Sous-groupes de $GL_n(\mathbb Q)$

Bonsoir,

Existe-t-il une description des sous-groupes de torsion (tous les éléments sont d'ordre fini) de $GL_n(\mathbb Q)$ ? Je sais que si l'on rajoute l'hypothèse "de type fini" alors ces groupes sont finis, mais sans cette hypothèse que peut-on dire ? Auriez-vous alors un exemple de sous-groupe de $GL_n(\mathbb Q)$ de torsion mais infini ?

Merci !

Réponses

  • Justement, il n'y a pas de contre-exemples... C'est un théorème (qui est l'extension naturelle d'un théorème de Burnside sus-cité) :

    "Soit $G$ un sous-groupe de $\mathcal{GL}_{n}(\mathbb{Q})$ tel que tout élément de $G$ est d'ordre fini alors $G$ est d'exposant fini (il y a une borne en fonction de $n$ exclusivement)"
    Ainsi, $G$ est bien fini...

    Voici l'esquisse de la preuve :

    Soit $g$ un élément de $G$ tel que $g^{d}=Id.$
    ***Alors les vps propres de $g$ sont des racines $d$-ième de l'unité. Le polynôme minimal de $g$ est alors un produit de polynômes cyclotomiques (que l'on sait irréductibles sur $\mathbb{Q}$ et sont précisément les polynômes minimaux des racines de l'unité).
    ***Les degrés de ces polynômes sont reliés à l'indicatrice d'Euler qui tend vers l'infini.
    ***Il faut alors montrer (pour des raisons combinatoires) que le polynôme caractéristique de $g$ (dont le degré est $n$) ne peut être constitué que par un nombre uniformément fini de produits de polynômes cyclotomiques dont le degré n'excède pas $n$.
    ***En prenant le ppcm des ordres des racines intervenant dans les décompositions possibles du polynôme caractéristique, tu obtiens une borne sur l'exposant d'un tel sous-groupe $G.$
    ***On conclut alors comme dans le cas de $\mathbb{R}$ ou $\mathbb{C}$ (ou en utilisant Burnside directement).

    Ce résultat tombe en défaut sur $\mathcal{GL}_{n}(\mathbb{C})$ en considérant le p-groupe de Prüfer (groupe infini dont tous les éléments sont d'ordre fini)

    Tu peux aussi te renseigner sur le problème de Burnside restreint, borné et général pour comprendre la difficulté du problème (qui a valu la médaille field à Efim Zelmanov pour la résolution du problème de Burnside restreint).
  • @BobbyJoe
    Quelque chose ne va pas dans l'énoncé au début : car tu as supposé $G$ fini .. et la chute c'est que $G$ est fini. Ce qui n'est pas faux, mais ...

    @romainp
    Quel est ton niveau ? Veux tu en savoir plus ?

    Note : il faut prendre son temps pour vraiment comprendre quels sont les différents problèmes de Burnside dans ce domaine. Je pointe http://smf4.emath.fr/Publications/Gazette/1994/62/smf_gazette_62_25-30.pdf mais la qualité du pdf n'est pas terrible. De plus, je ne suis pas persuadé que l'on puisse y comprendre les diverses problématiques des énoncés ``à la Burnside''.
  • @BobbyJoe Merci de ta réponse, c'est bien le résultat que j'avais en tête mais je n'étais pas sûr ! Seulement j'ai l'impression que j'ai une preuve bien différente :

    Notons $G<GL_n(\mathbb Q)$ un sous-groupe de torsion. On travaille comme dans la preuve de Burnside en introduisant le $Q$-espace vectoriel $V$ engendré par les éléments de $G$. On fixe une base $(g_1, \ldots, g_r)$ constituée d'éléments de $G$ et on démontrer l'injectivité de l'application $\phi : g \in G \mapsto (\text{Tr}(gg_i))_{1 \leq i \leq p}$. En effet, si $\phi(a)=\phi(b)$, par linéarité de la trace et comme $b^{-1} \in G$ on a encore $$\text{Tr}(ab^{-1})=n.$$
    Comme $ab^{-1} \in G$, il est d'ordre fini donc diagonalisable sur $\mathbb C$ et ses valeurs propres sont des racines de l'unité. On les note $\lambda_1, \ldots, \lambda_n$ et on a donc $$n=\left| \sum_{i=1}^n \lambda_i \right| \leq \sum_{i=1}^n |\lambda_i|=n.$$
    C'est un cas d'égalité dans l'inégalité triangulaire : on en déduit facilement que les $\lambda_i$ valent tous $1$ puis que $$a=b.$$
    Enfin, je veux montrer que l'image de $\phi$ est incluse dans un ensemble fini, ce qui suffira à conclure. Je remarque que si $g \in G$, $\text{Tr}(g)$ est un rationnel mais aussi une somme de racines de l'unité : c'est donc un rationnel et un entier algébrique, donc la trace d'un élément de $G$ est entière. De ceci, on tire que $G$ s'injecte dans l'ensemble fini $\lbrace -n, \ldots, n \rbrace^p$ ce qui donne le résultat.

