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Dimension optimale d'un sev de $M_n(K)$

Salutations à tous,
mon titre est vague mais... il devait tenir dans la boîte de titre, alors je précise : j'ai vu traîner, mais j'ai oublié où, l'exo suivant : quelle est la dimension maximale d'un sous-ev $E$ de $M_n(K)$ dont tous les éléments satisfont $u^2\in\text{Vect}(Id)$ ?

C'est facile pour $n=2$ (le sev des matrices de trace nulle, et c'est le seul en plus) mais je sèche pour $n$ plus grand. Je remarque qu'il existe une forme quadratique $Q$ telle que $u^2=Q(u)Id$ si $u\in E$ mais après ? Ça a sans doute à voir avec les algèbres de Clifford mais je n'y connais rien (quoique cela suggère de prendre une base orthogonale de $E$ : on a alors $uv+vu=0$ pour deux éléments de "cette" base). Je pense aussi que, entre $\R$ et $\C$ par exemple, on n'a pas les mêmes possibilités.

Cdlt, Hicham

Réponses

  • Bonjour,

    Pour $n=2$ ton exemple est bon.

    En général, je vois deux cas. Si toutes les matrices de ce sev sont nilpotentes, alors il faut trouver le plus grand sev contenu dans le cône nilpotent. A conjugaison près, ce sont les matrices triangulaires supérieures à diagonales nulle donc de dimension $\frac{n(n-1)}{2}$.

    On remarque que les sev vérifiant la propriété que tu mentionnes forment un ensemble stable par automorphismes de $\mathcal{M}_n(\mathbf{R})$.

    Sinon (si il y a une matrice de carré non nul dans ce sev), (on se place sur $\mathbf{C}$ pour fixer les idées, en fait on va juste extraire des racines carrées donc un corps quadratiquement clos de caractéristique $\neq 2$ suffit pour ce qui suit), il y a une matrice $M^2=aI_n$ avec $a$ non nul, donc on peut diagonaliser $M$. Quitte à multiplier par un scalaire, les valeurs propres sont $\pm 1$.

    Deux cas (essentiellement) :
    1. si 1 est la seule valeur propre, on peut supposer que $I_n$ est dans ce sev, et calculant $(M+I_n)^2$ pour une matrice de ce sev, on voit qu'il est égal à $\mathbf{C}I_n$ donc de dimension $1$.

    2. Sinon, on a dans ce sev (en se permettant un automorphisme intérieur éventuellement) une matrice de la forme
    $$
    A=\begin{pmatrix}
    I_p&0\\
    0&I_q
    \end{pmatrix},
    $$
    et en calculant à nouveau $(M+A)^2$, on voit que les matrices de ce sev sont de la forme
    $$
    \begin{pmatrix}
    aI_p&B\\
    C&-aI_q
    \end{pmatrix},
    $$
    avec $p+q=n$.

    Donc la dimension vaut ici $1+2pq$, quantité qu'il suffit maintenant de majorer en ajustant $p$. Au maximum, elle vaut alors $1+\frac{n^2}{2}$ si $n$ est pair, $1+\frac{n^2-1}{2}$ si $n$ est impair. Dans les deux cas, on est meilleur que dans celui avec que des matrices nilpotentes.

    Si $char(k)\neq 2$, $k$ désigne le corps de base, on obtient facilement une majoration par les même quantités que ce-dessus par extension des scalaires et en utilisant le fait qu'une matrice vérifiant $M^2=\lambda I_n$ est diagonalisable dans une extension quadratique. Par le même raisonnement, si le sev $V$ contient une matrice avec $M^2=\lambda I_n$ avec $\lambda$ un carré dans $k$, le raisonnement précédent s'applique.

    Il reste un truc à voir, je ne sais pas encore, mais soit on redescend au corps de base pour montrer que les mêmes majorations sont valables (nécessaire si le sev ne contient que des matrices vérifiant $M^2$ est soit nul, soit égal à $\lambda I_n$ avec $\lambda$ non carré dépendant de $M$.
  • Mais en fait cette majoration suffit, puisque on obtient une minoration en considérant les sev dont les matrices sont de la forme
    $$
    \begin{pmatrix}
    aI_p&B\\
    C&-aI_q
    \end{pmatrix}
    $$
    comme avant.

    Ne reste donc plus que le cas de la caractéristique $2$.
  • Bonjour, Hennlu,

    j'ai l'impression que tu n'as que des CN ici : si $M=\begin{pmatrix}aI_p&B\\ C&-aI_q\end{pmatrix}$, $M^2$ n'est pas forcément de la forme $\lambda I$ : il y a encore une condition sur les produits $BC$ et $CB$, non ?

