Représentation linéaire

Bonjour à tous
Je suis en train de lire un cours sur les représentations linéaires (sur un $\C$-ev) des groupes finis et j'ai plusieurs questions.
1. Une proposition que j'ai retrouvée plusieurs fois stipule que Toute représentation irréductible (simple) W de G (le groupe fini) apparaît dans la représentation régulière de G avec une multiplicité égale à dim(W).
Je ne comprends pas trop le sens . Veut-on dire que dans la décomposition en irréductibles de la régulière il y a dim(W) sous-représentations isomorphes à W.

2. Est-ce que toutes les sous-représentations de la régulière sont de dimension 1 ?
Si la réponse est positive à la première question la réponse à celle-ci est négative.

Dans le cours que je suis on mélange sans cesse égalité et isomorphisme ce qui est assez casse-pied.
Je vous remercie d'avance.

Réponses

  • 1/ " veut on dire que dans la décomposition en irréductibles de la régulière il y a $\dim(W)$ sous-représentations isomorphes à W. "
    oui c'est exactement ça.

    Edit : non ce n'est pas tout a fait ça. Si c'est bon, mais il faut faire attention qu'il n'y a pas seulement dim(W) sous-représentation isomorphe à $W$. mais dans chaque décomposition en irréductible il y a $\dim(W)$ copie de $W$.

    2/ c'est contradictoire avec la 1/ ce que tu dis. (sauf si toutes les représentations irréductibles sont de degré $1$).

    Un exemple de base est le groupe $S_3$ qu'il faut un peu décortiquer i.e mettre en action les pages 35 - 36 (et avant) de Serre. C'est un peu lourd si tu suis à la lettre mais ça fonctionne bien.
  • Merci pour ta réponse.
    Mais il reste certaines choses pas trop claires.
    1. Ton edit c'était seulement pour souligner qu'il n'y a pas d'unique décomposition de la régulière?

    2. Comment prouve-t-on cette proposition, elle est citée comme corollaire du fait que dans une décomposition en irréductibles de la régulière la "multiplicité" d'une sous-représentation irréductible est égale à sa dimension.
    Je ne vois pas comment faire la déduction.

    3. Y a-t-il pour un groupe fini donné un majorant du nombre de sous-représentations simples ? à isomorphisme près ?

    Merci d'avance.
  • 1) Cela signifie qu'il existe $d=\dim(W)$ sous-espaces $F_1,\dots,F_d$ qui sont en somme directe (tels que $F_i\cap\sum_{j\ne i}F_j=\{0\}$ pour tout $i$) qui sont stables par le groupe (de sorte que l'on peut définir des représentations $G\to\mathrm{GL}(F_i)$ sur $F_i$ ($1\le i\le d$)) et toutes isomorphe à $W$.

    2) Si $G$ n'est pas abélien, il admet des représentations simples de dimension $>1$.

