Fraction rationnelle à valeurs rationnelles

Bonjour,
Je me demandais s'il était vrai qu'une fraction rationnelle (réelle, complexe,...) qui prend des valeurs rationnelles sur les rationnels est en fait dans $\mathbb{Q}(X)$.
Plus généralement en remplaçant $\mathbb{Q}$ par n'importe quel corps infini et "réelle, complexe,..." par à coefficients dans une extension de corps.
ça m'a l'air vrai mais je ne trouve pas de preuve (alors que l'énoncé pour les polynômes est relativement simple; donc ça m'étonne); auriez-vous des idées de preuve/ un contrexemple ?

Je ne sais d'ailleurs pas si la réponse change selon qu'on accepte ou pas des pôles rationnels pour la fraction en question...

Réponses

  • Soit $F=\frac{A}{B}$ une telle fraction, avec $A$ et $B$ premiers entre eux.
    Pour tout $q \in \Q$, $\frac{A(q)}{B(q)} \in \Q$. Donc, pour tout $\sigma$ automorphisme de $\C$, $\sigma(\frac{A(q)}{B(q)})=\frac{A(q)}{B(q)}$. Donc, si on écrit $A=a_n X^n+a_{n-1}X^{n-1}+\dots+ a_0$, et si on note $\sigma(A)=\sigma(a_n)X^n+\dots+\sigma(a_0)$, on a $\frac{\sigma(A)(q)}{\sigma(B)(q)}=\frac{A(q)}{B(q)}$.
    Donc $\sigma(A)B-A\sigma(B)$ est nul sur les rationnels, donc identiquement nul.
    Donc $A$ divise $\sigma(A)$ et ces deux polynômes sont de même degré.
    Donc $A=\lambda \sigma(A)$ avec $\lambda \in \C^*$.
    De même, $B=\lambda \sigma(B)$.
    Donc, pour tout $\sigma$ automorphisme de $\C$, $\sigma(A)/A \in \C^*$.
    Donc, pour tout $\sigma$, $\sigma(a_n)/a_n=\sigma(a_{n-1})/a_{n-1}=\dots=\sigma(a_0)/a_0$.
    Donc, pour tout $\sigma$, $\sigma(a_n)/\sigma(a_{n-1})=a_n/a_{n-1}$. Donc, $a_n/a_{n-1} \in \Q$.
    De même, $a_{i}/a_{j} \in \Q$, etc...
    Donc, $A$ est un polynôme $U$ de $\Q(X)$ éventuellement mutliplié par un complexe non nul $a$.
    De même, pour $B=bV$ avec $V\in \Q(X)$.
    Donc, on en déduit $a/b \in \Q$, et $F \in \Q(X)$
  • Bien vu... donc ça marche dés que $K = L^G$ pour un groupe $G$ d'automorphismes de $L$ et que $K$ est infini.

    Y a-t-il des contrexemples autrement ?
    Et y a-t-il une preuve plus taupin-friendly ? (je ne sais pas si on saurait prouver que $\C^{Aut(\C)} = \Q$ en prépa...)
  • Non, je ne sais pas.
  • Bonjour,

    L'ensemble des couples \((P,Q)\) de polynômes tels que \(P/Q\) soit un représentant irréductible de la fraction rationnelle \(R\), élément de \(L(X)\), est une droite vectorielle de \(L[X]^2\); les degrés de \(P\) et \(Q\) sont déterminés par \(R\), donc le nombre \(N\) de leurs coefficients également.

    Pour tout élément \(k\) du corps \(K\) qui n'est pas un pôle de \(F\);
    \[P(k)-R(k)Q(k)=0\]
    est une équation linéaire en les \(N\) coefficients de \(P\) et \(Q\).
    Si le corps \(K\) est infini, on peut constituer un système de \(N-1\) équations linéaires à \(N\) inconnues, à coefficients dans \(K\), de rang $N-1$.
    Une base de l'espace des solutions est obtenue avec les déterminants d'ordre \(N-1\) extraits de la matrice de ce système.
    Si les valeurs \(R(k)\) appartiennent à \(K\), ces déterminants sont à coefficients dans \(K\), donc le système admet une solution dans \(K^N\) qui fournit un représentant \(P/Q\) de \(R\) avec \(P\) et \(Q\) dans \(K[X]\).
  • @gb : pourquoi ton système est de rang $N-1$ exactement ?
  • Bonne question…
  • Par contre là où tu n'as pas tort c'est que le rang ne dépend pas du corps (contenant les coefficients) donc il existe un solution (non nulle) dans $K^N$ puisqu'il en existe une dans $L^N$ et ça a l'air de convenir
  • Si \(P_0/Q_0\) est un représentant irréductible de \(R\), une solution du système fournit un couple \((P,Q)\) polynômes tels que, pour \(N-1\) éléments \(k\) de \(K\) :
    \[P(k)-\frac{P_0(k)}{Q_0(k)}=0 \iff (PQ_0-P_0Q)(k)=0.\]