    Qu'en pensez-vous ?

    @claude quitté Je suis en L3-M1, je prépare un petit exposé sur le problème de Burnside et je cherchais un cas simple à traiter. La preuve proposée par @BobbyJoe me semble très élégante et je serais ravi d'en avoir une trace écrite ! (pour la partie où l'on borne le nombre de produits de polynômes cyclotomiques). Merci pour le lien, il fournit tout de même certaines informations intéressantes sur l'état actuel des recherches concernant les problèmes de Burnside !
  • @romainp
    Je connais un peu cette histoire. Je t'attache une épreuve corrigée mais j'ai perdu mes sources (c'est pas bien). On y démontre Burnside, Schur, le théorème de réduction modulaire de Minkowski, le fait qu'un sous-groupe fini de $\text{GL}_n(\Q)$ est conjugué à un sous-groupe de $\text{GL}_n(\Z)$, ainsi que des bricoles sur les $\text{GL}_n$ des corps finis. Pour résumer : une activité autour des sous-groupes de $\text{GL}_n$.

    Niveau : agrégation mais pas toute l'épreuve. Je ne sais pas si tu vas pouvoir en tirer quelque chose. Surtout que tu cherches un cas simple à traiter et tu sembles l'avoir trouvé.

    Autre chose : je vois que la preuve de l'injectivité de $\phi$ que tu donnes (via le coup de l'inégalité triangulaire) est plus simple que celle donnée ``habituellement'' (cf mon épreuve ou bien le pdf http://perso.eleves.ens-rennes.fr/~lgay/Agregation/Burnside.pdf).
    D'où tiens tu cette preuve ? Elle ne semble pas utiliser le fait que le corps de base est $\Q$. Le fait que le corps de base soit $\Q$ n'intervient que plus tard (la trace est un rationnel). Tu confirmes ? et tu vois bien que j'apprends des choses.

    Peut-être que le coup (je n'ai pas bien compris) de la ``borne cyclotomique'' évoqué dans vos deux posts provient de l'inégalité (grossière) $m \le 2 \varphi(m)^2$ ? Quelque chose de ce style (??) intervient dans la question e. de la partie III (consacrée à la preuve de Schur).

    Sincèrement, je ne veux pas en rajouter (je n'oublie pas ton ``je cherche un cas simple à traiter'') et il ne faudrait pas que cela t'embrouille (car visiblement, il y a des variantes dans les stratégies). Je vais essayer de retrouver mes sources (car évidemment, je n'ai absolument rien inventé) mais j'ai peu d'espoir (cela fait une heure que je cherche). J'ai souvent e.gu.ulé mes étudiant(e)s en leur disant ``si vous ne marquez pas quelque part vos sources, cela ne sert à rien''.
  • @Claude_Quitté oui, il s'agissait d'une typo.... J'ai corrigé! Merci!
  • @claude quitté Merci de votre aide ! Votre sujet corrigé est pleins de résultats très intéressants !

    Je confirme que je n'utilise jamais le fait que le corps de base est $\mathbb Q$ dans l'injectivité : je n'utilise que l'inégalité triangulaire complexe ! Cette méthode est celle que j'ai pu apprendre en taupe dans la démonstration du théorème de Burnside, elle permet d'économiser l'argument de nilpotence présent "usuellement".

    Il s'agit effectivement de cette minoration, elle est effectivement assez simple à obtenir mais on peut faire un peu mieux pour pas cher : si $n=p_1^{\alpha_1}\ldots p_k^{\alpha_k}$ est $\geq 2$ (les $p_i$ sont premiers deux à deux distincts), alors on a clairement $$n \geq 2^k$$
    et donc $k\leq \log_2(n).$ De plus on peut écrire, $$\varphi(n)=n\prod_{i=1}^k\left(1-\dfrac{1}{p_i}\right) \geq n \prod_{i=1}^k \left( 1-\dfrac{1}{1+i}\right)=\dfrac{n}{k+1}.$$
    Reste alors à écrire que $$\dfrac{1}{k+1}\geq \dfrac{1}{1+\log_2(n)}$$
    pour conclure que $$\varphi(n) \geq \dfrac{n}{\log_2(n)+1}.$$

    Enfin le sujet me semble très intéressant, l'étude des groupes linéaires est passionnante et vos références confirment ces mots ! N'ayant fait que très peu de théorie des corps pour l'instant (et donc absolument pas de théorie de Galois), la preuve du théorème de Schur est peut-être un peu plus difficile à appréhender bien que les énoncés principaux (élément primitif, extension de corps) soient accessibles !

    Encore merci pour votre aide !
  • @Romainp : ta preuve est bien meilleure! Plus rapide et plus élémentaire.... Bravo!
  • @romainp
    Merci mais je n'y suis pour rien.
    J'ai retrouvé quelques billes mais pas beaucoup.

    1) Le lemme de Minkowski sur la réduction modulaire des matrices à coefficients entiers provient de Newman, Integral Matrices, chap IX (Finite Matrix Groups). Ce lemme dit aussi quelque chose quand le modulus de réduction est égal à $2$. Avec les matrices à coefficients entiers, on peut s'amuser pendant des mois voire des années.

