Algèbre de Lie d'un groupe fini

Bonjour,
Je partage juste des idées que j'ai eues suite à une remarque un peu obscure, et le but de ce post est de voir un peu quelle partie de ce que je raconte est n'importe quoi, quelle partie est intéressante; et éventuellement d'avoir des références qui m'aideraient à en savoir plus (c'est donc surtout cette dernière partie qui m'intéresse)

La remarque obscure en question: "pour généraliser les algèbres de Lie des groupes de Lie, tu prends juste $G(k[\epsilon]) \simeq G(k)\ltimes \mathfrak{g}$ où $k[\epsilon] = k[X]/(X^2)$ et $\epsilon$ est la classe de $X$; comme ça tu peux faire un développement de Taylor à l'ordre $1$ exact"

Je comprends très bien la partie sur $\epsilon$; c'est sur le reste que ma question porte.
On m'avait donné comme exemples $G(k)= GL_n(k), SL_n(k)$.

Je suis donc parti sur la réflexion suivante : soit $P$ un polynôme à coefficients entiers (ou dans un anneau $A$ et alors on ne considère que les $A$-algèbres - d'ailleurs j'en profite pour dire que dans la suite quand je dirai anneau; j'entendrai "anneau unitaire commutatif") à $n^2$ variables tel que pour tout anneau $R$, $\{M \in GL_n(R) \mid P(M) = 0\}$ est un sous-groupe de $GL_n(R)$ (ici $P(M)$ est l'évaluation du polynôme $P$ en les coefficients de $M$, rien à voir avec les polynômes d'endomorphismes évidemment). Par exemple $P = \det -1$ (je remarque en me relisant que je ne peux pas obtenir $GL_n$ de cette manière, sauf à prendre un polynôme à coefficients dans $R$ et à prendre $R$ uniquement un corps fini... cela ne me dérange pas tant que ça mais je me demande si on peut faire mieux... sûrement en prenant une union et en demandant que ce soit l'union qui soit un sous-groupe ? )

Je définis alors $G_P(R)$ comme étant ce sous-groupe.

Soit $R$ un anneau et je reprends la notation de la remarque pour $\epsilon$. Alors pour $M\in M_n(R[\epsilon])$, $P(M) = P(M_0) + \epsilon p(M)$ pour un certain $p(M) \in R$ par un "développement de Taylor exact à l'ordre $1$" , où $M_0$ est l'image de $M$ par le morphisme envoyant $\epsilon$ sur $0$(si je ne me trompe pas, j'ai plus l'habitude de ce développement lorsqu'on est en une variable, mais la formule de Taylor est valable quand on est à plusieurs variables me semble-t-il - tout le reste est faux si ça ne l'est pas)

En particulier si $P(M) = 0$, $P(M_0) = 0$ aussi. En particulier $M\mapsto M_0$ va de $G_P(R[\epsilon])$ dans $G_P(R)$ (car il est clair que si $M\in GL_n(R[\epsilon])$, alors $M_0\in GL_n(R)$). On a donc une suite exacte $1\to \mathrm{Ker}(\epsilon = 0) \to G_P(R[\epsilon]) \to G_P(R) \to 1$. Cette suite est de plus clairement scindée car $R$ est un sous-anneau de $R[\epsilon]$.

Donc $G_P(R[\epsilon])\simeq G_P(R) \ltimes \mathrm{Ker}(\epsilon = 0)$.

Regardons maintenant $\mathrm{Ker}(\epsilon = 0)$: il s'agit des matrices de la forme $I_n+\epsilon M$, $M\in M_n(R)$ qui sont aussi dans $G_P(R[\epsilon])$. Un calcul rapide montre que $\{M, I_n + \epsilon M \in G_P(R[\epsilon])\}$ est un sous-groupe additif de $M_n(R)$; et il est clairement isomorphe à $\mathrm{Ker}(\epsilon=0)$; et c'est celui-ci que j'ai envie de noter $\mathfrak{g}_P(R)$.

