Distance à un sev dans un espace euclidien

Bonjour,
Une de mes élèves m'a envoyé l'exercice qu'elle a eu à l'oral des Mines... et je n'arrive pas à le terminer, même en ayant deviné le résultat.
On fixe un entier $n\in\N$ et on considère l'espace $E=\R_n[X]$ muni de l'application $\langle \cdot,\cdot\rangle : (P,Q) \mapsto \int_0^{+\infty} P(t)Q(t)e^{-t}dt$.
1) Montrer que $\langle \cdot,\cdot\rangle$ est un produit scalaire sur $E$.

On note $(P_0,\dots,P_n)$ la base orthonormée pour ce produit scalaire, obtenue à partir de la base canonique $(1,X,\dots, X^n)$ par le procédé de Gram-Schmidt et $F=\{P\in\R_n[X], P(0)=0\}$. On cherche à calculer la distance de $1$ à $F$.

2) Calculer $P_k (0)^2$ pour $k$ entier entre $0$ et $n$.
3) Exprimer une base de $F^{\perp}$ en fonction de $(P_0,\dots,P_n)$.
4) En déduire $d(1,F)$.
La première question est routinière.
La seconde est astucieuse mais sans difficulté majeure.
Il est facile de conclure à la 4ème question si on a la 3ème... mais je ne vois absolument pas comment répondre à la 3ème question sans calculer les $(P_0,\dots,P_n)$, ou, à tout le moins, en inversant une matrice tridiagonale pas si simple à obtenir.

Merci d'avance si vous pouvez m'apporter vos lumières.

Réponses

  • Bonjour @bisam,

    Peut-être une idée en calculant le produit scalaire $(P_k-P_k(0),P_k(0))$....? C'est ce que j'aurais tenté, mais pas de quoi gribouiller là où je suis :-).
  • Si je ne me trompe, les polynômes orthogonaux pour ce produit scalaire sont les polynômes de Laguerre $L_n$, qui satisfont aux relations habituelles pour les polynômes orthogonaux.
    .
  • Ce sont effectivement (au signe près) les polynômes de Laguerre, mais :
    - je ne vois pas ce que ça apporte de le savoir,
    - je ne crois pas que l'idée de l'exercice soit de les calculer.

    Peut-être pourrait-on tirer quelque chose de la relation de récurrence, mais je ne vois pas trop.

    Mon dernier souci en date consiste à calculer $\langle XP_i, P_j\rangle$ pour tous les entiers $(i,j)$ entre $0$ et $n$, et en particulier dans les cas "non triviaux" où $|j-i|\leq 1$.
    Cela suffirait à résoudre le problème sans trop de calculs.
  • Je vais peut-être sortir une grosse ânerie mais avait-elle le droit à la machine durant l'oral ? (Comme à l'agreg, à utiliser à bon escient).
  • Il semblerait que le polynôme $P_0-P_1+P_2-\ldots+(-1)^nP_n$ engendre $F^{\perp}$. Mais effectivement, si on veut le montrer par récurrence, il faut connaître $\langle P_n, XP_n\rangle$ et $\langle P_{n+1}, XP_n\rangle$.
  • En fait, on peut faire sans : $F^{\perp}$ est une droite. Soit $Q$ un vecteur directeur de cette droite. Alors $Q = \displaystyle \sum_{k=0}^n \langle Q,P_k\rangle P_k$.
    Or, $ \langle Q,P_k \rangle = \langle Q,P_k-P_k(0) \rangle + \langle Q,P_k(0) \rangle$ et $\langle Q,P_k-P_k(0) \rangle = 0$ car $P_k-P_k(0) \in F$. Donc $ \langle Q,P_k \rangle = \langle Q,P_k(0) \rangle = P_k(0) \langle Q,1 \rangle$. En posant $\alpha = \langle Q,1 \rangle$, on a donc $Q = \alpha \displaystyle \sum_{k=0}^n P_k(0) P_k$.
    On peut normaliser ce vecteur. D'après la question 2, $\|Q\|^2 = \alpha^2 \displaystyle \sum_{k=0}^n P_k(0)^2 = (n+1)\alpha^2$. Du coup, $Q_0 =\dfrac{1}{\sqrt{n+1}} \displaystyle \sum_{k=0}^n P_k(0) P_k$ est un vecteur unitaire qui engendre $F^{\perp}$.
    On en déduit immédiatement $d(1,F) = \left| \langle 1,Q_0\rangle \right|= \left| \dfrac{1}{\sqrt{n+1}}P_0(0) \right|= \dfrac{1}{\sqrt{n+1}}$ car $\langle 1,P_k\rangle = \left\lbrace \begin{array}{rl} 0 & \text{si }k\neq 0 \\ 1 & \text{si }k=0 \end{array} \right.$.
  • Je ne suis pas technicien du tout, hélas, mais il me semblait indispensable d'exploiter le produit par $P_k-P_k(0)$...
  • Bien joué Guego.
    C'est le genre d'astuce que je soupçonnais et que je n'avais pas réussi à mettre en place.
    Merci.
  • Bonjour.