    2) Le théorème de Burnside, j'ai envie de dire qu'on le trouve partout (ce qui signifie en clair que je ne suis pas fichu de donner une véritable source). Et ton argument grandement simplificateur (cas d'égalité dans l'inégalité triangulaire), je l'ai vu dans Tauvel, Exercices d'Algèbre Linéaire, 400 exercices corrigés (exercice 9, p. 125). Sauf que c'est enfoui dans l'exercice, dans le contexte d'une matrice entière, difficile à localiser ...etc...

    Je trouve que cela serait bien d'en faire un lemme séparé. Du genre : soit $A \in \text{GL}_n(\C)$ d'ordre fini ; si $\text{tr}(A) =n$, alors $A = \text{I}_n$.

    3) Je n'ai pas retrouvé mes sources pour Schur. Ce qui est délicat, c'est de montrer, dans le cadre d'une extension de type fini (de manière générale), que la fermeture algébrique du corps de base dans l'extension est de degré fini sur le corps de base.

    4) Le coup de la chose cyclotomique. Il faut juste se convaincre qu'étant donné un entier $n$, il n'existe qu'un nombre fini de $m$ tels que $\varphi(m) = n$ où $\varphi$ est l'indicateur d'Euler. Peut-être que c'est à chacun de trouver son argument ? Cela me rappelle une fonction invphi de maple qui réalisait ce job.

    5) Suite du point précédent. Je prends $n=4$. Alors les $m$ tels que $\varphi(m) = 4$ sont $5, 8, 10, 12$. Et avec cela, on peut épater ses ami(e)s : expliciter des matrices $A \in \text{GL}_4(\Z)$ d'ordre 5, 8, 10, 12. Vois tu comment ? J'ignore s'il y a des $n$ tels que $\varphi^{-1}(n)$ soit ``assez gros''.

    PS : quand je dis véritable source, c'est à prendre au sens de la préparation à l'Agrégation. C.a.d. des ouvrages.

    Bon courage pour ton exposé.
  • Suite, histoire de faire mumuse.

    J'examine d'abord $\#\varphi^{-1}(m)$ pour $m$ pair compris entre $2$ et $20$ (l'indicateur d'Euler $\varphi(n)$ est toujours pair sauf pour $n = 1,2$). Et je retiens mon attention sur $m=16$ car il y a 6 valeurs de $n$ telles que $\varphi(n) = 16$, avec lesquelles je compte bien épater les ami(e)s.

    > [<m,#EulerPhiInverse(m)> : m in [2..20 by 2]] ;
    [ <2, 3>, <4, 4>, <6, 4>, <8, 5>, <10, 2>, <12, 6>, <14, 0>, <16, 6>, <18, 4>, <20, 5> ]
    > M := EulerPhiInverse(16) ;
    > M ;
    [ 17, 32, 34, 40, 48, 60 ]
    

    Est ce que ce qui vient va vraiment les épater ? Il s'agit de matrices entières $16 \times 16$ d'ordre $17, 32, 34, 40, 48, 60$. Juste un extrait.

    > MagicMatrix := func < n |  Transpose(CompanionMatrix(CyclotomicPolynomial(n))) > ;
    > A := MagicMatrix(17) ;
    > A ;
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 1  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 0  1  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 0  0  1  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 0  0  0  1  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 0  0  0  0  1  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 0  0  0  0  0  1  0  0  0  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 0  0  0  0  0  0  1  0  0  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  1  0  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  1  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  1  0  0  0  0  0 -1]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  1  0  0  0  0 -1]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  1  0  0  0 -1]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  1  0  0 -1]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  1  0 -1]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  1 -1]
    > Order(A) ;
    17
    > 
    > A := MagicMatrix(40) ;
    > A ;                   
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 1  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0]
    [ 0  1  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0]
    [ 0  0  1  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0]
    [ 0  0  0  1  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  1]
    [ 0  0  0  0  1  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0]
    [ 0  0  0  0  0  1  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0]
    [ 0  0  0  0  0  0  1  0  0  0  0  0  0  0  0  0]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  1  0  0  0  0  0  0  0 -1]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  1  0  0  0  0  0  0  0]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  1  0  0  0  0  0  0]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  1  0  0  0  0  0]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  1  0  0  0  1]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  1  0  0  0]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  1  0  0]
    [ 0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  0  1  0]
    > Order(A) ;
    40
    
  • Bonsoir,

    Si ça peut aider, pour Burnside une source est le FGN Algèbre 2,( je le prépare cette année à l'agrégation ) dans la seconde édition c'est l'exercice 3.8 page 185.
  • @claude quitté Très joli ! je ne savais pas que de tels algorithmes existaient ! C'est vrai que le problème "inverse" d'exhiber des matrices à coefficients entiers d'ordre donné n'est absolument pas évident ! Voilà qui laisse encore à réfléchir !

    @aRc Merci pour la source !
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