On a $G_P(R[\epsilon])\simeq G_P(R)\ltimes \mathfrak{g}_P(R)$.

Pour pouvoir parler d'algèbre de Lie, il me faut encore le fait que ce soit en fait un $R$-module, et il me faut un crochet. Si je ne me suis pas gourré sur mon développement de Taylor, le fait que ce soit un sous-$R$-module de $M_n(R)$ est immédiat (et si je me suis trompé; il est certain qu'en imposant une condition d'homogénéité sur les dérivées de $P$, on obtient ce fait-là)

Il me manque cependant le crochet de Lie sur mon $\mathfrak{g}_P$ ! Qui est-il, d'où vient-il ?

Après réflexion je devrais prendre $P$ une famille de polynômes, et $G_P(R)$ l'union des $G_f(R)$, $f\in P$, en demandant que ce soit un sous-groupe de $GL_n(R)$: tout ce que j'ai fait semble marcher dans ce cadre.

Ayant fait ça, je peux déjà voir que je ne me suis pas trompé pour des familles connues de polynômes: si je prends $P=\{\det - 1\}$ par exemple et $R = \R$, j'obtiens assez facilement $\mathfrak{g}_P(\R) = \mathfrak{sl}_n(\R)$, c'est-à-dire les matrices de trace nulle (et ceci marche plus généralement pour $R$ quelconque, mais on n'a pas le formalisme des groupes de Lie pour nous dire que c'est bien); ou en fixant le $A$ de base comme étant $\R$ j'obtiens, pour $P= \{\det- a, a\in \R^\times\}$, $G_P(\R) = GL_n(\R)$ et $\mathfrak{g}_P(\R)=M_n(R)$ (à nouveau c'est vrai pour tout $R$, mais on n'a pas les groupes de Lie...)

Il doit y avoir un moyen de vérifier de manière générale que ça marche pour tous les sous-groupes de Lie "algébriques" de $GL_n(\R)$ (je mets des guillemets parce qu'il y a un vrai sens au mot "groupe algébrique" que je ne maîtrise pas totalement).

Donc voilà ce que j'aimerais savoir :
Est-ce que je raconte n'importe quoi ?
comment récupérer le crochet ?
Où trouver plus d'informations à ce sujet ? (Et quelle est la bonne notion, plutôt que mon lourd $G_P$ ? Y a-t-il de moyen de prendre un groupe donné $G$ et de dire "voici son algèbre de Lie" ?)

Réponses

  • Un problème de ce qui précède : je ne peux pas (j'ai l'impression) trouver de $P$ tel que $G_P(R) = GL_n(R)$ pour tout $R$, ce qui est quand même la base...

    Je remarque aussi que je peux déjà faire mieux : je reprends en partant d'un anneau $A$ et je regarde $C$ la catégorie des $A$-algèbres (commutatives, unitaires).
    Si j'ai un foncteur $F: C\to \mathbf{Grp}$, alors la construction d'avant marche parce que dans tous les cas, $R\to R[\epsilon]$ se rétracte, et donc la suite exacte se scinde. Par contre dans ce cadre plus général je ne vois pas comment munir $\mathfrak{g}_F(R)$ d'une structure de $R$-module... peut-être en demandant que $F$ soit un sous-foncteur de $GL_n$ ? (Je ne vois pas non plus pourquoi ce serait un "groupe additif", i.e. un groupe abélien)
  • Pour $\text{GL}_n$ si j'ai compris ce que tu racontes, tu peux prendre une variable supplémentaire ... $P= \text{det} \times Y-1 = 0$ histoire d'inverser automatiquement le déterminant. Mais est-ce que j'ai compris ce que tu dis ?
  • @moduloP: bah c'est plus vraiment un polynôme en $n^2$ variables, et $P(M)$ n'a plus trop de sens...
  • Bon, je n'ai rien compris alors :-D
  • Il est marrant de jouer au petit jeu de l'extension par $\epsilon$ pour le groupe $SO_3(\mathbb R)$.
    Par ailleurs, ce que tu trouves comme noyau dans ta suite exacte, c'est l'espace tangent au groupe algébrique en l'identité.