    Tant qu'à faire des calculs, autant les faire à un endroit où ils sont rentables. On sait que les polynômes de Laguerre sont les coefficients de $z$ dans la série:
    $$S(z,x)\doteq {\frac {1}{1-z}{\exp {{\frac {-xz}{1-z}}}}} $$

    En calculant:
    $$ \int_{x=0}^{x=\infty} \exp (-x) S(x,y) S(x,z)
    = \int_{0}^{\infty }\!{\frac {1}{ \left( 1-z \right) \left( 1-y \right) }
    {\exp {{\frac {-x \left( 1-yz \right) }{ \left( 1-z \right) \left( 1-y \right) }}}}}\,{\rm d}x
    = \frac 1 {1- yz}
    $$ on vérifie que ces polynômes sont orthogonaux et ont, en plus, l'amabilité d'être normés. En outre $S(z,0)=1/(1-z)$ nous montre que les constantes valent toutes $1$. Ceci répond aux questions (1) et (2).

    Pour ce qui est de (3) et (4), on veut calculer la distance d'un polynôme au noyau de la forme linéaire $\phi: P\mapsto P(0)$. On sait que, dans un espace vectoriel normé, la distance entre un point et un hyperplan s'écrit $$d(\ker \phi ,P)=\frac {\phi(P)}{||\phi||}$$ la double barre indiquant la norme subordonnée (norme d'opérateur). Et comme les coordonnées de $\phi$ dans la base duale sont "1 partout", $||\phi||$ vaut $\sqrt{n+1}$.

    Il reste à remarquer que les coordonnées du dual de $\phi$ sont aussi "1 partout" : le vecteur normal est donc $\sum_0^n L_j$.

    Cordialement, Pierre.
  • Tout est donc caché dans le "on sait que" au début du message...
  • On sait que, dans un espace vectoriel normé, la distance entre un point et un hyperplan s'écrit $$d(\ker \phi
    ,P)=\frac {\phi(P)}{||\phi||}$$ la double barre indiquant la norme subordonnée (norme d'opérateur).


    En tout cas, "on" est supposé le savoir. Sinon, ce n'est pas la peine de faire tant de bruit à propos des normes subordonnées.
  • Je pense que Poirot faisait plutôt allusion à "On sait que les polynômes de Laguerre sont les coefficients..."
  • C'est ça, j'avais bien précisé "au début du message" ;-)
  • Voyons voir les détails, puisque cela semble nécessaire.

    La première question est routinière. Elle donne : $$L_0=1\;;\;L_1=1-x\;;\;L_2=1-2\,x+\frac 1 2\,{x}^{2}\;;\; L_3=1-3\,x+\frac 3 2 {x}^{2}-\frac 16 \,{x}^{3}$$

    La seconde question est astucieuse mais sans difficulté majeure. En effet, on sait que $L_{n}$ fait partie du sous espace engendré par $x\,L_{n-1}, \,L_{n-1}, \,L_{n-2}$ (il faut bien savoir quelque chose à un moment ou un autre !), et l'on voit que la relation de liaison ressemble à
    $$nL_{{n}}+ \left( x-2\,n+1 \right) L_{{n-1}}+ \left( n-1 \right) L_{{n-2}}=0$$