    Peut-être peut-on prendre un exemple ? Pour $G=\mathfrak{S}_3$, le « groupe du triangle » (pourquoi ?). Voici une base de l'algèbre de groupe, avec des notations qui devraient s'expliquer toutes seules : $(e_{()},e_{(123)},e_{(132)},e_{(12)},e_{(13)},e_{(23)})$.
    • Le vecteur $v_{\mathrm{triv}}=e_{()}+e_{(123)}+e_{(132)}+e_{(12)}+e_{(13)}+e_{(23)}$ est fixé par tous les éléments de $G$ (car pour $g,h\in G$, $g\cdot e_h=e_{gh}$) donc il engendre une sous-représentation isomorphe à la représentation triviale.
    • Le vecteur $v_{\varepsilon}=e_{()}+e_{(123)}+e_{(132)}-e_{(12)}-e_{(13)}-e_{(23)}$ est stable par tous les éléments de $G$ ; plus précisément, pour $g\in G$, $g\cdot v_{\varepsilon}=\varepsilon(g)v_{\varepsilon}$ (vérifie !).
    • L'orthogonal de $\C v_{\mathrm{triv}}\oplus\C v_{\varepsilon}$ (pour la forme hermitienne qui fait de la base $(e_g)_{g\in G}$ une base orthonormée) est stable par $G$. Il est de dimension $4$ mais peut se décomposer comme somme directe de deux sous-représentations isomorphes. Par exemple, les espaces engendrés par $v_1=e_{()}-e_{(123)}-e_{(13)}+e_{(23)}$ et $v_2=e_{()}-e_{(132)}+e_{(12)}-e_{(13)}$ d'une part, par $v'_1=e_{()}-e_{(123)}+e_{(13)}-e_{(23)}$ et $v'_2=e_{()}-e_{(132)}-e_{(12)}+e_{(13)}$ d'autre part, sont stables (sauf erreur de calcul...).
  • 2. Il te faut revenir un peu au-dessus dans la théorie, ce qui semble te manquer n'est pas propre à la représentation régulière. Rappelle-toi que « les caractères caractérisent la représentation », c'est-à-dire qu'on a les propriétés suivantes :
    • pour une représentation $V$, il existe une décomposition en sous-représentations simples $V_i$ ($1\le i\le k$), c'est-à-dire que $V=\bigoplus_{i=1}^kV_i$ (en fait, il existe souvent une infinité) ;
    • la multiplicité de chaque représentation simple $W$, c'est-à-dire le nombre de $V_i$ isomorphes à $W$, est indépendant de la décomposition choisie ; notons-la $m_W(V)$ ;
    • en effet, on a plus précisément : $\#\{i,\ V_i\simeq W\}=m_W(V)=\langle\chi_W,\chi_V\rangle$ ;
    • par conséquent, $V\simeq \bigoplus_{W\ \text{simple}}W^{m_W(V)}$.

    3. Le nombre de représentations complexes simples d'un groupe fini à isomorphisme près est égal au nombre de classes de conjugaison du groupe. La décomposition de la représentation régulière est en général une étape utile pour le démontrer.

    NB : Pas d'apostrophe après le « y » dans « il y a » ou « y a-t-il » ; pas d'apostrophe après le « t » dans les formes interrogatives « y a-t-il » ou « prouve-t-on » car c'est un « t » euphonique, qui n'a pas de valeur sémantique, alors qu'une apostrophe signalerait la suppression d'une lettre, un « e », comme dans « je t'en donne », où « t' » vient de « te ».
  • Soit $\rho : G \to \text{GL}(W)$ une représentation fini du groupe fini $G$ et $W$ est un $\C$-ev. Le premier résultat c'est qu'il y a décomposition en somme de représentations irréductibles. Disons :
    $$
    W = \bigoplus_{i=1}^m U_i \qquad (\star)
    $$
    On va regrouper les $U_i$ selon la classe d'isomorphisme de représentation irréductible (i.e suivant les caractères). Formellement, sur l'ensemble $ \text{U} := \{ U_1,\dots,U_m\}$ on introduit la relations d'équivalences $U_i \simeq U_j$ si et seulement si $\chi_{\rho_{\mid U_i}} = \chi_{\rho_{\mid U_j}}$ et on prend la partition de $\text{U}$ associée à cette relation d'équivalence : on écrit, pour tout caractère irréductible $\chi$ : $\text{U}(\chi) := \{ U \in \text{U} \mid \chi_{\rho_{\mid U}} = \chi \}$.
    Finalement on a :
    $$ W := \bigoplus_{\chi} V_\chi \qquad \text{où} \qquad V_\chi := \bigoplus_{U \in \text{U}(\chi)} U$$

    Par les relations d'orthogonalités, on a que : $\# \text{U}(\chi) = \langle \chi \mid \chi_\rho \rangle$. Remarquons en passant que ce nombre ne dépend pas du choix de la décomposition $(\star)$, en fait l'espace $V_\chi$ ne dépend pas non plus de cette décomposition (je renvoie à Serre le théorème 8 page 34). Par contre, l'ensemble $\text{U}(\chi)$ dépend de la décomposition.

    Le but est d'utiliser ça dans le cas où $\rho$ est la représentation régulière $R$.

    Now, qu'est-ce que l'on peut dire du caractère de la représentation régulière que je note $\chi_R$ : soit $g \in G$, alors $\chi_R(g) =0$ si $g \ne e$ et $\chi_R(e) = n := \# G$.