    PS. Où sont ces "groupes finis" annoncés dans le titre ?? L'algèbre de Lie d'un groupe fini, ça risque de faire un sujet un peu mince.
  • @GBZM : je regarde ce que ça me donne et je te dis
    Oui pour un groupe de Lie, c'est en tout cas ce que j'espère !

    Pour ton PS: si on prend $R$ un anneau/corps fini, tous les groupes mentionnés sont finis; en particulier mon $\mathfrak{g}$ aussi ! Et il faut faire attention à ce que je ne cherche pas à retrouver l'algèbre de Lie pour les groupes de Lie, je cherche au contraire à trouver une notion d'algèbre de Lie intéressante purement algébrique
  • Pour traiter $SO_n$ il me faut changer "famille de polynomes" en "famille de tuples de polynomes" et on prend l'union sur la famille des intersections sur les tuples. À nouveau, il me semble que tout marche de même.
    En prenant $\det -1$ et les polynômes qui indiquent que $A^T A= I_n$, on obtient pour $SO_n(\R)$ les matrices antisymétriques; à nouveau il me semble que c'est bien ce qu'on attendait (i.e. $\mathfrak{so}_n(\R)$)
  • Ça c'est bien connu, mais le plus intéressant c'est le groupe $SO_3(\mathbb R[\epsilon])$. C'est un déguisement d'un groupe bien connu en géométrie. Lequel ?
  • Un quotient isomorphe à $\mathrm{SO}_3(\R)$ et un groupe abélien isomorphe à $\R^3$ dans le noyau de la projection : si ce n'est pas le groupe des isométries affines, on ne voit pas bien ce que ça pourrait être.

    Un élément de $\mathrm{SO}_3(\R[\epsilon])$ est de la forme \[g+\epsilon s_{a,b,c}\quad\text{où}\quad g\in\mathrm{SO}_3(\R)\ \text{et}\ s_(a,b,c)=\begin{pmatrix}0&-a&b\\a&0&-c\\-b&c&0\end{pmatrix}\ \text{pour}\ (a,b,c)\in\R^3.\]Il faut vérifier que \[g\bigl(\mathrm{I}_3+\epsilon s(a,b,c)\bigr)g^{-1}=\mathrm{I}_3+\epsilon s\bigl(g\cdot(a,b,c)\bigr),\]ce qui est plausible : en effet, $\exp\bigl(ts(a,b,c)\bigr)$ est la rotation d'axe dirigé par $(a,b,c)$ et d'angle [quelque chose proportionnel à $t$ et à la norme], la conjugaison par $g$ a bien le bon effet sur l'axe ; il n'y a qu'à tronquer le DL en $0$ à l'ordre $1$ et l'évaluer en $t=1$. (Peut-être que j'ai mal placé les coefficients.)

    Edit : $\epsilon$ ajoutés, ça ne suffit pas.
  • @Maxtimax : Ton crochet, ce n'est pas le crochet habituel ? Bon, je ne sais pas encore montrer que $\forall M,N, \quad \left(P(I_n + \epsilon M) = 0 \ et \ P(I_n + \epsilon N) = 0\right) \Rightarrow P(I_n + \epsilon (MN-NM)) = 0$.