    On prouve, si besoin est, que l'on a bien vu. On a d'une part $S(0)=1$ et d'autre part:
    \begin{eqnarray*} 0=\sum _{n=0}^{\infty } rec_n\,z^n &=&
    \sum _{n=0}^{\infty }\;\left[{z}^{n}L_{{n}}n+ \left( x-2\,n+1 \right) {z} ^{n}L_{{n-1}}+ \left( n-1 \right) L_{{n-2}}{z}^{n} \right]
    \\&=&
    \sum _{n=0}^{\infty }\left[ {z}^{n+2}L_{{n}} \left( n+1 \right) + \left( x-2\,n-1 \right)
    {z}^{n+1}L_{{n}}+{z}^{n}L_{{n}}n\right]+ \left( x+1 \right) L_{{-1}}-L_{{-2}}
    \\&=&
    \left( z-1 \right) ^{2}\sum _{n=0}^{\infty }\left[{z}^{n}L_{{n}}n \right]
    +z \left( x+z-1 \right) \sum _{n=0}^{\infty }\left[{z}^{n}L_{{n}}\right]
    \\&=&
    \left( z-1 \right) ^{2}z{\frac {\rm d}{{\rm d}z}}S \left( z \right) +z \left( x+z-1 \right) S \left( z \right)
    \end{eqnarray*}

    Et le reste, as before. Après cette seconde question qui est astucieuse mais sans difficulté majeure, on arrive au point clef de l'exercice, c'est à dire les questions trois et quatre.

    Et alors l'affaire consiste à savoir, ou non, que dans un espace vectoriel normé, la distance entre un point et un hyperplan s'écrit $$d(\ker \phi
    ,P)=\frac {\phi(P)}{||\phi||}$$ la double barre indiquant la norme subordonnée (norme d'opérateur).


    Cordialement, Pierre.
  • Bisam a écrit:
    3) Exprimer une base de $F^{\perp}$ en fonction de$(P_0,...,P_n)$.

    L'application $\varphi:P\in \R_n[X] \mapsto P(0)$ est une forme linéaire non nulle telle que $F=\ker (\varphi )$. D'après le théorème de Riesz, il existe $v\in \R_n[X]$ (non nul) tel que pour tous $P\in \R_n[X]$, $\langle v|P\rangle=\varphi(P)=P(0)$.

    $\{v\}$ constitue une base de $F^{\perp}$ (rappelons que l'orthogonal est pris dans $\R_n[X]$)et $v=\sum_{k=0}^n \langle v|P_k \rangle P_k= \sum_{k=0}^n P_k(0) P_k$.
    Si on veut une base orthonormée, il suffit de prendre $\frac{v}{ \| v\|} $ Or $\|v\|=\sqrt{\sum_{k=0}^n P_k(0)^2}=\sqrt{n+1}$ (*) et le tour est joué.

    Pour la 4), On a $d(1,F)=\left | \left \langle 1,\frac{v}{\|v \|} \right\rangle \right |=\frac{1}{\| v \|} \left |\varphi (1) \right |=\frac{1}{\sqrt{n+1}}$.




    ########


    [size=x-small](*) On montre à la question 2) que $P_k(0)^2=1$ pour tout $k$ ce qui est (avis personnel qui n'engage que moi) la vraie question dure de l'exo. On peut procéder comme suit: une intégration par partie montre que $$1=\langle P_k|P_k\rangle = \int_{0}^{+\infty} P_k(t)^2e^{-t}dt =P_k(0)^2+\int_{0}^{+\infty} 2P_k(t) P_{k}'(t) e^{-t}dt$$ Or $\int_{0}^{+\infty} 2P_k(t) P_{k}'(t) e^{-t}=\langle P_k|P_k' \rangle=0$ car $P'_k$ est dans $vect(1,...,X^{k-1})$ et $P_k$ est dans l'orthogonal dudit espace, par construction (et définition de ce qu'est une orthogonalisation de Gram-Shmidt). CQFD.[/size]
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
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