Notion catégorique récurrente

Je tombe souvent dans mes divagations mathématiques sur la situation sympathique suivante dont je me demande si elle admet une caractérisation:



$\mathcal{C}$ est une catégorie.
J'appelle extension d'un objet $c$ de $\mathcal{C}$ un couple $(c',f)$ où $f$ est un monomorphisme $c \hookrightarrow c'$.
$P$ est une propriété portant sur les monomorphismes de $\mathcal{C}$
Je dis alors qu'un objet $c$ de $\mathcal{C}$ est $P$-maximal si tout $P$-monomorphisme de source $c$ est un isomorphisme.

La situation est que:

$(i)$: Pour tout objet $c$, il existe un monomorphisme $\varphi_c: c \hookrightarrow c_P$ dans $\mathcal{C}$ satisfaisant $P$ avec $c_P$ $P$-maximal.

$(ii)$: $(c_P,\varphi_c)$ est initial dans la catégorie des extensions $P$-maximales de $c$. (avec triangles commutatifs comme morphismes)

$(iii)$: $(c_P,\varphi_c)$ est terminal dans la catégorie des extensions de $c$ satisfaisant $P$.


Est-ce que cette situation a un nom? Peut-on la caractériser ou du moins l'éclairer un peu?


(remarque: j'ai inversé $(ii)$ et $(iii)$ par rapport au message original

Réponses

  • Bonjour,

    Je ne connais pas du tout la réponse mais la question m"intrigue.
    Palabra a écrit:
    Je tombe souvent sur la situation sympathique suivante [..]

    Peut-on avoir deux exemples ?
  • Bonjour Nîmes-man et merci pour ton intéret.
    Je ne voulais pas donner des exemples dès le début pour ne pas alourdir le premier message et attirer les "esprits catégoriques purs" mais en voici:

    Avant de commencer, trois remarques:

    A) Lorsque $(i)$ et $(ii)$ sont satisfaites, on peut voir que $c \mapsto c_P$ est un foncteur essentiellement surjectif de la sous-catégorie de $\mathcal{C}$ dont les morphismes sont les monomorphismes vers la sous-catégorie pleine des objets $P$-maximaux.
    En effet pour tout monomorphisme $f: c \rightarrow c'$ dans $\mathcal{C}$, on a un monomorphisme $\varphi_{c'} \circ f: c \rightarrow c'_P$ où $c'_P$ est $P$-maximal, donc on a d'après $(ii)$ une unique flèche $f_P: c_P \rightarrow c'_P$ avec $f_P \circ \varphi_c = \varphi_{c'} \circ f$.
    On peut voir que pour $c' = c$ et $f= 1_c$ que $(1_c)_P = 1_{c_P}$.
    Pour un deuxième monomorphisme $g: c' \rightarrow c''$, on a $g_P \circ \varphi_{c'} = \varphi_{c''} \circ g$ donc $g_P \circ f_P \circ \varphi_c = g_P \circ \varphi_{c'} \circ f = \varphi_{c''} \circ (g \circ f)$ d'où $(g \circ f)_P = g_P \circ f_P$ par unicité. Je dirai que ce foncteur est le foncteur associé à $P$.

    Le caractère essentiellement surjectif s'obtient en remarquant que lorsque $c$ est $P$-maximal, $\varphi_c^{-1}$ est un isomorphisme $c_P \rightarrow c$.

    Il n'y a pas de raison sans structure supplémentaire que $c \mapsto c_P$ soit un foncteur pour $\mathcal{C}$, mais c'est le cas dans les exemples que j'ai, même ceux pour lesquels les morphismes ne sont pas tous des mono. Je ne sais pas trop pourquoi à vrai dire.


    B) Si $P$ est stable par composition au sens où si les extensions $c \rightarrow c'$ et $c' \rightarrow c''$ satisfont $P$ alors leur composition aussi, alors $(iii)$ se déduit de $(ii)$.
    En effet si $f: c \rightarrow c'$ est un $P$-monomorphisme, alors $\varphi_{c'} \circ f: c \rightarrow c'_P$ est un $P$-monomorphisme où $c'_P$ est $P$-maximal, donc d'après $(ii)$ en cette extension, il existe un unique morphisme $g: c'_P \rightarrow c_P$ avec $g \circ \varphi_{c'} \circ f = \varphi_c$, et $h :=g \circ \varphi_{c'}$ est l'unique morphisme $c' \rightarrow c_P$ à satisfaire $h \circ f = \varphi_c$.
    Je ne vois pas de raison que $(ii)$ se déduise de $(iii)$ dans les mêmes conditions.