    EDIT : Ajout de parenthèses manquantes.
  • Ah ! Je ne t'avais pas compris.
    Sauf erreur de calcul on obtient $SO_n(\R)\ltimes A_n(\R)$ (matrices antisymétriques) avec antiaction par anticonjugaison (i.e. la multiplication est donnée par $(M,A)(N,B) = (MN, N^{-1}AN + B)$) (EDIT: ce groupe est de toute façon isomorphe à $SO_n(\R)\ltimes A_n(\R)$ avec action par conjugaison; et c'est évident par le fait que $\mathfrak{g} \simeq A_n(\R)$ et par la définition de $\mathfrak{g}$...). Je ne m'y connais pas en géométrie donc je ne reconnais pas ce groupe...
  • @MathCoss: il te manque un $\epsilon$

    @GeorgesAbitbol: ah si ça l'était j'en serais fort ravi ! Mais comment le prouver, telle est la question... (il est vrai que sur les vrais sous-groupes de Lie de $GL_n(\R)$ on obtient, pour leur algèbre de Lie, le crochet usuel de $M_n(\R)$; l'idée est donc naturelle). Peut-être faut-il imposer plus de restrictions à $P$ ? Mais des restrictions naturelles...
    Mais le mieux serait d'avoir une description "high-level"; avec un peu de chance cela se généraliserait au cadre fonctoriel que j'ai rapidement mentionné (de même, si j'avais une justification "high-level" de l'existence de ma structure de $R$-module sur $\mathfrak{g}_P$, je pourrais aussi la généraliser audit cadre fonctoriel)
  • Ben je me disais que c'était vrai sur $\mathbb{C}$ (parce que dans ce cas, on sait que $G_{\mathbb{C}}$ est un sous-groupe de Lie, et que $Ker(\epsilon = 0)$ est bien son espace tangent et que le crochet est bien celui qu'on veut)... Et que, par un principe de "prolongement d'inclusions de zéros" qui n'existe peut-être pas, on peut conclure que c'est vrai pour tout corps. Ce principe serait un peu comme celui qui dit que si une fonction polynomiale s'annule sur tous les points d'un espace affine sur un corps $k$ infini, alors elle s'annule sur tous les points de tout espace affine (puisque le polynôme associé est en fait nul). Mais bon, je sais pas si ça marche !
  • Oui mais tu voudrais appliquer ton principe à quelle fonction polynomiale ? Puisqu'ici on veut une implication...
  • Oui oui, justement, c'est l'implication qui m'embête. En fait, je me posais la question de quelque chose du style si $\mathcal{P}$ et $\mathcal{Q}$ sont des ensembles (finis, disons) de polynômes, est-il vrai que s'il existe une $A$-algèbre $R$ qui est un corps infini telle que pour tout $(x_1,...,x_n) \in R^n$, $(\forall P \in \mathcal{P}, \quad P(x_1,...,x_n) = 0) \Rightarrow (\forall Q \in \mathcal{P}, \quad Q(x_1,...,x_n) = 0)$, alors la même chose est vraie pour toute $A$-algèbre $R$ qui vérifie quelques propriétés (genre, "est un corps"). J'avais un petit espoir, vu que dans un corps, $P(x_1,...,x_n) \not = 0$ c'est la même chose que $1 - zP(x_1,...,x_n)$ a une racine, mais malheureusement, ça fait apparaître un $\exists$ qui complique la chose.
  • @Math Coss : tu t'es un peu trop précipité. Les éléments de $\mathrm{SO}_3(\mathbb R[\epsilon])$ sont de la forme $R(I_3+\epsilon \Omega_v)$ où $R\in \mathrm{SO}_3(\mathbb R)$, $v\in \mathbb R^3$ et $\Omega_v$ est la matrice (antisymétrique) de $v\wedge\cdot$.
    Le déplacement correspondant est $x\mapsto R(x+2v)$. On identifie $\mathbb R^3$ à $\{\varphi(x)= I_3+\epsilon \Omega_x\mid x\in \mathbb R^3\}$ et on fait agir $\mathrm{SO}_3(\mathbb R[\epsilon])$ dessus par $Q\cdot \varphi(x)=Q\,\varphi(x)\, \iota (Q)$, où $\iota$ est l'anti-involution $R+\epsilon S\mapsto (R-\epsilon S)^{\mathsf T}$.