    Ensuite : on prend le produit scalaire :
    $$
    \langle \chi_R \mid \chi \rangle := \frac{1}{n} \sum_{g \in G} R(g^{-1}) \chi(g) = \frac{1}{n} n \chi(e) = \chi(e) = \text{dim}(\chi)
    $$

    A mon avis vaut mieux suivre ligne à ligne un cours sous peine de se mélanger les pinceaux entre ce qui est montré et ce que l'on montre. Par exemple, je n'ai pas prouvé que $\# \text{U}(\chi) = \langle \chi \mid \chi_\rho \rangle$. (mais c'est conséquence de la proposition 2 page 24 (toujours Serre)) et des relations orthogonalités.
  • @MathCos et moduloP
    Désolé pour la réponse tardive et un grand merci pour vos réponses détaillées. Je vais voir ça en détail.

    (Merci aussi à toi AD pour les corrections)
    [À ton service, si cela peut t'éviter de les refaire... ;-) AD]
  • À propos d'égalité et d'isomorphisme, une pensée tardive. Considérons les représentations du groupe trivial $G=\{e\}$. Une représentation de $G$ est alors... un espace vectoriel et rien de plus, bravo ! Dans un espace vectoriel $V$ de dimension $n$, chaque fois que l'on choisit une base $(v_1,\dots,v_n)$, on obtient une décomposition en sous-représentations $V=\bigoplus_{i=1}^nV_i$, où $V_i=\C v_i$ pour tout $i$. Ici, chaque $V_i$ est un sous-espace (stable par $G$, ce qui ne contraint pas à grand-chose) et la somme directe est une somme directe interne. Pour tout $i$, on a $V_i\simeq\C$ (la représentation triviale, quoi d'autre ?). La décomposition induit donc un isomorphisme $V\simeq\C^n$ et on peut l'expliciter : à $(x_1,\dots,x_n)\in\C^n$ on associe $x_1v_1+\cdots+x_nv_n\in V$.

    Qu'est-ce qui est intrinsèque ici ? Seule la dimension $n$ (c'est-à-dire la multiplicité de la représentation triviale...) l'est, car le reste (la base, les $V_i$) dépend d'un choix.

    Je suppose que la situation des espaces vectoriels ne te pose pas de problème : constate que la situation des sous-représentations et représentations irréductibles à isomorphisme près est extrêmement semblable. On choisit des vrais sous-espaces mais pour obtenir quelque chose de canonique, on travaille à isomorphisme près.

    Il semble qu'il y ait une nouveauté pour les groupes non triviaux, cependant : les composantes isotypiques qui, elles, sont des sous-représentations canoniques. Ce n'est pas si nouveau. Pour trouver une analogie, prenons un groupe cyclique $G=\langle g\rangle$, disons d'ordre $d$ (car $n$ est déjà pris). Alors les composantes isotypiques correspondent aux sous-espaces propres de $g$ : peux-tu le vérifier ? Il faut développer un (petit) dictionnaire (je note $\zeta=\exp(2\mathrm{i}\pi/d)$) :
    • représentation $\rho:G\to\mathrm{GL}(V)$ $\leftrightarrow$ $\phi\in\mathrm{GL}(V)$ tel que $\phi^d=\mathrm{id}$ ($\rho(g)=\phi$) ;
    • sous-représentation de $V$ $\leftrightarrow$ sous-espace stable par $\phi$ ;
    • $V$ irréductible $\iff$ $\dim V=1$ (à justifier) ;
    • classe d'isomorphisme de représentation irréductible $V_j$ $\leftrightarrow$ racine $d$-ième de l'unité, $\zeta^j$ pour $j\in\{0,\dots,d-1\}$ ($\rho_j(g)=\zeta^j\mathrm{id}_\C$) ;
    • sous-représentation de $V$ isomorphe à $V_j$ $\leftrightarrow$ droite propre de $\phi$ associée à la valeur propre $\zeta^j$ ;
    • composante isotypique de type $\rho_j$ $\leftrightarrow$ sous-espace propre associé à $\zeta^j$.
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