    C) On peut noter que je n'ai utilisé pour A) et B) la définition de $P$-maximalité que pour justifier que le foncteur associé était essentiellement surjectif, et que pour le reste j'aurais pu remplacer la $P$-maximalité par le fait que les $c_P$ soient dans une sous-catégorie pleine donnée $\mathcal{P}$ de $\mathcal{C}$.

    Cependant, si $P$ est stable par composition, alors les objets de $\mathcal{P}$ doivent être $P$-maximaux.
    En effet, si $f: c_P \hookrightarrow x$ est un $P$-monomorphisme, alors $f \circ \varphi_c$ aussi donc d'après $(iii)$ appliqué à $(c,f \circ \varphi_c,\varphi_c)$, on a un unique morphisme $g: x \rightarrow c_P$ tel que $g \circ f \circ \varphi_c = \varphi_c$.
    $g \circ f$ est alors un morphisme $c_P \rightarrow c_P$ tel que $g \circ f \circ \varphi_c = \varphi_c$, d'où par unicité dans $(iii)$ en $(c,\varphi_c,\varphi_c)$, $g \circ f = 1_{c_P}$.
    $h:=\varphi_x \circ f \circ g: x \rightarrow x_P$ est un morphisme satisfaisant $h \circ f = \varphi_x \circ f$, donc $(iii)$ en $(x,f,\varphi_x \circ f)$ donne $h = \varphi_x$, et $\varphi_x$ étant un monomorphisme, $f \circ g = 1_x$, donc $f$ est un isomorphisme.




    Pour ce qui est des exemples, je les fais façon baccalauréat en quatre catégories (à d'autres de remplir les lignes pour tout l'alphabet):

    objets / morphismes / propriété P / foncteur associé


    $(i)$: Groupes abéliens sans torsion / morphismes de groupe / extension "linéaire" (tout élément composé avec lui-même un certain nombre de fois est dans l'image) / enveloppe divisible

    $(ii)$: Anneaux commutatifs unitaires intègres / morphismes d'anneaux / extension dont les éléments sont de degré 1 / corps des fractions

    $(iii)$: Corps ordonnés / morphismes de corps croissants / extension algébrique / clôture réelle

    $(iv)$: Corps ordonnés / morphismes de corps croissants et cofinals / extension dense / Cauchy-complétion

    $(v)$: Corps valués d'équicaractéristique nulle / morphismes de corps valués / extension algébrique immédiate / hensélisé



    Pour finir, je sais que $(i)$ ne suffit pas même pour $P$ stable par composition et succeptible d'une application du lemme de Zorn, puisque par exemple ça ne fonctionne pas pour la qualité d'extension algébrique de corps.
  • $\DeclareMathOperator{\Ker}{Ker}$Rectifications:

    -$c \mapsto c_P$ n'est pas un foncteur pour la catégorie des anneaux commutatifs unitaires intègres avec morphismes d'anneaux, car du fait qu'un morphisme de corps est un mono on ne peut compléter les carrés commutatifs que lorsque le morphisme d'anneaux donné est injectif.