    De plus, par construction même du système :
    \begin{align} \deg(P)&\leqslant\deg(P_0) & \deg(Q)&\leqslant\deg(Q_0) & N &=\deg(P_0)+\deg(Q_0)+2 \end{align}
    donc :
    \[\deg(PQ_0-P_0Q) \leqslant \deg(P_0)+\deg(Q_0) = N-2\]
    et le polynôme \(PQ_0-P_0Q\) a strictement plus de racines que son degré : il est nul.
    Comme \(P_0\) et \(Q_0\) sont premiers entre eux, un raisonnement classique établit l'existence d'un scalaire \(a\) tel que \((P,Q)=a(P_0,Q_0)\) : l'espace vectoriel du système est de dimension 1, donc le rang est \(N-1\).
  • Maxtimax a écrit:
    Et y a-t-il une preuve plus taupin-friendly ?

    En ayant les idées plus claires ce matin, voici une approche possible qui me semble « taupin-friendly ».

    On donne une fraction rationnelle \(R\), élément de \(\C(X)\), qui prend des valeurs rationnelles(resp. réelles) sur les nombres rationnels (resp. réels).
    On fixe un représentant irrédutible \(P_0/Q_0\) de \(R\) (par exemple \(Q_0\) unitaire…), et on note :
    \begin{align}p&=\deg(P_0)&q&=\deg(Q_0)\end{align}

    Soit on traite à part le cas de la fraction nulle qui appartient à \(\Q[X]\) (resp. \(\R[X]\)), soit on décide que \(P_0\) nul est un polynôme constant avec\(p\) nul…

    [† Je devrais dire « admet un représentant constitué de deux polynômes à cofficients rationnels » du fait que \(\Q[X]\) et \(\Q(X)\) ne sont plus, me semble-t-il, taupin-friendly.]

    On considère alors l'application \(f\) définie par:
    \[\begin{array}{ccc} \C_{\leqslant p}[X]\times \C_{\leqslant q}[X] & \to & \C_{\leqslant p+q}[X] \\ (P,Q) & \mapsto & Q_0P-P_0Q \end{array}\]
    dont on établit qu'elle est \(\C\)-linéaire, que son noyau est la \(\C\)-droite vectorielle engendrée par \((P_0,Q_0)\), qu'elle est de de rang maximal \(p+q+1\), donc surjective.

    On se donne un \(p+q+1\)-uplet \((a_0,\dotsc,a_{p+q})\) de nombres complexes deux à deux distincts, et on considère l'application :
    \[\begin{array}{ccc} \C_{\leqslant p+q}[X] & \to & \C^{p+q+1} \\ P & \mapsto & \bigl(P(a_k)\bigr)_{0 \leq k \leqslant p+q} \end{array}\]
    dont on prouve qu'il s'agit d'un isomorphisme.

    Du coup, \(g \circ f\) est linéaire, de noyau \(\mathrm{Vect}(P_0,Q_0)\), de rang \(p+q+1\), surjective.

    On détermine le noyau en résolvant le système des équations :
    \begin{align} (Q_0P-P_0Q)(a_k)&=0 &(0 \leqslant k \leqslant p+q) \end{align}
    qui est équivalent, si les \(a_k\) ne sont pas des pôles de \(R\), au système :
    \begin{align} P(a_k)-R(a_k)Q(a_k)&=0 & (0 \leqslant k \leqslant p+q) \end{align}
    qui est donc bien de rang \(p+q+1\).
    Si, de plus, les \(a_k\) sont des nombres rationnels (resp. réels), ce système, en les \(p+q+2\) coefficients de \(P\) et \(Q\), est à coefficients rationnels (resp. réels) donc admet, par déterminants (taupin-friendly : pas d'invariance du rang, mais purement calculatoire), une solution dans \(\Q^{p+q+2}\) (resp. \(\R^{p+q+2}\)) ; on obtient ainsi un représentant \(P/Q\) de \(R\) qui établit que la fraction rationnelle appartient à \(\Q(X)\) (resp. \(\R(X)\)).

    On peut bien évidemment (en sortant du cadre taupin-friendly) remplacer le corps \(\C\) et son sous-corps \(\Q,\) (resp. \(\R)\)) par un autre corps \(L\) et un sous-corps infini \(K\).
    Maxtimax a écrit:
    Y a-t-il des contrexemples autrement ?

    Si le corps \(K\) est le corps fini \(\mathbf{F}_q\), il suffit de considérer, \(a\) étant un élément de \(L\setminus \mathbf{F}_q\) :
    \[R=a(X^q-X)+R_0\]
    avec \(R_0\) élément de \(\mathbf{F}_q(X)\), que l'on peut choisir sans pôle, par exemple:
    \[R=a(X^2+X)+\frac{1}{X^3+X+1}\]
    pour \(K=\mathbf{F}_2\) ; on dispose même du cas « limite » :
    \[R = \frac{a}{X^q-X}\]
    qui n'appartient pas à \(\mathbf{F}_q(X)\) bien que satisfaisant :
    \[\forall x\in\mathbf{F}_q\qquad R(x)\in\mathbf{F}_q.\]
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