    PS. En cinématique des robots, on connaît bien les quaternions duaux.
    PPS. @Math Coss : je vois que tu as ajouté des $\epsilon$ dans ton message, mais ce n'est toujours pas ça.
  • Hooo, j'ai une idée : on peut aussi ajouter aux algèbres des $\tau$ qui sont tels que $\tau^3 = 0$, et définir l'exponentielle de $\tau M$ comme étant $I_n + \tau M + \frac{\tau}{2}M^2$, si on est en caractéristique différente de $2$. De là, on peut tenter de mimer les démos de stabilité de l'espace tangent par le crochet via l'application exponentielle usuelle ! Je vais voir si ça marche !
  • J'ai bon espoir que ça marche, mais je dois lâcher mon ordi pour au moins une heure ! Que le.a meilleur.e gagne !
  • @GA : J'avoue que je n'arrive pas trop à voir ta méthode, je serais content si tu trouves et peux la partager !

    Quant à moi j'ai réussi à décrire la structure de $R$-module sur $\mathfrak{g}_F(R)$ avec le point de vue fonctoriel $F:C\to \mathbf{Grp}$ en remarquant que la mutliplication par $\lambda \in R$ est induite par un morphisme d'algèbre $R[\epsilon]\to R[\epsilon]$. Je n'arrive pas à montrer la distributivité à gauche par contre: $(\lambda +\mu)x= \lambda x+ \mu x$... et ça ne m'aide pas plus à décrire le crochet...

    Je suis d'ailleurs étonné que personne ne m'ait proposé de références, je n'ai rien inventé, on m'en a parlé rapidement donc ça doit être quelque chose de standard; donc il devrait y avoir des références ... (mais je ne sais pas quoi chercher sur internet, car comme le fait remarquer GBZM, au sens usuel l'expression "algèbre de Lie d'un groupe fini" n'a que peu d'intérêt)
  • Un élément de $G(\R[\epsilon])$, c'est un élément du groupe et un vecteur tangent. Il est standard d'identifier l'espace des matrices antisymétriques à l'espace tangent en l'identité au groupe (spécial) orthogonal. Il est normal que quand on se translate en un point $g$ quelconque, l'espace tangent soit translaté de même ! Et donc qu'un élément de $\mathrm{SO}_3(\R[\epsilon])$ soit de la forme $g(\mathrm{I_3}+\epsilon s)$ avec $s$ antisymétrique.

    Vérifions-le directement : $g+\epsilon h$ est orthogonale SSI $(g+\epsilon h)^T(g+\epsilon h)=\mathrm{I_3}$ et $\det(g+\epsilon h)$. Je laisse tomber la deuxième condition qui doit donner $\det(g)=1$ et une condition sur la trace de $h$ qui sera automatiquement satisfaite. La première égalité se développe : $g^Tg+\epsilon(g^Th+h^Tg)=\mathrm{I}_3$, ce qui donne $g$ orthogonale et $g^Th=g^{-1}h$ anti-symétrique, c'est-à-dire $h=gs$ avec $s$ anti-symétrique.

    L'étape suivante consiste à vérifier que $\mathrm{SO}_3(\R[\epsilon])$ est le produit semi-direct de $\mathrm{SO}_3(\R)$ et de $\R^3$ identifié aux matrices antisymétriques. Pour $w=(a,b,c)\in\R^3$, on introduit la matrice antisymétrique de l'application $\Omega_w:v\mapsto w\wedge v$ (plus haut, il faut permuter $a$ et $c$) ; alors, pour $t$ réel, $\exp(t\Omega_w)$ est la matrice de la rotation $R_{w,t\|w\|}$ d'axe dirigé par $w$ et d'angle $t\|w\|$. Il est connu que si $g$ est une rotation, $gR_{w,\alpha}g^{-1}$ est la rotation d'axe $g(w)$ et de même angle. Cela se traduit par une identité de séries formelles en $t$ que l'on peut quotienter par $(t^2)$, ce qui donne bien : $g(\mathrm{I}_3+\epsilon\Omega_w)g^{-1}=\mathrm{I}_3+\epsilon\Omega_{g(w)}$. Cela permet d'identifier $\mathrm{SO}_3(\R[\epsilon])$ à $\mathrm{SO}_3(\R)\ltimes\R^3$.

