gustave Flaubert
  • soleil_vert a écrit:
    et il faut bien le reconnaître pour beaucoup ce n'est pas utile après les études ou concours les maths sont oubliées car non utilisées...
    Jean-Louis a écrit:
    Vous ne pensez pas que ce n'est pas que les maths qui sont oubliées car non utilisées....La philo, l'histoire, la physique, la chimie, même le français (les auteurs du programme....).

    Entièrement d'accord avec Jean-Louis. J'ai à peu près tout perdu en seconde langue, chimie, philo... Au bac, en géographie j'étais tombée sur l'agriculture américaine. Je n'ai pas brillé mais j'ai limité la casse. Aujourd'hui, je rendrais copie blanche.
  • Idem, je rendrais copie blanche.
    Mais j'ai retenu des méthodes de travail.
    Si je dois parler de l'agricuture américaine, je vais savoir faire des recherches, et je vais savoir raconter 2 ou 3 trucs. Et si je dois résoudre une équation du 2nd degré, je vais savoir faire.
    Par contre, celui qui n'a pas su résoudre une équation du 2nd degré quand il était lycéen, il ne saura toujours pas 20 ans plus tard.
    C'est l'énorme différence entre apprendre et comprendre.
    Ce qu'on a appris, on est susceptible de l'oublier. Ce qu'on a compris, on ne l'oublie pas.
    Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends. Benjamin Franklin
  • Lourran
    Je serais curieux de voir le pourcentage des parents d'élèves qui ont fait un bac C ou D qui peuvent résoudre une équation du second degré 20 ou 30 ans plus tard après avoir abandonné les mathématiques. J'ai pris l'exemple du Bac C ou D pour se limiter à l'aspect "compréhension" mais on pouvait élargir je pense. Je pense que la frontière entre apprendre et comprendre n'est pas si nette que cela.
  • Bonjour.

    D'accord avec Biely, la compréhension peut venir bien plus tard pour certains adultes qui alors pestent contre leur propre fainéantise adolescente ou leur apprentissage déficient, mais le temps perdu ne se rattrape pas.

    Cordialement.

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  • C'est une bonne remarque Biely.
    Je pense que les bacheliers C ou D des années 80 avaient suffisament compris/manipulé les maths, pour s'en souvenir 30 ans plus tard. En gros ceux qui ont eu un bac C ou D quand le BAC C ou D était obtenu par 10% d'une classe d'âge,
    Je ne me hasarderais pas au même pronostic pour les bacheliers des années 2000.
    Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends. Benjamin Franklin
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