    -$c \mapsto c_P$ est un foncteur pour les groupes abéliens sans torsion mais c'est parce que l'enveloppe divisible commute avec le quotient: si $f: G \mapsto G'$ est un morphisme de groupes avec $G,G'$ abéliens sans torsion, alors $G / \Ker(f)$ est abélien sans torsion et on a un plongement $\overline{f}: G / \Ker(f) \hookrightarrow G'$ satisfaisant $\overline{f} \circ \pi_{\Ker(f)} =f$ (j'utilise $\pi_H$ pour désigner le morphisme canonique $G \rightarrow G /H$) qui induit un plongement $\overline{f}_P: \hat{G / \Ker(f)} \hookrightarrow \hat{G'}$ avec $\overline{f}_P \circ \varphi_{G / \Ker(f)} = \varphi_{G'} \circ \overline{f}$.
    Par "l'enveloppe divisible commute avec le quotient", j'entends qu'on a la relation $\varphi_{G / \Ker(f)} \circ \pi_{\Ker(f)} = \psi \circ \pi_{\hat{\Ker(f)}} \circ \varphi_G$ où $\psi$ est l'unique isomorphisme $\hat{G} / \hat{\Ker(f)} \rightarrow \hat{G / \Ker(f)}$ donné par $(iii)$ et le fait que $\hat{G} / \hat{\Ker(f)}$ est une $P$-extension $P$-maximale de $G / \Ker(f)$ pour le morphisme $g + \Ker(f) \mapsto g + \hat{\Ker(f)}$.
    On en déduit un morphisme $f_P$ satisfaisant $f_P \circ \varphi_G = \varphi_{G'} \circ f$ donné par $f_P:= \overline{f}_P \circ \psi \circ \pi_{\hat{\Ker(f)}}$.
    J'imagine que cela se généralise à toute catégorie abélienne telle que le foncteur associé à $P$ commute avec les quotients.


    Et sinon, j'ai trouvé une notion très proche en théorie des catégories: celle de sous-catégorie réflexive.
    Ici, c'est un peu moins fort en ce que les relations ne concernent que les monomorphismes, mais dans le cas où $c \mapsto c_P$ détermine un foncteur, on a bien une adjonction entre $c \mapsto c_P$ à gauche et l'inclusion de la sous-catégorie pleine des objets $P$-maximaux à droite, avec en bonus la propriété que les $(c_P,\varphi_c)$ sont terminals dans leur catégorie des extensions.
  • Merci pour ces compléments.
  • Je n'avais pas parlé des sous-catégories réflexives car je pensais que tu connaissais la notion; mais en effet il te manque un peu de trucs pour avoir une vraie adjonction. La plupart des "complétions" rentrent dans ce cadre, typiquement les complétions d'algèbre de Boole, ou d'espaces métriques (pour des morphismes bien choisis).
    La notion duale, de sous-catégories co-réflexives est aussi intéressante mais moins récurrente il me semble (c'est quand l'inclusion a un adjoint à droite)
  • Maxtimax, il est bien plus sûr en général de penser que je ne connais pas une notion catégorique!
  • $\DeclareMathOperator{\sss}{s}$Je me demande du coup si l'on peut déduire une propriété $P$ d'une sous-catégorie réflexive de $\mathcal{C}$ où si ma situation est un cas particulier.

    Je vais supposer ici qu'on a bien une adjonction, que $P$ porte également sur les morphismes, et qu'elle est absorbante par composition au sens fort que la composée de deux morphismes est un $P$-morphismes si et seulement si chacun d'eux en est un.

    Alors un morphisme $f: c \rightarrow c'$ satisfait $P$ si et seulement si $\varphi_c$ se factorise à droite par $f$ (dans $\mathcal{C}$). En effet si $f$ est un $P$-morphisme, alors $(f_P)^{-1} \circ \varphi_{c'} \circ f = \varphi_c$, tandis que si $\varphi_c = g \circ f$ pour un certain morphisme $g$, alors $f$ est un $P$-morphisme puisque $\varphi_c$ en est un.
    Bon, on pourrait clairement être plus précis et dire que $f$ satisfait $P$ si et seulement si $f_P$ est un isomorphisme et $\varphi_{c'} \circ f = f_P \circ \varphi_c$ mais pour l'instant faisons comme ça.



    Les questions sont alors, étant donnée une sous-catégorie réflexive $\mathcal{P}$ de $\mathcal{C}$ d'unité associée $\eta$ et considérant la propriété $P[f]: \eta_{\sss(f)}$ se factorise à droite par $f$:

    -$P$ est-elle absorbante par composition?
    -la sous-catégorie pleine des objets $P$-maximaux de $\mathcal{C}$ est-elle $\mathcal{P}$?

    Ca n'a pas l'air d'être vrai; j'y réfléchirai demain.
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.