    L'action de $\mathrm{SO}_3(\R)$ sur $\{\mathrm{I}_3+\epsilon\Omega_v,\ v\in\R^3\}$ par conjugaison est la restriction de l'action proposée par GaBuZoMeu qui donne une version « interne » des isométries de $\R^3$ agissant sur $\R^3$ dans ce $\mathrm{SO}_3(\R[\epsilon])$.

    « Quaternions duaux » parce que les quaternions sont liés à $\mathrm{SO}_3(\R[x]/(x^2+1))$ ?
  • Pour revenir à la question initiale : ta donnée de base, ce n'est pas un groupe fini mais un polynôme ou une famille de polynômes qui permet de définir le groupe des points sur n'importe quel anneau ou presque. Tes exemples sont donc des groupes algébriques comme $\mathrm{GL}_n$ et $\mathrm{SL}_n$ et pas un groupe fini.

    Tu devrais donc aller voir les livres sur les groupes algébriques (linéaires), qui définissent l'algèbre de Lie du groupe algébrique avant de prendre les points sur un anneau ou corps fini. Un point de vue habituel pour un groupe algébrique $G$ (par exemple $\mathrm{SO}_3$) défini sur un corps $k$ (par exemple $\R$) consiste à regarder les points sur $k[\epsilon]$.

    Référence : A. Borel part de ce point de vue pour définir l'algèbre de Lie dans Linear Algebraic Groups. D'autres références : T. A. Springer, même titre ; plus fonctoriel : J. C. Jantzen, Representations of algebraic groups ; plus terre à terre : M. Geck, An Introduction to Algebraic Geometry and Algebraic Groups.

    En tout cas, pour pouvoir parler de $G(k[\epsilon])$, il faut bien plus qu'un groupe fini $G$. Qu'est-ce que ça pourrait être pour $G=\mathfrak{S}_4$ ?

    Dans un genre un peu différent, il y a « l'algèbre de Lie du groupe des tresses », cf. par exemple cet exposé de Pierre Cartier (p. 33). Un peu étonnant car il s'agit d'associer un objet infinitésimal (l'algèbre de Lie) à un objet discret (le groupe des tresses).
  • @MathCoss: oui mon titre est un peu mensonger :-D mais ça permet en particulier de faire fonctionner la chose pour des groupes finis...
    Merci pour les références !
  • @Maxtimax : Ben tu connais le Mneimné-Testard ? Je voulais bricoler un truc à partir de la proposition-définition 3.4.2 p.65. En effet, pour donner un slogan, j'ai l'impression que "le crochet se voit au deuxième ordre" et c'est pour ça que je voulais garder les carrés, mais quand même tuer les puissances supérieures à $3$. Malheureusement, rien de ce que j'ai essayé n'a marché pour l'instant. Je continue mes recherches.
  • @Math coss : en mode rigolo de service : " je pensais que $\mathfrak{S}_4$ était isomorphe à $\text{PGL}_2(\mathbb{F}_3)$ "
  • Tiens, un « $1$ » a sauté à l'impression : je voulais dire $\mathfrak{S}_{41}$.
  • Les quaternions duaux, c'est $\mathbb H[\epsilon]$ (avec $\epsilon$ qui commute aux quaternions et $\epsilon^2=0$, bien sûr). Le groupe des quaternions duaux unitaires est un revêtement double du groupe des déplacements (comme pour les quaternions unitaires et les rotations). Ceci fournit une paramétrisation du groupe des déplacements par les paramètres de Study qui sont les points de la quadrique $x_0y_0+x_1y_1+x_2y_2+x_3y_3=0$ de $\mathbb P^7$ (sauf les points tels que $x_0^2+x_1^2+x_2^2+x_3^2=0$).
  • Bon, pour trouver ce fameux crochet, voici où j'en suis :

    1) Si $G$ est un sous-groupe de Lie de $GL_n(\mathbb{R})$, alors $\{M \in M_n(\mathbb{R}) \ \vert \ \forall t \in \mathbb{R}\quad exp(tM) \in G\}$ s'identifie de manière naturelle à l'espace tangent à $G$ en l'identité, et le crochet est bien le truc habituel. Voir par exemple Mneimné-Testard.