    Cordialement, j__j
  • Oui, merci ! Plusieurs erreurs dans mon précédent post.
    D'abord, l'argument avec les nilpotents est faux, ce sont les nilpotents d'ordre $2$ qui comptent. Ensuite, il faut effectivement des conditions sur $B$ et $C$. J'y réfléchirai.
  • Si l'on ne requiert pas que la forme quadratique $Q$ de Hicham soit non dégénérée, l'estimation de Hennlu est finalement à peine optimiste. En effet, si $n=2p$, on peut prendre le sev des matrices de la forme $M=\begin{pmatrix}aI_p&B\\ 0&-aI_p\end{pmatrix}$ et, si $n=2p+1$, le sev de celles de la forme $M=\begin{pmatrix}aI_{p+1}&B\\ 0&-aI_p\end{pmatrix}$, où $B$ est chaque fois de format ad hoc. Cela nous fait des sev de dimensions respectives $p^2+1$ et $p^2+p+1$, c'est-à-dire grosso mode $n^2/4$.

    Le cas où $Q$ est non dégénérée reste à explorer... J'en suis à des dimensions en ${\text O}(\ln n)$, c'est-à-dire loin du compte, si cela se trouve !
  • Ben non, finalement, avec $Q$ non dégénerée, on ne peut faire mieux : si $(M_i)_{i\in I}$ est une base orthogonale de $V$, alors la famille des $M_J=\displaystyle\prod_{j\in J}M_j$, où $J$ est une partie, de cardinal impair, de $I$ et où les indices $j$ sont ordonnés par ordre croissant, forme une famille libre dans $M_n(K)$, lorsque la caractéristique de $K$ est différente de $2$. Donc, si $p$ est le cardinal de $I$, on a $2^p\leqslant2n^2$ et donc $p\leqslant1+2\text{log}_2n$

    Nota bene : on peut aussi se limiter aux parties de cardinal impair, ce qui donne la même majoration, mais le résultat est faux si l'on réunit ces deux familles libres. Un de ces jours, il faudra que je tape la démo, car elle est assez précise et j'espère ne pas avoir oublié quelque cas...
  • Et as-tu un exemple qui approche du ${\rm log}_2n$ ?

    Cdlt, Hicham
  • La question est bien sûr complètement liée aux algèbres de Clifford.

    Un point de départ classique lorsque la forme $Q$ est de rang au moins $2$ et le
    corps algébriquement clos (de caractéristique différente de $2$) : on prend une base $Q$-orthogonale $(u_1,u_2,\dots,u_p)$
    de $V$ telle que $Q(u_1)=Q(u_2)=1$. On montre que $n$ est pair,on l'écrit $n=2m$, puis pour une matrice inversible $P$ appropriée
    $Pu_1P^{-1}=\begin{bmatrix}
    I_m & 0 \\
    0 & -I_m
    \end{bmatrix}$ et
    $Pu_2P^{-1}=\begin{bmatrix}
    0 & I_m \\
    I_m & 0
    \end{bmatrix}$, puis pour tout $u$ dans l'orthogonal de $Vect(u_1,u_2)$ pour $Q$ il existe une matrice $A(u)$ de $M_m(K)$ telle que $PuP^{-1}=\begin{bmatrix}
    0 & -A(u) \\
    A(u) & 0
    \end{bmatrix}$ et $A(u)^2=-Q(u)I_m$.
    On est alors ramené à la situation de départ avec $n/2$ à la place de $n$ (pour la taille des matrices), et un espace de matrices de dimension $\dim V-2$.

    Avec cela, on trouve facilement que pour les formes non-dégénérées la dimension optimale est fonction (facilement calculable) de la $2$-valuation de $n$ (ce qui précède donne une construction d'une solution optimale sur n'importe quel corps de caractéristique différente de $2$).

    Cependant, la dimension optimale est obtenue par le cas où la forme $Q$ est de rang 1 : les exemples données par john_john fournissent la dimension optimale, mais il y a encore du travail pour le démontrer.
  • Excellent ! L'intervention de dSP met un terme à toutes les interrogations ; cela dit, on doit pouvoir régler le cas du rang $r\geqslant2$ sans extension quadratique (ni hypothèse de clôture algébrique), mais avec des formes réduites moins jolies que les tiennes.

    Bien cordialement à tous, j__j
  • et en plus tout est traité dans le livre de dSP ; excellente référence à conseiller.
  • Ce livre, c'est bien l'Invitation aux formes quadratiques, C&M ?
  • Bonjour, Chaurien,

    oui, c'est exactement cela ; tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les formes quadratiques sans avoir jamais osé le demander.

    Cdlt, Hicham
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