    2) J'ai voulu mimer ça dans un cadre algébrique. D'ailleurs, c'est déjà ce que tu fais : $I_n + \epsilon M$ est déjà le développement de Taylor à l'ordre $1$ de $exp(\epsilon M)$.

    Je propose donc de poser $\mathfrak{g}_{P,n}(R) := \{M \in M_n(R) \ \vert \sum^n_{k = 0} \frac{\epsilon^k M^k}{k!} \in G_P(R[\epsilon_n])$ où $\epsilon$ est la classe de $W$ dans $R[W]/(W^{n+1})$. On pose, en outre, $exp_n(M) := \sum^n_{k = 0} \frac{\epsilon^k M^k}{k!}$.
    Ici, $\mathfrak{g}_{P,1}(R)$ est précisément ton $\mathfrak{g}_R$.
    Le calcul donne : $exp(\epsilon_2 M)exp(\epsilon_2 N)exp(-\epsilon_2M)exp(-\epsilon_2 N) = I_n + \epsilon^2_2 (MN - NM)$. En particulier, vu que $G_P(R[\epsilon_2])$ est un groupe, on a que $I_n + \epsilon^2_2 (MN - NM) \in G_P(R[\epsilon_2])$. D'ailleurs, il me semble que $P(I_n + \epsilon^2_2(MN - NM)) = P(I_n) + \epsilon^2_2p_1(MN - NM) \in R[\epsilon_2]$ avec le même $p_1(MN - NM)$ que dans $P(I_n + \epsilon_1 (MN - NM)) = P(I_n) + \epsilon_1p_1(MN - NM)$ (parce qu'à mon avis, $R[\epsilon_1]$ et $R[\epsilon^2_2]$ sont isomorphes, via l'unique morphisme envoyant $\epsilon_1$ sur $\epsilon^2_2$.).
    Ceci démontre que si $M$ et $N$ sont dans $\mathfrak{g}_{P,2}$, alors $MN - NM \in \mathfrak{g}_{P,1}$. Je pensais qu'il serait facile de démontrer que tous les $\mathfrak{g}_{P,n}$ sont égaux, mais pour l'instant, il n'y a que l'inclusion décroissante (i.e. $\mathfrak{g}_{P,n+1} \subset \mathfrak{g}_{P,n}$) qui me semble claire.
  • Ah d'accord je vois ce que tu veux dire; pas bête du tout ! Je vais y réfléchir
  • Bon j'ai trouvé une référence, Introduction to Affine Group Schemes, de Waterhouse, dont le chapitre 12 parle un peu de tout ceci, mais parle aussi de dérivations ! J'ai lu le chapitre en diagonale, et je n'ai pas l'impression d'y avoir trouvé mon bonheur.
  • Visiblement la bonne manière de faire est de considérer deux infinitésimaux: on regarde $k[X,Y]/(X^2,Y^2) = k[\epsilon_1,\epsilon_2]$.

    Alors pour $A=M+\epsilon_1N \in G_P(k[\epsilon_1]), B=L+\epsilon_2 K\in G_P(k[\epsilon_2])$, le crochet $[N,K]$ correspondra au terme en $\epsilon_1\epsilon_2$ du commutateur $[A,B]= ABA^{-1}B^{-1}$. Il faut donc réussir à montrer que ces termes en $\epsilon_1\epsilon_2$ sont bien dans $\mathfrak{g}_P$...
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